tag:blogger.com,1999:blog-9012111287997562352024-03-13T17:26:59.299+01:00Oeuvre de René Guénontagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.comBlogger114125tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-12089533110037661702022-12-18T23:09:00.002+01:002022-12-18T23:11:12.450+01:00Site de consultation de l’Œuvre : point d'avancement – recueils posthumesSur le <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.org/" target="_blank">site de consultation</a>, les articles et comptes rendus sont maintenant en ligne (avec les livres, cela correspond à l’ensemble des travaux en français signés René Guénon).<br /><br />
Le plan d’ensemble est encore à l’essai. Seule la version web est pour l’instant en ligne, les pdfs le seront lorsque ce plan sera figé.<br /><br />
Depuis longtemps déjà, le besoin se faisait sentir d’abandonner les anciens recueils, élaborés sans cohérence générale par des personnes avec des visions différentes, parfois même rivales, sans même parler des mélanges de signatures, des articles manquants ou des nombreuses erreurs de forme (cf. <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/p/blog-page.html">erratas</a>). Un premier réagencement avait été proposé <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/search/label/Nouveaux%20recueils%20posthumes%202012">ici</a> en 2012.<br /><br />
De même que pour les livres, la vérification de l’exactitude des textes a été faite progressivement, à partir des publications originales (la grande majorité vient du <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/search/label/Corrections%20%C3%A0%20partir%20des%20originaux%20des%20ET%2FVI"><i>Voile d'Isis</i> / <i>Études Traditionnelles</i></a>).<br />
<br />
<br />
<h2 style="text-align: left;">Comptes rendus</h2>
<br />
Les comptes rendus de livres et de revues font chacun l’objet d’un recueil, classé par revue et par ordre chronologique, ce qui se justifie par leur lien plus étroit avec l’actualité du moment.<br /><br />
(Pour ces comptes rendus, l'agencement est globalement le même que celui de 2012.)<br />
<br />
<br />
<h2 style="text-align: left;">Articles</h2>
<br />
Concernant les articles qui n’ont pas été repris en livres, rappelons ces indications données par Guénon :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">« Il y aurait seulement la difficulté de savoir de quelle façon les arranger pour en former des ensembles aussi cohérents que possible, ce qu’actuellement je serais bien incapable de dire moi-même... Si jamais je pouvais arriver à préparer quelque chose, ce dont je doute malheureusement de plus en plus, je préférerais arranger avant tout un ou deux recueils d’articles sur le symbolisme, et peut-être aussi une suite aux <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, car il me semble qu’il y aura bientôt assez d’autres articles touchant à ce sujet pour pouvoir former un deuxième volume. »</div>
Correspondance à Marcel Clavelle, 30 août ou 24 septembre 1950 (cité dans l'avant-propos d'<i>Initiation et Réalisation Spirituelle</i>).<br /><br />
<div style="background-color: #fff2cc;">« J’ai souvent pensé à utiliser encore certains de mes articles comme je l’ai fait dans les « Aperçus » (il en reste sûrement encore, notamment sur le symbolisme, de quoi faire au moins 2 ou 3 volumes), mais je ne peux pas me résigner à les rassembler tels quels, sans les arranger de façon à ce que cela forme un livre suivi, ce qui demanderait forcément encore un temps assez considérable. »</div>
Correspondance à Louis Caudron, 13 novembre 1950.<br /><br />
<ul><li>Suivant ces indications, il y a un premier recueil, nommé simplement <i>Symbolisme</i>.</li></ul>
<ul><li>Un deuxième recueil regroupe des articles classés par formes traditionnelles, commençant par des notions sur les cycles, puis balayant de l’Occident à l’Extrême-Orient.</li></ul>
<ul><li>Un troisième recueil rassemble les différentes annexes aux livres (y compris aux <i>Aperçus sur l'Initiation</i>), ainsi que des versions alternatives, et enfin des travaux divers n’ayant pas leur place dans les catégories précédentes.</li></ul>
(L’agencement est assez différent de celui du recueil d’articles de 2012.)<br /><br /><br />
Le plan adopté a une cohérence d’ensemble. Il est vrai qu’il y en a de nombreux autres possibles, et qu’aucun n’est idéal. Pour s’en faire un avis, le mieux est de le pratiquer.<br />
<br />
<br />
<br />
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-29374876433581021732022-11-01T01:46:00.001+01:002022-11-01T01:46:01.136+01:00Site de consultation de l’Œuvre : point d'avancement<p>Sur le <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.org/" target="_blank">site de consultation</a>, tous les livres de René Guénon sont désormais disponibles, en version web et en pdf.</p>
<p>Pour chacun de ces livres, un <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2013/12/errata-des-livres.html" target="_blank">errata</a> indique les corrections apportées aux versions papier antérieures.</p>
<p>L'option caractères natifs évoquée <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2022/01/luvre-de-rene-guenon-sur-differents.html" target="_blank">précédemment</a>, qui était déjà disponible pour l’<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, l’est également pour <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i> et <i>La Grande Triade</i>.</p>
<p>À part des améliorations de forme, il a été décidé de garder les livres tels quels, tels que Guénon les avait validés de son vivant. C'est pourquoi le choix a été fait de ne pas leur joindre d’annexes. Les travaux de Guénon pouvant constituer de telles annexes seront regroupés dans un volume dédié.</p>
<p>Le principal du travail restant à faire porte désormais sur les recueils posthumes.</p>
<br />
<br />
<br />
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-27837173628482169962022-10-31T23:54:00.001+01:002022-11-22T13:19:14.967+01:00Errata des livres<div style="text-align: justify;">
20/12/2013 : Des <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/p/blog-page.html">errata</a> de certaines versions des livres papier vont également être mis en ligne progressivement. Pour commencer, l'<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/09/rene-guenon-1921-introduction-generale.html">Introduction générale</a>.<br />
<br />
Mise à jour :<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/03/rene-guenon-1924-orient-et-occident.html">Orient et Occident</a> (03/06/2014).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/03/rene-guenon-1932-les-etats-multiples-de.html" target="_blank">Les États multiples de l'être</a> (24/01/2015).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/03/rene-guenon-1925-lhomme-et-son-devenir.html">L'Homme et son devenir selon le Vêdânta</a> (01/09/2017).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/03/rene-guenon-1946-apercus-sur.html" target="_blank">Aperçus sur l'Initiation</a> (30/04/2017 - 31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/03/rene-guenon-1921-le-theosophisme.html" target="_blank">Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/03/rene-guenon-1923-lerreur-spirite.html" target="_blank">L'Erreur Spirite</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/09/rene-guenon-1925-la-metaphysique.html" target="_blank">La Métaphysique orientale)</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/03/rene-guenon-1925-lesoterisme-de-dante.html" target="_blank">L'Ésotérisme de Dante</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/09/rene-guenon-1929-saint-bernard.html" target="_blank">Saint Bernard</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/09/rene-guenon-1927-la-crise-du-monde.html">La Crise du Monde moderne</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/09/rene-guenon-1927-le-roi-du-monde.html">Le Roi du Monde</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/03/rene-guenon-1929-autorite-spirituelle.html">Autorité spirituelle et pouvoir temporel</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/03/rene-guenon-1931-le-symbolisme-de-la.html">Le Symbolisme de la Croix</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/09/rene-guenon-1945-le-regne-de-la.html">Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/09/rene-guenon-1946-les-principes-du.html">Les Principes du Calcul infinitésimal</a> (31/10/2022).<br />
- <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/08/rene-guenon-19496-la-grande-triade.html" target="_blank">La Grande Triade</a> (31/10/2022).</div>
<div style="text-align: justify;"> </div>
<div style="text-align: justify;"> </div>tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com16tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-52333978255376064582022-01-02T19:41:00.004+01:002023-05-21T18:08:47.406+02:00L’Œuvre de René Guénon sur différents supports<p>L’Œuvre de René Guénon est enfin dans le domaine public en France.</p>
<p>C’est une bonne nouvelle, étant donnés tous les problèmes auxquels elle a toujours fait face, que ce soit au niveau de la qualité éditoriale ou même du simple accès. Certains s’inquiètent, avec raison, de la prolifération des différentes versions, ce qui rend difficile leur évaluation au niveau de la forme, et qui multiplie également les risques d'instrumentalisation de l’œuvre. Mais cette nouvelle liberté permet aussi de présenter la meilleure œuvre possible, avec le plus de transparence possible, en gardant comme souci premier le respect des volontés de René Guénon. Ce sont les préoccupations qui ont guidé notre travail au cours de cette dernière décennie, et c’est ce que nous allons tenter de poursuivre.</p>
<br />
<h2 style="text-align: left;">Nouveau site : pdfs et version web</h2>
<p>À cette occasion, un nouveau site a été créé, afin de pouvoir consulter l’œuvre, en pdf (et ainsi pouvoir la sauvegarder hors ligne), mais aussi en version web, que ce soit sur grand écran ou sur smartphone.</p>
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.org/" target="_blank">
<img height="150" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/a/AVvXsEg8RGnzxeuDqqYqdJBxV8MSKhIOt3tUAa0yyV8-dHmy5t7tz2Ei_oguSgLpaJBO4OzquYGbr8jA9O_FYtE5xkQv9W6qaHA9hx0-k41NeToSaU14HauBmH4Q2V8MBW7FnXndCCPSdnI5j3Anr-22wt7tz3T77m0mKuZzYn0pdFxDuyNtUM5U0gPy-vmwlg" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" width="150" />
</a>
<div style="text-align: center;"><a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.org/">https://oeuvre-de-rene-guenon.org/</a></div>
<p>Ce site va être complété progressivement. L’<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i> y est le premier livre de René Guénon disponible, les autres vont suivre.</p>
<p>Il y a différentes options d’affichage. L’une d'elles permet notamment d’afficher les mots sanskrits, arabes, etc., en caractères natifs. Que l’option soit activée ou non, cliquer sur le mot permet d’accéder à l'autre version, caractères latins ou natifs selon la situation. Cette option est disponible pour l’<i>Introduction générale</i>, elle ne sera pas forcément présente pour tous les livres.</p><p>La page recherche est expérimentale, il est bien sûr possible de faire des recherches simples de mots-clés, mais aussi des requêtes plus élaborées, avec des ET, des NON, mots incomplets, etc.</p>
<br />
<h2 style="text-align: left;">Éditions papier</h2>
<p>Enfin, des versions papier vont aussi être mises à disposition.</p>
<p>Leur mise en page sera pratiquement la même que les pdfs, à un détail près : dans les livres papier, les mots pourront être coupés en fin de ligne, afin d’homogénéiser la densité du texte et faciliter la lecture, tandis que dans les pdfs, les mots resteront complets, pour ne pas gêner les éventuelles recherches par mots-clés.</p>
<br />
<br />
<br />
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-28508515318219784062021-01-04T17:36:00.005+01:002022-11-01T10:48:43.407+01:00La question du Bouddhisme (4)<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<span style="color: #cccccc;">
<h2>
Introduction</h2>
<h2>
1) Un récit mensonger</h2>
<h3>
1-a) Les événements racontés par Marco Pallis<br />
1-b) Mentions de Pallis par Guénon<br />
1-c) Cheminement public de Coomaraswamy, relayé au fur et à mesure par Guénon<br /></h3>
<h4>
1-c-i) Symboles du Bouddhisme<br />
1-c-ii) Correction des travaux de Mrs. Rhys Davids</h4>
<h2>
2) L’hostilité d’un groupuscule sectaire</h2>
<h3>
2-a) Préciosité<br />
2-b) L’influence de Schuon<br />
2-c) Des demandes de modifications qui virent au harcèlement<br />
2-d) Une nette hostilité envers Guénon<br />
2-e) Une hostilité aussi dirigée contre Coomaraswamy<br />
</h3>
<h2>
3) Des nuances nécessaires</h2>
<h3>
3-a) Indifférence à la vérité<br />
3-b) De quoi parle-t-on exactement ?<br />
3-c) Nécessité de faire des distinctions<br />
</h3>
<h4>
3-c-i) Le <i>Vajrayâna</i><br />
3-c-ii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
3-c-iii) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h3>
3-d) Sujet réel de la rectification : le Bouddhisme originel<br />
3-e) La position de Shankarâchârya<br />
</h3>
</span>
<h2>
4) Dans les textes bouddhistes</h2>
<h3>
4-a) À propos des deux chapitres supprimés de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i><br />
4-b) Les <i>Mâdhyamikas</i> et <i>sarva-shûnya</i><br />
4-c) Les 5 éléments, le vide et l’atomisme<br />
</h3>
<h4>
4-c-i) <i>Âkâsha</i> et l’espace<br />
4-c-ii) Dans le canon pali<br />
4-c-iii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
4-c-iv) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h2>Conclusion</h2>
</div>
<br />
<br />
<br />
Partie précédente :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-3.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-3.html</a><br />
<br />
<h2>
4) Dans les textes bouddhistes</h2>
<br />
<h3>
4) a) À propos des deux chapitres supprimés de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i></h3>
<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Guénon a demandé que les deux chapitres offensants soient supprimés, promettant aussi de les remplacer par d’autres composés sur des lignes différentes.</div>
Marco Pallis, <i>A Fateful Meeting of Minds: A. K. Coomaraswamy and R. Guénon</i> (dans <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 12, No. 3 & 4. Summer-Autumn 1978).<br />
<a href="http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
D’après ce que raconte Pallis, les deux chapitres de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i> ne devaient donc pas être définitivement supprimés, mais corrigés. Il est sûr que tout ce qu’il y a dans ces chapitres n’est pas à jeter, par exemple c’est le seul endroit dans l’œuvre où sont listées les 5 conditions de l’existence corporelle.<br />
<br />
On peut se demander quelle est la part de ce qui y demeure exact. Examinons quelques éléments.<br />
<br />
<ul><li>Le lien entre les fondations respectives du Bouddhisme et du Jaïnisme était mentionné dans la première version de l’<i>Introduction générale</i>, ce passage en a ensuite été retiré.</li></ul>
<br />
<ul><li>Pour les 5 <i>skandhas</i>, cela semble bien s’appliquer à tous les Bouddhistes.</li></ul>
<br />
De nombreuses choses attribuées à tous les Bouddhistes dans ces chapitres sont encore bien attribuables à « certaines écoles bouddhistes », notamment la négation de l’<i>âtmâ</i> en tant que Soi, et tout ce qui en découle :<br />
<ul><li>la croyance que l’être est uniquement individuel,</li></ul>
<ul><li>le fait d’assimiler <i>jîvâtmâ</i> à <i>chitta</i>,</li></ul>
<ul><li>de soutenir la dissolubilité de toutes choses (<i>pûrna-vainâshika</i> ou <i>sarva-vainâshika</i>),</li></ul>
<ul><li>de désigner <i>avidyâ</i> comme cause de l’existence individuelle (en l’absence de principe transcendant),</li></ul>
<ul><li>de croire les êtres créés par deux principes, l’essence et la substance, mais non par un principe unique,</li></ul>
<ul><li>et même de concevoir faussement la causalité comme temporelle.</li></ul>
<br />
Dans la suite nous allons considérer ce que contient ce passage :<br />
((1))<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
les Bouddhistes n’admettent que quatre éléments (1), ne reconnaissant pas l’Éther (<i>Âkâsha</i>) comme un cinquième élément (ou plutôt comme le premier de tous), ni même comme une substance quelconque (2), car cet Éther, pour eux, serait « non-substantiel », comme appartenant à la catégorie informelle (<i>nirûpa</i>), qui ne peut être caractérisée que par des attributions purement négatives ; cela n’est pas soutenable non plus, puisque l’Éther, pour correspondre à un état primordial dans son ordre, n’en est pas moins le point de départ de la formation du monde corporel, et que celui-ci appartient tout entier au domaine de la manifestation formelle, dont il n’est même qu’une portion très restreinte et très déterminée. Quoi qu’il en soit, cette négation de la « substantialité » de l’Éther est le fondement de la théorie du « vide universel » (<i>sarva-shûnya</i>), qui a été développée surtout par l’école <i>Mâdhyamika</i> ; du reste, la conception du vide est toujours solidaire de l’atomisme, parce qu’elle lui est nécessaire pour rendre compte de la possibilité du mouvement (3).<br />
---<br />
1 – Il est au moins curieux de noter qu’un bon nombre de philosophes grecs n’ont considéré aussi que quatre éléments, et qui sont précisément les mêmes que ceux des Bouddhistes.<br />
2 – Nous prenons ici ce mot de « substance » dans le sens relatif qu’il a le plus ordinairement ; c’est alors l’équivalent du sanskrit <i>dravya</i>.<br />
3 – Entendue dans son vrai sens, la conception du vide correspond à une possibilité de non-manifestation ; l’erreur consiste ici à la transporter dans l’ordre de la manifestation, où elle ne représente qu’une impossibilité.</div>
<i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i>, chapitre supprimé sur le Bouddhisme.<br />
<br />
Intéressons-nous d’abord à ce qui concerne les <i>Mâdhyamikas</i>.<br />
<br />
<br />
<h3>
4) b) Les <i>Mâdhyamikas</i> et <i>sarva-shûnya</i></h3>
<br />
Les Védantins distinguent les Bouddhistes en <i>Mâdhyamikas</i> (<i>shûnyavâdin</i>), <i>Yogâchâras</i> (<i>vijñânavâdin</i>), <i>Vaibhâshikas</i> (<i>sarvâstivâdin</i>), et <i>Sautrântikas</i> (<i>vijñânavâdin</i>). Les deux premiers sont du <i>Mahâyâna</i>, les deux derniers du <i>Hînayâna</i>. Les <i>sarvâstivâdin</i> étant réalistes, admettant la réalité des idées et du monde extérieur ; les <i>vijñânavâdin</i> étant idéalistes, n’admettant que la réalité des idées ; les <i>shûnyavâdin</i> étant nihilistes, considérant que rien n’est réel.<br />
<a href="https://www.swami-krishnananda.org/bs_0/Brahma.Sutra.2.2.html">https://www.swami-krishnananda.org/bs_0/Brahma.Sutra.2.2.html</a><br />
<br />
Les informations de cet extrait :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
la théorie du « vide universel » (<i>sarva-shûnya</i>), qui a été développée surtout par l’école <i>Mâdhyamika</i></div>
<br />
correspondent au point de vue de l’école de Shankarâchârya, qui considère que pour les <i>Mâdhyamikas</i> rien n’est réel (tout est vide/néant = <i>sarva shûnya</i>), et qui les désigne comme nihilistes.<br />
<br />
Or ceux-ci ont une doctrine des « deux vérités » (<i>satyadvaya</i>), admettant non seulement une vérité relative (associée au domaine de l’impermanence), mais aussi une vérité absolue. Et cela va contre la croyance que rien ne serait réel, ou même que seules les idées seraient réelles.<br />
<br />
Donc cela ne correspond pas aux écrits des <i>Mâdhyamikas</i>. Il reste vrai que les <i>Mâdhyamikas </i>ont développé la <i>shûnya vâda</i>. Guénon dira plus tard à ce sujet :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je pense tout à fait comme vous pour le « <i>Shûnya</i> » et, d’une façon plus générale, la doctrine mahâyâniste est réellement traditionnelle sur beaucoup de points où elle apparaît en somme comme beaucoup plus shivaïte que bouddhique au sens ordinaire de ce mot.</div>
René Guénon au docteur Duby, 26 septembre 1936.<br />
<br />De manière générale, il est possible qu’il y ait des malentendus à propos des théories bouddhistes, de la part de membres d’autres traditions, ou même de certains Bouddhistes. Certaines de celles de Nagarjuna par exemple (le fondateur des <i>Mâdhyamikas</i>), violent la logique, elles peuvent être prises pour des doctrines fausses, alors qu’elles sont probablement plutôt des méthodes pour aller au-delà du mental (dans le Bouddhisme, l’accent est plus mis sur la méthode que sur la doctrine).<br />
<br />
D’autre part, il est tout à fait possible que les Bouddhistes contemporains de Shankarâchârya aient réellement eu les croyances qu’il leur prêtait et ne soient pas eux-mêmes cohérents avec les écrits de leurs écoles respectives.<br />
<br />
Enfin, ce jugement sur les <i>Mâdhyamikas</i> peut aussi avoir été motivé par ce que nous suggérions à la partie 3-e.<br />
<br />
<br />
<h3>
4) c) Les 5 éléments, le vide et l’atomisme</h3>
<br />
Revenons à l’extrait ((1)) plus haut. Si l’on met de côté l’assertion sur les <i>Mâdhyamikas</i>, est-ce que ce qui y est évoqué, concernant notamment les 4 éléments, le vide, l’atomisme, est encore vrai en se restreignant à certaines écoles ?<br />
<br />
Cela revient pratiquement à considérer le passage suivant, de la dernière édition de l’<i>Introduction générale</i> :<br />
((2)) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour en revenir à l’Inde, l’atomisme ne se présenta tout d’abord que comme une théorie cosmologique spéciale, dont la portée, comme telle, était assez limitée ; mais, pour ceux qui admettaient cette théorie, l’hétérodoxie sur ce point particulier devait logiquement entraîner l’hétérodoxie sur beaucoup d’autres points, car tout se tient étroitement dans la doctrine traditionnelle. Ainsi, la conception des atomes comme éléments constitutifs des choses a pour corollaire celle du vide dans lequel ces atomes doivent se mouvoir ; de là devait sortir tôt ou tard une théorie du « vide universel », entendu non point dans un sens métaphysique se rapportant au « non-manifesté », mais au contraire dans un sens physique ou cosmologique, et c’est ce qui eut lieu en effet avec certaines écoles bouddhiques qui, identifiant ce vide avec l’<i>âkâsha</i> ou éther, furent naturellement amenées par là à nier l’existence de celui-ci comme élément corporel, et à n’admettre plus que quatre éléments au lieu de cinq.</div>
<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, dernière édition (1952), 3<sup>e</sup> partie, ch. III.<br />
<br />
<br />
<h4>
4) c) i) <i>Âkâsha</i> et l’espace</h4>
<br />
Un point de terminologie concernant <i>âkâsha</i>.<br />
<br />
Coomaraswamy a écrit en 1934 <i>Kha and other words denoting « zero »</i> (<i>Bulletin of the School of Oriental Studies</i>, University of London, Vol. 7, No. 3 (1934), pp. 487-497) :<br />
<a href="https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.70631/page/n511/mode/2up">https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.70631/page/n511/mode/2up</a><br />
<br />
On retrouve ce sujet dans les correspondances entre Coomaraswamy et Guénon :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour ce que vous dites concernant « <i>kha</i> » et « <i>shûnya</i> », je suis entièrement d’accord avec vous ; je me demande seulement s’il est possible de considérer l’espace en lui-même comme une « substance », car il ne représente en somme qu’un « contenant » (ce que montre d’ailleurs l’homogénéité même ou l’« indiscernabilité » de toutes ses parties) ; je pense qu’au fond, comme le temps, il est plutôt une condition d’existence. Naturellement, toutes ces questions seront à reprendre plus complètement si j’arrive à faire le travail que je projette depuis longtemps déjà sur les conditions de l’existence corporelle.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 6 novembre 1935.<br />
<br />
Ce que dit Guénon sur l’espace est sans doute lié à cela :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
En l’absence du texte, nous ne pouvons naturellement vérifier l’exactitude de la traduction dans le détail ; nous pouvons tout au moins relever une erreur en ce qui concerne <i>âkâsha</i> qui est en réalité l’« éther », et non point l’« espace » (en sanscrit <i>dish</i>)</div>
<i>Voile d’Isis</i>, mai 1935, comptes rendus de livres, Hari Prasad Shastri. – <i>The Avadhut Gita : translation and introduction</i>.<br />
<br />
Peut-être que éther peut être légitimement traduit par « espace », non comme condition d’existence mais pour désigner un lieu. Coomaraswamy cite d’ailleurs en note :<br />
<a href="https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.70631/page/n517/mode/2up">https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.70631/page/n517/mode/2up</a><br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
« Transzendenter Raum der Ewigkeit ist der Akasa »</div>
« <i>Âkâsha</i> est un espace transcendant d’éternité. » (<i>raum</i> veut dire espace à occuper, comme <i>room</i> en anglais)<br />
<br />
<br />
<h4>
4) c) ii) Dans le canon pali</h4>
<br />
Coomaraswamy considère que le canon pali est orthodoxe, concernant les éléments :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Une autre illustration remarquable de l’« orthodoxie » bouddhiste se trouve en rapport avec la doctrine des « éléments » ou « substances ». On considère généralement que les Hindous reconnaissent cinq éléments, les Bouddhistes seulement quatre. Nous trouvons par exemple, que le corps est <i>catummahâbhûtika</i>, littéralement « constitué de quatre grands éléments » (S. II. 94). Mais dans un texte plus complet, S. II. 206-207, les quatre grands éléments, désignés comme tels, sont la terre, l’eau, le feu, l’air, listés dans le bon ordre, et on dit que chacun d’eux est réduit à son principe homonyme à la mort. Dans la même lancée le texte continue en disant que les « pouvoirs-des-sens » (<i>indriyâni</i>) ont tous recours à l’éther (<i>âkâsha</i>). C’est donc une question de terminologie ; l’éther est essentiel à l’être d’un homme, mais en tant qu’entité d’un ordre plus élevé que celui des quatre, on ne parle pas d’un cinquième « élément » bien qu’il se trouve à la cinquième place. Cet « éther », en effet, n’est pas un « espace », mais un « vide », et pour cette raison, dans les Upanishads, <i>âkâsha</i> est souvent représenté par <i>kha</i> ; c’est une première détermination de l’<i>âtman</i>, procédant à la manifestation en tant que <i>prâna</i> (« souffle »). Les <i>indriyâni</i> sont parfois décrites dans les Upanishads comme des souffles (<i>prânâh</i>), qui sont pour ainsi dire les antennes de l’esprit étendues depuis notre intérieur jusqu’aux objets de cognition, et qui sont donc bien sûr réduites (ramenées) à leur principe à la mort. La doctrine bouddhiste est donc si orthodoxe que, à part la restriction du nom d’élément aux quatre facteurs les plus manifestement physiques de notre constitution, le texte pourrait avoir été emprunté directement d’une Upanishad. Il se pourrait que ce soit juste de la même manière que la plupart des Grecs n’ont reconnu que quatre éléments, ne reconnaissant pas toujours <i>aithêr</i> comme cinquième.</div>
<i>New Indian Antiquary</i>, décembre 1939, <i>The Reinterpretation of Buddhism</i>, p. 579, note 1 :<br />
<a href="https://archive.org/details/newindianantiquaryvol219391940_708_E/page/n605/mode/2up">https://archive.org/details/newindianantiquaryvol219391940_708_E/page/n605/mode/2up</a><br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à la question du nombre des éléments, votre interprétation la ramènerait en somme, comme vous le dites, à une affaire de terminologie ; seulement, je me demande si elle serait valable pour toutes les écoles, car certaines d’entre elles semblent bien faire âkâsha = shûnya.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 11 novembre 1938.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je vous remercie aussi de vos explications au sujet d’« âkâsha » chez les Bouddhistes ; l’équivalence « âkâsha » = « chaos » est en effet correcte, puisqu’il est l’élément premier indifférencié ; ce « chaos », bien entendu, n’est d’ailleurs pas le « vide » au sens métaphysique ; on peut seulement le dire « vide » en un certain sens relatif comme l’expression hébraïque תהוּ ובהוּ de la Genèse est rendue dans la Vulgate par « inanis et <i>vacua</i> ».</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 17 décembre 1938.<br />
<br />
Que peut-on lire dans le canon pali ?<br />
<br />
On peut le consulter à divers endroits, par exemple ici :<br />
<a href="https://suttacentral.net">https://suttacentral.net</a><br />
<h5>
Nombre d’éléments</h5>
Dans le <a href="https://suttacentral.net/mn28/pli/ms"><i>Majjhima Nikāya</i>, 28</a>, on lit que les quatre <i>mahābhūtas</i> ou grands éléments sont la terre, l’eau, le feu et l’air (<i>pathavīdhātu</i>, <i>āpodhātu</i>, <i>tejodhātu</i>, <i>vāyodhātu</i>).<br />
<br />
Cependant, on trouve aussi dans ce texte des passages où <i>ākāsa</i> est le 5<sup>e</sup> élément, pas en tant que <i>mahābhūta</i>, mais en tant que <i>dhātu</i>, que ce soit dans une liste de 5 éléments (<a href="https://suttacentral.net/mn62/pli/ms">MN, 62</a>) ou de 6 éléments, avec dans ce cas <i>viññāṇa</i> (<i>vijñāna</i>, connaissance distinctive) comme 6<sup>e</sup> élément (MN, <a href="https://suttacentral.net/mn112/pli/ms">112</a>, <a href="https://suttacentral.net/mn140/pli/ms">140</a>).
<br />
<h5>
Substantialité de l’éther</h5>
Dans le <a href="https://suttacentral.net/sn12.2/pli/ms"><i>Saṃyutta Nikāya</i>, 12.2</a>, <i>rūpa</i> (ici <i>rūpa</i> substance, en opposition à <i>nāma</i> essence) est décrite comme constituée des 4 grands éléments (<i>mahābhūta</i>) et des formes qui en sont dérivées (<i>upādā</i>).<br />
<br />
Dans le <a href="https://suttacentral.net/ds2.2.3/pli/ms"><i>Dhammasaṅgaṇī</i>, 2.2.3</a>, <i>ākāsadhātu</i> est listé parmi les formes dérivées des quatre grands éléments.<br />
<br />
<i>Ākāsa</i> est aussi mentionné pour décrire une réalité supérieure, <i>Ākāsānañcāyatana</i> (sphère de l’éther illimité), qui est mise en œuvre dans la méthode de contemplation sur le vide (<i>suññatāvihārena</i>) décrite ici (<a href="https://suttacentral.net/mn121/pli/ms"><i>Majjhima Nikāya</i>, 121</a>). C’est le premier des degrés de contemplation hors de la forme (<i>arūpa jhāna</i>) (<a href="https://suttacentral.net/ds2.1.3/pli/ms"><i>Dhammasaṅgaṇī</i>, 2.1.3</a>).<br />
<h5>
Autres caractéristiques</h5>
Dans différents passages, par exemple <a href="https://suttacentral.net/ds2.2.3/pli/ms"><i>Dhammasaṅgaṇī</i>, 2.2.3</a>, l’élément éther est décrit comme <i><a href="https://dsalsrv04.uchicago.edu/cgi-bin/app/pali_query.py?qs=%C4%80k%C4%81sa&searchhws=yes">ākāsa</a></i>, <i><a href="https://dsalsrv04.uchicago.edu/cgi-bin/app/pali_query.py?qs=Agha&searchhws=yes">agha</a></i> et <i><a href="https://dsalsrv04.uchicago.edu/cgi-bin/app/pali_query.py?qs=Vivara&searchhws=yes">vivara</a></i>. <i>Ākāsa</i> et <i>agha</i> peuvent tous les deux avoir le sens de ciel, d’atmosphère, d’autre part ils peuvent aussi respectivement signifier lumière et obscurité. <i>Vivara</i> signifie ouverture, interstice. L’éther est dit ne pas être en contact avec les quatre grands éléments (<i>asamphuṭṭhaṃ catūhi mahābhūtehi</i>).<br />
<br />
Dans le MN, 62 et 140, l’élément éther est décrit comme étant à la fois interne et externe. On en trouve une description similaire, un peu plus complète, dans le <a href="https://suttacentral.net/vb3/pli/ms"><i>Vibhaṅga</i>, 3</a>.<br />
<br />
L’élément éther interne est décrit comme constituant les cavités à l’intérieur du corps, comme les canaux des oreilles, les narines, la bouche, le lieu par où la nourriture est avalée, où elle est conservée et par où elle est excrétée des régions basses.<br />
<br />
Il est décrit comme n’étant pas en contact avec la chair ni le sang, mais c’est juste un cas particulier de ce qui en est dit pour les quatre grands éléments. En effet le corps (<i>kāya</i>) est dit être constitué des quatre grands éléments (<i>cātumahābhūtika</i>) (cf. <a href="https://suttacentral.net/sn12.61/pli/ms"><i>Saṃyutta Nikāya</i>, 12.61</a>, ou encore <a href="https://suttacentral.net/mn23/pli/ms"><i>Majjhima Nikāya</i>, 23</a>).<br />
<h5>
Pour résumer</h5>
Il y a bien 4 éléments principaux (les <i>mahābhūtas</i>) dès les débuts du Bouddhisme, mais parfois également 5 ou même 6 (les <i>dhātus</i>).<br />
<br />
Tout ce qui est substantiel correspond aux quatre <i>mahābhūtas</i> ou à ce qui en dérive. L’élément éther (<i>ākāsadhātu</i>) est décrit comme une substance secondaire, qui en est dérivée. L’éther (<i>ākāsa</i>) correspond également à une réalité au-delà de la forme (<i>ākāsānañcāyatana</i>). Dans les deux cas il n’est pas la substance du monde corporel.<br />
<br />
En tant que <i>dhātu</i>, il n’est pas présent partout dans le domaine corporel, mais il n’est que dans les espaces libres, non occupés par les corps que constituent les quatre <i>mahābhūtas</i>, et il n’est même pas en contact avec ces derniers.<br />
<br />
Il n’y a pas explicitement de trace d’atomisme dans le canon pali, mais celui-ci ne semble pas pour autant totalement orthodoxe. Notamment il ne considère pas l’éther comme substance du monde corporel, ni comme étant répandu de façon homogène dans tout l’espace. Il semble déjà contenir en germe certaines déviances ultérieures.<br />
<br />
<br />
<h4>
4) c) iii) Le <i>Mahâyâna</i></h4>
<br />
Une partie au moins des écoles du <i>Mahâyâna</i> admet bien l’éther comme 5<sup>e</sup> <i>mahābhūta</i> (corrigeant ainsi ce qui est dit dans le canon pali) :<br />
<br />
Dans le <i>Dharma-Samgraha</i>, ch. 39 (texte attribué à Nagarjuna) :<br />
<a href="https://www.ancient-buddhist-texts.net/Texts-and-Translations/Dharma-Sangraha/Dharmas-021-040.htm">https://www.ancient-buddhist-texts.net/Texts-and-Translations/Dharma-Sangraha/Dharmas-021-040.htm</a><br />
<a href="https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.405151/page/n19/mode/2up">https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.405151/page/n19/mode/2up</a><br />
<div style="background-color: #ead1dc;">
<i>Pañca mahā-bhūtāni</i>, <i>prithvy-āpas-tejo vāyur-ākāśa-ceti</i>.<br />
Il y a cinq grands éléments, terre, eau, feu, air et éther.</div>
<div style="text-align: justify;"><br /></div><br />
Le <i>Mahâyâna</i> n’admet pas l’atomisme :<br />
<ul><li>Nagarjuna, fondateur de l’école <i>Mâdhyamika</i>, rejette l’atomisme dans le <i>Mahâ Prajñâpâramitâ Shâstra</i> :<br />
<a href="https://www.wisdomlib.org/buddhism/book/maha-prajnaparamita-sastra/d/doc225252.html">https://www.wisdomlib.org/buddhism/book/maha-prajnaparamita-sastra/d/doc225252.html</a><br /></li></ul>
<ul><li>Vasubandhu, qui était d’abord <i>Sautrântika</i>, puis qui a fondé l’école <i>Yogachara</i>, le rejette aussi dans la <i>Vimshatikâ-Kârikâ</i> :<br />
<a href="https://archive.org/details/vasubandhuvasubandhuvijnaptimatratasiddhiwithsthiramaticommentarychatterjeek.n._574_w/page/n51/mode/2up">https://archive.org/details/vasubandhuvasubandhuvijnaptimatratasiddhiwithsthiramaticommentarychatterjeek.n._574_w/page/n51/mode/2up</a><br /></li></ul>
<br />
<br />
<h4>
4) c) iv) Le <i>Hînayâna</i></h4>
<br />
On peut trouver l’exposition de théories bouddhistes atomistes dans des textes plus tardifs que le canon pali, par exemple dans l’<i>Abhidharmakosha-bhâshya</i> de Vasubandhu, décrivant des théories <i>vaibhâshikas</i> et <i>sautrântikas</i>. Ici une traduction française :<br />
<a href="https://archive.org/details/labhidharmakosat01vasuuoft">https://archive.org/details/labhidharmakosat01vasuuoft</a><br />
<br />
Le texte est atomiste, il y a à ce sujet des discussions plutôt embrouillées :<br />
<a href="https://archive.org/details/labhidharmakosat01vasuuoft/page/88/mode/2up">https://archive.org/details/labhidharmakosat01vasuuoft/page/88/mode/2up</a><br />
<br />
Ensuite, Vasubandhu rejettera d’ailleurs lui-même l’atomisme (comme dit plus haut).</div><div style="text-align: justify;"><br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il resterait à savoir au juste ce qu’il en est de la conception de « shûnyatâ » dans les différentes écoles bouddhiques</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 17 décembre 1938.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Merci de vos explications au sujet de « shûnyavâda » ; il est bien certain que, avec cette interprétation, il n’y a rien là d’hétérodoxe ; mais est-ce celle de toutes les écoles ? N’y a-t-il pas aussi, dans certains cas, une autre application toute différente, et d’ordre « cosmologique », dans laquelle l’idée de « shûnya » apparaît comme liée à la conception atomiste ?</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 26 février 1939.<br />
<br />
Dans le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Visuddhimagga">Vishuddhimagga</a> (V<sup>e</sup> siècle) par Buddhaghosa, un traité sur l’<i>Abhidhamma</i> (en dehors du canon pali mais considéré comme important dans le <i>Theravada</i>), on trouve une description d’<i>ākāsadhātu</i> :<br />
<a href="http://www.palikanon.com/pali/anna/visuddhi/vis14.htm">http://www.palikanon.com/pali/anna/visuddhi/vis14.htm</a><br />
<a href="http://www.dhammatalks.net/Books12/Bhadantacariya_Buddhaghosa-Path_of_Purification.pdf">http://www.dhammatalks.net/Books12/Bhadantacariya_Buddhaghosa-Path_of_Purification.pdf</a><br />
(p. 450, p. 508 du pdf)<br />
<div style="background-color: #ead1dc;">
442. <i>Rūpaparicchedalakkhaṇā ākāsadhātu</i>, <i>rūpapariyantappakāsanarasā</i>, <i>rūpamariyādāpaccupaṭṭhānā</i>, <i>asamphuṭṭhabhāvacchiddavivarabhāvapaccupaṭṭhānā vā</i>, <i>paricchinnarūpapadaṭṭhānā</i>. <i>Yāya paricchinnesu rūpesu idamito uddhamadho tiriyanti ca hoti</i>.<br />
<br />
63.16. L’élément espace a la caractéristique de délimiter la matière. Sa fonction est d’exposer les limites de la matière. Il est manifesté en tant que confins de la matière ; ou il est manifesté comme ce qui n’est pas touché, en tant qu’état des creux et ouvertures (cf. Dhs §638). Sa cause première est la matière délimitée. Et c’est à cause de cela que l’on peut dire des choses matérielles délimitées que « ceci est au dessus, en dessous, autour, de cela. »</div>
<br />
Cette description est cohérente avec ce que nous avons vu précédemment dans le canon pali. Plus de précisions sont données dans le commentaire de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Narada_Maha_Thera">Narada Maha Thera</a> sur l’<i><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Abhidhammattha-sangaha">Abhidhammattha-sangaha</a></i> :<br />
<a href="http://www.tipitaka.de/roman/tika/abhidhammapitaka%20(tika)/abhidhammatthasangaho/6.%20rupaparicchedo.html">http://www.tipitaka.de/roman/tika/abhidhammapitaka%20(tika)/abhidhammatthasangaho/6.%20rupaparicchedo.html</a><br />
<a href="http://www.palikanon.com/english/sangaha/chapter_6.htm">http://www.palikanon.com/english/sangaha/chapter_6.htm</a><br />
<div style="background-color: #ead1dc;">
(8) <i>ākāsadhātu paricchedarūpam nāma</i>.<br />
<br />
(8) Qualité matérielle limitante, c’est-à-dire l’élément espace (28).<br />
---<br />
28. <i>ākāsadhātu</i> – Les Commentateurs de Ceylan dérivent <i>ākāsa</i> de <i>ā</i> + √ <i>kas</i>, labourer. Puisqu’on n’y laboure pas comme sur terre, l’espace est appelé <i>ākāsa</i>. Selon le Sanskrit, <i>ākāsa</i> est dérivé de <i>ā</i> + √ <i>kās</i>, voir, reconnaître. D’après l’opinion de Ledi Sayadaw, il est dérivé de <i>ā</i> + √ <i>kās</i>, briller, apparaître. <i>ākāsa</i> est l’espace qui en lui-même est le néant. En tant que tel il est éternel. <i>ākāsa</i> est un <i>dhātu</i> dans le sens d’une non-entité (<i>nijjīva</i>), pas comme un élément existant comme les quatre Essentiels. <span style="background-color: #ea9999;">Par <i>ākāsa</i>, en tant qu’un des 28 <i>rūpas</i>, on n’entend pas tant l’espace extérieur que l’espace intra-atomique qui « délimite » ou sépare les groupes matériels (<i>rūpakalāpas</i>). Par conséquent, dans l’<i>Abhidhamma</i> il est considéré comme un ‘<i>pariccheda-rūpa</i>’</span>. Bien que <i>ākāsa</i> ne soit pas une réalité objective, comme il est invariablement associé avec toutes les unités matérielles qui surviennent de quatre manières, l’<i>Abhidhamma</i> enseigne que lui aussi est produit par les même quatre causes, de même que <i>Kamma</i>, le mental, les changements saisonniers et la nourriture. Simultanément avec l’apparition et la mort des <i>rūpas</i> conditionnés, <i>ākāsa rūpa</i> apparaît et meurt également.</div>
<br />
Ce que décrit Guénon existe donc bien, il y a bien des écoles bouddhistes pour lesquelles la théorie atomiste est associée à un vide cosmologique, qu’ils identifient avec l’élément <i>ākāsa</i>. On peut trouver l’expression « théorie du “vide universel” » perfectible (peut-être que « théorie du vide » suffirait). Mais c’est juste une question de terminologie, pour ce qui est du fond, ce que dit Guénon dans ((2)) à ce sujet est bien correct.<br />
<br />
<br />
<h2>
Conclusion</h2>
<br />
La question de l’orthodoxie du Bouddhisme est complexe en soi. Elle mérite d’être traitée de façon désintéressée. Ce n’est pas ce qu’ont fait les ennemis de Guénon, qui se sont emparés de ce sujet de façon légère, comme prétexte pour tenter d’affaiblir son œuvre. Pallis n’avait aucune connaissance réelle du Bouddhisme, et se fichait bien de ce que peut être celui-ci : pour les schuoniens les formes traditionnelles sont juste des décorations. Ce qui lui importait était de faire « gagner » Schuon et sa secte contre Guénon. Alors que ce qui importait à Guénon était la vérité.<br />
<br />En réalité, Guénon avait depuis le début une vision du Bouddhisme assez exacte, dans ses formes actuelles. Ce qu’il y avait d’inexact dans ses informations provenait vraisemblablement de Shankarâchârya et de son école. Cette inexactitude portait sur un point d’histoire, certes important (notamment sur la nature de Bouddha), mais qui ne changeait rien concernant l’état des formes actuelles et les conceptions mentales des Bouddhistes d’aujourd’hui.<br />
<br />
Il a vraiment été conciliant et consciencieux de prendre tant de soin à rectifier son œuvre, pour une correction qui n’était pas si importante que cela. D’autant que le Bouddhisme originel n’était même peut-être pas totalement orthodoxe, notamment sur la nature de l’éther et tout ce que cela entraîne. Cette orthodoxie du Bouddhisme originel reste de toute manière un sujet ouvert, les textes disponibles permettent de s’en faire une idée, mais ils ne permettront jamais d’établir avec certitude ce qui s’est réellement passé et dit à cette époque.<br />
<br />
Les chapitres supprimés de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i> ne sont pas pour autant entièrement à jeter, ils contiennent des éléments qui sont toujours valables, d’autres qui le sont encore en les restreignant à certaines écoles bouddhistes. À cet égard, nous avons tenté de donner quelques éclaircissements, sans prétendre épuiser le sujet.<br />
<br />
Parmi les différentes choses abordées dans cet article, que ce soit les erreurs que Guénon a rectifiées sur le Bouddhisme, ou d’autres points sur lesquels il s’est peut-être aussi trompé, si c’est le cas cela peut porter sur ce qu’on pourrait appeler l’histoire des idées, mais jamais sur les idées elles-mêmes.
</div>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-81289238952342657242020-12-28T19:04:00.002+01:002021-01-04T17:41:35.049+01:00La question du Bouddhisme (3)<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<span style="color: #cccccc;">
<h2>
Introduction</h2>
<h2>
1) Un récit mensonger</h2>
<h3>
1-a) Les événements racontés par Marco Pallis<br />
1-b) Mentions de Pallis par Guénon<br />
1-c) Cheminement public de Coomaraswamy, relayé au fur et à mesure par Guénon<br /></h3>
<h4>
1-c-i) Symboles du Bouddhisme<br />
1-c-ii) Correction des travaux de Mrs. Rhys Davids</h4>
<h2>
2) L’hostilité d’un groupuscule sectaire</h2>
<h3>
2-a) Préciosité<br />
2-b) L’influence de Schuon<br />
2-c) Des demandes de modifications qui virent au harcèlement<br />
2-d) Une nette hostilité envers Guénon<br />
2-e) Une hostilité aussi dirigée contre Coomaraswamy<br />
</h3>
</span>
<h2>
3) Des nuances nécessaires</h2>
<h3>
3-a) Indifférence à la vérité<br />
3-b) De quoi parle-t-on exactement ?<br />
3-c) Nécessité de faire des distinctions<br />
</h3>
<h4>
3-c-i) Le <i>Vajrayâna</i><br />
3-c-ii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
3-c-iii) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h3>
3-d) Sujet réel de la rectification : le Bouddhisme originel<br />
3-e) La position de Shankarâchârya<br />
</h3>
<span style="color: #cccccc;">
<h2>
4) Dans les textes bouddhistes</h2>
<h3>
4-a) À propos des deux chapitres supprimés de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i><br />
4-b) Les <i>Mâdhyamikas</i> et <i>sarva-shûnya</i><br />
4-c) Les 5 éléments, le vide et l’atomisme<br />
</h3>
<h4>
4-c-i) <i>Âkâsha</i> et l’espace<br />
4-c-ii) Dans le canon pali<br />
4-c-iii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
4-c-iv) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h2>Conclusion</h2>
</span>
</div>
<br />
<br />
<br />
Partie précédente :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-2.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-2.html</a><br />
<br />
<h2>
3) Des nuances nécessaires</h2>
<br />
<h3>
3) a) Indifférence à la vérité</h3>
<br />
D’après Pallis, absolument toutes les écoles bouddhistes sont orthodoxes :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Il appartient au génie du Bouddhisme d’avoir donné naissance à une grande diversité d’école (j’essaie d’éviter le mot « sectes », bien qu’il soit utilisé communément) à propos d’aucune desquelles on ne peut être dire qu’elle soit non orthodoxe dans le sens le plus large ; chacune de ces écoles a développé un « style psychique » qui est totalement le sien, déterminant ainsi également la nature de ses dialectes de l’esprit l’accompagnant : la diversité des interprètes, comme a dit le Prophète de l’Islam, est aussi un don divin. Cette diversité montre incidemment comment chaque doctrine appartenant au Dharma est capable d’être vue de plusieurs angles sans rien perdre de sa netteté intrinsèque</div>
Marco Pallis, <i>Buddhist Spectrum</i>.<br />
<br />
Ailleurs il se défend d’un <span style="background-color: #93c47d;">« relativisme militant »</span>. Militant ou pas, peu importe, décréter que tout se vaut, juste « parce que la diversité c’est bien », c’est bien du relativisme.<br />
<br />
On retrouve ce même relativisme (ainsi qu’un certain obscurantisme) dans l’injonction à ne pas chercher à comprendre le Soi, ni à le distinguer du moi :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
C’est seulement au Bouddha de savoir ce que « soi » et « sans-soi » impliquent vraiment ; pour les êtres demeurant toujours de ce côté-ci de l’Éveil, une certaine inconsistance de vue ne peut que prévaloir. C’est évidemment notre position ; nous pouvons seulement savoir certaines choses de seconde main, en observant comme d’autres se comportent dont le savoir a mûri plus loin que le nôtre.</div>
Marco Pallis, <i>Buddhist Spectrum</i>.<br />
<br />
Il prétend aller au-delà des dualités, mais pour aller au-delà il faut bien commencer par les constater, et ne pas confondre dualités et dualisme, ainsi que Guénon le remarque dans l’extrait suivant :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Dans le numéro de décembre <span style="background-color: white;">[du <i>Symbolisme</i>]</span>, un article de G. Persigout, intitulé <i>L’Enfer dantesque et le Mystère de la Chute</i>, étudie surtout, en fait, la question de la dualité qui, sous des formes diverses, conditionne nécessairement toute manifestation ; nous devons faire remarquer que la reconnaissance de cette dualité n’implique en aucune façon le « dualisme »</div>
<i>Études Traditionnelles</i>, janvier 1939, comptes rendus de revues.<br />
<br />
<br />
<h3>
3) b) De quoi parle-t-on exactement ?</h3>
<br />
Ce passage a déjà été cité plus haut :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Les vues de Coomaraswamy sur le sujet se sont développées de façon à minimiser l’originalité intrinsèque du dharma du Bouddha dans l’intérêt d’une sorte d’universalisme hindou artificiel.</div>
<br />
Insister sur l’originalité du Bouddhisme est-il très pertinent pour quelqu’un qui s’en prétend le défenseur ?<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
M. Roussel a sans doute exagéré en sens contraire en insistant sur le manque absolu d’originalité de cette doctrine, mais cette opinion est du moins plus plausible que celle de Max Müller et n’implique en tout cas aucune contradiction, et nous ajouterons qu’elle exprimerait plutôt un éloge qu’une critique pour ceux qui, comme nous, s’en tiennent au point de vue traditionnel, puisque les différences entre les doctrines, pour être légitimes, ne peuvent être qu’une simple affaire d’adaptation, ne portant toujours que sur des formes d’expression plus ou moins extérieures et n’affectant aucunement les principes mêmes ; l’introduction de la forme sentimentale elle-même est dans ce cas, du moins tant qu’elle laisse subsister la métaphysique intacte au centre de la doctrine.</div>
<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, partie 3, ch. IV.<br />
<br />
Prétendre que tout se vaut dans le Bouddhisme, et que ses membres doivent se contenter d’une connaissance superficielle des choses, ce n’est pas non plus lui faire grand honneur, c’est le réduire à une fantaisie pittoresque pour occidentaux en quête de rêveries exotiques, c’est lui dénier le statut même de tradition avec tout ce que cela implique.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Nous pouvons maintenant en venir à ce qui nous paraît être le point le plus important, celui qui touche de plus près au fond même de la question ; sous ce rapport, l’objection qui se présente pourrait être formulée ainsi : rien ne peut être séparé du Principe, car ce qui le serait n’aurait véritablement aucune existence ni aucune réalité, fût-elle du degré le plus inférieur ; comment peut-on donc parler d’un rattachement qui, quels que soient les intermédiaires par lesquels il s’effectue, ne peut être conçu finalement que comme un rattachement au Principe même, ce qui, à prendre le mot dans sa signification littérale, semble impliquer le rétablissement d’un lien qui aurait été rompu ? On peut remarquer qu’une question de ce genre est assez semblable à celle-ci, que certains se sont posée également : pourquoi faut-il faire des efforts pour parvenir à la Délivrance, puisque le « Soi » (<i>Âtmâ</i>) est immuable et demeure toujours le même, et qu’il ne saurait aucunement être modifié ou affecté par quoi que ce soit ? Ceux qui soulèvent de telles questions montrent par là qu’ils s’arrêtent à une vue beaucoup trop exclusivement théorique des choses, ce qui fait qu’ils n’en aperçoivent qu’un seul côté, ou encore qu’ils confondent deux points de vue qui sont cependant nettement distincts, bien que complémentaires l’un de l’autre en un certain sens, le point de vue principiel et celui des êtres manifestés. Assurément, au point de vue purement métaphysique, on pourrait à la rigueur s’en tenir au seul aspect principiel et négliger en quelque sorte tout le reste ; mais le point de vue proprement initiatique doit au contraire partir des conditions qui sont actuellement celles des êtres manifestés, et plus précisément des individus humains comme tels, conditions dont le but même qu’il se propose est de les amener à s’affranchir ; il doit donc forcément, et c’est même là ce qui le caractérise essentiellement par rapport au point de vue métaphysique pur, prendre en considération ce qu’on peut appeler un état de fait, et relier en quelque façon celui-ci à l’ordre principiel. Pour écarter toute équivoque sur ce point nous dirons ceci : dans le Principe, il est évident que rien ne saurait jamais être sujet au changement ; ce n’est donc point le « Soi » qui doit être délivré, puisqu’il n’est jamais conditionné ni soumis à aucune limitation, mais c’est le « moi », et celui-ci ne peut l’être qu’en dissipant l’illusion qui le fait paraître séparé du « Soi » ; de même, ce n’est pas le lien avec le Principe qu’il s’agit en réalité de rétablir, puisqu’il existe toujours et ne peut pas cesser d’exister (1), mais c’est, pour l’être manifesté, la conscience effective de ce lien qui doit être réalisée ; et, dans les conditions présentes de notre humanité, il n’y a pour cela aucun autre moyen possible que celui qui est fourni par l’initiation.<br />
---<br />
1 – Ce lien, au fond, n’est pas autre chose que le <i>sûtrâtmâ</i> de la tradition hindoue, dont nous avons eu à parler récemment dans d’autres études.</div>
<i>À propos du rattachement initiatique</i>, <i>Études Traditionnelles</i>, janvier-février, mars 1947.<br />
<br />
De manière générale, il faut savoir ce que l’on entend précisément avec le mot « Bouddhisme » :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Cela dit, il faudrait maintenant se demander jusqu’à quel point on peut parler du Bouddhisme en général, comme on a l’habitude de le faire, sans s’exposer à commettre de multiples confusions ; pour éviter celles-ci, il faudrait au contraire avoir soin de préciser toujours de quel Bouddhisme il s’agit, car, en fait, le Bouddhisme a compris et comprend encore un grand nombre de branches ou d’écoles différentes, et l’on ne saurait attribuer à toutes indistinctement ce qui n’appartient en propre qu’à l’une ou à l’autre d’entre elles.</div>
<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, partie 3, ch. IV.<br />
<br />
<br />
<h3>
3) c) Nécessité de faire des distinctions</h3>
<br />
Revenons aux affirmations de Pallis citées au début. Non seulement il dit que toutes les écoles bouddhistes se valent, mais il affirme également qu’avant son intervention (fin 1939, début 1940), Guénon les rejetait toutes en bloc :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
L’enthousiasme nouvellement trouvé du jeune Guénon pour la sagesse védantique exposée par le grand Shankaracharya l’a mené à rejeter anattâ, et tout le Bouddhisme avec elle, comme étant à peine plus qu’une vague hérétique sur l’océan de l’intellectualité hindoue </div>
Marco Pallis, <i>Buddhist Spectrum</i>.<br />
<br />
Or rien n’est plus faux. Tous les extraits de l’œuvre qui suivent sont antérieurs à cette date. Ils montrent qu’au contraire le point de vue de Guénon était assez nuancé, et ce même avant de connaître Coomaraswamy.<br />
<br />
<br />
<h4>
3) c) i) Le <i>Vajrayâna</i></h4>
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
D’un autre côté, c’est avec intention que nous avons omis, dans ce qui précède, de parler de la civilisation thibétaine, qui est pourtant fort loin d’être négligeable, surtout au point de vue qui nous occupe plus particulièrement. Cette civilisation, à certains égards, participe à la fois de celle de l’Inde et de celle de la Chine, tout en présentant des caractères qui lui sont absolument spéciaux ; mais, comme elle est encore plus complètement ignorée des Européens que toute autre civilisation orientale, on ne pourrait en parler utilement sans entrer dans des développements qui seraient ici tout à fait hors de propos.</div>
Extrait de la première édition (1921) de l’<i>Introduction générale</i>, gardé tel quel.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
<i>Le poète tibétain Milarépa, ses crimes, ses épreuves, son nirvana</i>.<br />
Traduit du Tibétain avec une introduction par Jacques Bacot, quarante bois de Jean Buhot, d’après une iconographie tibétaine de la vie de Milarépa (Bossard).<br />
<br />
Voici un ouvrage qui nous change singulièrement des travaux de simple érudition dans lesquels se confinent d’ordinaire les orientalistes. Cela, d’ailleurs, ne devra pas étonner ceux des lecteurs des Cahiers du Mois qui connaissent la réponse de M. Bacot, l’une des meilleures certainement, à l’enquête des Appels de l’Orient, et qui ont déjà pu voir par là combien il est loin de partager les préjugés ordinaires de l’Occident et d’accepter les idées toutes faites qui ont cours dans certains milieux.
Le texte qu’a traduit M. Bacot est une biographie de Milarépa, magicien d’abord, puis poète et ermite, qui vécut au XI<sup>e</sup> siècle de l’ère chrétienne, et qui a encore aujourd’hui des continuateurs, héritiers authentiques de sa parole transmise oralement par filiation spirituelle ininterrompue. Cette biographie a la forme d’un récit fait par Milarépa lui-même à ses disciples, alors qu’il était parvenu à la sainteté et à la fin de sa vie d’épreuves. Tous les événements qui y sont rapportés, même les moins importants en apparence, ont un sens mystique qui en fait la véritable valeur ; et d’ailleurs, comme le remarque très justement le traducteur, « l’interprétation mystique donnée à un fait n’en infirme pas l’authenticité ». Les détails mêmes qui paraîtront les plus invraisemblables au lecteur ordinaire n’en peuvent pas moins être vrais ; il est certain, par exemple, que « les macérations auxquelles peut se livrer un ascète tibétain dépassent de beaucoup ce que conçoit comme possible l’imagination européenne ». D’une façon générale, « il est regrettable que l’esprit de formation occidentale soit si prompt à déclarer absurde ce qu’il ne comprend pas, et à rejeter comme fable tout ce qui ne s’accorde pas avec sa propre crédulité ». On ne devrait pas oublier la distance considérable qui sépare un homme tel que Milarépa et un Occidental, surtout un Occidental moderne, soit sous le rapport intellectuel, soit en ce qui concerne des faits exigeant des conditions irréalisables dans le milieu européen actuel.<br />
<br />
Nous venons d’emprunter quelques phrases à l’introduction tout à fait remarquable dont M. Bacot a fait précéder sa traduction, et dans laquelle il fait preuve d’une compréhension vraiment exceptionnelle. Nous ne saurions mieux dire, en effet, et ce qu’il exprime coïncide parfaitement avec ce que nous avons toujours exposé nous-même ; nous sommes particulièrement heureux de constater cet accord. C’est ainsi que M. Bacot insiste sur « l’écart qui existe entre le sens oriental et le sens occidental de chaque mot », et qu’il note que « rien n’est fallacieux comme cette transposition de termes d’une religion à une autre, d’une pensée à une autre : un même vocabulaire pour des notions différentes ». Ainsi, le mot de « mysticisme », si l’on tient à le conserver, ne peut avoir ici le même sens qu’en Occident : le mysticisme oriental, ou ce qu’on appelle de ce nom, est actif et volontaire, tandis que le mysticisme occidental est plutôt passif et émotif ; et, « quant au principe même de la méditation où s’absorbe Milarépa durant la plus grande partie d’une longue vie, il ne s’ajuste encore à aucune de nos méthodes et de nos philosophies ».<br />
<br />
Nous ne pouvons résister au plaisir de reproduire encore quelques extraits, portant sur des points essentiels et d’ordre très général : « Ce qui étonne, c’est que, sans se réclamer d’une révélation, sans appel au sentiment, l’idée pure ait séduit des peuples innombrables et qu’elle ait maintenu sa séduction au cours des siècles… La pitié bouddhique n’a aucune relation avec la sensibilité. Elle est tout objective, froide et liée à une conception métaphysique. Elle n’est pas spontanée, mais consécutive à de longues méditations. » Des enseignements comme ceux de Milarépa « n’ont pas la valeur sociale ni l’opportunité de notre “saine philosophie”, qui sont une force à nos yeux d’Européens pratiques, et une faiblesse à des yeux orientaux, une preuve de relativité, parce qu’ils voient dans les nécessités sociales une très pauvre contingence ». D’ailleurs, bien que cela puisse sembler paradoxal à ceux qui ne vont pas au fond des choses, « l’idéalisme oriental est plus avantageux moralement, plus pratique socialement, que notre réalisme. Il suffit de comparer la spiritualité, la douceur des peuples héritiers de l’idéal indien (car les enseignements dont il s’agit ici, malgré ce qu’ils ont de proprement tibétain, sont inspirés de l’Inde), avec le matérialisme et l’incroyable brutalité de la civilisation occidentale. Les siècles ont éprouvé la charité théorique de l’Asie. Participant de l’absolu, elle ne risque pas cette rapide faillite où se perd la loi de l’amour du prochain, loi ignorée entre nations, abolie entre classes d’individus dans une même nation, voire entre les individus eux-mêmes. » Mais tout serait à citer, et il faut bien nous borner…<br />
<br />
Quant au texte même, on ne peut songer à le résumer, ce qui n’en donnerait qu’une idée par trop incomplète, sinon inexacte. Il faut le lire, et le lire en ne perdant jamais de vue que ce n’est point là un simple récit d’aventures plus ou moins romanesques, mais avant tout un enseignement destiné, comme l’indique expressément le titre original, à « montrer le chemin de la Délivrance et de l’Omniscience ».</div>
<i>Les Cahiers du mois</i>, juin 1926, comptes-rendus de livres.<br />
<br />
<br />
<h4>
3) c) ii) Le <i>Mahâyâna</i></h4>
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Nous avons été stupéfait de voir affirmer que nous considérions comme « hétérodoxes » le <i>Tantra</i>, le <i>Mahâyâna</i>… et le Taoïsme ! […] Quant au <i>Mahâyâna</i>, c’est une transformation du Bouddhisme par réincorporation d’éléments empruntés aux doctrines orthodoxes ; et ce que nous avons écrit contre le Bouddhisme ne concerne que le Bouddhisme proprement dit, hétérodoxe et antimétaphysique au premier chef. Enfin, pour ce qui est du <i>Tantra</i>, il faudrait distinguer : il y a une multitude d’écoles tantriques, dont certaines sont en effet hétérodoxes, partiellement du moins, tandis que d’autres sont strictement orthodoxes. Nous n’avons jamais eu jusqu’ici l’occasion de nous expliquer sur cette question du <i>Tantra</i> ; mais M. Evola, qui, pour le dire en passant, ne saisit que bien imparfaitement la signification de la « <i>Shakti</i> », n’a sans doute pas remarqué que nous affirmions assez souvent, d’une façon générale, la supériorité du point de vue shivaïte sur le point de vue vishnuïte ; cela aurait pu lui ouvrir d’autres horizons.</div>
<i>Mise au point nécessaire</i>, <i>L’Idealismo Realistico</i>, mai 1926.<br />
<br />
Note concernant un passage où le Bouddhisme était déclaré hétérodoxe :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Nous parlons ici du Bouddhisme proprement dit, et non des transformations qu’il a subies, hors de l’Inde, sous l’action de certaines influences procédant de doctrines traditionnelles orthodoxes, et qui permirent de rétablir, dans plus d’un cas, les liens qui avaient été rompus par la révolte de Shâkya-Muni.</div>
<i>Le Roi du Monde</i>, première édition (1927), ch. II : p. 17, note 1.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Dans <i>Ultra</i> (n<sup>os</sup> de mai-juin et juillet-août), nous relevons un article sur le Bouddhisme <i>Mahâyâna</i>, dans lequel nous avons vu, non sans quelque étonnement, celui-ci présenté comme le produit d’une pensée « laïque » et « populaire » ; quand on sait qu’il s’agit au contraire d’une reprise, si l’on peut dire, et d’une transformation du Bouddhisme par l’influence de l’esprit traditionnel, lui infusant les éléments d’ordre profond qui manquaient totalement au Bouddhisme originel, on ne peut que sourire de pareilles assertions et les enregistrer comme une nouvelle preuve de l’incompréhension occidentale.</div>
<i>Voile d’Isis</i>, novembre 1929, comptes rendus de revues.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
À ces quelques observations, nous ajouterons encore une autre d’un caractère un peu différent : on sait quelle est l’importance des éléments tantriques qui ont pénétré certaines formes du Bouddhisme, celles qui sont comprises dans la désignation générale de <i>Mahâyâna</i> ; mais, bien loin de n’être qu’un Bouddhisme « corrompu », ainsi qu’il est de mode de le dire en Occident, ces formes représentent au contraire le résultat d’un véritable « redressement » du Bouddhisme dans un sens traditionnel et orthodoxe. Qu’on ne puisse plus guère, dans certains cas, parler là de Bouddhisme que d’une façon en quelque sorte « nominale », cela importe peu ; ou plutôt, si l’on envisage le Bouddhisme proprement dit comme doctrine spécifiquement hétérodoxe, cela même ne fait que témoigner de toute l’étendue du « redressement » qui a été ainsi opéré.</div>
<i>Tantrisme et Magie</i>, août-septembre 1936.<br />
<br />
(Comme nous l’indiquions dans l’<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/06/rene-guenon-recueil-posthume-hindouisme.html">errata</a> du recueil <i>Études sur l’Hindouisme</i>, un compilateur zélé avait cru bon d’altérer ce dernier passage, c’est le texte ci-dessus qui a été réellement publié.)<br />
<br />
<br />
<h4>
3) c) iii) Le <i>Hînayâna</i></h4>
<br />
Même sur le <i>Hînayâna</i>, Guénon n’écrivait pas que des choses négatives, en témoigne le premier extrait de ce compte-rendu :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Louis Finot – <i>Les questions de Milinda (Milinda-pañha)</i>. <br />
Traduit du pâli avec introduction et notes (un vol. <i>in-8<sup>o</sup></i> de 166 pp. <i>Collection des Classiques de l’Orient</i> ; Bossard, Paris, 1923). <br />
<br />
Ce livre, déjà traduit en anglais par Rhys Davids, se compose d’une série de dialogues entre le roi Milinda et le moine bouddhiste Nâgasena ; Milinda est le roi grec Ménandre, qui régnait à Sâgalâ, dans le Panjab, vers le II<sup>e</sup> siècle avant l’ère chrétienne ; et il montre bien, dans ses questions, toute la subtilité du caractère grec. La discussion porte sur les points les plus divers de la doctrine bouddhique, parmi lesquels il en est d’importance fort inégale ; mais, dans son ensemble, ce texte est assurément, en son genre, un des plus intéressants qui existent.<br />
[…]<br />
Dans la même collection, fort bien éditée, nous mentionnerons encore, pour ceux qui s’intéressent au Bouddhisme, deux autres ouvrages : <i>Trois Mystères tibétains</i>, traduits avec introduction, notes et index par Jacques Bacot (1 vol. <i>in-8<sup>o</sup></i> de 300 pp., 1921), et <i>Contes et Légendes du Bouddhisme chinois</i>, traduits par Édouard Chavannes, avec préface et vocabulaire par Sylvain Lévi (1 vol. <i>in-8<sup>o</sup></i> de 220 pp., 1921). Bien que ces récits aient été présentés avec des intentions purement littéraires, ils ont en réalité, comme d’ailleurs tous ceux du même genre que l’on peut trouver en Orient, une autre portée pour qui sait en pénétrer le symbolisme au lieu de s’arrêter aux formes extérieures, si séduisantes qu’elles puissent être.</div>
<i>Revue de Philosophie</i>, novembre-décembre 1923.<br />
<br />
<br />
<h3>
3) d) Sujet réel de la rectification : le Bouddhisme originel</h3>
<br />
Il y a également des distinctions temporelles à faire.<br />
<br />
Voici comment Guénon présente lui-même la rectification, en note, dans la partie 3, ch. IV, de l’édition 1952 de l’<i>Introduction générale</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
À l’intention des lecteurs qui auraient eu connaissance de la première édition de ce livre, nous estimons opportun d’indiquer brièvement les raisons qui nous ont amené à modifier le présent chapitre : lorsqu’a paru cette première édition, nous n’avions aucun motif de mettre en doute que, comme on le prétend habituellement, les formes les plus restreintes et les plus nettement antimétaphysiques du <i>Hînayâna</i> représentaient l’enseignement même de Shâkya-Muni ; nous n’avions pas le temps d’entreprendre les longues recherches qui auraient été nécessaires pour approfondir davantage cette question, et d’ailleurs, ce que nous connaissions alors du Bouddhisme n’était nullement de nature à nous y engager. Mais, depuis lors, les choses ont pris un tout autre aspect par suite des travaux d’A. K. Coomaraswamy (qui lui-même n’était pas bouddhiste, mais hindou, ce qui garantit suffisamment son impartialité) et de sa réinterprétation du Bouddhisme originel, dont il est si difficile de dégager le véritable sens de toutes les hérésies qui sont venues s’y greffer ultérieurement et que nous avions naturellement eues surtout en vue lors de notre première rédaction ; il va de soi que, en ce qui concerne ces formes déviées, ce que nous avions écrit d’abord reste entièrement valable. Ajoutons à cette occasion que nous sommes toujours disposé à reconnaître la valeur traditionnelle de toute doctrine, où qu’elle se trouve, dès que nous en avons des preuves suffisantes ; mais malheureusement, si les nouvelles informations que nous avons eues ont été entièrement à l’avantage de la doctrine de Shâkya-Muni (ce qui ne veut pas dire de toutes les écoles bouddhiques indistinctement), il en est tout autrement pour toutes les autres choses dont nous avons dénoncé le caractère antitraditionnel.</div>
<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, partie 3, ch. IV – À propos du Bouddhisme.<br />
<br />
Le changement de position de Guénon concerne donc bien le caractère originel du Bouddhisme, et pas ses formes actuelles, sur lesquelles il avait une vision plutôt exacte.<br />
<br />
<br />
<h3>
3) e) La position de Shankarâchârya</h3>
<br />
Sur cette question du Bouddhisme originel et Shankarâchârya il nous faut faire une précision :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Ce qui est très remarquable d’autre part, c’est que, à mesure que cette diffusion se produisait, le Bouddhisme déclinait dans l’Inde même et finissait par s’y éteindre entièrement, après y avoir produit en dernier lieu des écoles dégénérées et nettement hétérodoxes, qui sont celles que visent les ouvrages hindous contemporains de cette dernière phase du Bouddhisme indien, notamment ceux de Shankarâchârya, qui ne s’en occupent jamais que pour réfuter les théories de ces écoles au nom de la doctrine traditionnelle, sans d’ailleurs les imputer aucunement au fondateur même du Bouddhisme, ce qui indique bien qu’il ne s’agissait là que d’une dégénérescence ; et le plus curieux est que ce sont précisément ces formes amoindries et déviées qui, aux yeux de la plupart des orientalistes, passent pour représenter avec la plus grande approximation possible le véritable Bouddhisme originel.</div>
<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, partie 3, ch. IV.<br />
<br />
Pourtant, dans les commentaires sur les <i>Brahma-Sûtras</i> de Shankarâchârya, II, 2, 32 (traduction de Thibaut) :<br />
<div style="background-color: #ead1dc;">
De plus, Bouddha, en proposant les trois systèmes mutuellement contradictoires, enseignant respectivement la réalité du monde externe, la réalité des idées seules, et la vacuité générale, a lui-même établi soit qu’il était un homme propre à faire des assertions incohérentes, soit que la haine pour tous les êtres l’a conduit à proposer des doctrines absurdes par l’acceptation desquelles ils deviendraient complètement confus.</div>
<a href="https://archive.org/details/BrahmaSutraBhashyaByAdiShankaracharyasanskrit.pdf/page/n109/mode/2up">https://archive.org/details/BrahmaSutraBhashyaByAdiShankaracharyasanskrit.pdf/page/n109/mode/2up</a><br />
<br />
Donc cette différence est surprenante, dans le texte Shankarâchârya attribue bien à Bouddha les doctrines fausses. C’est peut-être simplement un oubli de Guénon. Cela ne change cependant pas la véracité de ce qu’il dit sur le fond, les écoles bouddhistes qui subsistaient en Inde à l’époque de Shankara étaient bien dégénérées et en déclin. Et c’est peut-être ce qui explique que Shankara ait condamné le Bouddhisme dans son ensemble, cela permettait de rejeter les diverses erreurs sous cette étiquette de Bouddhisme, et de sauver ce qui en restait de valable au sein de l’adaptation de l’Hindouisme qu’il a opérée. C’est peut-être aussi pourquoi Shankara a pu être accusé d’être un crypto-Bouddhiste. Alors qu’il était plutôt au-delà des formes.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Ce que j’ai voulu dire pour le Tantrisme, c’est qu’il est en quelque sorte diffus dans toute la doctrine hindoue, du moins sous sa forme présente (je veux dire depuis le début du Kali-Yuga), et qu’il est réellement impossible de lui assigner des limites nettement définies. Pour ce qui est de Shankarâchârya, il existe de lui des hymnes qui sont nettement tantriques, même dans un sens plus ordinaire et plus restreint, puisqu’ils sont adressés à la « Shakti ».</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 30 décembre 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je suis assez de votre avis en ce qui concerne Râmânuja ; mais, pour ce qui est de Shankarâchârya, il y a chez lui bien autre chose encore que ce que vous y voyez, et, à vrai dire, il dépasse tous les cadres où on voudrait prétendre l’enfermer.</div>
René Guénon à Julius Evola, 21 octobre 1933.<br />
<br />
<br />
<br />
Il est important de comprendre ce que l’on entend par Bouddhisme : pour Guénon ce mot désignait une déviation originelle, déviation qui correspond bien à certains courants bouddhistes, particulièrement mis en avant par les Occidentaux modernes qui affectionnent les déviations. Suite aux informations apportées par Coomaraswamy, il l’a plus tard considéré comme une forme orthodoxe dès ses origines. Mais on exagère l’ampleur de cette rectification : d’une part, le Bouddhisme originel a disparu depuis longtemps, et d’autre part, initialement, Guénon distinguait déjà de façon assez précise et exacte les différentes formes du Bouddhisme qui existent actuellement. Il ne nommait juste pas les formes orthodoxes comme étant du « Bouddhisme », mais il les avait correctement distinguées en tant que telles.<br />
<br />
<br />
Partie suivante :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2021/01/la-question-du-bouddhisme-4.html
">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2021/01/la-question-du-bouddhisme-4.html</a>
</div>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-10598698228254706882020-12-22T16:27:00.006+01:002021-02-12T23:42:44.946+01:00La question du Bouddhisme (2)<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<span style="color: #cccccc;">
<h2>
Introduction</h2>
<h2>
1) Un récit mensonger</h2>
<h3>
1-a) Les événements racontés par Marco Pallis<br />
1-b) Mentions de Pallis par Guénon<br />
1-c) Cheminement public de Coomaraswamy, relayé au fur et à mesure par Guénon<br /></h3>
<h4>
1-c-i) Symboles du Bouddhisme<br />
1-c-ii) Correction des travaux de Mrs. Rhys Davids</h4>
</span>
<h2>
2) L’hostilité d’un groupuscule sectaire</h2>
<h3>
2-a) Préciosité<br />
2-b) L’influence de Schuon<br />
2-c) Des demandes de modifications qui virent au harcèlement<br />
2-d) Une nette hostilité envers Guénon<br />
2-e) Une hostilité aussi dirigée contre Coomaraswamy<br />
</h3>
<span style="color: #cccccc;">
<h2>
3) Des nuances nécessaires</h2>
<h3>
3-a) Indifférence à la vérité<br />
3-b) De quoi parle-t-on exactement ?<br />
3-c) Nécessité de faire des distinctions<br />
</h3>
<h4>
3-c-i) Le <i>Vajrayâna</i><br />
3-c-ii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
3-c-iii) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h3>
3-d) Sujet réel de la rectification : le Bouddhisme originel<br />
3-e) La position de Shankarâchârya<br />
</h3>
<h2>
4) Dans les textes bouddhistes</h2>
<h3>
4-a) À propos des deux chapitres supprimés de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i><br />
4-b) Les <i>Mâdhyamikas</i> et <i>sarva-shûnya</i><br />
4-c) Les 5 éléments, le vide et l’atomisme<br />
</h3>
<h4>
4-c-i) <i>Âkâsha</i> et l’espace<br />
4-c-ii) Dans le canon pali<br />
4-c-iii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
4-c-iv) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h2>Conclusion</h2>
</span>
</div>
<br />
<br />
<br />
Partie précédente :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme.html</a><br />
<br />
<h2>
2) L’hostilité d’un groupuscule sectaire</h2>
<br />
Bien qu’elle tente de se dissimuler derrière une hypocrite admiration pour ceux qu’il appelait de <span style="background-color: #93c47d;">« grands hommes »</span>, l’hostilité de Pallis n’en était pas moins palpable.<br />
<br />
<br />
<h3>
2) a) Préciosité</h3>
<br />
Celui-ci raconte avoir utilisé les citations de Coomaraswamy afin de forcer Guénon, mais il ne semble pas être intéressé par leur véracité. L’élément principal de sa « démonstration » est la beauté, et c’est ce sujet qui est selon lui le nœud du problème. Psychologisation d’un Guénon fasciné par l’Inde mais insensible à la beauté devant laquelle s’extasient les touristes. Qui va jusqu’à le faire conclure que si nous avons face à nous un monde moderne qui est laid, c’est à cause des gens insensibles tels que Guénon :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Ce qui peut-être ressort aussi de cet épisode est le fait que, pour juger de l’authenticité d’une tradition, il y a d’autres voies que l’examen minutieux des textes, important cependant comme cela l’est bien sûr ; une perception intelligente de la beauté peut fournir un critère non moins valide. Est-ce que quelqu’un peut vraiment regarder les peintures trouvées à Ajanta et dans d’innombrables temples tibétains et japonais et toujours croire que ces choses proviennent d’une erreur basique ? Le même argument s’appliquerait aux arts chrétien et islamique, aussi bien qu’à d’innombrables tribus, traditions existant partout dans le monde jusqu’à une époque récente, sans parler de l’art hindou dans tous ses éclats exubérants. Au contraire, la pure laideur de la civilisation moderne comme elle est affichée dans ses produits les plus typiques témoigne d’une erreur sous-jacente ; cette preuve des sens, que Guénon ignorait largement, était cruciale pour Coomaraswamy, étant complémentaire de quoi que ce soit que sa raison pour cette part pouvait lui montrer. Il faudrait que ce le soit aussi pour nous-mêmes, bien que peu aujourd’hui pensent ou sentent de cette manière. S’ils le faisaient, le monde serait un endroit très différent.</div>
Marco Pallis, <i>A Fateful Meeting of Minds: A. K. Coomaraswamy and R. Guénon</i> (dans <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 12, No. 3 & 4. Summer-Autumn 1978).<br />
<a href="http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
La vocation d’un Athanasius contra mundum est souvent accompagnée, humainement parlant, par une tendance à la sur-simplification dans le champ des applications, même quand les principes sont clairement envisagés. Il est bien sûr regrettable que les restrictions de Guénon prennent vite la forme de clichés récurrents se prêtant eux-mêmes à une parodie facile – la sanction d’un manque de sens de la beauté, qui chez Guénon marquait son côté le plus faible.</div>
Marco Pallis, Correspondence, reincarnation, 23.12.66, <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 1, No.1.<br />
<a href="http://www.studiesincomparativereligion.com/Public/articles/Correspondence_on_reincarnation-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.studiesincomparativereligion.com/Public/articles/Correspondence_on_reincarnation-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
<span style="background-color: #93c47d;">« Offensant »</span>, <span style="background-color: #93c47d;">« sens de la beauté »</span> : le registre est moraliste et sentimental.<br />
<br />
Ainsi Guénon négligerait les peintures d’Ajantâ ? Ce n’est pas ce que nous constatons à la lecture du compte-rendu de livre suivant (paru dans les <i>Études traditionnelles</i> en juin 1938) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
St. Kramrisch. – <i>A Survey of Painting in the Deccan</i>.<br />
The India Society, London.<br />
<br />
Ce volume est une histoire de la peinture dans le Deccan depuis l’époque d’Ajantâ jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant près de deux mille ans, accompagnée de nombreuses planches montrant des exemples caractéristiques des différentes périodes. La partie la plus intéressante, au point de vue où nous nous plaçons ici, est celle où sont exposés les principes de la peinture la plus ancienne, celle du type d’Ajantâ : elle ne vise pas à représenter l’espace tel qu’il est perçu par l’œil, mais bien l’espace tel qu’il est conçu dans le « mental » du peintre ; aussi ne peut-elle être interprétée ni en termes de surface ni en termes de profondeur ; mais les figures et les objets « viennent en avant », en quelque sorte, et prennent leur forme dans ce mouvement même, comme s’ils sortaient d’un « au-delà » indifférencié du monde corporel pour parvenir à leur état de manifestation. La « perspective multiple » sous laquelle les objets sont représentés, la simultanéité des différentes scènes, qui est comme une « perspective multiple » dans le temps, et aussi l’absence d’ombres, sont également des caractères de cet espace mental, par lesquels il se distingue de l’espace sensible. Les considérations sur le rythme et ses différentes modalités dans cette peinture, sur le caractère de <i>mudrâs</i> qu’y ont essentiellement tous les mouvements des figures, sur la valeur symbolique des couleurs, et sur divers autres points encore, que nous ne pouvons songer à résumer, ne sont pas moins dignes d’intérêt ; et les références aux textes traditionnels montrent nettement la base doctrinale et métaphysique sur laquelle repose entièrement une telle conception de l’art.</div>
<br />
Guénon était tellement insensible à l’art qu’il a étudié de nombreux symboles présents sur des œuvres d’art et des pièces d’archéologie dans <i>Regnabit</i>. Il a pour cela beaucoup commenté les travaux de Louis Charbonneau-Lassay. Et plus tard il s’est de même souvent appuyé sur les travaux de Coomaraswamy, qui ne sont pas de simples rêveries sur la beauté, mais qui sont des études intelligentes.<br />
<br />
L’obsession esthétique de Pallis est-elle vraiment quelque chose de spécifiquement bouddhiste ? Ou n’est-ce pas plutôt schuonien ? Cf. <i>La fonction de Frithjof Schuon</i>, 1-a :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon.html</a><br />
<br />
<br />
<h3>
2) b) L’influence de Schuon</h3>
<br />
En effet, le maître « bouddhiste » de Pallis n’est autre que Schuon :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Quant au lama en France, bien que je regrette de ne pas pouvoir entrer en rapports avec lui, je reconnais que c’est pour lui de décider ces choses : s’il désire, par exemple, rester inconnu et dans la tranquillité complète, les usages de l’Orient demandent qu’on respecte cette décision, non seulement en pratique, mais encore dans notre pensée. Pourtant, si à l’avenir, par ses propres raisons, le lama se déciderait à rompre le silence de l’incognito, on sera également heureux de communiquer avec lui.</div>
Marco Pallis à Marcel Clavelle, 16 novembre 1946.<br />
Une partie de cette lettre avait déjà été citée ici (3-e) :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html</a><br />
<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
Nous avons appris d’Innes, qui les tenait soit de Townsend soit de Valsan, des choses qui concordent avec certaines intentions que j’ai pressenties chez Frithjof Schuon mais que je ne croyais pas encore actualisées. Il paraît notamment que Frithjof Schuon a donné une incantation à des Catholiques dont il dirige le travail spirituel ; il paraît, d’autre part, qu’il a également donné une incantation à Marco Pallis revenu du Thibet sans avoir rencontré le Guru qu’il souhaitait. Enfin, Innes m’a demandé si j’étais au courant de l’étonnement provoqué à Lausanne par le fait que la Grande Triade n’avait toujours pas fait appel à Frithjof Schuon. Je n’ai pas pu cacher tout à fait, sinon mon étonnement, du moins mes réserves devant un dignitaire musulman assumant la responsabilité de transmettre une incantation à des Chrétiens, à un Bouddhiste, éventuellement à des Maçons, alors que lui-même ne se trouve dans aucune des chaînes auxquelles appartiennent ces individualités. Innes m’a alors présenté, sous forme d’hypothèse, une explication qui, visiblement, ne venait pas de lui et qu’on avait dû lui présenter à lui-même sous une forme plus affirmative. Il me rappela que le Sheikh Ahmed était considéré par beaucoup comme étant le Pôle du Monde et que le Sheikh Aïssa pouvait avoir hérité de cette fonction qui lui donnait un droit de juridiction sur toutes les Traditions sans qu’il ait eu besoin d’être formellement intégré à chacune d’elles.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 25 juin 1949.<br />
Extrait plus large ici (4-b) :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-3.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-3.html</a><br />
<br />
Mais Pallis de toute manière ne cache pas sa référence à Schuon, s’éternisant à son propos dans son dernier livre, <i>Buddhist spectrum</i>, dans des rêveries mystiques plutôt incongrues :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Aujourd’hui, on a presque oublié que la signification première de « mystère » est mutisme, silence délibéré, soit parce qu’on sait que le savoir en question est trop profond pour être exprimé en mots ou soit que cela est de nature à être dangereux pour tous sauf les initiés les plus qualifiés travaillant sous l’étroite supervision d’un maître. Derrière ce silence une cause d’un autre ordre est discernable dans le fait que certaines vérités, par leur propre nature, n’ont pas besoin d’affirmation distincte afin de se transporter dans un esprit qui n’est pas entravé par le désir de l’expression de soi. C’est Frithjof Schuon qui, lorsque j’ai montré mon script, a attiré mon attention sur ce facteur non perçu affectant la communication métaphysique, dans laquelle les considérations quasi-morales de désirabilité ou de prudence ne jouent aucune part ; en lisant sa remarque j’ai pensé que c’était un sujet trop important pour le laisser non mentionné, donc j’ai accéléré pour faire de la place pour elle dans mon texte. La conscience que comprend la vérité, côte à côte avec sa capacité de révélation, une telle qualité de réticence spontanée est parallèle à la connaissance d’anattâ ; cela correspond à une attitude d’insouciance par rapport aux contingences, laissant donc la place pour un esprit libre de l’obsession de soi pour le faire lui-même ressentir dans la pensée et dans l’action humaine. L’action entreprise en harmonie avec son propre dharma mais sans attachement aux fruits, soit par anticipation ou subséquemment, constitue un yoga dans son droit propre, dans lequel les revendications de contemplation et d’action communément contrastées sont réconciliées sans effort. La tradition védique, parlant à travers le sublime poème de la Bhagavad Gîta, a donné une prééminence spéciale à cette synthèse des vies contemplative et active.</div>
<br />
Quant à Schuon lui-même, il a tenu à s’exprimer au sujet de la rectification sur le Bouddhisme dans son texte <i>Quelques critiques</i>, mais cela se réduit à un gargouillis disgracieux, tellement inconsistant qu’il n’y a rien de spécial à en dire.<br />
<br />
<br />
<h3>
2) c) Des demandes de modifications qui virent au harcèlement</h3>
<br />
D’après Pallis c’est Guénon qui lui a demandé de faire toutes les corrections nécessaires (extrait cité plus haut) :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Nous n’avons pas eu à attendre longtemps pour une réponse, qui était au-delà de nos espoirs les plus chers dans leur totalité. Guénon a demandé que les deux chapitres offensants soient supprimés, promettant aussi de les remplacer par d’autres composés sur des lignes différentes. En effet, il est allé plus loin, puisqu’il nous a demandé, par anticipation, de faire des corrections similaires dans d’autres textes de lui si et quand nous viendrions à les traduire ; dans ce but il a fourni un certain nombre de passage réécrits, la plupart pas de grande longueur, mais suffisants pour répondre à nos diverses objections. Pour ce résultat réconfortant nous devons remercier Coomaraswamy dans une large mesure, bien que l’initiative soit venue de nous ; l’intégrité intellectuelle de Guénon à s’incliner devant les preuves mérite aussi des remerciements.</div>
Marco Pallis, <i>A Fateful Meeting of Minds: A. K. Coomaraswamy and R. Guénon</i> (dans <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 12, No. 3 & 4. Summer-Autumn 1978).<br />
<a href="http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
Peut-être que Guénon a vraiment dit cela, en tout cas il semble que Pallis soit allé bien au-delà du nécessaire.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Ce que je ne comprends pas très bien, c’est que M. Pallis ait éprouvé le besoin de compliquer les choses en proposant de faire d’abord une édition de la « Crise du Monde moderne ». Je ne voudrais pas le lui dire, car il a naturellement d’excellentes intentions, mais je trouve que souvent il soulève bien des difficultés pour des choses qui ne paraissent pas avoir autant d’importance qu’il leur en attribue.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 4 mai 1947.<br />
<br />
Les schuoniens vont même plus loin, et affirment eux-mêmes que Guénon était excédé par lui. Hors série spécial Schuon (juillet-octobre 1999) de la revue <i>Connaissance des religions</i>, <i>Approche biographique</i> (article de Jean-Baptiste Aymard), pp. 33-34 :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
À son approche déjà différente du Bouddhisme – que Guénon, à la suite de Shankara, avait qualifié d’hérésie avant de changer d’avis (45) […]<br />
---<br />
45 – Encore qu’il ait eu bien du mal à admettre les rectifications sollicitées par Marco Pallis (il se dira alors <span style="background-color: #fff2cc;">« excédé »</span> et déclarera ne plus rien vouloir changer à ce sujet) et qu’il écrira en octobre 1950 : <div style="background-color: #fff2cc;">« Il faut reconnaître que, sur la question du Bouddhisme, il était impossible, avant les travaux de Coomaraswamy, de dire autre chose que ce que j’en avais dit, et qui du reste demeure toujours vrai sinon pour le Bouddhisme originel lui-même, du moins pour certaines écoles plus récentes, sans quoi il faudrait admettre que ce n’est pas moi qui me suis trompé, mais tout simplement Shankarâchârya à l’autorité duquel je me suis rapporté à cet égard ! »</div> (Lettre à F. Schuon, 5 octobre 50).</div>
<br />
Rappelons que Pallis n’était qu’un traducteur, ses demandes incessantes de modifications étaient évidemment déplacées.<br />
<br />
<br />
<h3>
2) d) Une nette hostilité envers Guénon</h3>
<br />
Pallis déclare s’être abonné avec hâte aux <i>Études Traditionnelles</i> :
<div style="background-color: #93c47d;">
Une revue française à laquelle Guénon était un contributeur fréquent et à laquelle, pour cette raison, je m’étais hâté de m’abonner</div>
Marco Pallis, <i>A Fateful Meeting of Minds: A. K. Coomaraswamy and R. Guénon</i> (dans <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 12, No. 3 & 4. Summer-Autumn 1978).<br />
<a href="http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
C’est avec la même hâte qu’il s’en est désabonné en 1946, en leur souhaitant une mort qui serait selon lui un « couronnement » :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Il y a un autre point que je dois mentionner et j’espère que vous en comprendrez les raisons, sans vous faire de la peine sur ce compte-là. Je désire ne pas continuer mon abonnement aux Études Traditionnelles et Maurice Messinesi (de la même adresse) veut également terminer le sien. Nos raisons sont les suivantes : - Nous trouvons que cette publication, qui a été si utile pour nous tous auparavant, n’a plus de raison d’être dans les circonstances actuelles. Et l’expérience a démontré qu’il est presque impossible de trouver de quoi remplir des pages. On est forcé à dire et redire les mêmes choses qui, par excès de familiarité, risquent de perdre leur force et ainsi de défaire une partie du travail qui a été si bien fait dans le passé. On ne veut pas prendre l’habitude de penser à un écrit quelconque de M. Guénon comme « son article mensuel », comme dans le cas d’un journaliste écrivant dans une revue profane ordinaire. Il y a là un danger considérable, inséparable d’ailleurs de toute œuvre de vulgarisation, même celle qui est conduite avec les plus grands soins. Il me semble qu’on doit franchement reconnaître qu’un travail comme les Études Traditionnelles est, par sa propre nature, temporaire. Ainsi reconnu, ça a une grande valeur et une place légitime. Mais la première condition est de savoir que le moment est arrivé pour « mourir à la manifestation ». Sans cela l’idée de la tradition risque de devenir « un jeu » intellectuel, si on ose s’exprimer ainsi, et une indulgence qui ferait plutôt obstacle à la connaissance que support. De refouler le même terrain mois après mois présente de grands dangers de profanation. Les doctrines traditionnelles ne se prêtent pas à une discussion indéfinie, devant avoir lieu à telle date prédéterminée. La question d’occasion est fondamentale, correspondant, dans son ordre, à la question de compétence de la part des individus. Ces avis, je crois que je les partage avec le Shaïkh Aïssa, que je viens de visiter à Lausanne, c.a.d. il m’a fait des remarques semblables, mais j’avais déjà formé cette opinion auparavant. Personnellement je crois que si les Études cessaient de paraître maintenant, tout en expliquant aux lecteurs les raisons profondes pour une mort volontaire, ce serait, traditionnellement, non une perte mais plutôt un couronnement du travail précédent, pour lequel on restera toujours reconnaissant, surtout à vous-même qui, en grande partie, en avez été l’âme.</div>
Marco Pallis à Marcel Clavelle, 16 novembre 1946.<br />
Extrait déjà cité ici, 3-e :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html</a><br />
<br />
<br />
<h3>
2) e) Une hostilité aussi dirigée contre Coomaraswamy</h3>
<br />
Pallis a expliqué qu’il avait utilisé Coomaraswamy pour faire plier Guénon, il l’a assez flatté pour cela. Mais il n’a pas pu se retenir toujours de dire ce qu’il en pensait réellement.<br />
<br />
Marco Pallis, <i>Buddhist Spectrum</i> (1980) :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Quant à Coomaraswamy, ses propres conclusions étaient l’opposé exact de Guénon puisqu’au temps de sa plus grande maturité, ses commentaires sont devenus fortement biaisés vers la démonstration que les enseignements du Bouddha sur la connaissance du soi se rapprochaient dans l’essentiel de ceux du Brahmanisme, malgré certaines différences d’expression.</div>
<br />
Au temps de sa plus grande maturité ? Quelle est la bonne période de la vie de Coomaraswamy pour Pallis, 1918 où il écrivait des articles en faveur de Nietzsche ?<br />
<br />
Il dit d’autre part :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Alors que je travaillais avec Arnold Dolmetsch, le nom de Coomaraswamy avait surgit occasionnellement en cours de conversation, mais en ce temps cette mention ne frappait pas de corde particulière dans ma conscience. La réalisation de ce qu’il représentait vraiment est venue indirectement, après qu’un de mes camarades étudiants m’ait présenté les écrits de René Guénon […] Une revue française à laquelle Guénon était un contributeur fréquent et à laquelle, pour cette raison, je m’étais hâté de m’abonner, se trouvait contenir un flux continu d’articles de la plume de Coomaraswamy qui, alors que je l’ai vite perçu, s’accordaient avec ceux de Guénon à la fois sur le côté critique des choses et dans leur exposition la plus révélatrice de la doctrine métaphysique […]</div>
Marco Pallis, <i>A Fateful Meeting of Minds: A. K. Coomaraswamy and R. Guénon</i> (dans <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 12, No. 3 & 4. Summer-Autumn 1978).<br />
<a href="http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
Pallis n’a donc connu les écrits de Coomaraswamy qu’avec la revue <i>Études Traditionnelles</i>. Et Coomaraswamy a commencé à y publier en janvier 1936 (<i>L’idée de « création éternelle » dans le Rig-Vêda</i>). Donc de quelle époque de grande maturité Pallis parle-t-il ? Coomaraswamy rapprochait Bouddhisme et Brahmanisme depuis au moins 1936 (réfutation de la réincarnation dans les travaux de Mrs Rhys Davids, juillet 1936, dans <i>Indian Culture</i>), avant même de traiter la question de l’orthodoxie du Bouddhisme originel.<br />
<br />
Reprenons l’extrait de <i>Buddhist Spectrum</i> :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Les vues de Coomaraswamy sur le sujet se sont développées de façon à minimiser l’originalité intrinsèque du dharma du Bouddha dans l’intérêt d’une sorte d’universalisme hindou artificiel. En soutien de ces thèses il a fait pencher la balance dans une direction qui pose nettement question en recourant à un expédient visuel que seuls les langages européens modernes ont rendu possible mais que les langages orientaux excluent tous, c’est-à-dire en employant les deux formes « soi » et « Soi » afin de distinguer automatiquement le soi empirique ou ego, siège de la pensée illusoire, et le principe véritable ou transcendant de la personnalité vers lequel toute expérience contemplative tend. À la rigueur, une telle procédure peut être justifiée si on manipule le Vedanta ou un autre thème du même genre isolément ; mais l’introduire dans un contexte bouddhiste est à la fois techniquement impropre et trompeur à long terme.</div>
<br />
Comme si le <i>Vêdânta</i> se réduisait à des figures de style creuses et artificielles, et ne pouvait pas exprimer quelque chose de vrai en soi, indépendamment de la forme.<br />
<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
À part l’objection linguistique mentionnée ci-dessus, cette astuce de transcription souffre du sérieux inconvénient qu’elle élimine l’ambiguïté s’attachant aux diverses façons d’utiliser le même mot « soi », une ambiguïté qui est en fait essentielle à toute discussion approprié sur cette question, ne serait-ce que parce qu’elle correspond étroitement à notre expérience humaine.<br />
<br />
Qui est le vrai soi ? Le contexte seul est capable de montrer quel soi est voulu dans un cas donné ; c’est aussi vrai des formulations écrites que cela l’est de la vie. Anticiper arbitrairement la conclusion en volant le mot-clé de son caractère équivoque ne fait que contribuer à brouiller encore plus le problème principal.<br />
<br />
Ananda Coomaraswamy et René Guénon étaient tous deux de grands hommes auxquels notre génération doit beaucoup ; si je les ai critiqués d’une certaine manière dans l’instance présente c’est parce que cela m’a permis d’insister au sujet d’un certain indéfini affectant le mot « soi » comme il est communément utilisé, un fait qui, envisagé en toute conscience à chaque situation successive, va lui-même devenir un facteur d’illumination, pas l’inverse.</div>
<br />
Pour traduire, Pallis demande à ce que soit pris en compte le contexte, alors que c’est exactement ce que fait Coomaraswamy, par exemple dans la traduction suivante :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
<span style="background-color: #9fc5e8;">« Le Soi est le Seigneur du soi et son but. »</span><br />
(<i>Dhammapada</i>, 160 : <i>attâ hi attano nâtho</i>)</div>
Ananda K. Coomaraswamy, <i>Hindouisme et Bouddhisme</i>, p. 94.<br />
<br />
Comment l’ambiguïté revendiquée par Pallis est-elle possible ici ? Pour tenir cette position sans gêne, il faut simplement ne donner aucun intérêt aux textes exposant les doctrines du Bouddhisme.<br />
<br />
Voici des extraits plus larges du même livre :</div><div style="text-align: justify;"><br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
En annonçant sa mort toute proche, le Bouddha laisse ce message : <span style="background-color: #9fc5e8;">« Soyez avec le Soi (<i>âtman</i>) pour lampe, le Soi pour unique refuge, la Loi pour lampe et unique refuge (1). »</span><br />
---<br />
1 – D., 11, 101 : <i>atta-dîpâ viharatha atta-saranâ... dhammadîpâ dhammasaranâ</i>. Cf. Sn., 501, <i>yâ atta-dîpâ vicharanti lokê akimchanâ sabbadhi vippamuttâ</i> ; Dh., 146, 232, <i>andhakdrêna onaddhâ padipam na gavêssatha... so karohi dîpam attano</i>. L’admonition <span style="background-color: #9fc5e8;">« Fais du Soi ton refuge »</span> <i>karêyya saranattano</i>, S., III, 143) commande ce que le Bouddha lui-même a fait : <span style="background-color: #9fc5e8;">« J’ai fait du Soi mon refuge »</span>, dit-il (<i>katam mê saranam attano</i>, D., II, 120) ; car, en vérité, <span style="background-color: #9fc5e8;">« ce qu’il enseigne, il le fait »</span> (<i>yathâ vâdî, tathâ kâri</i>, A., 11, 23 ; 111, 135 ; Sn., 357). Ce tathâ revient souvent dans l’épithète « <i>Tathâgata</i> ». Les textes bouddhiques sur la « lampe » correspondent à Shwêt. Up., II, 15 : « Quand l’homme qui se maîtrise perçoit, grâce à la quiddité de son propre Soi, comme à la lumière d’une lampe (<i>âtma-tattwêna... dîpopamêna</i>) la Quiddité de Brahma sans naissance, immuable et pure de toutes autres quiddités, alors, connaissant Dieu, il est délivré de tous les maux ». L’Esprit (<i>âtman</i>) est notre lumière quand toutes les autres lumières nous ont quittés (BU., VI, 3, 6).</div>p. 90.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
La Doctrine<br />
<br />
Dans la question du Bouddha citée plus haut : <span style="background-color: #9fc5e8;">« Ne serait-il pas mieux pour vous que vous poursuiviez le Soi ? »</span> il y a un contraste précis entre le pluriel du verbe et le singulier de l’objet. C’est l’Un que doit trouver la multitude. Considérons les nombreux autres textes bouddhiques dans lesquels les « soi », respectivement composé et mortel et unique et immortel, sont mis en opposition. La question est posée, tout comme elle l’avait été dans les livres brahmaniques : « Par quel soi (<i>kêna âtmanâ</i>) (1) atteint-on le monde de Brahma ? » La réponse est donnée dans un autre passage, où la formule habituellement employée pour décrire la réalisation de l’état d’Arhat conclut : « Par le Soi qui est Identique à Brahma » (<i>brahma-bhûtêna-âtmanâ</i>), tout comme elle l’est dans les Upanishads : « C’est en tant que Brahma qu’il retourne à Brahma (2). » De ce monde il n’est aucun retour (<i>punar âvartana</i>) par nécessité de renaissance (3). D’autres passages distinguent le Grand Soi (<i>mahâtman</i>) du petit soi (<i>alpâtman</i>), ou le Soi splendide (<i>kâlyânâtman</i>) du soi impur (<i>pâpâtman</i>) ; le premier est le juge du second (4). <span style="background-color: #9fc5e8;">« Le Soi est le Seigneur du soi et son but (5). »</span> Dans la parole : <span style="background-color: #9fc5e8;">« Pour celui qui l’a atteint il n’est rien de plus cher que le Soi (6) »</span>, on reconnaît la doctrine des Upanishads selon laquelle « seul le Soi est véritablement cher (7) », le « Aime-toi Toi-même (8) » hermétique et la doctrine chrétienne selon laquelle « un homme, par charité, doit s’aimer lui-même plus que personne d’autre (9) » ; lui-même, c’est-à-dire le Soi pour l’amour duquel il doit se nier soi-même.<br />
---<br />
1 – Sn., 508 : <i>Ko sujjhati muchchati bajihati cha ? kên’attanâ gacchati brahmalokam ?</i> Les réponses que comportent évidemment ces questions sont <i>Yakkha</i> comme dans Sn., 875 et <i>brahmabhûtêna attanâ</i> comme dans A., 11, 211 : les réponses brahmaniques, AA., Il, 6, <i>prajnânam brahma, sa êtêna prajnênâtmanâ.., amritah samabhavat</i>, BU., IV, 4, 6, <i>brahmaiva san brahmâpyêti</i> (avec le commentaire de Shankara, disant que c’est du <i>Paramâtmâ</i> seulement que l’on peut affirmer l’asservissement et la délivrance) sont essentiellement les mêmes ; cf. BG., XVIII, 54, <i>brahma-bhûtah prasannâtmâ</i>. Rendre <i>kên’attanâ</i> par « par quoi ? » seulement est caractéristique des amoindrissements de Lord Chalmers. De la même façon, le PTS Dictionary omet soigneusement des références positives concernant <i>attâ</i> et ignore <i>mahatttâ</i>. Mrs. Rhys David a discuté le rapport <i>mahattâ</i> = <i>mahâtmâ</i> (par ex. <i>Review of Religion</i>, VI, 22 f.), mais ignore la nature du <i>mahiman</i> (« majesté ») sur quoi repose l’épithète.<br />
2 – A., 11, 211, <i>brahma-bhûtêna attanâ viharati</i> ; de même BU., IV, 4, 6, <i>brahmaiva san brahmâpyêti</i>.<br />
3 – DA., I, 313, <i>tato brahma-lokâ patisandhi-vasêna na âvattana-dhammo</i>, développant D., 1, 156, <i>anâvattidhammo</i> ; comme dans BU., VI, 2, 15, <i>tê têshu brahma lokêshu... vasanti, têshâm na punarâvrittih</i> ; CU., IV, 15, 6, <i>imam mânavam-avartam nâvartantê</i> ; CU., VIII, 15. Il faut toutefois distinguer salut et perfection. Être devenu un Brahmâ dans le monde de Brahma est sans doute un haut accomplissement, mais ce n’est pas le degré suprême, la sortie finale (<i>uttarakaranîyam</i>, <i>uttarim nissaranam</i>), l’extinction exempte de tous les facteurs de l’existence dans le temps (<i>anupâdisêsa-nibbânam</i>) que peut atteindre un Brahmâ, même dans le monde de Brahma. La seule condition supérieure à celle-là est l’atteinte de cette fin suprême ici même et maintenant plutôt qu’après la mort (M., II, 195-6 ; D., I, 156 ; A., IV, 76-7 ; cf. BU., IV, 3, 33 où Janaka, instruit de ce qui concerne le monde béatifique de Brahma, demande « plus que cela, pour ma délivrance »). Ces textes rendent évident que dans l’équation ordinaire <i>brahma-bhûto</i> = <i>buddho</i>, ce n’est pas « devenir Brahmâ » mais « devenir Brahma » qu’il faut comprendre : le Bodhisattwa était d’ores et déjà un Brahmâ et un Mahâ-Brahmâ, dans ses précédents états (A., IV, 88), mais, somme toute, il n’était pas encore un Bouddha ; cf. MU., VI, 22 où il est question de dépasser le Brahmâ intelligible, et de réintégrer le suprême, le non-intelligible Brahma en qui (ou quoi) toutes les caractéristiques individuelles (<i>prithag-dharminah</i>) ont disparu ; ainsi dans Sn., 1074-6 où le Muni, affranchi du nom et de la forme, <span style="background-color: #9fc5e8;">« atteint son but »</span> dont on ne peut rien dire, parce que toutes ses caractéristiques individuelles sont <span style="background-color: #9fc5e8;">« confondues »</span> (<i>sabbêsu dhammêsu samuhatêsu</i>) comme les fleuves quand ils atteignent la mer (A., IV, 198). D’autre part, quand, Sn., 478, 509, le Bouddha, en tant que personnage visible, est reconnu comme le <i>sakkhi brahmâ</i> (= <i>sâkshât brahma</i>, BU., III, 4, 2 = <i>pratyaksham brahma</i>, Taitt. Up., 1, 12), Brahmâ au masculin est manifestement approprié, le Brahmâ visible étant, comme le dit Shankara, <i>saguna</i>. De même Sn., 934, <i>sakkhi dhammam adassî</i> ; S., III, 120, <i>yokho dhammam passati mam passati</i> ; A., 1, 149, <i>sakkhi attâ</i>.<br />
4 – A., 1, 57, 58, 87 (<i>attâ pi attanam upavadati</i>), 149, 249, V., 88 ; Sn., 778, 913 ; cf. Manu, XI, 230 ; <i>République</i>, 440 B ; I Cor., IV, 4. C’est le « Ayenbyte of Inwyt ».<br />
5 – Dh., 160, <i>attâ hi attano nâtho</i> ; 380, <i>attâ hi attano gati</i> (cf. BU., IV, 3, 32 ; KU., III, 11 ; MU., VI, 7, <i>âtmano’tmâ nêtâ amritâkhyah</i> ; RV., V, 50, 1, <i>vishwo dêvasya nêtuh</i>, viz. Savitri). Cf. S., III, 82, 83, <i>yad anattâ... na mê so attâ</i>, <span style="background-color: #9fc5e8;">« Ce qui est non-Soi, ce n’est pas mon Soi »</span> ; le Soi (<i>âtman</i>) est sans ego (<i>anâtmya</i>), cf. TU., il, 7.<br />
6 – S., I, 75, <i>n’êv’ajjhagâ piyataram attanâ kwachi... attakâmo</i> ; Udâna 47 ; A., 12, 91 (cf., 11, 21), <i>attakâmêna mahattam abhikkhankatâ</i>. S., I, 71, 72, comme BG., VI, 5-7, montre dans quelles circonstances le Soi est cher (<i>piyo</i>) ou n’est pas cher (<i>appiyo</i>) de l’ego. Dans A., IV, 97, d’autre part, <i>attâ hi paramo piyo</i>, l’homme <span style="background-color: #9fc5e8;">« trop épris de lui-même »</span>, est ce que l’on entend d’habitude par « égoïste ».<br />
7 – BU., I, 4, 8 ; 11, 4 ; IV, 5.<br />
8 – Hermès, <i>Lib.</i>, IV, 6 B.<br />
9 – Saint Thomas d’Aquin, <i>Sum. Theol.</i>, II-II, 26, 4 ; cf. DH., 166 (le premier devoir de l’homme est de travailler à son propre salut).</div>
pp. 93-94.<br />
<br />
D. : Dîgha Nikâya<br />
A : Angutara Nikâya<br />
S : Samyutta Nikâya<br />
M : Majjhima Nikâya<br />
DA : Sumangala Vilâsinî (Dîgha Nikâya Atthakatha)<br />
Sn : Sutta Nipâta<br />
Dh. : Dhammapada<br />
AA :Aitarêya Aranyaka<br />
Shwêt. Up. : Shwêtâshwatara Upanishad<br />
BU : Brihadâranyaka Upanishad<br />
CU :Chândogya Upanishad<br />
MU : Maitri Upanishad<br />
KU : Katha Upanishad<br />
RV : Rig Vêda Samhitâ<br />
TU : Taittiriya Upanishad<br />
BG : Bhagavad Gîtâ<br />
PTS : Pali Text Society<br />
<br />
Les extraits de <i>Buddhist Spectrum</i> précédemment reproduits montrent qu’en réalité, s’il y a quelque chose qui attirait Pallis dans le Bouddhisme, c’était ses aspects déviés. Comme dit Coomaraswamy dans <i>Hindouisme et Bouddhisme</i>, <span style="background-color: #d0e0e3;">« le Bouddhisme a été admiré surtout pour ce qu’il n’est pas »</span>. Ceci s'applique bien à Pallis, de même que la citation suivante :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Ainsi les textes pâlis canoniques ne nient nullement l’<i>âtman</i>. Au contraire, ce dont ils se soucient est d’éviter la possibilité de confondre le « corps et sa conscience » avec <i>âtman</i>, en d’autres termes <i>attabhâva</i> avec <i>atta</i> lui-même. On n’est susceptible de tomber dans une telle erreur qu’à cause de la vanité du « Je » et du « Mien ». Les Asuras dans CU, VIII, 8 sont représentés comme faisant justement cette erreur, mais dans S., II, 94, il est pris pour acquis que même les « personnes ordinaires » ont trop d’intelligence pour permettre une telle erreur (1).<br />
---<br />
1 – Cf. RV., X, 168.4, « L’esprit des Anges (<i>âtmâ devânâm</i>), dont le son est entendu mais qui n’a pas d’image (<i>rûpam</i>), L’invoquons-nous, le Vent ». Il semble avoir été réservé aux savants occidentaux, suivant les traces des Asuras, de rendre <i>âtman</i> par « corps » dans certains contextes. C’est littéralement le « pêché contre le Saint Esprit » (<i>âtmahana</i>, comme dans IU, IV, 3).</div>
Ananda K. Coomaraswamy, <i>Rebirth and Omniscience in Pâli Buddhism</i>, Indian Culture vol. III (july 1936), p. 28.<br />
<a href="https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.29882/page/n39/mode/2up">https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.29882/page/n39/mode/2up</a><br />
<br />
<br />
<br />
De même que les schuoniens ont voulu réduire Guénon à une « sorte de remarquable machine à écrire » (cf. <i>La Fonction de Frithjof Schuon</i>, 2-c), ils semblent avoir voulu réduire Coomaraswamy à une sorte de remarquable machine à citations.<br />
<br />
Pallis n’était même pas intéressé par les preuves indéniables que celui-ci a apportées, montrant la vérité originelle du Bouddhisme. Cela montre que tout ce qui l’intéressait en cela était de tenter d’affaiblir Guénon au bénéfice de Schuon. Alors que le sujet de fond vaut mieux que ces mesquineries.<br />
<br />
<br />
Partie suivante :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-3.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-3.html</a>
</div>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-56500769622289329732020-12-15T16:06:00.011+01:002021-03-09T00:18:55.565+01:00La question du Bouddhisme<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<h2>
Introduction</h2>
<h2>
1) Un récit mensonger</h2>
<h3>
1-a) Les événements racontés par Marco Pallis<br />
1-b) Mentions de Pallis par Guénon<br />
1-c) Cheminement public de Coomaraswamy, relayé au fur et à mesure par Guénon<br /></h3>
<h4>
1-c-i) Symboles du Bouddhisme<br />
1-c-ii) Correction des travaux de Mrs. Rhys Davids</h4>
<span style="color: #cccccc;">
<h2>
2) L’hostilité d’un groupuscule sectaire</h2>
<h3>
2-a) Préciosité<br />
2-b) L’influence de Schuon<br />
2-c) Des demandes de modifications qui virent au harcèlement<br />
2-d) Une nette hostilité envers Guénon<br />
2-e) Une hostilité aussi dirigée contre Coomaraswamy<br />
</h3>
<h2>
3) Des nuances nécessaires</h2>
<h3>
3-a) Indifférence à la vérité<br />
3-b) De quoi parle-t-on exactement ?<br />
3-c) Nécessité de faire des distinctions<br />
</h3>
<h4>
3-c-i) Le <i>Vajrayâna</i><br />
3-c-ii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
3-c-iii) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h3>
3-d) Sujet réel de la rectification : le Bouddhisme originel<br />
3-e) La position de Shankarâchârya<br />
</h3>
<h2>
4) Dans les textes bouddhistes</h2>
<h3>
4-a) À propos des deux chapitres supprimés de <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i><br />
4-b) Les <i>Mâdhyamikas</i> et <i>sarva-shûnya</i><br />
4-c) Les 5 éléments, le vide et l’atomisme<br />
</h3>
<h4>
4-c-i) <i>Âkâsha</i> et l’espace<br />
4-c-ii) Dans le canon pali<br />
4-c-iii) Le <i>Mahâyâna</i><br />
4-c-iv) Le <i>Hînayâna</i><br />
</h4>
<h2>Conclusion</h2>
</span>
</div>
<br />
<br />
<br />
<h2>
Introduction</h2>
<br />
Il est régulièrement fait état de « l’erreur de Guénon sur le Bouddhisme », en sous-entendant par là les formes actuelles du Bouddhisme.<br />
<br />
Cette accusation est simplement mensongère, elle empêche de comprendre la rectification réellement faite par Guénon, soit par un militantisme quelconque, par nature malhonnête, soit par fainéantise de vérifier les informations propagées par d’autres.<br />
<br />
<br />
<h2>
1) Un récit mensonger</h2>
<br />
<h3>
1-a) Les événements racontés par Marco Pallis</h3>
<br />
On peut lire le récit que Pallis en fait dans son dernier livre :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
L’enthousiasme nouvellement trouvé du jeune Guénon pour la sagesse védantique exposée par le grand Shankaracharya l’a mené à rejeter anattâ, et tout le Bouddhisme avec elle, comme étant à peine plus qu’une vague hérétique sur l’océan de l’intellectualité hindoue ; son propre échec à consulter les textes bouddhistes parallèles a été responsable d’une conclusion hâtive à laquelle, pendant un certain temps, il s’est accroché obstinément. À une date plus tardive, cependant, une approche de Guénon a été faite par moi-même, soutenue par A. K. Coomaraswamy, dont Guénon respectait beaucoup l’érudition lucide avec son souci scrupuleux pour l’autorité traditionnelle, de sorte qu’il a accepté d’éliminer de ses travaux publiés les passages anti-bouddhistes offensants</div>
Marco Pallis, <i>Buddhist Spectrum</i>, 1980.<br />
<br />
Dans le texte suivant, il donne plus de détails sur le contexte :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
à l’automne 1939, […] Moi et mon ami Richard Nicholoson […] avons décidé d’utiliser notre temps libre pour traduire deux des plus importants traités de Guénon, <i>l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i> et son chef-d’œuvre suprême, <i>L’Homme et son Devenir selon le Vêdânta</i> […]<br />
<br />
Chacun de ces livres présentait un problème qui nous a touché personnellement sous la forme d’un chapitre concernant le Bouddhisme, que Guénon rejetait sommairement comme à peine plus qu’un développement hérétique au sein du monde hindou lui-même ; il n’y avait pas de preuve montrant que Guénon, avant d’arriver à cette conclusion négative, avait consulté des textes bouddhistes d’autorité comme vérification après des critiques hostiles qu’il aurait pu citer à partir de sources déjà biaisées, une omission dont Coomaraswamy aurait été incapable. Que devions-nous, traducteurs, faire alors ? Devions-nous simplement rendre le texte juste comme il était ou devions-nous, avant de le faire, risquer un appel à l’auteur dans l’espoir qu’il reconsidère quelques une des choses qu’il avait dites à ce sujet ? Pour penser qu’il le fasse, cependant, des preuves nouvelles et convaincantes étaient indispensables : comment l’expérience personnelle de deux jeunes hommes pourrait avoir le moindre poids devant un homme de l’éminence de René Guénon ? Seulement une personne semblait qualifiée pour le faire réfléchir à nouveau : c’était Coomaraswamy, à la fois à cause du haut respect en lequel Guénon le portait, et aussi en tant que savant capable de produire des preuves concrètes d’un caractère irréfutable. Une lettre a été envoyée en hâte à Boston, demandant assistance sous la forme de citations d’autorité doublées de la permission d’utiliser son nom.<br />
<br />
Coomaraswamy a bien voulu accéder à notre demande, une lettre de lui a suivi, contenant la preuve irréfutable prouvant que Guénon avait fait un certain nombre de déclarations inexactes de fait concernant ce que le Bouddhisme enseigne en réalité ; il nous restait, cependant, à rassembler les arguments en succession logique sur la base du nouveau matériau ainsi fourni à nous, auquel nous pouvions maintenant ajouter quelques observations à nous, se basant sur ce que nous avions vu et entendu lors de nos rapports avec des autorités bouddhistes au Sikkim, au Ladakh et à d’autres endroits. Cette lettre a ensuite été envoyée au Caire où Guénon habitait : en fait il a passé tout le reste de sa vie dans cette ville.<br />
<br />
Nous n’avons pas eu à attendre longtemps pour une réponse, qui était au-delà de nos espoirs les plus chers dans leur totalité. Guénon a demandé que les deux chapitres offensants soient supprimés, promettant aussi de les remplacer par d’autres composés sur des lignes différentes. En effet, il est allé plus loin, puisqu’il nous a demandé, par anticipation, de faire des corrections similaires dans d’autres textes de lui si et quand nous viendrions à les traduire ; dans ce but il a fourni un certain nombre de passage réécrits, la plupart pas de grande longueur, mais suffisants pour répondre à nos diverses objections. Pour ce résultat réconfortant nous devons remercier Coomaraswamy dans une large mesure, bien que l’initiative soit venue de nous ; l’intégrité intellectuelle de Guénon à s’incliner devant les preuves mérite aussi des remerciements.</div>
Marco Pallis, <i>A Fateful Meeting of Minds: A. K. Coomaraswamy and R. Guénon</i> (dans <i>Studies in Comparative Religion</i>, Vol. 12, No. 3 & 4. Summer-Autumn 1978).<br />
<a href="http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx">http://www.worldwisdom.com/public/library/A_Fateful_Meeting_of_Minds-by_Marco_Pallis.aspx</a><br />
<br />
Pallis est donc « offensé » par ce qu’il appelle lui-même un « chef-d’œuvre » de Guénon au point qu’il lui demande de le traduire. Comme il ne connaît pas les textes bouddhistes, il utilise Coomaraswamy pour en obtenir des extraits, afin de faire plier Guénon.<br />
<br />
<br />
<h3>
1) b) Mentions de Pallis par Guénon</h3>
<br />
En lisant Pallis, on a l’impression que la nature du Bouddhisme était à l’époque tout à fait connue, sauf par Guénon qui tenait depuis des années une position fausse, caricaturale et figée, et que grâce à son intervention (fin 1939, début 1940), celui-ci a fait un revirement soudain.<br />
<br />
On peut chercher si le revirement subit est évoqué dans les correspondances à Coomaraswamy.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Marco Pallis m’a naturellement envoyé son livre ; il s’y trouve en effet des parties qui sont très bien ; je regrette seulement qu’elles soient un peu perdues au milieu des détails d’un récit de voyages ; mais il est vrai que cela pourra ainsi atteindre des gens qui n’auraient pas lu un ouvrage entièrement doctrinal, et, d’après ce qu’il m’a écrit, il semble bien que cela ait été son intention en mélangeant ainsi ces deux ordres de choses si différents.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 9 février 1940.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
À propos de Pallis, il m’a écrit dernièrement que, dans votre correspondance avec lui, vous aviez parlé de la question des traductions anglaises de mes livres et de la possibilité de les faire éditer par Luzac. On avait ajourné la chose en raison des circonstances peu favorables, mais justement on a pensé ces temps-ci à essayer de la reprendre sans attendre davantage ; je vous tiendrai au courant de ce qui en résultera. Je ne sais pas au juste ce qu’il en est en Angleterre, mais, en France, les affaires de librairie semblent avoir repris plus rapidement qu’on ne l’aurait pensé.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 20 février 1940.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il paraît que le livre de M. Pallis a déjà une 2<sup>e</sup> édition ; j’en suis tout étonné, car la 1<sup>re</sup> a paru à un moment qui semblait bien peu favorable. – À propos de M. Pallis, il m’a dit vous avoir parlé de la question de la traduction anglaise de mes livres ; comme il paraissait d’ailleurs assez peu au courant du point où en sont les choses, je lui ai donné quelques explications à ce sujet. Au début de la guerre, on avait ajourné toute idée d’édition, mais maintenant on pense à reprendre la chose sans plus attendre. Nous revoyons donc une dernière fois, en ce moment même, la traduction d’« Orient et Occident » et celle de la « Crise du Monde moderne », afin que ce soit complètement prêt.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 10 mars 1940.<br />
<br />
Pas de trace de cette soi-disant révolution apportée par Pallis.<br />
<br />
Au contraire, comme nous allons le voir, à la lecture de leur correspondance, on constate que Guénon et Coomaraswamy discutaient déjà de la nature du Bouddhisme depuis des années. Et ces discussions n’avaient rien de confidentiel dans leur contenu, elles portaient sur les travaux publics de Coomaraswamy, que Guénon avait relayés et validés au fur et à mesure dans les <i>Études Traditionnelles</i>.<br />
<br />
<br />
<h3>
1) c) Cheminement public de Coomaraswamy, relayé au fur et à mesure par Guénon</h3>
<br />
Les dates qui sont en puces dans la suite sont les dates de publication des travaux de Coomaraswamy.<br />
<br />
<h4>
1) c) i) Symboles du Bouddhisme</h4>
<br />
<ul><li>
Décembre 1935 : <i>Journal of the Indian Society of Oriental Art</i>, p. 127, Ananda K. Coomaraswamy – <i>The « conqueror’s life » in Jaina painting : explicitur reductio haec artis ad theologiam</i>.</li></ul>
<a href="https://archive.org/details/in.gov.ignca.33215/page/n203/mode/2up">https://archive.org/details/in.gov.ignca.33215/page/n203/mode/2up</a><br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Le Jaïnisme, comme le Bouddhisme, reflètent une révolte du pouvoir temporel (kshatra, regnum) contre le pouvoir spirituel (brahma, sacerdotum). Cette révolte est préfigurée comme une possibilité dans la figure d’Indra, le Lucifer Védique et fils prodigue qui prend possession des trésors paternels et extravertit la puissance et la gloire du royaume intérieur. Mais alors que dans le RV, Indra agit surtout comme vassal d’Agni, exerçant un pouvoir délégué (RV, X, 52, 5, imité dans le Râjasûrya, SB, V, 3, 5, 27, f. et V, 4, 3, 3, f.), et ainsi en relation légitime avec, et protecteur de l’opération spirituelle (vratapâ, « fidei defensor »). En même temps, il se présente une autre possibilité. Cette possibilité, latente in principio, est réalisée sous la forme d’Indra Vaikuntha : « Rendu fou par l’orgueil dans sa propre énergie-héroïque et dupé par la magie des Titans » (svena virena darpitah... mohito’suramâyayâ, BD. VII, 54, f.) il attaque les Anges, et doit être « éveillé » (bhuddyâ) avant qu’il retourne à son allégeance. Étant rendu fou, dupé et engourdi, son statut est ainsi satanique, Lucifer a été obscurci, et est donc Satan. Cette possibilité satanique est nécessairement réalisée en temps voulu dans l’histoire, où elle est représentée par une révolte effective du pouvoir temporel, tel que cela est reflété dans le Jaïnisme et le Bouddhisme, et peut être reconnu dans tout cycle historique.</div>
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
<i>Le Journal of the Indian Society of Oriental Art</i> (n<sup>o</sup> de décembre 1935) a publié une importante étude de M. Ananda K. Coomaraswamy sur la peinture jaïna, qui, conçue dans le même esprit que ses <i>Elements of Buddhist Iconography</i> dont nous parlons d’autre part, complète d’heureuse façon les vues exposées dans ceux-ci ; et le sous-titre : « <i>Explicitur reductio hoec artis ad theologiam</i> », inspiré d’un opuscule de saint Bonaventure, en précise nettement les intentions. Comme le Bouddhisme, le Jaïnisme, bien qu’hétérodoxe et rejetant même formellement la tradition vêdique, n’a pourtant, en fait, rien changé d’essentiel à la conception primordiale d’un <i>Avatâra</i> éternel, si bien qu’on peut faire, au sujet des représentations de la « vie du Conquérant » (<i>Jina-charitra</i>), des observations parallèles à celles auxquelles donne lieu la vie du Bouddha. L’auteur fait aussi remarquer que la révolte du pouvoir temporel (<i>kshatra</i>) contre l’autorité spirituelle (<i>brahma</i>), que reflète le Jaïnisme aussi bien que le Bouddhisme, est en quelque sorte préfigurée, comme possibilité, par un certain aspect « luciférien » de l’Indra vêdique ; les doctrines hétérodoxes qui présentent un tel caractère pourraient donc être considérées comme la réalisation même de cette possibilité au cours d’un cycle historique.</div>
<i>Études Traditionnelles</i>, juillet 1936, comptes rendus de revues.<br />
<br />
<ul><li>
1935 : Ananda K. Coomaraswamy – <i>Elements of Buddhist Iconography</i>.</li></ul>
Dans le même n<sup>o</sup> des <i>Études Traditionnelles</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Cet important ouvrage contient l’interprétation des principaux symboles employés par le Bouddhisme, mais qui, en fait, lui sont bien antérieurs et sont en réalité d’origine vêdique, car, comme le dit très justement l’auteur, « le Bouddhisme dans l’Inde représente un développement hétérodoxe, tout ce qui est métaphysiquement correct dans son ontologie et son symbolisme étant dérivé de la tradition primordiale ». Les symboles qui ont été appliqués au Bouddha sont principalement ceux de l’Agni vêdique, et cela non pas plus ou moins tardivement, mais, au contraire, dès l’époque où on ne le représentait pas encore sous la forme humaine.<br />
<br />
[…] ces considérations sont de nature à modifier singulièrement l’idée « rationaliste » que les Occidentaux se font du « Bouddhisme primitif », qui peut-être était au contraire moins complètement hétérodoxe que certains de ses dérivés ultérieurs ; s’il y a eu « dégénérescence » quelque part, ne serait-ce pas précisément dans le sens inverse de celui que supposent les préjugés des orientalistes et leur naturelle sympathie de « modernes » pour tout ce qui s’affirme comme antitraditionnel ?</div>
<br />
<ul><li>
1938 : Ananda K. Coomaraswamy – <i>The Nature of Buddhist Art</i>.</li></ul>
<div style="background-color: #fff2cc;">
C’est l’introduction, éditée séparément, d’un important ouvrage sur <i>The Wall Paintings of India, Central Asia and Ceylon</i>, en collaboration avec M. Benjamin Rowland. L’auteur montre que, pour comprendre vraiment l’art bouddhique, et en particulier les représentations du Bouddha, il faut se référer à des conceptions fort antérieures au Bouddhisme lui-même, puisqu’elles se rattachent en définitive aux sources vêdiques et, par là, au symbolisme universel, commun à toutes les traditions. L’application plus ou moins hétérodoxe qui en a été faite n’empêche pas que, en principe, la naissance historique du Bouddha représente la manifestation cosmique d’<i>Agni</i>, et que sa vie peut, dans le même sens, être dite « mythique », ce qui n’est pas en nier la réalité, mais au contraire en faire ressortir la signification essentielle.</div>
<i>Études Traditionnelles</i>, mars 1938, comptes rendus de livres.<br />
<br />
<br />
<h4>
1) c) ii) Correction des travaux de Mrs. Rhys Davids</h4>
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je lis en ce moment un livre de Mrs. Rhys Davids : « The Birth of Indian psychology and its development in Buddhism », et j’y vois notamment ce dont vous me parliez dernièrement : cette confusion de « soul », « spirit », « self », etc., est véritablement effrayante ! Et que dire de son point de vue prétendu « historique » ? Son « Sakya » me fait l’effet d’être, pour une bonne part, une imagination due tout simplement à son préjugé « antimonastique »…</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 11 février 1936.<br />
<br />
Dans la suite, les conceptions réincarnationistes de Mrs Rhys Davids sont abordées :<br />
<br />
<ul><li>
Juillet 1936 : <i>Indian Culture</i>, p. 19, Ananda K. Coomaraswamy – <i>Rebirth and Omniscience in Pâli Buddhism</i>.</li></ul>
<a href="https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.29882/page/n29/mode/2up">https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.29882/page/n29/mode/2up</a><br />
<br />
Coomaraswamy exhibe déjà des citations montrant plusieurs compréhensions du soi, et la présence d’un principe transcendant dans les textes du Bouddhisme originel.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Votre réponse à Mrs. Rhys Davids est tout à fait bien, et concorde en somme entièrement avec les critiques que j’ai formulées à son sujet il y a quelque temps. – Puisque vous avez abordé à cette occasion la question de « rebirth », en attendant l’autre travail dont nous avons parlé, je dois dire que la façon dont vous l’envisagez me paraît très exacte ; « transmigration » et non « réincarnation », ce sont bien les termes mêmes que j’employais dans ma dernière lettre.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 21 septembre 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Dans <i>Indian Culture</i> (vol. III, n<sup>o</sup> I), un article de M. Ananda K. Coomaraswamy, intitulé <i>Rebirth and Omniscience in Pâli Buddhism</i>, contient une critique des conceptions de Mrs Rhys Davids qui s’accorde entièrement avec celle que nous avons formulée ici même<sup>*</sup>, il y a peu de temps, en rendant compte d’un de ses ouvrages. L’auteur proteste très justement contre une certaine façon de dénaturer les textes en écartant leurs parties métaphysiques, d’où ne peut résulter qu’une déformation complète de leur signification. D’autre part, il signale que, ayant étudié la doctrine de la mort et de la renaissance dans le <i>Rig-Vêda</i>, les <i>Brâhmanas</i>, les <i>Upanishads</i>, la <i>Bhagavad-Gîtâ</i> et le Bouddhisme pâli, il n’a trouvé aucun « développement » de cette doctrine à travers toute cette série, ni aucun enseignement du retour de l’être au même monde qu’il a quitté à la mort ; il est partout question de « transmigration », mais non point de « réincarnation ».<br />
----<br />
* Comptes rendus de livres, avril 1936 : Mrs Rhys Davids – <i>The Birth of Indian Psychology and its development in Buddhism</i>.</div>
<i>Études traditionnelles</i>, novembre 1936, comptes rendus de revues.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour la « régénération », les textes dont vous parlez paraissent vraiment très explicites en effet. – J’ai bien toujours pensé aussi que <i>même</i> les textes bouddhiques soi-disant « réincarnationnistes » avaient été mal interprétés et devaient avoir en réalité un autre sens que celui qu’on veut y voir.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 26 décembre 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Ce que vous m’expliquez au sujet d’<i>anattâ</i> apparaît comme beaucoup plus « normal » que l’interprétation ordinaire, qui soulève des difficultés et même des contradictions à n’en plus finir. – Faut-il conclure que le Bouddhisme, tout au moins sous la forme du Hînayâna, est devenu par la suite beaucoup plus hétérodoxe qu’il ne l’était à l’origine ? Et, s’il en est ainsi, quand et comment cette déviation ultérieure a-t-elle pu s’introduire ?</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 27 janvier 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je vois que votre travail sur la « réincarnation » sera beaucoup plus long que je ne le pensais, car je croyais qu’il ne s’agissait en somme que d’un simple article ; je souhaite que vous puissiez terminer sans trop tarder le volume entier que vous envisagez, car il sera certainement fort utile pour rectifier beaucoup d’idées fausses… – Ceci me fait penser à Mrs. Rhys Davids : j’ai appris dernièrement qu’elle s’occupe beaucoup de « psychisme », pour ne pas dire de spiritisme ; il y a sûrement là l’explication de bien des choses bizarres que j’avais remarquées depuis longtemps dans ses écrits !</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 21 septembre 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Merci aussi d’avance pour le prochain article que vous m’annoncez sur le dernier livre de Mrs. Rhys Davids ; nous n’avons toujours pas reçu celui-ci, mais, s’il nous est envoyé, je saurai dès maintenant qu’il n’y aura pas lieu que j’en parle dans les comptes rendus, afin de ne pas faire double emploi avec votre article.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 17 décembre 1938.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Vos trois lettres des 30 décembre, 3 et 4 janvier, me sont arrivées en même temps. – Merci bien vivement pour l’article joint à la dernière, très intéressant comme toujours, et qui me paraît mettre très bien les choses au point.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 22 janvier 1939.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Merci pour l’indication de l’adjonction à faire à votre article sur le livre de Mrs. Rhys Davids.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 16 février 1939.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour l’addition que vous m’indiquez cette fois pour votre article sur le livre de Mrs. Rhys Davids, la dernière phrase (« it is the same <i>in the geneologia regni Dei</i>, » etc.) étant en caractères très pâles, je me demande si cela est dû simplement à un accident de « typing », ou si votre intention n’a pas été de l’effacer après coup ; voudrez-vous avoir l’obligeance de me dire ce qu’il en est ?</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 10 mars 1939.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
M. Préau me dit vous avoir envoyé sa traduction de votre article sur le « Bouddhisme originel ». – Je lui ai fait parvenir la note à ajouter à l’autre article.</div>
René Guénon à Ananda K. Coomaraswamy, 2 avril 1939.<br />
<br />
<ul><li>
Mai 1939 : <i>Études Traditionnelles</i>, Ananda K. Coomaraswamy – <i>Le Bouddhisme originel</i>.</li></ul>
Reproduction ici :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html</a><br />
<br />
<ul><li>
Décembre 1939 : <i>New Indian Antiquary</i>, Ananda K. Coomaraswamy – <i>The Reinterpretation of Buddhism</i>.</li></ul>
Version anglaise, plus longue et modifiée, de l'article précédent :<br />
<a href="https://archive.org/details/newindianantiquaryvol219391940_708_E/page/n601/mode/2up">https://archive.org/details/newindianantiquaryvol219391940_708_E/page/n601/mode/2up</a><br />
<br />
Celle-ci sera commentée par Guénon dans les <i>Études Traditionnelles</i> en septembre 1946 :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Dans le <i>New Indian Antiquary</i> (n<sup>o</sup> de décembre 1939), sous le titre <i>The Reinterpretation of Buddhism</i>, M. A. K. Coomaraswamy examine certains des points principaux sur lesquels doit être rectifiée la conception qu’on s’était faite jusqu’ici du Bouddhisme, qui en réalité ne fut d’ailleurs tant admiré en Europe que parce qu’il avait été fort mal compris. Mrs Rhys Davids a contribué par ses récents livres à cette rectification, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation d’<i>anattâ</i>, qui n’implique aucunement une négation de l’<i>Âtmâ</i> comme on l’a si souvent prétendu, mais qui ne peut se comprendre véritablement que par la distinction du « Grand <i>Âtmâ</i> » et du « petit <i>Âtmâ</i> », c’est-à-dire en somme du « Soi » et du « moi » (quels que soient les termes qu’on préférera adopter pour les désigner dans les langues occidentales, et parmi lesquels celui d’« âme » est surtout à éviter comme donnant lieu à d’innombrables confusions) ; et c’est du second seulement qu’il est nié qu’il possède une réalité essentielle et permanente. Quand il est dit de l’individualité, envisagée dans sa partie psychique aussi bien que dans sa partie corporelle, que « ce n’est pas le Soi », cela même suppose qu’il y a un « Soi », qui est l’être véritable et spirituel, entièrement distinct et indépendant de ce composé qui lui sert seulement de véhicule temporaire, et dont il n’est point un des éléments composants ; et en cela, au fond, le Bouddhisme ne diffère nullement du Brâhmanisme. Aussi, l’état de l’<i>arhat</i>, qui est libéré du « moi » ou du « petit <i>âtmâ</i> », ne saurait-il en aucune façon être regardé comme une « annihilation » (chose qui est d’ailleurs proprement inconcevable) ; il a cessé d’être « quelqu’un », mais, par cela même, il « est » purement et simplement ; il est vrai qu’il n’est « nulle part » (et ici Mrs Rhys Davids paraît s’être méprise sur le sens où il faut l’entendre), mais parce que le « Soi » ne saurait évidemment être soumis à l’espace, non plus qu’à la quantité ou à toute autre condition spéciale d’existence. Une autre conséquence importante est que, dans le Bouddhisme pas plus que dans le Brâhmanisme, il ne peut y avoir place pour une « prétendue réincarnation » : le « moi », étant transitoire et impermanent, cesse d’exister par la dissolution du composé qui le constituait, et alors il n’y a rien qui puisse réellement se « réincarner » ; l’« Esprit » seul peut être conçu comme « transmigrant », ou comme passant d’une « habitation » à une autre, mais précisément parce qu’il est, en lui-même, essentiellement indépendant de toute individualité et de tout état contingent. – Cette étude se termine par un examen du sens du mot <i>bhû</i>, pour lequel Mrs Rhys Davids a insisté trop exclusivement sur l’idée de « devenir », bien que celle-ci y soit d’ailleurs souvent contenue en effet, et sur celui du mot <i>jhânâ</i> (en sanscrit <i>dhyânâ</i>), qui n’est pas « méditation », mais « contemplation », et qui, étant un état essentiellement actif, n’a rien de commun avec une « expérience mystique » quelconque.</div><br />
<br />
<br />
Ces travaux, le dernier compte-rendu mis à part, sont antérieurs à la demande de Pallis. Si on resitue correctement celle-ci, elle a bien été une occasion saisie par Guénon pour corriger ses livres, mais à la lecture de ses prises de positions, aussi bien privées que publiques, il est évident qu’il comptait faire ces corrections tôt ou tard.<br />
<br />
La publication par Coomaraswamy de <i>Hinduism and Buddhism</i>, en 1943, n’a pas été une surprise, ce n’était que la récapitulation et l’enrichissement de nombreux travaux déjà publiés, dont l’article publié en mai 1939, dans les <i>Études Traditionnelles</i>, sur <i>Le Bouddhisme originel</i>.<br />
<br />
Donc pas de <span style="background-color: #93c47d;">conclusion hâtive</span> à laquelle Guénon se serait <span style="background-color: #93c47d;">accroché obstinément</span>. Toutes ces considérations sur la nature du Bouddhisme originel étaient publiquement traitées de front par Coomaraswamy et Guénon.<br />
<br />
<br />
Partie suivante :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-2.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/la-question-du-bouddhisme-2.html</a>
</div>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-69444843136262597382020-12-15T15:55:00.001+01:002020-12-15T15:55:18.331+01:00Le Bouddhisme originel (Ananda K. Coomaraswamy)<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<span style="font-size: x-large; font-variant: small-caps;">Le Bouddhisme originel</span></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
Paru dans les <i>Études Traditionnelles</i>, n<sup>o</sup> 233 (mai 1939). </div>
<br />
<br />
<div id="n1r" style="text-align: justify;">
Dans un volume récent <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n1">(1)</a>, M<sup>me</sup> Rhys Davids résume sous une forme commode les conclusions auxquelles elle est arrivée touchant la nature de l’enseignement bouddhique « originel ». Les spécialistes du Bouddhisme envisagent aujourd’hui ce dernier dans son milieu originel propre, et non plus comme s’il avait été quelque chose d’entièrement nouveau et étranger à la mentalité hindoue ; si l’on estime à présent que le Bouddhisme a été beaucoup moins hétérodoxe qu’on ne l’avait cru à un moment, ce résultat est dû pour une bonne part à l’œuvre de M<sup>me</sup> Rhys Davids. Et c’est là un grand service qu’elle nous a rendu. Mais ce résultat suggère en même temps une réflexion curieuse, à savoir que la vogue suspecte d’un certain « Bouddhisme » en Europe reposait sur une conception tout à fait erronée de la vraie nature du Bouddhisme. Les doctrines essentielles de ce dernier, comme celles de toutes les traditions orthodoxes, sont en opposition radicale avec notre individualisme moderne.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
M<sup>me</sup> Rhys Davids soutient maintenant que le Bouddha n’a jamais nié l’<i>attâ</i> (<i>âtmâ</i>) et que l’<i>attâ</i> est avant tout l’« esprit ». C’est un point sur lequel je suis entièrement d’accord avec elle, bien que je ne partage pas beaucoup d’autres de ses vues. L’esprit est l’être (<i>esse</i>) véritable d’un chacun, en tant que cet être est distingué de ses accidents (<i>nâma-rûpa</i>, <i>saviññâna-kâya</i>, activité psycho-physique). C’est pourquoi l’<i>âtmâ</i>, employé comme pronom réfléchi, acquiert le sens secondaire de « soi-même » et c’est pourquoi il a été traduit par le « Soi », avec une majuscule, lorsqu’il désigne le « soi suprême ». Ce terme de « Soi » nous semble néanmoins prêter à deux objections : la première est qu’il laisse de côté l’idée fondamentale de souffle, de respiration ; et la seconde est que notre conception d’un « soi », sans autre précision, n’exclut pas cet <i>ego</i> psycho-physique que le <i>puthujana</i> (l’homme naturel) identifie avec « lui-même » : identification simplement instinctive chez le <i>puthujana</i>, mais qui devient délibérée et consciente chez le <i>natthika</i> (le matérialiste). La meilleure façon d’éviter ces difficultés est peut-être de rendre <i>âtmâ</i> par « soi-même », là où il est pris comme pronom réfléchi, et de le traduire ailleurs par « essence spirituelle », on simplement par « esprit », en supposant comme une chose entendue que l’esprit est notre être véritable. Il est à peine nécessaire, bien que ce puisse être parfois utile, de distinguer <i>mon</i> esprit de l’Esprit, puisque <i>jîvâtmâ</i> est en définitive identique à <i>paramâtmâ</i>, de même qu’il est dit : « Celui qui est uni au Seigneur est un seul Esprit » (I Cor., VI, 17). Enfin, quel que soit le contexte, il serait toujours erroné de rendre <i>âtmâ</i> par « âme ».</div>
<br />
<div id="n2r" style="text-align: justify;">
M<sup>me</sup> Rhys Davids, en conséquence, traduit les dernières paroles du Bouddha comme suit (et comme je l’avais fait) : « Soyez de ceux qui font de l’esprit leur lampe et leur refuge » (<i>attadîpâ, atta-saranâ</i>), cf. <i>Dhammapada</i>, 236 : « Fais-toi une lampe de l’esprit » (<i>So karohi dîpam attano</i>) et <i>Sutta Nipâta</i>, 501 : « Ayant l’esprit pour lumière, ils vont par le monde et ne sont plus rien » (<i>yê attadîpâ vicharantê lokê akimchanâ</i>). C’est lorsque l’« Œil dans le monde » est éteint que l’injonction : « Faites de l’esprit votre lampe et vivez ainsi ! » (<i>attadîpâ viharatha</i>) devient valable ; cette doctrine ne diffère pas de celle de <i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, IV, 3, 6, où il est dit que, lorsque le soleil et la lune sont couchés et que le feu est éteint (<i>shântê</i>), lorsque la parole elle-même est éteinte, c’est l’esprit (<i>âtmâ</i>) qui est la lumière de l’homme. L’équivalence de <i>dîpa</i> et d’<i>attâ</i> apparaît encore, si nous rapprochons <i>Mahâvagga</i>, I, 23 : « Cherchez votre Soi ! » (<i>attânam gavêyyêsâtha</i>) de <i>Dhammapada</i>, 146 : « Vous qui êtes dans les liens de l’obscurité, pourquoi ne cherchez-vous pas la lumière ? » (<i>andhakdrêna onaddhâ</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n2">(2)</a> <i>padipamna gavêssatha ?</i>). Soit dit en passant, il faut louer l’expression <i>that you have hunted for</i> (« ce que vous avez chassé » comme un gibier, c’est-à-dire cherché et poursuivi pour le prendre), par laquelle M<sup>me</sup> Rhys Davids rend <i>gavêyyêsâtha</i> ; mais la « chasse du bétail perdu », qui, dit-elle, « est un trait des <i>suttas</i> bouddhiques », est aussi un « trait » de la tradition védique tout entière (cf. par exemple <i>Rig-Vêda</i>, X, 46, 2 ; ce trait est représenté dans le Christianisme par le <i>vestigium pedis</i> ; Eckhart parle de l’âme comme « suivant la trace de sa proie, le Christ ») ; et ici il aurait été utile d’indiquer que le terme pâli ou sanscrit qui correspond vraiment à « Voie » (<i>magga</i>, <i>mârga</i> ; le <i>Dhâtupâtha</i>, 298, a <i>gavêsati</i> = <i>maggana</i>) est dérivé de <i>mrig</i>, « chasser », et plus spécialement « suivre à la trace ». C’est seulement par ces considérations qu’il est possible de comprendre le culte des empreintes des pieds du Bouddha.
</div>
<br />
<div id="n3r" style="text-align: justify;">
La négation bouddhiste de l’<i>attâ</i> est toujours une exclusion et jamais une négation absolue ; l’erreur du <i>puthujana</i> (l’homme naturel) consiste dans cette illusion que « l’essence spirituelle pourrait être trouvée dans ce qui n’est pas l’esprit » (<i>anattani… attâ</i>, <i>Anguttara Nikâya</i>, II, 52). C’est toujours à la fin de passages analysant le soi psycho-physique que reviennent les affirmations : <i>na mê so attâ</i>, « <i>cela</i> n’est pas mon essence spirituelle » <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n3">(3)</a> ou : <i>n’êso ‘ham asmi n’êtam mê</i>, « cela n’est pas <i>moi</i>, cela n’est pas <i>à moi</i> ». La méthode suivie est celle de la <i>via remotionis</i> ou <i>negativa</i>, bien connue par les textes chrétiens, d’après lesquels, également, « il y a certaines choses que notre intellect ne peut saisir… nous ne pouvons comprendre ce qu’elles sont, si ce n’est en niant qu’elles soient telles et telles choses » (Dante) ; « ce qu’Il n’est pas, dit saint Thomas, est plus clair pour nous que ce qu’Il est » ; « Il ne peut être atteint si ce n’est par des négations » (Nicolas de Cuse). Il nous serait impossible de comprendre la nature de notre être propre : « Tu ne peux penser le penseur de la pensée, tu ne peux connaître le connaisseur de la connaissance » (<i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, III, 4, 2) ; cela peut seulement être <i>erlebt</i> dans une connaissance par identification (<i>jnâna</i>, qui étymologiquement comme sémantiquement, est l’équivalent de <i>gnôsis</i>), on ne peut en avoir (indirectement) aucune connaissance (<i>vijnâna</i>), si ce n’est la connaissance du « comme si » (<i>yathâ</i>). « Dieu lui-même ne sait pas ce qu’Il est, parce qu’il n’est aucun ce » (Jean Scot Erigène).
</div>
<br />
<div id="n4r" style="text-align: justify;">
L’homme a deux « soi », qui peuvent être en guerre l’un avec l’autre (<i>Samyutta Nikâya</i>, I, 91-92 = <i>Bhagavad-Gîta</i>, VI. 5-7) ; c’est à eux que nous faisons allusion quand nous disons : « « J »’ai agi malgré « moi » » ou « contre ma meilleure nature ». Ces deux « soi » sont l’<i>anima</i> qu’il faut perdre et l’<i>anima</i> qu’il faut sauver d’après saint Luc (XVII, 33 et autres passages), la première <i>anima</i> (Ψυχή, « âme ») étant celle que l’homme doit <i>haïr</i> « s’il veut être Mon disciple » (<i>Luc</i>, XIV. 26). C’est en ce sens que « toute Écriture demande bien haut que l’on se libère de soi-même » (Eckhart) ; notre désintéressement ou, comme disent les Anglais, notre « non-attachement au soi » (<i>unselfishness</i>) étant, bien entendu, seulement un signe de cette libération, et non la libération elle-même. Les <i>Brâhmanas</i> et les <i>Upanishads</i> sont remplis d’allusions aux deux « soi ». M<sup>me</sup> Rhys Davids écrit (p. 40) : « Une fois seulement j’ai trouvé expressément établie cette distinction (des deux « soi ») ; c’est dans l’<i>Anguttara Nikâya</i>, I, 249, où, dans le même <i>sutta</i>, nous trouvons opposés le « Grand Soi » (<i>mahattâ</i> = <i>mahâtmâ</i>) et le « petit soi » (<i>app’-âtumo</i>) ». Nous lisons cependant dans <i>Sutta Nipâta</i>, 508 : « Par quel soi (<i>kên’attanâ</i>) l’homme atteint-il le monde de <i>Brahma</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n4">(4)</a> ? », passage qui est visiblement un écho de la question fondamentale des <i>Upanishads</i> : « Lequel est, le plus, le Soi ? » (<i>katama âtmâ</i>, <i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, IV, 3, 7), « Lequel est-il ? » (<i>katama</i>, <i>Maitri Upanishad</i>, II, 1). L’<i>Anguttara Nikâya</i> (I, 149) oppose le « beau Soi » (<i>kalyânam attânam</i>) au « vilain soi » (<i>pâpam attânam</i>, le « moi haïssable » de Pascal). Les deux « soi » sont aussi distingués clairement dans le <i>Dhammapada</i> (160), où le Soi (l’Esprit) est le « Maître du soi » (de l’<i>ego</i>) (<i>attâ hi attano nâtho</i>) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n5">(5)</a>. Ils le sont également dans <i>Samyutta Nikâya</i>, I, 71-72, et, d’une manière semblable, dans le même recueil, I, 57, où il est parlé de cet être puéril dont « le soi est l’ennemi du soi » (<i>amittên-êva-attanâ</i>), enfin dans <i>Dhammapada</i>, 103, où l’homme qui vainc le soi (<i>jêyya attânam</i>) n’est certainement pas lui-même le soi qui est vaincu. Considérés ensemble, les trois derniers textes mentionnés sont virtuellement identiques à <i>Bhagavad-Gîtâ</i>, VI, 5-6, où l’essence spirituelle (<i>âtmâ</i>) est l’amie de celui dont la volonté propre (<i>âtmâ</i>) a été vaincue (<i>jitah</i>), mais l’ennemie de « ce qui n’est pas l’esprit » (<i>anâtmanah</i> = pâli <i>anattano</i>). De la même manière, le passage du <i>Samyutta Nikâya</i> (I, 169) : <i>ajjhatam</i> (= <i>adhyâtmikam</i>) <i>êva jalayâmi jotim… hadayam jotitthânam, joti attâ sudanto</i>, « j’allume en moi une flamme, le cœur en est l’autel et la flamme est le soi bien dompté », ce passage, disons-nous, n’exprime rien d’autre que l’« <i>agnihotra</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n6">(6)</a> intérieur » de <i>Shatapatha Brâhmana</i>, X, 5, 3, 3 et de <i>Shânkhâyana Aranyaka</i>, X.
</div>
<br />
<div id="n7r" style="text-align: justify;">
Réinterpréter la doctrine bouddhique de l’<i>attâ</i>, c’est toucher aux questions de la « réincarnation » et du <i>karma</i>. Par « réincarnation » (pauvre traduction des termes hindous qui signifient « nouvelle naissance », « devenir continué »), par « réincarnation », donc, en tant que distingué de la métempsychose, de la transmigration, de la régénération et de la résurrection, nous entendons toujours la croyance à une nouvelle naissance sur cette terre, soit dans un corps humain, soit dans une forme inférieure. Les deux doctrines de la « réincarnation » et du <i>karma</i> ne sont nullement inséparables. La doctrine du <i>karma</i> consiste essentiellement en ceci, que tout acte accompli a un effet immédiat ou différé, et que rien n’arrive sans une cause. Elle peut être identifiée à la doctrine chrétienne des « causes médiates », sans lesquelles, comme le dit saint Thomas d’Aquin, « le monde eût été privé de la perfection de la causalité » ; et elle s’accorde avec la remarque de saint Augustin, que « le corps humain a préexisté dans les vertus causales des œuvres précédentes » <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n7">(7)</a>, remarque identique à celle de <i>Samyutta Nikâya</i>, II, 65 : « Ce corps… doit être regardé comme le produit d’œuvres passées ». Nier l’essence des choses composées, lesquelles ne sont pas des êtres, mais des opérations, oblige à soutenir qu’il n’y a pas de chose qui puisse passer d’une « habitation » (<i>nivâsa</i>) à une autre. La comparaison répétée de la lampe allumée à une autre lampe ne nous autorise pas davantage à trouver dans l’enseignement bouddhique l’assertion qu’une essence serait transmise d’une vie à une autre. C’est exactement comme lorsqu’une boule de billard vient frapper une autre boule : aucune chose n’est transmise, mais seulement une impulsion dirigée ; le mouvement de la seconde boule est sa « vie » et cette « vie » lui a été transmise, mais la boule ne peut pas dire : « J’étais la boule précédente » (dont l’arrêt correspond au <i>thânam</i> de la doctrine bouddhique touchant l’enchaînement des naissances, <i>thânam</i> (« arrêt ») au delà duquel il est si difficile d’aller quand on cherche à remonter la série des précédentes « habitations »). À ma connaissance, un seul savant a observé que « les Bouddhistes niaient la transmigration (il faut entendre la « réincarnation ») de l’âme » : ce savant est B. C. Law (voir le compte rendu de ses <i>Concepts of Buddhism</i>, par Keith, dans l’<i>Indian Historical Quarterly</i>, vol. XIV, 182). Law écrit en effet (p. 45) : « Le Bouddhiste a liberté d’accepter la croyance populaire à une nouvelle naissance… (Mais) il va sans dire que le penseur bouddhiste rejette l’idée que l’ego passerait d’une incarnation à une autre incarnation » <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n8">(8)</a>. En fait, c’est une hérésie de soutenir que « cette conscience que nous possédons dure et transmigre (<i>samsarati</i>) sans perdre son identité » ; au contraire, le Bouddha enseigne expressément que « la conscience est un résultat de la production causale (<i>patichchasamuppâda</i>) et qu’il n’y a pas d’autre cause de la constitution d’une conscience » (<i>Majjhima Nikâya</i>, I, 256). À propos de ce passage, T. W. Rhys Davids a observé (<i>Dialogues of the Buddha</i>, II, p. 43) qu’il constituait « un rejet de la croyance à un principe permanent, transmigrant et intelligent (<i>viññânam</i>) qui serait dans l’homme, et l’affirmation du principe contraire – à savoir que le <i>viññânam</i> est un phénomène contingent ».
</div>
<br />
<div id="n9r" style="text-align: justify;">
En d’autres termes, « nous » sommes et « nous » récoltons à la fois les conséquences de « ce qui a été fait », mais non comme une conséquence de ce que « nous » avons fait. M<sup>me</sup> Rhys Davids cite (p. 89) la question posée dans <i>Samyutta Nikâya</i>, II, 75 et suiv. : « Si les actes sont accomplis sans un agent, c’est-à-dire sans un soi, qui est-ce qui en éprouve les conséquences ? » (cf. Jean, IX, 2 :1 « Qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n9">(9)</a>) et elle juge que cette question est très raisonnable. Et sans doute l’est-elle pour le bon sens. Mais la doctrine de la production causale (<i>patichchasamuppâda</i>) est « profonde » (<i>gambhîro</i>, <i>Samyutta Nikâya</i>, II, 92) : elle va plus loin que le « bon sens » ne peut atteindre. La doctrine brâhmanique du « devenir renouvelé » (<i>punarbhava</i>) est cohérente et n’a pas varié depuis le <i>Rig-Vêda</i> jusqu’à Shankarâchârya (quoi qu’en ait pu penser le <i>puthujana</i> d’alors et qu’en puisse penser celui d’aujourd’hui). Du point de vue de la tradition hindoue ou, d’une façon plus générale, du point de vue traditionnel, l’« individualité » n’est pas une personne, mais c’est un « rôle » transmis, une « fonction » temporairement remplie par la personne qui s’« y » trouve, comme un voyageur qui se trouve dans une voiture (<i>ratha</i>), mais n’en fait pas partie. La transmission de l’individualité s’opère par la naissance et par l’assignation, la seconde confirmant la vocation déterminée par la filiation naturelle. L’individualité ainsi transmise et héritée n’a pas d’autre fonction ni d’autre valeur que de remplir les tâches (<i>swadharma</i>) auxquelles son idiosyncrasie la rend propre : à la mort, nous la laissons derrière nous continuer « notre » œuvre ; la « mort procréatrice » (<i>Jaiminîya Upanishad Brâhmana</i>, III, 9,1) représentant la transmission naturelle, et la bénédiction donnée au fils par le père à son lit de mort (<i>sampratti</i>, <i>sampradâna</i>, <i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, I, 5, 17, et <i>Kaushitaki Upanishad</i>, II, 15) représentant sa confirmation rituelle et sa délégation. Le fils hérite des responsabilités et de tout le <i>status</i> du père décédé ; et tout ceci s’applique également à la succession terrestre et à la <i>genealogia regni Dei</i>.
</div>
<br />
<div id="n10r" style="text-align: justify;">
La vraie « personne » de l’homme est un « rayon » ou une « parcelle » de la Personne transcendantale (cette parcelle de la Possibilité infinie qui est une possibilité de manifestation), parcelle qui « est ici devenue à nouveau » (<i>iha punar abhavat</i>, <i>Rig-Vêda</i>, X, 90, 4) : « personne d’autre que le Seigneur n’est emporté par la giration universelle » (<i>nêshvarâd anyah samsârî</i>, commentaire de Shankara sur les <i>Brahma-sûtras</i>, I, 1, 5) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n10">(10)</a>. La réincarnation du soi psycho-physique, de « moi-même » au sens ordinaire du terme, a lieu par la procréation des descendants (cf. <i>Rig-Vêda</i>, VI, 70, 3 : <i>pra prajâbhir jâyatê</i>, « il est reprocréé dans ses enfants » ; <i>Jaiminîya Upanishad Brâhmana</i>, III, 27, 17 : <i>prajâ mê punas sambhûtir mê</i>, « mes enfants constituent ma nouvelle naissance » ; <i>Chhândogya Upanishad</i>, III, 17, 5 : <i>asoshtêti, punar utpâdanam êvâsya</i>, « il a procréé : c’est cela sa nouvelle naissance » <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n11">(11)</a>. <i>Udâna</i>, 70, rejette les deux opinions que « c’est moi l’agent » (<i>ahamkâra</i>) et que « c’est un autre qui est l’agent » (<i>paramkâra</i>) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n12">(12)</a>. C’est aussi une doctrine brâhmanique que ce n’est pas l’homme lui-même qui fait quoi que ce soit (<i>Jaiminîya Upanishad Brâhmana</i>, I, 5, 2 ; <i>Bhagavad-Gîtâ</i>, V, 8) et que son existence dans un mode donné (en pâli <i>itthatâ</i>) n’est pas sa véritable essence (<i>Shatapatha Brâhmana</i>, I, 9, 3, 23, où le retour à « soi-même », lorsque le rite a pris fin, est le retour « de la vérité au mensonge », de <i>satyam</i> à <i>anritam</i>), C’est l’Esprit seul, l’Homme Intérieur, qui voit, entend et agit en nous et par nous (<i>âtmâ… ato hi sarvâni karmâni uttishthanti</i>, « l’Esprit… car c’est de lui que naissent tous les actes », <i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, I, 6, 3) ; et cet Esprit ne supporte pas les conséquences de ses actes, mais il les observe <i>yathâbhûtam</i>, « comme ils sont réellement », c’est-à-dire comme extrinsèques et adventices, comme le produit de causes médiates (<i>karma</i>) : l’Esprit lui-même est impassible. L’<i>arhat</i>, étant « dans l’esprit », voit en conséquence les événements, non comme des affections de sa sensibilité, mais comme des effets. Et si cela était impossible, si l’on ne pouvait obéir au commandement : « Soyez parfaits comme votre Père dans le Ciel est parfait », alors il n’y aurait aucun moyen d’échapper à la souffrance et à la mort (je rendrais ainsi <i>punar mrityu</i>) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n13">(13)</a>. Pour M<sup>me</sup> Rhys Davids, cela n’est même pas, « sur cette terre, une possibilité éloignée » (<i>Udâna : Verses of Uplift</i>, p. XIII) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n14">(14)</a> ; mais ce jugement revient à nier le but que la doctrine bouddhique, comme toute autre doctrine traditionnelle, désigne d’une façon constante et assurée ; et il prive les textes de toute valeur autre que « littéraire ». Si le Bouddha n’a pas en fait « vaincu la mort » (<i>mârâbhibhû</i>), comment aurait-il pu ouvrir les « Portes de l’Immortalité » (<i>amatassa dvârâ</i>) ?
</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Et si toutes ces doctrines (excepté, bien entendu, la dernière dans son application spécifique à « Gotama ») n’appartiennent pas seulement à l’ancienne tradition brahmanique, si elles ont même été universellement enseignées (comme on pourrait facilement le montrer), comment pourrions-nous attribuer leur présence dans le canon pâli à une altération « tardive » et « monastique » de l’« Évangile originel » ? Elles sont les corollaires inévitables de la doctrine même de l’<i>âtmâ</i>, dont nous trouvons toutes les ramifications implicitement contenues dans <i>Rig-Vêda</i>, I, 115, 1. En fait, le Bouddha ne s’abstient pas seulement de nier l’<i>âtmâ</i>, mais il est lui-même l’<i>âtmâ</i>, ainsi qu’il est affirmé expressément dans le commentaire d’<i>Udâyana</i>, 67 (<i>tathâgata</i> = <i>attâ</i>), sûrement un texte « tardif » et « monastique » ! Soit dit en passant, n’est-il pas grand temps d’abandonner le préjugé antimonastique, qui a tant nui à notre compréhension de l’histoire religieuse ? Dans tous les cas, il nous faut admettre que les écritures bouddhiques, comme les chrétiennes, pénètrent « jusqu’à la séparation de l’âme et de l’esprit » (<i>Hébr.</i>, IV, 12).
</div>
<br />
<div id="n15r" style="text-align: justify;">
Une meilleure compréhension de la doctrine bouddhique de l’Esprit aura cette conséquence de nous faire reconnaître que la correspondance entre le Bouddhisme et le Christianisme est beaucoup plus stricte qu’on ne l’avait pensé. Il faut, cependant, ne pas oublier deux choses. La première est que presque tout ce que le Bouddhisme possède en commun avec le Christianisme est d’origine prébouddhique, et que c’est donc plutôt avec la tradition védique qu’avec la bouddhique que le Christianisme devrait être comparé par ceux qu’intéressent ces questions historiques. Le second point à ne pas oublier est que les correspondances observables entre les doctrines de l’Inde et celles du Christianisme, si strictes soient-elles, ne fournissent encore aucune preuve d’un emprunt ou d’une influence d’aucun côté ; comme Sir Arthur Evans l’a fait remarquer à une autre occasion, « les coïncidences des traditions sont au delà du domaine des accidents ». Il apparaîtra aussi que les personnes intéressées à la cause de la religion ou de la <i>philosophia perennis</i> nuisent à cette même cause, lorsqu’elles identifient « la religion » avec telle ou telle religion, ou la <i>philosophia perennis</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n15">(15)</a> avec une philosophie particulière. Il est parfaitement exact qu’il ne peut y avoir plus d’une vraie philosophie religieuse, ou plus d’une philosophie religieuse catholique, au sens propre du mot. Mais il ne s’ensuit pas qu’une philosophie religieuse puisse être notée d’hérésie du point de vue d’une autre ; l’hérésie, à proprement parler, est une opinion privée (<i>ditthi</i>) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n16">(16)</a> contraire à la Vérité fondamentale sur laquelle toutes ces philosophies sont fondées (comme exemple de telles hérésies, on peut citer le panthéisme, le monophysisme, le patripassianisme, et la « doctrine des <i>Asuras</i> » mentionnée dans <i>Chhândogya Upanishad</i>, VIII, 8 ; voir le corps, c’est voir le Soi véritable). En même temps, il doit y avoir des différences de style d’une religion à une autre, pour la simple raison que rien ne peut être connu, si ce n’est d’une façon conforme à la nature du connaisseur, c’est-à-dire dans un mode donné. Et si toutes les voies conduisent au même but, il est vrai aussi que nous pouvons difficilement suivre celles qui ne partent pas de quelque point voisin de nous. En d’autres termes, une connaissance approfondie du <i>Védântâ</i>, de l’Islam ou du Bouddhisme peut permettre de mieux comprendre le dogme chrétien, mais, sauf de très rares exceptions, elle ne doit nullement conduire celui qui est déjà Chrétien à devenir de quelque manière Hindou, Musulman ou Bouddhiste, ou <i>vice versa</i>. La tolérance ne doit pas être confondue avec l’indifférentisme. La première devrait être une simple conséquence de notre conviction qu’il existe des vérités universelles exprimées de divers points de vue, alors que l’indifférentisme ou le latitudinarianisme présuppose l’indifférence à l’égard de l’erreur et place la <i>philosophia perennis</i> au même niveau que les « opinions » d’un homme quelconque.
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-variant: small-caps; text-align: right;">
Ananda K. Coomaraswamy </div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Notes :</span></div>
<br />
<div id="n1" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n1r">(1)</a>
<i>What was the Original Gospel in Buddhism ?</i> (« Quel fut l’Évangile originel du Bouddhisme ? ») Londres, « Epworth Press », 1938, 143 pp.
</div>
<br />
<div id="n2" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n2r">(2)</a>
<i>Andhakârêna onaddhâ</i>, « vous qui êtes dans les liens de l’obscurité », nous assure que <i>padîpam</i> est bien « lampe », « lumière ». <i>Dîpa</i> au sens d’« île » (<i>Dhammapada</i>, 25 et <i>Sutta Nipâta</i>, 1145) n’est pas identifié à <i>attâ</i>.
</div>
<br />
<div id="n3" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n3r">(3)</a>
<i>Attâ</i> est certainement ici l’« Esprit », l’« essence spirituelle », le « Grand Soi ». Au contraire, dans <i>Dhammapada</i>, 62 : <i>attâ hi attano n’atthi</i>, « le (petit) soi ne nous appartient pas », le premier <i>attâ</i> est le « je » empirique, psycho-physique. Notons qu’<i>anattâ</i>, le « non-esprit », ce qui n’est pas mon vrai Soi, est la même chose qu’<i>attâ</i> pris en ce sens intérieur.
</div>
<br />
<div id="n4" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n4r">(4)</a>
Le Bouddhisme ne dédaigne pas de désigner le <i>summum bonum</i> comme « monde de <i>Brahma</i> », ni même de faire de la « Brahméité » un synonyme de « Bouddhéité ». Cf. <i>Samyutta Nikâya</i>, III, 83-84 : <i>brahma-bhûtâ… buddhâ</i>, « ceux qui sont devenus <i>Brahma</i>…, qui sont des Bouddhas » ; et <i>Itivuttaka</i>, 57 : <i>bhâvitattaññataram brahmabhûtam tathâgatam buddham</i>, « le connaisseur dont le Soi a été purifié par la méditation, qui est devenu <i>Brahma</i>, qui est arrivé à cet état (suprême), qui est un Bouddha ». Le <i>Samyutta Nikâya</i> (V, 5-6) identifie <i>brahma-yâna</i> et <i>dhamma-yâna</i>, la « voiture de <i>Brahma</i> » et la « voiture de la vérité ».
</div>
<br />
<div id="n5" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n4r">(5)</a>
Cette même relation est impliquée partout où nous rencontrons les expressions <i>attânam damêti</i> ou <i>attânam jayati</i> (« dompter » ou « vaincre le soi »), sous quelque forme qu’elles se présentent ; il est impossible, en effet, qu’une seule et même substance, agissant dans une seule et même opération, soit à la fois celui qui régit et celui qui est régi. Ceci est généralement oublié lorsqu’on se sert des expressions anglaises <i>self-control</i> et <i>self-rule</i>.
</div>
<br />
<div id="n6" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n4r">(6)</a>
Sacrifice à <i>Agni</i>.
</div>
<br />
<div id="n7" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n7r">(7)</a>
<i>Gen. ad lit.</i>, VII, 24, interprété par saint Thomas d’Aquin, <i>Sum. theol.</i>, I<sup>a</sup>, 91, 2 <i>ad</i> 4.
</div>
<br />
<div id="n8" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n7r">(8)</a>
Law se trompe, néanmoins, lorsqu’il admet implicitement que l’image de la chenille, dans <i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, IV, 4, 3, se réfère au passage d’une âme d’un corps à un autre. La « chenille » est l’Esprit immortel, incorporel, qui « se pose » dans un corps après s’être posé dans un autre (<i>Chhândogya Upanishad</i>, VIII, 12, 1). De même, le <i>dêhin</i> (l’« incorporé ») de <i>Bhagavad-Gîtâ</i>, II, 22, n’est aucunement une substance psychique, mais l’Esprit non-né « qui n’est venu de nulle part et n’est devenu personne », suivant le texte parallèle de la <i>Katha Upanishad</i> (II, 18) ; c’est l’<i>âtmâ</i> de <i>Brihadâranyaka Upanishad</i>, IV, 4, 13 : <i>asmin samdêhyê gahanê pravishtah</i>, « celui qui est entré dans cette caverne complexe ». C’est ce qui est exprimé clairement dans le <i>Paramârtha-sâra</i> d’Abhinava-gupta (stance 5): « Là le jouisseur est le <i>dêhin</i> : c’est Shiva lui-même, qui a pris la nature d’un <i>pashu</i> » (<i>bhoktâ cha tatra dêhî shiva êva grihîtapashubhavah</i>). Comme le dit Shankara « il n’y a personne qui transmigre, sauf le Seigneur ».
</div>
<br />
<div id="n9" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n9r">(9)</a>
La réponse remarquable attribuée au Christ : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui », cette réponse, disons-nous, est en complet accord avec <i>Jaiminîya Upanishad Brâhmana</i>, I, 5, 2 et avec tout l’enseignement traditionnel. C’est la réponse du Bouddha (<i>Samyutta Nikâya</i>, II, 18-23, 75 et III, 103, etc.), suivant laquelle il n’est pas vrai que le même homme sème et récolte et il n’est pas vrai non plus que l’un sème et qu’un autre récolte. Dans <i>Udâna</i>, 70, on lit de même que ce n’est ni « moi » ni « un autre » qui agit.
</div>
<br />
<div id="n10" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n10r">(10)</a>
On pourrait encore citer, parmi d’autres textes, <i>Atharva-Vêda</i>, X, 8, 13 : <i>prajâpatish charati garbhê antar adrishyamâno bahudhâ vijâyatê</i> « invisible, Prajâpati se meut dans le sein et il naît sous diverses formes » et <i>Mundaka Upanishad</i>, II, 2, 5-6 : <i>êkam âtmânam… sa êsho ‘ntash charatê bahudhâ jâyamânah</i>, « un esprit unique se meut à l’intérieur, naissant sous diverses formes ».
</div>
<br />
<div id="n11" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n10r">(11)</a>
Parmi les autres textes sur ce sujet, nous citerons <i>Aitarêya Aranyaka</i>, II, 5, suivant lequel c’est « lui-même » (<i>âtmânam êva</i>) que le père « fait devenir » (<i>adhibhâvayati</i>) dans la mère, et cela est appelé sa « seconde naissance » (<i>tad asya dvitîyam janma</i>). D’autre part, « son autre soi » (<i>so’syâyam itara âtmâ</i>), ayant rempli sa tâche (<i>kritakrityah</i> = pâli <i>katakichcho</i>, <i>katam karanîyam</i>), entre dans le Vent et part, lorsque son temps est arrivé, pour naître à nouveau (<i>punar jâyatê</i>) ce qui constitue sa « troisième naissance ». Nous citerons aussi la <i>Loi de Manou</i>, IX, 8 où le mari, étant entré dans sa femme, devient un embryon et « y naît » (<i>iha jâyatê</i>), la femme (<i>jâyâ</i>) étant ainsi appelée « parce qu’il naît d’elle à nouveau » (<i>yad asyâm jâyatê punah</i>). Ce qu’il faut noter ici est que cette nouvelle naissance » (<i>punar janma</i>), en laquelle il y a une reconstitution du caractère psycho-physique, n’a pas lieu après la mort, mais pendant que l’homme vit encore. La « troisième naissance », au contraire, n’a pas lieu dans ce monde, ni même, si l’homme est réellement <i>kritakrityah</i> (comme le texte l’admet), dans aucun monde ; elle implique, non qu’un « personnage », au sens théâtral du mot, revient à l’existence, mais que l’être est délivré de l’individualité.
</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Bien entendu, la doctrine de la « renaissance » du père dans le fils n’est aucunement spéciale à l’Inde. L’<i>Aitarêya Brâhmana</i>, VII, 13, parle du mari comme entrant dans sa femme et <i>devenant en elle un embryon</i> et c’est « parce qu’il naît ainsi d’elle (<i>asyâm jâyatê</i>) que <i>jâyâ</i> signifie « femme »… Les <i>dêvas</i> dirent aux hommes : « Voyez, c’est ainsi que vous naissez à nouveau » (<i>jananî punah</i>) ». Or c’est d’une manière toute semblable que, dans le <i>Parzival</i> de Wolfram von Eschenbach (II, 807), Herzeleide enceinte dit en parlant de son époux Gamuret : « À présent, me voici à la fois sa <i>mère</i> et sa <i>femme</i>… car en moi je porte sa chair et sa vie. »
</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Tout à fait distincte de cette nouvelle naissance du père dans le fils est la mort et la résurrection quotidiennes de l’homme lui-même, qui meurt chaque nuit comme étant un certain homme et renaît un autre chaque matin (<i>Samyutta Nikâra</i>, II, 95). L’équivalent brâhmanique de cette doctrine se rencontre sous une forme explicite dans le <i>Shatapatha Brâhmana</i>, II 3, 3, 9 : ici l’homme qui « naît » au matin est dit « pleinement libéré de la mort » (<i>mrityor atimuktih</i>), ce qu’il a obtenu en allumant le feu sacrificiel avant le lever du soleil. L’équivalent platonicien peut être trouvé dans le Banquet (207, D, E) et l’équivalent néo-platonicien dans Plutarque, <i>Moralia</i>, 392, D : « L’homme d’hier est mort, car il est devenu l’homme d’aujourd’hui… Aucun homme ne demeure une personne, aucun n’est une personne… Nos sens, dans leur ignorance de la réalité, nous assurent faussement que ce qui paraît est ». Cette mutabilité est le vrai <i>punar mrityu</i> (« la mort répétée »), l’« infection de la mort », dont le <i>mumukshu</i> désire être libéré : la délivrance finale est préfigurée, dans le Brâhmanisme, par la « nouvelle naissance » de l’initié et, dans le Bouddhisme, par la « nouvelle naissance » comme « fils du Bouddha », qui a lieu lorsque l’homme devient moine.
</div>
<br />
<div id="n12" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n10r">(12)</a> <i>Ahamkâra</i>, ici comme dans les textes brâhmaniques, n’est pas seulement l’attachement à l’ego, mais c’est plus exactement la notion que « c’est moi qui suis l’agent ». Les remarques du texte ne doivent pas être confondues avec l’<i>akiriyavâda</i>, hérésie qui (comme celle dont les Amauriens ont été accusés) passe de la vérité métaphysique à l’erreur morale et soutient l’indifférence de tout ce que, en bien comme en mal, « je » puis faire. La responsabilité des actes ne peut être rejetée sur Dieu ou sur la Nature comme agent ultime que si nous avons vérifié (<i>sachchhikatvâ</i> = <i>satyam kritvâ</i>, littéralement « rendu vrai ») la nullité (<i>akimchaññâ</i>) de l’homme naturel ; c’est seulement celui qui est effectivement « né de Dieu » qui « ne peut pas pécher » (I <i>Jean</i>, III, 9).
</div>
<br />
<div id="n13" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n10r">(13)</a> « S’il n’y avait pas Cela qui n’est pas né, qui n’est pas devenu, qui n’a pas été fait, qui n’est pas composé (<i>asamkhatam</i>) il n’y aurait aucun moyen de sortir de ce monde, caractérisé par la naissance, l’arrivée à l’existence, l’effectuation et la composition » (<i>Udâna</i>, 80). À propos de « Cela qui n’est pas né, qui n’est pas devenu » (<i>ajâtam abhûtam</i>), cf. <i>Katha Upanishad</i>, II, 18 : <i>na babhûva kashchit, ajah</i>, « il n’est jamais devenu personne, il n’est pas né ». À propos de « qui n’a pas été fait » (<i>akatam</i>) cf. <i>Mundaka Upanishad</i>, I, 2, 12 : <i>nâsty akritah kritêna</i>, « ce qui n’a pas été fait ne provient pas d’une action » et cf. aussi le « monde de <i>Brahma</i> qui n’a pas été fait » (<i>akritam brahmalokam</i>) de la <i>Chhândogya Upanishad</i>, VIII, 13.
</div>
<br />
<div id="n14" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n10r">(14)</a> M<sup>me</sup> Rhys Davids écrit : « Admettre, comme le fait la théorie de l’<i>arahan</i>, que la perfection puisse être obtenue pendant que l’on est encore associé à un corps terrestre et à des façons terrestres de penser témoigne d’une conception très diminuée de la perfection humaine » (<i>Journal of the American Oriental Society</i>, 59, 1939, p. 111). Mais que la perfection puisse être rencontrée sur cette terre aussi bien que dans des états ultérieurs ne signifie pas qu’elle puisse être atteinte avec « des façons terrestres de penser » : cela signifie seulement qu’on peut ici-bas se libérer de celles-ci. « Tu es Cela » n’a jamais été affirmé de « cet homme » tel qu’il est en lui-même, mais de l’homme qui n’est plus lui-même, de celui qui peut dire avec saint Paul : <i>vivo, autem jam non ego</i> (« je vis, mais ce n’est plus moi qui vis ») (<i>Gal.</i>, II, 20).
</div>
<br />
<div id="n15" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n15r">(15)</a> <i>Perennis</i> ne peut être conçu à part d’<i>universalis</i>, c’est-à-dire de « catholique ».
</div>
<br />
<div id="n16" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2020/12/le-bouddhisme-originel-ananda-k.html#n15r">(16)</a> <i>Ditthi</i> (<i>drishti</i>), au sens de « vue privée », doit être distingué de <i>darshana</i>, « point de vue », angle ou niveau d’observation. Ainsi la chimie et la physique ne seraient pas deux <i>ditthis</i>, mais deux <i>darshanas</i>, tous deux également « scientifiques » (au sens courant du mot). Des <i>ditthis</i> peuvent se contredire mutuellement, alors que les <i>darshanas</i> se complètent les uns des autres.
</div>
<br />
<br />
<br />
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-75947557435443902322020-04-26T12:15:00.000+02:002020-05-10T23:12:11.378+02:00Mise au point sur les éditions actuelles de l’œuvre de René Guénon<div style="text-align: justify;">
<br />
Il semble y avoir une confusion, contrairement à ce qui est dit ici :<br />
<a href="https://twitter.com/LePetitGuenon/status/1253245215411965952">https://twitter.com/LePetitGuenon/status/1253245215411965952</a><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://1.bp.blogspot.com/-7RLIdRYOmbo/XqSnXxIWRTI/AAAAAAAABEM/yrhUIppwCHgL4--TMaAIkPlhdT1EkisoACPcBGAYYCw/s1600/2020-04-23%2BTweet%2BOmnia%2BVeritas.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1338" data-original-width="708" height="320" src="https://1.bp.blogspot.com/-7RLIdRYOmbo/XqSnXxIWRTI/AAAAAAAABEM/yrhUIppwCHgL4--TMaAIkPlhdT1EkisoACPcBGAYYCw/s320/2020-04-23%2BTweet%2BOmnia%2BVeritas.jpg" width="169" /></a></div>
<br />
nous n’avons aucun lien avec les éditions <i>Omnia Veritas</i>. Personne de ces éditions ne nous a jamais contacté. Si certains de leurs livres portent les titres de pdfs qui ont été distribués ici c’est que visiblement ils les ont simplement recopiés. C’est peut-être une filiale de <i>Kontre Kulture</i>, qui publie beaucoup de livres papier dont on trouve les versions numériques gratuitement sur internet.<br />
<br />
Nous ne pouvons bien sûr pas nous porter garants de la qualité du contenu de ces livres (quelle version ont-il copiée ? à quelle date ? L’ont-il modifiée ?). D’autre part nous n’aurions jamais accepté de travailler avec une maison d’édition qui publie également un fatras d’autres livres, dont certains ouvertement hostiles à René Guénon, d’autres en désaccord avec son œuvre, et le tout étant politiquement orienté.<br />
<br />
Au passage nous n’avons non plus aucun rapport avec les éditions <i>Hadès</i>.<br />
<br />
<br />
En 2015 nous avions reçu une menace de procès, sous prétexte que nous distribuions gratuitement des pdfs de livres de René Guénon (ce qui n’était pas une simple diffusion de pdfs trouvés ailleurs, mais un travail indépendant de restauration, palliant à l’époque un réel manque en éditions numériques concernant cette œuvre, et un accès difficile pour le public) :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2015/12/les-droits-dauteur-et-les-droits-de.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2015/12/les-droits-dauteur-et-les-droits-de.html</a><br />
<br />
À notre connaissance personne d’autre n’a reçu de semblable menace, il semble que ce ne soit pas non plus le cas pour ces maisons d’édition, qui elles vendent carrément des livres papier en France sans problème depuis plusieurs années.<br />
<br />
Nous n’écrivons pas ceci dans l’idée de dénoncer ces maisons d’édition pour non respect du droit d’auteur, ces histoires de droit d’auteur dans un sens marchand n’ont pas grand intérêt, et leur agitation est même nocive, car elles détournent du sujet important, le seul qui devrait retenir l’attention ici : le respect de la volonté de René Guénon sur sa propre œuvre.<br />
<br />
En tout cas ce deux poids deux mesures est assez pitoyable. Après ce constat, qu’on ne nous parle plus jamais d’« éditions pirates ».<br />
<br /></div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-47564449816130017642019-03-18T10:15:00.000+01:002019-03-19T23:51:43.141+01:00La fonction de Frithjof Schuon (4)<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<h2>
<span style="color: #cccccc;">
1) Introduction</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
1-a) Le « <i>sheikh</i> » naturiste<br />
1-b) Un mot creux : le pérennialisme<br />
1-c) Nécessité de laisser la parole à Guénon</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">
2) La fausseté de Schuon et de ses agents</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
2-a) L’intérêt qu’avait Guénon pour la fonction de Schuon : une initiation orientale régulière et facile d’accès pour les éventuels européens qualifiés<br />
2-b) L’intérêt de Schuon pour sa propre fonction : le pouvoir, les femmes et l’argent<br />
2-c) L’isolement de Guénon par Schuon<br />
2-d) Schuon et ses disciples : des hypocrites et des manipulateurs<br />
2-e) Un projet de <i>tarîqah</i> qui débouche sur une secte à prétentions universalistes</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">3) L’autoritarisme prétendant rivaliser avec l’autorité naturelle</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
3-a) Lecteurs de Guénon orgueilleux ? Ou orgueil d’une infaillibilité individuelle ?<br />
3-b) Une « infaillibilité » qui peine à faire illusion<br />
3-c) Un « <i>sheikh</i> » ignorant<br />
3-d) Une opposition inavouée mais de plus en plus concrète<br />
3-e) La disparition de Guénon : le couronnement de Schuon</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">4) L’ésotérisme haï et usurpé par le culte de Schuon</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
4-a) Divagations des schuoniens sur la Maçonnerie<br />
4-b) Le « Maître spirituel destiné à tout l’Occident »<br />
4-c) D’un désir de reconnaissance insatisfait aux <i>Mystères christiques</i><br />
4-d) Une mentalité en réalité surtout religieuse et anti-initiatique<br />
4-e) Propagande<br />
4-f) L’héritage de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem</span><span style="color: #999999;"> </span></h3>
<h2>
5) Une transmission invalide</h2>
<h3>
5-a) Les références anti-traditionnelles des schuoniens<br />
5-b) Un document par nature explicite<br />
5-c) Exemples d’<i>ijâzah</i> de véritables <i>moqaddems</i><br />
5-d) L’« <i>ijâzah</i> » de Schuon : un mandat réduit à l’exotérisme<br />
5-e) Un document conforme aux tendances de la <i>zaouïa</i> dégénérée de Mostaganem<br />
5-f) Schuon et les gens de Mostaganem ont menti à Guénon<br />
5-g) Défense maladroite de Schuon par un valsanien<br />
5-h) L’initiation donnée par Schuon est irrégulière</h3>
<h2>
Conclusion</h2>
</div>
<br />
<br />
<br />
Partie précédente :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-3.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-3.html</a><br />
<br />
<h2>
5) Une transmission invalide</h2>
<br />
<h3>
5-a) Les références anti-traditionnelles des schuoniens</h3>
<br />
Continuons la lecture du numéro déjà cité de la revue <i>Connaissance des religions</i>, hors série spécial Schuon (07-10 1999), <i>Approche biographique</i> (article de Jean-Baptiste Aymard), pp. 20-21. Les schuoniens ont décidé d’y exhiber un document étonnant :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Conformément à l’usage (1), le Sheikh Adda remet au nouveau moqqadem un « diplôme » – <i>ijâzah</i> – signé de sa main dont on trouvera ici un <i>fac-similé</i>.<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://2.bp.blogspot.com/-FUxudA5Wt6w/XEtzx0u3sOI/AAAAAAAABAU/_NNbThj0WmoDitMvhRFBPKvRE8dwyEj6gCLcBGAs/s1600/ijaza%2Bschuon.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="964" data-original-width="750" height="400" src="https://2.bp.blogspot.com/-FUxudA5Wt6w/XEtzx0u3sOI/AAAAAAAABAU/_NNbThj0WmoDitMvhRFBPKvRE8dwyEj6gCLcBGAs/s400/ijaza%2Bschuon.jpg" width="311" /></a></div>
<div style="text-align: center;">
« Diplôme » – <i>ijâza</i> – de Moqqadem</div>
----<br />
1 – Octave Depont et Xavier Coppolani, dans leur volumineux ouvrage de référence consacré aux <i>Confréries religieuses musulmanes</i> (1897) précisent : <span style="background-color: #274e13;"><span style="color: #e69138;">« <i>Ces titres ou licences sont consignés sur des diplômes</i> (idjeza) <i>établis avec un soin scrupuleux.</i> »</span></span></div>
<br />
Tout d’abord, voici cet ouvrage :<br />
<div style="background-color: #274e13; color: #e69138;">
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
LES CONFRERIES RELIGIEUSES MUSULMANES</div>
<br />
<div style="text-align: center;">
Publié sous le patronage</div>
<div style="text-align: center;">
de</div>
<div style="text-align: center;">
M. Jules Cambon</div>
<div style="text-align: center;">
gouverneur général de l’Algérie</div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
<div style="text-align: center;">
par</div>
Octave Depont, administrateur de commune mixte, et Xavier Coppolani, administrateur-adjoint de commune mixte, détachés au service des affaires indigènes et du personnel militaire du gouvernement général de l’Algérie.</div>
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f5.image">https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f5.image</a><br />
<br />
Les schuoniens, ne sachant pas eux-mêmes en quoi consiste l’<i>ijâzah</i> qui est censée justifier la régularité de leur <i>tarîqah</i>, en sont réduits à chercher ce que peut bien impliquer ce document… dans un ouvrage composé par le gouvernement colonial en Algérie, dans lequel le seul nom à consonance islamique cité dans les remerciements l’est pour avoir <span style="color: #e69138;"><span style="background-color: #274e13;">« prodigué […] ses connaissances aussi étendues que discrètes »</span></span>.<br />
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f29.image">https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f29.image</a><br />
<br />
D’après ce <span style="background-color: #d9ead3;">« volumineux ouvrage de référence »</span>, <span style="color: #e69138;"><span style="background-color: #274e13;">« les lacunes et les contradictions abondent [dans] le Coran »</span></span>.<br />
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f10.image">https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f10.image</a><br />
<br />
Voici quelques extraits de leur présentation de l’ésotérisme islamique :<br />
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f12.image">https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f12.image</a><br />
(et pages suivantes)<br />
<br />
<div style="background-color: #274e13; color: #e69138;">
<div style="text-align: center;">
X</div>
<br />
Ce monde est constitué par des sociétés secrètes, des ordres de <i>derouich</i>, des confréries mystiques, autrement dit, pour employer une expression connue, par les <i>khouan </i>(frères) qui, répandus depuis l’Atlantique jusqu’au Gange, sont, en même temps que les ennemis irréconciliables des eulama, les véritables moteurs de la société musulmane.<br />
<br />
La formation de ces diverses sociétés tire sa primitive origine de la tendance du musulman à l’association, tendance ayant, elle-même, pour source, la croyance religieuse qui prescrit, en les mettant en commun, de faire profiter ses frères des biens que Dieu a donnés.<br />
<br />
Peu à peu, ces sociétés se créent, grandissent et, en se multipliant, se subdivisent en de nombreux rameaux qui apparaissent sous la forme de confréries, organisations, d’ailleurs, en contradiction avec la parole du Prophète « <i>La rahbanïïeta fi el islam</i>, point de vie monacale dans l’Islam ».<br />
<br />
Quant à leur doctrine, partout la même, elle est beaucoup plus ancienne que leur institution, c’est le <i>soufisme</i>, dont le fond est le panthéisme.<br />
<br />
Né dans l’Inde, naturalisé en Perse et mis en action, sous la forme de l’enthousiasme extatique, par la seconde génération de l’école d’Alexandrie, et plus tard, par les philosophes arabes, eux-mêmes, le soufisme, autrement dit le mysticisme, après avoir ruiné l’école d’Ammonius Saccas, germe dans le champ arabique, merveilleusement préparé à là recevoir. Et aujourd’hui, plus que jamais, il fleurit, malgré sa dégénérescence, sous des aspects les plus divers rappelant, dans de curieuses manifestations, les vieux cultes orientaux.<br />
<br />
Le but du <i>soufisme </i>ou <i>tessououof</i>, nom sous lequel le mysticisme s’est introduit dans la langue arabe, est de mettre dans la conscience de l’homme, l’esprit caché de la loi en accord avec la lettre, et d’arriver, par des pratiques pieuses, à un état de pureté morale et de spiritualisme tel que l’on puisse voir Dieu face à face et sans voiles, et s’unir à lui.<br />
<br />
Pour atteindre au premier résultat envisagé, les soufis, tout en affirmant, d’ailleurs, les doctrines du Prophète, tout en enseignant la morale la plus pure, en donnant, eux-mêmes, l’exemple de toutes les vertus, réduisaient les préceptes coraniques à l’interprétation allégorique.<br />
[…]<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XI</div>
<br />
[…]<br />
C’est cette doctrine, idéalisme trompeur merveilleusement adapté à l’imagination rêveuse et sensuelle des peuples de l’Orient, que les soufis infiltraient peu à peu dans les veines du corps social musulman.<br />
[…] <br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XII-XIII</div>
<br />
[…] <br />
Les pays de l’Islam sont couverts de zaouïa (tekkié en Turquie) qui renferment les restes vénérés d’un Saint. Autour d’elles, se dressent quelques bâtiments où les croyants reçoivent l’hospitalité et, quand ils le désirent, l’enseignement religieux ou mystique : c’est là le culte maraboutique. Ce culte, théologiquement contraire au Coran, qui n’admet pas d’intermédiaire entre l’homme et Dieu, a plongé dans une sorte d’anthropolâtrie, le croyant simpliste et incapable d’abstraire l’idée du monothéisme de son Prophète.<br />
<br />
Et quand des hommes se lèvent pour protester et crier à l’anathème, leur voix se perd dans la nuit de la superstition. A la fetoua de l’a’lem (savant), condamnant son enseignement, le soufi, se plaçant bien au-dessus du Prophète, qui n’avait pas connaissance de ce qui est caché, répond par des miracles qui enchantent la masse, la ramènent dans le rêve et ferment ses yeux à la lumière.<br />
<br />
D’une méthode d’enseignement, qui, à ses débuts, prescrivait publiquement la stricte observance de la religion et des vertus sociales, un seul principe, véritable imposture sacerdotale, est resté debout : la soumission aveugle de l’affilié au faiseur de miracles, au <i>cheikh </i>(maître spirituel), soumission aussi absolue que celle du <i>sikh </i>indou à cet autre marabout qui s’appelle le guru.<br />
<br />
Ce nouveau culte remplace le culte d’Allah. Il ne s’agit plus de rechercher l’union de l’âme avec Dieu mais simplement de se conformer, d’une manière absolue, à la volonté, à la pensée de son éducateur inspiré.<br />
<br />
Qu’il soit soufi, derouich ou marabout, le directeur d’une confrérie est le représentant, le délégué de Dieu sur la terre, et la soumission des adeptes à cet homme divin est telle, qu’ils sont son bien et sa chose au sens absolu, car <i>c’est Dieu qui commande par la voix du cheikh</i>…<br />
<br />
On voit de suite où aboutit une pareille abnégation de l’être au profit d’un <i>dieu vivant</i>.<br />
<br />
Et il est facile d’en déduire pourquoi, les Ordres religieux s’étant multipliés à l’excès, la vie du peuple musulman est tout entière en eux. Ce sont leurs chefs qui, en réalité, dirigent les populations, apaisent ou soulèvent à volonté leurs khouan (frères).<br />
<br />
Ce sont ces khouan qui vont porter l’Islam, le répandre et le faire connaître dans la mystérieuse Afrique centrale. Missionnaires infatigables, ils parcourent, sous le seul patronage de leurs maîtrises spirituelles, des pays inconnus, territoires immenses où leur prosélytisme est en train de regagner ce que le mahométisme a perdu en Europe.<br />
<br />
Ce sont ces mêmes khouan qu’après de longues années d’absence, nous voyons circuler dans les villes et les campagnes sous la forme d’hommes pauvres, à demi-nus, vivant d’aumônes et enseignant les prescriptions coraniques hostiles à la civilisation européenne.<br />
<br />
Voyageurs ou sédentaires, ces pauvres, ces fanatiques, ces mystiques jouent, ici, un rôle où l’on ne peut s’empêcher de voir quelque analogie avec celui que les prophètes remplissaient autrefois en Judée.<br />
<br />
Ils sont, par nature, les ennemis de tout pouvoir établi, et les États musulmans, aussi bien que les puissances européennes ayant sous leur domination des musulmans, ont à compter avec ces prédicateurs antisociaux.<br />
[…] <br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XIV</div>
<br />
[…] <br />
L’Islam, mû par les confréries religieuses, peut être un grave péril pour l’œuvre de civilisation à entreprendre. Il peut la compromettre et la perdre à la faveur surtout de ces ardentes et jalouses compétitions européennes dont l’ère est ouverte en Afrique.<br />
[…] <br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XV</div>
<br />
[…] <br />
La propagande panislamique, en effet, se manifeste, actuellement, avec une intensité redoutable dans les Indes et elle n’est pas sans échos dans le Soudan nilotique aussi bien que dans nos possessions de l’Afrique du Nord.<br />
<br />
Un peu partout, l’Arabe essaie de relever la tête et nous nous trouvons journellement aux prises avec ces puissances théocratiques, ces <i>États dans l’État</i>, ces confréries religieuses, en un mot, qui sont l’âme même du mouvement panislamique.<br />
<br />
Nous ne saurions méconnaître la gravité de ce mouvement et il importe de nous prémunir contre les agissements de ceux qui le dirigent à Constantinople et dont les principaux agents secrets, dans l’Afrique du Nord, sont connus.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
*</div>
<div style="text-align: center;">
* *</div>
<br />
C’est ce monde mystérieux de vicaires, d’apôtres, de fanatiques, que nous avons entrepris d’étudier dans cette publication.<br />
[…] <br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XXII</div>
<br />
[…] <br />
Systématiquement mais sûrement, le Personnel des confréries religieuses dépouille ses ouailles. Le sacerdoce est devenu une profession libérale. Et quand, par hasard, le Khouan récalcitre, le maître envoie percevoir la taxe par son reqab (courrier) qui sollicite le paiement par la douceur d’abord, par la menace de la vengeance divine, quand le premier traitement ne réussit pas.<br />
<br />
Courbant l’échine, apeuré, l’affilié verse à ces hommes qui se disent les représentants de Dieu, l’argent qu’il gardait précieusement pour parer aux mauvais coups du sort !<br />
[…]<br />
<br />
On dirait que le rêve de l’indigène est de se faire moine !<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XXIII</div>
<br />
Conclusion : <i>Stagnation de la richesse publique, appauvrissement de la population au seul profit d’une caste et diminution inquiétante dans le rendement de l’impôt.</i><br />
[…] <br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XXIV</div>
<br />
Il y a là une œuvre de justice et de pitié à suivre sans faiblesse : il faut arracher aux mains rapaces des bigots qui la grugent sans merci, une population depuis trop longtemps excitée et surexcitée contre nos institutions par la parole et par des actes de folie politico-religieuse, comme l’insurrection de 1871.<br />
[…] <br />
<br />
<div style="text-align: center;">
XXV</div>
<br />
[…] <br />
On trouvera, développé dans nos conclusions, le programme que nous avons essayé de dresser en vue de prendre la direction de la seule force qui subsiste chez nos indigènes, afin de nous en servir jusqu’au jour où, en lui opposant d’autres forces éclairées et civilisées, nous pourrons poursuivre sa désagrégation.<br />
[…] </div>
<br />
Ce qui est remarquable, c’est que c’est le <i>taçawwuf</i> qui était identifié comme problématique par les « civilisateurs » coloniaux. Cette attitude peut être rapprochée du soutien de l’empire britannique au wahhabisme, qui prône un exotérisme littéraliste et exclusiviste, donc hostile lui aussi à l’ésotérisme islamique.<br />
<br />
Guénon répond à cette folie furieuse dans le passage suivant, notamment au sujet du panislamisme et des problématiques liées à l’insurrection algérienne de 1871 :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il serait à souhaiter que les Occidentaux, se résignant enfin à voir la cause des plus dangereux malentendus là où elle est, c’est-à-dire en eux-mêmes, se débarrassent de ces terreurs ridicules dont le trop fameux « péril jaune » est assurément le plus bel exemple. On a coutume aussi d’agiter à tort et à travers le spectre du « panislamisme » ; ici, la crainte est sans doute moins absolument dénuée de fondement, car les peuples musulmans, occupant une situation intermédiaire entre l’Orient et l’Occident, ont à la fois certains traits de l’un et de l’autre, et ils ont notamment un esprit beaucoup plus combatif que celui des purs Orientaux ; mais enfin il ne faut rien exagérer. Le vrai panislamisme est avant tout une affirmation de principe, d’un caractère essentiellement doctrinal ; pour qu’il prenne la forme d’une revendication politique, il faut que les Européens aient commis bien des maladresses ; en tout cas, il n’a rien de commun avec un « nationalisme » quelconque, qui est tout à fait incompatible avec les conceptions fondamentales de l’Islam. <b>En somme, dans bien des cas (et nous pensons surtout ici à l’Afrique du Nord), une politique d’« association » bien comprise, respectant intégralement la législation islamique, et impliquant une renonciation définitive à toute tentative d’« assimilation », suffirait probablement à écarter le danger, si danger il y a ; quand on songe par exemple que les conditions imposées pour obtenir la naturalisation française équivalent tout simplement à une abjuration (et il y aurait bien d’autres faits à citer dans le même ordre), on ne peut s’étonner qu’il y ait fréquemment des heurts et des difficultés qu’une plus juste compréhension des choses pourrait éviter très aisément ; mais, encore une fois, c’est précisément cette compréhension qui manque tout à fait aux Européens</b>. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que la civilisation islamique, dans tous ses éléments essentiels, est rigoureusement traditionnelle, comme le sont toutes les civilisations orientales ; cette raison est pleinement suffisante pour que le panislamisme, quelque forme qu’il revête, ne puisse jamais s’identifier avec un mouvement tel que le bolchevisme, comme semblent le redouter des gens mal informés.</div>
<i>Orient et Occident</i>, 1<sup>re</sup> partie, ch. IV.<br />
<br />
De manière générale, il n’y a pas de problème à trouver l’information où elle est, quelle que soit la nature du messager (tant qu’il ne la déforme pas). Mais si c’est compréhensible pour en savoir plus sur une tradition disparue, ou sur une tradition dont beaucoup d’éléments ont été perdus (comme la Maçonnerie, pour laquelle des ouvrages d’anti-maçons dévoilant certains rituels ont parfois été plus tard le seul moyen d’en retrouver la trace), cela l’est beaucoup moins lorsque c’est une donnée technique dont la connaissance est répandue parmi les membres vivants d’une tradition à laquelle on revendique non seulement appartenir, mais que l’on prétend même représenter. Cette tentative des schuoniens d’augmenter leur crédit en invoquant une puissance de l’extérieur, qui plus est une puissance hostile à la civilisation islamique, les accable au contraire.<br />
<br />
<br />
<h3>
5-b) Un document par nature explicite</h3>
<br />
Sentir le besoin de s’appuyer sur une telle <span style="background-color: #d9ead3;">« référence »</span> est vraiment incroyable, et confirme ce qu’écrivait René Guénon à Marcel Clavelle (18 septembre 1950) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
au point de vue technique, l’ignorance de tous ces gens, à commencer par F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> lui-même, est véritablement effrayante…</div>
<br />
Mais malgré son caractère pour le moins saugrenu, ce qui en est cité au sujet de l’<i>ijâzah</i> n’est pas faux, c’est un document qui est établi avec soin. Mais il suffisait qu’ils demandent à des membres de véritables <i>turuq</i>, qui les auraient simplement informés que dans le contexte ce document n’est pas un <span style="background-color: #d9ead3;">« diplôme »</span> au sens scolaire ou une vague lettre de félicitations, mais un mandat ou une autorisation, et que comme tout mandat écrit, c’est un document explicite, dont la raison d’être est de ne laisser aucune ambiguïté, aucun doute sur la légitimité du mandataire et sur la portée du mandat qui lui est conféré.<br />
<br />
<br />
<h3>
5-c) Exemples d’<i>ijâzah</i> de véritables <i>moqaddems</i></h3>
<br />
Comme dit plus haut, nous ne voyons pas d’inconvénient à utiliser quelque source que ce soit, tant que c’est avec les précautions nécessaires.<br />
<br />
Par exemple on peut mettre à profit l’<span style="background-color: #d9ead3;">« ouvrage de référence »</span> colonial des schuoniens en y découvrant une <i>ijâzah</i> du Sheikh Aziz El-Haddad. Elle est visiblement exposée dans le but de le ridiculiser, pour le punir de son rôle dans l’insurrection algérienne de 1871, d’après le texte qui la précède, et d’après le mot paix, mis en italiques dans l’<i>ijâzah</i>, comme si on voulait montrer une contradiction avec son action guerrière :<br />
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f426.image">https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81468k/f426.image</a><br />
<br />
Mais rien ne nous oblige à tenir compte du contexte hostile de sa publication. Nous pouvons la considérer pour ce qu’elle est, une autorisation explicite, émise par un <i>sheikh</i> authentique, à remplir une fonction de <i>moqaddem</i> authentique, incluant la transmission de l’initiation. Ce document peut aider à se faire une idée concrète de ce qu’est une véritable <i>ijâzah</i> :<br />
<div style="background-color: #ffd966;">
« Louange à Dieu unique ; que sa gloire soit proclamée !<br />
<br />
A tous ceux, khouan ou autres, qui prendront connaissance de ce diplôme par nous délivré ; que le salut soit sur vous accompagné de la miséricorde de Dieu et de ses bénédictions.<br />
<br />
Si, comme je l’espère, vous êtes en bonne santé, grâces en soient rendues à Dieu. Ensuite, je vous demande de vouloir bien faire pour moi des vœux sincères comme j’en fais pour vous tous et je vous informe de ce qui suit :<br />
<br />
Le porteur du présent diplôme, Sid Mohammed ben A’mara, que j’appelle mon fils, car sans l’être par descendance, il l’est réellement par l’amitié que mon cœur lui a vouée, avait été agréé par notre feu Cheikh. En conséquence, je l’autorise à conférer l’ouerd des Rahmanïa à quiconque viendra spontanément lui demander à être initié ou sera sollicité par lui à cet effet.<br />
<br />
Il enseignera progressivement les sept noms à l’élève qui, donnant des indices de dévotion et de vertu, s’annoncera digne de cette communication.<br />
<br />
Sid Mohammed ben A’mara transmettra cet enseignement tel qu’il l’a reçu lui-même de son Cheikh. Que Dieu le dirige dans la bonne voie et le prenne comme intermédiaire pour y diriger les autres ; qu’il l’illumine et fasse de lui un instrument d’illumination ; qu’il le guide dans la voie du Paradis et se serve de lui pour y conduire les autres, qu’il le pénètre de plus en plus des doctrines de la confrérie et les propage par son enseignement.<br />
<br />
En s’adressant à lui par l’initiation à la voie, c’est comme si on s’adressait à notre Cheikh feu ben El-Haddad, mort éloigné des siens : l’avantage sera le même, l’affiliation aura une égale valeur.<br />
<br />
Je vous recommande, je me recommande préalablement à moi-même, et je recommande au détenteur de ce diplôme de rester dans l’obéissance et la crainte de Dieu, d’observer fidèlement le rituel de l’Ordre, de faire preuve, en toute chose, de résignation et d’humilité et de ne chercher d’appui que sur la paix, car, c’est elle qui constitue la meilleure voie menant au ciel sans obstacle, et c’est elle qui permet de multiplier les bonnes œuvres.<br />
<br />
Je n’ai plus rien à ajouter, mais ceci suffira à tout homme sérieux, bien élevé, ami de Dieu et sensé.<br />
<br />
De la part d’A’ziz fils du Cheikh ben El-Haddad, l’éloigné des siens, que Dieu le protège ! » (1).<br />
---<br />
1 – Diplôme délivré à Sid Mohammed ben A’mara, traduit par M. Mirante, interprète militaire au Gouvernement général.</div>
<br />
La traduction n’est peut-être pas irréprochable, mais du moins nous pouvons voir qu’il n’y a pas d’ambiguïté ici.<br />
<br />
Mais nous reconnaissons qu’il est préférable d’employer des sources moins problématiques. Nous pouvons prendre comme autre exemple d’<i>ijâzah</i> véritable celle du Sheikh El-Alawi au Sheikh El-Madani, directement fournie par la <i>tarîqah</i> Madaniyya :<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://2.bp.blogspot.com/-ywy6Iy4w6g8/XEtzzXvmFJI/AAAAAAAABAY/gHvGKLiEjiAtckQ1hy4fkEprPeiUB528ACEwYBhgL/s1600/ijaza-alawi-madani--1a41c.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="546" data-original-width="672" height="325" src="https://2.bp.blogspot.com/-ywy6Iy4w6g8/XEtzzXvmFJI/AAAAAAAABAY/gHvGKLiEjiAtckQ1hy4fkEprPeiUB528ACEwYBhgL/s400/ijaza-alawi-madani--1a41c.jpg" width="400" /></a></div>
<br />
En arabe ici :<br />
<a href="https://www.madaniyya.com/?%D8%A7%D9%84%D8%A5%D8%AC%D8%A7%D8%B2%D9%8E%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D9%8E%D9%84%D8%A7%D9%88%D9%8A%D9%91%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B4%D8%A7%D8%B0%D9%8F%D9%84%D9%8A%D9%91%D9%8E%D8%A9">https://www.madaniyya.com/?%D8%A7%D9%84%D8%A5%D8%AC%D8%A7%D8%B2%D9%8E%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D9%8E%D9%84%D8%A7%D9%88%D9%8A%D9%91%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B4%D8%A7%D8%B0%D9%8F%D9%84%D9%8A%D9%91%D9%8E%D8%A9</a><br />
<br />
ou ici p. 9 :<br />
<a href="https://www.madaniyya.com/IMG/pdf/Alijazaat_03-2008_.pdf">https://www.madaniyya.com/IMG/pdf/Alijazaat_03-2008_.pdf</a><br />
<br />
Traduction en français :<br />
<a href="https://www.madaniyya.com/?Mohammed-Al-Madani">https://www.madaniyya.com/?Mohammed-Al-Madani</a><br />
<br />
<div style="background-color: #ffd966;">
<h3>
Ijaza du Cheikh al-Alawi</h3>
<br />
Voici la licence des connaissants, ô faqir parvenu à l’extinction, affilié au parti du Seigneur, Mohammed ibn Khalifa ibn al-Haj Omar, plus connu sous le nom d’al-Madani, tu nous as fréquenté des jours durant, et pour toi, Allah a dissipé les illusions et levé les voiles. Le profit que tu as tiré à nos contacts, a été à la mesure de l’amour que tu as nourri pour nous, aussi devras-tu faire profiter tes frères parmi les serviteurs de Dieu, car il n’est pas licite qu’un homme laisse la science juste qu’il lui a été donné de recevoir. Voici le grade de la guidance qui te réclame avec le sérieux le plus intégral, guide donc qui fait appel à toi, conduis vers l’union qui a rompu d’avec toi.<br />
<br />
Dans la voie Chadhûli nous te décernons la licence verbale pour confirmer la licence de cœur que nous t’avons délivrée auparavant, tu te dois d’aimer continuellement ton Seigneur, car Allah réserve à son serviteur la place que ce dernier lui réserve en son âme. Je formule le souhait qu’Allah t’accorde la pérennité de son amour, et sache que l’assistance du Seigneur est fonction de la disposition du serviteur.<br />
<br />
De notre conduite rien ne t’a été occulté, suis donc ce qu’elle recèle de meilleur, non pas nos imperfections dans la guidance. Notre Maître, mon Seigneur Mohammed al-Bûzaydi, avait passé de nombreuses nuits, rapprochant les serviteurs du Seigneur…suis la tradition de nos précédents maîtres à qui nous avons emprunté la voie, tu seras bien solidement attaché à eux, aussi longtemps que tu te seras conformé à leurs traditions. Veille qu’Allah te bénisse sur leur amitié, sur leur pacte, Allah veillera sur toi, il est le meilleur des vigiles, le plus clément des cléments.<br />
<br />
Pour clore, je supplie Allah le Grandissime par la gloire de son Prophète généreux qu’Allah prie sur lui et le salut fortement, de nous préserver dans ce qu’il nous a donné, de nous seconder dans l’observance de ses ordres.<br />
<br />
Je te supplie, ô Seigneur ! par le plus grand de tes messagers, le meilleur de toutes tes créatures, d’aplanir pour lui (al-Madani) la voie droite, nous l’avons conduit devant ta porte, il te fera aimé de tes créatures et tes créatures de toi. Ô seigneur ! Élargis devant lui la voie de ta connaissance, introduis-le dans ton enceinte inexpugnable, préserve tous ceux qui se rattacheront à lui, par le privilège de l’entrée en ta présence, et sois, ô notre Seigneur ! Son ouïe, sa vue, sa main sa jambe, ô Seigneur ! Éteins son existence en la tienne, de sorte qu’il ne lui reste plus que ce qui est par toi et pour toi, Amin ! Par le caractère sacré du Maître des messagers !<br />
<br />
Notre ultime prière est de louer Allah, le Seigneur des mondes.</div>
<br />
Voie (<i>tarîqah</i>), <i>silsilah</i>, rattachements, ici encore tout est explicite.<br />
<br />
<br />
<h3>
5-d) L’« <i>ijâzah</i> » de Schuon : un mandat réduit à l’exotérisme</h3>
<br />
Sur quoi porte en réalité l’<i>ijâzah</i> de Schuon ? Revenons au document reproduit. Aymard, dans le <i>Connaissance des religions</i> déjà cité, en donne la traduction suivante :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Celui-ci dit notamment : « <i>… j’atteste (…) que nous avons été fréquenté par l’être à l’âme pure, aux vertus excellentes et à la “pénitence sincère”, le frère en Allah Sidi Aïssa Nour ed-Dîn, européen selon la résidence et le lieu de naissance, et que (celui-ci) a été récemment en relations prolongées avec nous, ce qui nous a permis de scruter les états de l’homme, ses paroles et ses actes, et nous n’en avons vu - et la vérité est à dire - que ce qui tranquillise le croyant et ce que trouve agréable le rattaché à Allah, le Subtil (le Bienveillant), l’Instruit (l’Informé) “qui se choisit qui Il veut et guide vers Lui-même qui revient (à Lui) pénitent”. Considérant ce qui précède en ce qui concerne la connaissance de ce frère en Allah, je l’ai autorisé à répandre l’exhortation islamique chez les hommes de son peuple, parmi les européens, en transmettant la parole du Tawhîd…</i> »</div>
<br />
Puis il ajoute :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
La principale « raison d’être » de la fonction de <i>moqaddem</i> est évidemment de transmettre une influence spirituelle, une initiation, et de rattacher par là même les « initiés » à la <i>Silsilâh</i>, filiation ininterrompue depuis le Prophète, et de leur ouvrir l’accès à l’invocation du Nom Divin, à la « Voie du cœur ».</div>
<br />
Mais il n’y a justement rien de tel dans le document, et ce n’est pas en jouant sur les mots qu’on peut prétendre le contraire.<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://3.bp.blogspot.com/-JDDDfXJFaDY/WEQu9nA0yqI/AAAAAAAAA60/k5vAtDVgcxYjpc4TzClNx9yRdoxSgxcjwCPcBGAYYCw/s1600/ijaza%2Bschuon%2Bpassage.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="964" data-original-width="750" height="400" src="https://3.bp.blogspot.com/-JDDDfXJFaDY/WEQu9nA0yqI/AAAAAAAAA60/k5vAtDVgcxYjpc4TzClNx9yRdoxSgxcjwCPcBGAYYCw/s400/ijaza%2Bschuon%2Bpassage.png" width="310" /></a></div>
<br />
Le passage important de ce document est entouré ci-dessus en rouge. Complétons-la traduction donnée en indiquant les mots importants :<br />
<div style="background-color: #b4a7d6;">
« Considérant ce qui précède en ce qui concerne la connaissance de ce frère en Allah, je l’ai autorisé à répandre l’exhortation islamique chez les hommes de son peuple, parmi les européens, en transmettant (تلقين) la parole du Tawhîd (كلمة التوحيد) et la shahâdah (لا إله الا الله محمد رسول الله), et ce qui s’ensuit comme devoirs religieux. »</div>
<br />
Le terme تلقين (<i>talqîn</i>) a un sens général d’instruction et de transmission, il pourrait éventuellement prendre un sens de transmission initiatique dans un contexte approprié… qui est ici absent.<br />
<br />
Le document autorise à transmettre la parole du <i>tawhîd</i> et la <i>shahâdah</i>, c’est-à-dire à répandre la religion islamique (ce qui ne nécessite aucune autorisation). Dans l’ensemble du document, il n’est nulle part fait allusion à la <i>tarîqah</i>, à la fonction de <i>moqaddem</i>, ni même au domaine initiatique de manière générale.<br />
<br />
Il pourrait y avoir éventuellement des doutes s’il n’y avait pas de document écrit, l’expression d’une <i>ijâzah</i> pouvant n’être qu’orale. Mais justement, la présentation d’un tel document enlève tout doute possible. Le document arboré est officiellement l’<i>ijâzah</i> de Schuon, il n’y en a pas d’autre, ce n’est pas une véritable <i>ijâzah</i> de <i>moqaddem</i>, donc Schuon n’a jamais été nommé <i>moqaddem</i>.<br />
<br />
<br />
<h3>
5-e) Un document conforme aux tendances de la <i>zaouïa</i> dégénérée de Mostaganem</h3>
<br />
Il est probable que, vers 1935, Guénon ait écrit à Mostaganem pour recommander Schuon comme <i>moqaddem</i>, ce que peut laisser entendre cet extrait :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
il semble vraiment qu’on oublie un peu trop, en Suisse, que rien ne se serait fait si je n’y avais pas été pour quelque chose, et je me demande même si F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> se souvient encore de ce qu’il m’a raconté autrefois lui-même sur la façon dont il a été reçu la 1<sup>re</sup> fois qu’il est allé à Mostaganem…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 14 mai 1950.<br />
<br />
Or nous venons de voir qu’Adda Bentounes a bien délivré une <i>ijâzah</i> à Schuon, mais ne dépassant pas le domaine exotérique, ne lui donnant aucune fonction initiatique. Mais qu’y a-t-il d’étonnant à cela, étant donné ce qu’on a vu plus haut ? la <i>zaouïa</i> de Mostaganem s’est révélée dégénérée :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
ce qui s’y passe maintenant est bien loin d’être satisfaisant ; tout y est sacrifié à des tendances exotériques et propagandistes que nous ne pouvons pas approuver du tout ; la rapidité avec laquelle cette dégénérescence s’est produite est même tout à fait extraordinaire.</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 2 mars 1938.<br />
<br />
Les schuoniens de leur côté voudraient que Schuon ait été nommé <i>moqaddem</i> à cause d’une retraite soi-disant extraordinaire qu’il aurait accomplie, ce qui est une raison bien insignifiante (et cela s’accorde bien avec l’<i>ijâzah</i> vue comme un <span style="background-color: #d9ead3;">« diplôme »</span> infantilisant, comme les images d’animaux qu’on donne en récompense aux écoliers ayant eu la moyenne à leur dictée). Mais ce qui est curieux, c’est qu’ils évoquent tout comme Guénon les visées propagandistes de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem, et ils mentionnent même le souhait d’Adda Bentounes d’y impliquer personnellement Schuon, en faisant de lui un <span style="background-color: #d9ead3;">« missionnaire » musulman</span> :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Contrairement à ce qu’on a parfois laissé entendre, Schuon n’a pas sollicité la fonction de moqaddem que lui décerna le Sheikh Adda. Il apparaît plutôt que, pour répondre aux voeux du Sheikh El Allaoui (1), le Sheikh Adda ait pris cette disposition à l’issue d’une longue et édifiante khalwah (retraite) de Schuon.<br />
----<br />
1 – C’est vraisemblablement ce qui explique pourquoi, en dépit de l’éloignement futur de Schuon, jamais le Sheikh Adda ne lui retirera – ce qu’il était en droit de le faire – cette fonction. En parlant de cette supposée sollicitation de fonction, Schuon écrira en 1987 : « <i>C’est bien mal me connaître, d’autant qu’aucun homme respectable ne s’abaisse à mendier une dignité</i> ». On ne voit d’ailleurs, dans les courriers de l’époque, aucune trace d’une quelconque ambition de la sorte. Il est par contre probable que le Sheikh Adda ait eu le secret espoir de faire de Schuon un « missionnaire » musulman comme en font foi des photos et des articles parus dans des journaux algériens de l’époque.</div>
<i>Connaissance des religions</i>, hors série spécial Schuon (07-10 1999), <i>Approche biographique</i> (article de Jean-Baptiste Aymard), pp. 20-21.<br />
<br />
Pour le coup c’est pertinent, et tout à fait cohérent avec le contenu de l’« <i>ijâzah</i> », mais pourquoi donc mettent-ils en avant cet élément qui détruit leur thèse d’un Schuon <i>moqaddem</i> ?<br />
<br />
<br />
<h3>
5-f) Schuon et les gens de Mostaganem ont menti à Guénon</h3>
<br />
Face aux contradictions des schuoniens, il est difficile d’établir quelle est leur part d’incompréhension et de malhonnêteté, mais leur parti-pris est nettement visible, comme ici où ils essaient de légitimer la fonction de Schuon par un courrier de Guénon :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Après son séjour à Mostaganem, Schuon se rend à Fès, où réside Titus Burckhardt, puis revient en France. Peu après, Guénon lui adresse une lettre chaleureuse : <span style="background-color: #fff2cc;">« <i>…toutes mes félicitations pour votre nouvelle dignité de moqqadem…</i> »</span><br />
<br />
De fait, Guénon – pour qui l’initiation est la clef de tout comme il aura maintes fois l’occasion de le préciser – voit là une ouverture pour tous ceux qui s’adressent à lui et souhaitent se rattacher à un courant traditionnel ésotérique.</div>
<i>Connaissance des religions</i>, hors série spécial Schuon (07-10 1999), approche biographique (article de Jean-Baptiste Aymard), pp. 20-21.<br />
<br />
Alors que dans la lettre dont ce passage est extrait, c'est l’inverse, Schuon vient de l’informer de sa fonction et Guénon ne fait que lui répondre :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Cher Monsieur,<br />
<br />
J’avais bien reçu en effet votre carte de Fès, et votre lettre m’est arrivée à son tour il y a cinq ou six jours ; voyant sur l’enveloppe vos deux adresses de Bâles et de Mulhouse, je crois plus sûr de vous répondre à cette dernière.
[…]<br />
<br />
Toutes mes félicitations pour votre nouvelle dignité de moqaddem ; j’avais déjà appris cela par Pr<span style="color: blue;">éau</span>, bien que notre correspondance ait été un peu irrégulière tous ces temps-ci du fait de ses déplacements en Allemagne ; je pense que maintenant il doit être enfin rentré à Paris depuis une semaine environ.</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 17 avril 1935.<br />
<br />
D’après ce que nous venons de voir, si cette réponse de Guénon est une preuve, c’est uniquement celle que Schuon et Adda Bentounes ont menti à Guénon. Schuon a bien sûr également berné tous les gens qui sont venus chercher auprès de lui un rattachement initiatique régulier et légitime.<br />
<br />
<br />
<h3>
5-g) Défense maladroite de Schuon par un valsanien</h3>
<br />
Quoi qu’il en soit, les schuoniens ont été bien imprudents dans leur promotion de Schuon, vendant la mèche avec une telle publication, ce que celui-ci, de son vivant, s’était bien gardé de faire.<br />
<br />
Récemment, dans <i>La Règle d’Abraham</i> (n<sup>o</sup> 40, décembre 2018) – <i>Réponse à Jean-Louis Gabin</i> (« A.-J. Gardes »), pp. 106-108, c’est un valsanien qui a voulu défendre Schuon et l’authenticité de son <i>ijâzah</i> :<br />
<div style="background-color: #cccccc;">
Depuis un certain temps, en effet, court le bruit que la fonction de Moqaddem de Frithjof Schuon ne serait pas régulière, car ce qui a été présenté comme étant une « licence », un « diplôme » (<i>ijâzah</i>) concernant cette fonction <b>ne serait</b> qu’une permission générale délivrée pour transmettre simplement l’Islam aux européens qui y aspirent. Plusieurs traductions de cette <i>ijâzah </i>avaient été recueillies par Frithjof Schuon, et il en avait lui-même demandé une traduction à Michel Vâlsan.</div>
<br />
Pourquoi employer le conditionnel ? alors que c’est exactement ce que dit Vâlsan dans la lettre citée par la suite :<br />
<div style="background-color: #9fc5e8;">
Quelques remarques au sujet de celui-ci : d’une façon immédiate il ne correspond vraiment pas à l’idée d’un « diplôme » de <i>moqaddem</i>, et encore moins à celui d’un diplôme de la <i>Tarîqah alaouiyya</i> dont le non n’y figure aucunement. Votre qualité de <i>moqaddem </i>ne s’y trouve pas mentionnée, de même que Sidi Adda, ne s’attribue à lui-même, en la circonstance, aucune qualité relative à la <i>Tarîqah alaouiyya </i>ou au <i>Taçawwuf </i>en général ; il ne vous confère aucune charge spécifique de l’ordre du <i>Taçawwuf</i>, mais une simple autorisation de répandre « dans le monde européen » la parole du <i>Tawhîd </i>et les observances nécessaires […] En tout cas, votre qualité de <i>Moqaddem </i>a dû être définie, parallèlement au document, par voie verbale, car on a dû vous expliquer au moins quelle formule (verset) on prononce pour les rattachements ; vous-a-t-on dit peut-être alors des choses concernant la <i>silsilah </i>?</div>
Michel Vâlsan à Frithjof Schuon, 14 février 1973.<br />
<br />
Donc, d’une, Vâlsan constate bien lui aussi que le document n’avait qu’une portée exotérique.<br />
<br />
En note, le valsanien louvoie :<br />
<div style="background-color: #cccccc;">
Il est difficile d’expliquer pourquoi l’<i>ijâzah</i> délivrée à Frithjof Schuon l’a été sous cette forme. Ce dernier avait invoqué des problèmes avec les autorités françaises présentes en Algérie à cette époque, mais on peut aussi penser à certaines difficultés internes concernant la direction de la <i>Tarîqha</i> <i>‘Alawiyyah </i>nées après la disparition du Shaykh ‘Alâwî, cette situation étant récurrente lorsqu’il s’agit de l’héritage d’un Shaykh qui n’a pas nommé de successeur unique, conformément à l’attitude du Prophète. Dans tous les cas, le Shaykh Adda pouvait régulièrement investir un <i>moqaddem</i>.</div>
<br />
Inutile de promener le lecteur, comme vu plus haut, ainsi que Guénon le rappelait (et Aymard à sa suite, malgré lui), la <i>zaouïa</i> d’Adda Bentounes était entièrement tournée vers l’exotérisme et le prosélytisme, elle a dégénéré lorsque le Sheikh El-Alawi est parti.<br />
<br />
Quant à l’argument des autorités françaises, cela ne tient pas, par exemple une <i>zaouïa</i> de la Alawiyyah ayant déjà pu s’installer à Paris sans problèmes :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je crois vous avoir dit que les Alaouias ont maintenant un centre à Paris, d’ailleurs destiné exclusivement aux Arabes et aux Kabyles.</div>
René Guénon à Guido de Giorgio, 31 décembre 1927.<br />
<br />
Que Schuon essayait-il de faire croire ? que le gouvernement demandait à lire chaque feuille de papier détenue par les voyageurs partant d’Algérie, et que le retour de Schuon nécessitait que la douane vérifie que son <i>ijâzah</i> était sans aucune portée ? « Votre document est absurde, c’est bon vous pouvez passer. » Ce n’est vraiment pas sérieux… Les difficultés posées par les autorités coloniales étaient plus vraisemblablement le risque d’éveiller leurs soupçons, par les prises de contact et le temps passé sur place nécessaires pour obtenir un rattachement et assimiler l’enseignement initiatique.<br />
<br />
De deux, Vâlsan était loin d’être neutre sur ce sujet, la régularité de sa propre fonction et même de son propre rattachement initiatique dépendant de celle de Schuon. Il se raccroche donc à l’espoir que Schuon aurait eu une autre <i>ijâzah</i>, celle-ci seulement orale. Mais comme nous l’avons vu, c’est absurde, le but même d’une <i>ijâzah</i> écrite étant d’empêcher de telles ambiguïtés.<br />
<br />
Et voici la réponse de Schuon, que le valsanien arbore comme la preuve de l’authenticité de sa fonction :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
Merci de la peine que vous vous êtes donnée de déchiffrer mon document. S. Addah me l’a donné en mars 1935, après ma <i>khalwah </i>en me disant qu’il avait décidé – en sa qualité de <i>Khalifah </i>du Cheikh El-Alaoui – de me nommer <i>moqaddem </i>; il désignait le document par le terme <i>ijâzah</i>, ce qui en effet signifie « diplôme ».<br />
<br />
Le Cheikh El-Alaoui – qu’Allâh sanctifie son secret ! – mourut le 11 juillet 1934, donc huit mois avant ma nomination.<br />
<br />
Ensemble avec l’<i>ijâzah</i> ; S. Addah me donna des explications verbales concernant la formule du rite d’initiation ; et il ouvrit le Koran pour me montrer la formule à prononcer, dans la Sourate […] M’ayant donné l’<i>ijâzah</i>, S. Addah me parla encore de la <i>silsilah </i>et surtout des signes prouvant qu’un faqîr est devenu <i>Shaikh el-Barakah</i> […] Quand, lors de mon premier séjour au Caire, je montrai à Sh. Abd (al-Wâhid) mon <i>ijâzah</i>, il me dit que ce document n’a aucune valeur, étant donné l’évidence de ma fonction. Il se basait uniquement sur certains critères.</div>
Frithjof Schuon à Michel Vâlsan, 26 février 1973.<br />
<br />
<div style="background-color: #cccccc;">
Cela répond à ceux qui estiment que René Guénon n’a pas connu cette affaire de près et qu’il aurait été abusé par manque de renseignements.</div>
<br />
Si cette réponse parvient à satisfaire et à rassurer le valsanien tant mieux pour lui, mais d’un point de vue indépendant, insensible aux injonctions idolâtres, ce n’est pas du tout convaincant, c’est même abracadabrantesque. Schuon invoque Guénon (ce qui est bien pratique, celui-ci n’étant plus là pour démentir quoi que ce soit), qui lui aurait dit que sa fonction est « évidente », et que son papier est sans aucune valeur. Mais en 1973, Schuon le considérait au contraire d’assez grande valeur pour en demander plusieurs traductions.<br />
<br />
Et pourquoi au fait ? Avait-il donc oublié l’Arabe ? Ou multipliait-il plutôt les chances de pouvoir tirer parti d’un passage obscur du document, de la polysémie d’une expression, d’arriver à tordre le texte d’une manière ou d’une autre pour continuer à faire illusion ? Était-ce une sincère recherche de la vérité qui le motivait, amnésique de bonne foi luttant pour retrouver ses propres souvenirs ? Ou était-ce encore une simple tactique pour maintenir son « autorité » sur autrui ? En tout cas Schuon s’est bien rendu compte que son document ne se prêtait pas à une telle manipulation : loin de l’utiliser pour faire taire ses contradicteurs, il l’a gardé confidentiel toute sa vie, et il a fallu l’imbécilité de ses disciples pour que le public y ait enfin accès.<br />
<br />
D’autre part, même si cette affirmation impliquant Guénon avait été vraisemblable, elle est invérifiable, et on ne peut pas demander de faire confiance à Schuon pour répondre d’une accusation fondée le visant. Il est même injustifié de faire confiance à Schuon tout court, celui-ci s’étant révélé être un menteur, ainsi que nous l’avons vu. Quel crédit accorder en effet à un séducteur polymorphe, qui prenait les traits de son interlocuteur pour mieux le manipuler ? Lorsqu’il parle à Vâlsan, il joue le <i>sheikh</i> que celui-ci souhaitait avoir, mais lorsqu’il parle à Clavelle, il joue le dépressif aigri pour gagner sa sympathie, ainsi qu’on le constate dans l’entrevue surréaliste qui suit :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
Comme je lui disais que mon travail dans la Maçonnerie était très fatigant, que certains jours j’étais excédé d’entendre constamment parler ou de devoir constamment parler d’initiation, d’organisations initiatiques, etc., et qu’il m’arrivait de souhaiter la conversation d’un forgeron ou d’un pêcheur à la ligne, il me dit qu’il en était de même pour lui, qu’il souhaiterait souvent passer ses journées à planter des choux-fleurs, qu’il était parfois accablé en voyant alignés ses foqara attendant qu’on les « abreuve » ; que toutes les fonctions ont un aspect de sacrifice et que <i>nous </i>ne pourrions pas humainement y résister si Allah ne <i>nous </i>envoyait des « consolations » ; <b>qu’on peut bien désirer des fonctions quand on a vingt-cinq ans, mais qu’arrivés à nos âges, cela n’intéresse plus et qu’on voudrait surtout avoir la paix</b>. Tout cela sur un ton très familier, comme d’égal à égal, entre gens qui accomplissent un travail analogue et qui se soulagent en racontant leurs soucis et leurs désillusions.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 11 août 1950.<br />
<br />
Quelle vocation ! et heureusement en effet qu’il y a la gloire, l’argent et les femmes, pour « consoler » ceux qui se sacrifient, « accablés » devant leurs disciples (les disciples apprécieront).<br />
<br />
Au passage, si les manipulations de Schuon étaient parfois efficaces, cela devait tout de même plus tenir à son culot et à son absence totale de scrupules qu’à sa subtilité. Au cours de cette même entrevue, qui visait à amadouer Guénon par l’intermédiaire de Clavelle, Schuon sort la grosse cavalerie pour séduire ce dernier (alors qu’ils ne se côtoyaient pas particulièrement, et qu’à ce moment ils ne s’étaient pas vus depuis 10 ans, c’est-à-dire que Schuon n’avait même pas rencontré Clavelle une seule fois depuis son entrée dans la <i>tarîqah</i>, par l’intermédiaire de Vâlsan, en 1943) :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
Au cours de notre conversation, F<span style="color: blue;">rithjof</span> Sch<span style="color: blue;">uon</span> s’est beaucoup plaint des soucis que lui occasionnent le zèle et l’agitation de Cuttat et de Martin Lings. Je ne sais comment les choses auront finalement tourné entre F<span style="color: blue;">rithjof</span> Sch<span style="color: blue;">uon</span> et Valsan mais je dois dire que le premier s’est également beaucoup plaint du second qui, dit-il, n’est vraiment pas l’homme qu’il faut pour la fonction qu’il remplit, et ceci était dit de façon à me laisser entendre que je serais beaucoup plus indiqué pour cela. Toute modestie mise à part, cela est bien exagéré, car il y a bien des raisons qui s’y opposent, dont certaines ne peuvent pas être ignorées de F<span style="color: blue;">rithjof</span> Sch<span style="color: blue;">uon</span> et qui, bien qu’étant d’un ordre assez extérieur, ne sont nullement négligeables pour cela, à commencer par mon ignorance de l’Arabe et par ma connaissance par trop insuffisante de l’Islam. Je vous mentionne ceci pour souligner encore une fois quel parti pris d’amabilité F<span style="color: blue;">rithjof</span> Sch<span style="color: blue;">uon</span> a manifesté à mon égard.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 19 août 1950. <br />
<br />
<br />
Enfin, le valsanien assène :<br />
<div style="background-color: #cccccc;">
Ajoutons que pour ceux qui ont eu le privilège de rencontrer Michel Vâlsan vivant, l’authenticité de sa réalisation spirituelle, et donc la légitimité de la voie initiatique ouverte par lui, ne font aucun doute.
</div>
<br />
Il faudrait donc le croire qu’il a eu raison d’être valsanien, contrairement aux gens d’alors qui ne l’ont pas été, qui ont eu tort, parce que… parce que. Désolé, mais pour ceux qui n’ont pas eu le privilège de rencontrer Michel Vâlsan vivant, ce pseudo-argument est surtout symptomatique d’une pensée sectaire. Et cette manie de prétendre mesurer à vue de nez la réalisation des « grands hommes »…<br />
<br />
Comme Schuon l’a raconté avec un rictus de dégoût aux lèvres, à un Jean-Pierre Laurant ravi, lorsqu’il avait rencontré Guénon il lui avait trouvé le charisme d’<span style="background-color: #93c47d;">« un cheval »</span> :<br />
<a href="https://books.google.fr/books?id=Rh686QNRRJgC&pg=PA258">https://books.google.fr/books?id=Rh686QNRRJgC&pg=PA258</a><br />
(Jean-Pierre Laurant, <i>La communauté ésotérique de Frithjof Schuon (1907-1998) entre Paris, Lausanne et Bloomington ou les métamorphoses de la tradition immuable</i>, colloque <i>Les mutations transatlantiques des religions</i>, Université Michel Montaigne, Bordeau III, 12 et 13 février 1999, p. 258.)<br />
<br />
Est-ce que, d’après le valsanien, cela prouve l’absence d’<span style="background-color: #cccccc;">« authenticité de la réalisation spirituelle »</span> de Guénon ? Ou est-ce que cela ne traduit pas plutôt, chez Schuon et ses disciples, une mentalité superficielle, avide de spectaculaire, de fascination, de démonstration de pouvoirs psychiques ?<br />
<br />
<br />
Quoi qu’il en soit, il se peut que Vâlsan lui-même n’ait pas été bien convaincu par les explications de Schuon. Et si, comme on le raconte, il a recherché d’autres rattachements vers la fin de sa vie, ce n’était peut-être pas sans lien avec la remise en cause de la fonction de Schuon.<br />
<br />
<br />
<h3>
5-h) L’initiation donnée par Schuon est irrégulière</h3>
<br />
Schuon a, peut-être, été initié. C’est tout. Il a menti en prétendant avoir été investi <i>moqaddem</i> (et il ne s’est même jamais fait transmettre régulièrement le Nom suprême). Il n’a donc bien sûr jamais été <i>sheikh</i> non plus.<br />
<br />
Certains, tout en l’admettant, disent que l’initiation schuonienne était quand même valable, se basant sur ces passages :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Les rites d’initiation [ont] pour but immédiat la transmission de l’influence spirituelle d’un individu à un autre qui, en principe tout au moins, pourra par la suite la transmettre à son tour.</div>
<i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. VIII.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[…] en principe, tout faqîr a le droit de transmettre valablement l’initiation qu’il a reçue lui-même ; cela arrive surtout en fait quand, pour une raison ou pour une autre, il n’y a pas de branches organisées sous une forme définie, et je pense que c’est ce qui a dû avoir lieu en particulier dans le cas des Malâmatiyah dont je vous parlais la dernière fois ; cela montre bien que ce qui importe avant tout est de maintenir la continuité de la silsilah […]</div>
René Guénon à Michel Vâlsan, 7 octobre 1950.<br />
<br />
En principe oui, mais en fait, pas toujours, ce qui est évident, à moins de tout simplement nier la raison d’être des fonctions initiatiques.<br />
<br />
Dans le cas de Schuon il y avait et il y a toujours des branches organisées de la <i>tarîqah </i>Alawiyyah. Même en tenant compte du fait que la <i>zaouïa</i> de Mostaganem a dégénéré, le Sheikh<i> </i>El-Alawi avait désigné plusieurs <i>moqaddems</i>, incluant par exemple le Sheikh<i> </i>El-Madani dont nous avons reproduit l’<i>ijâzah</i>. Donc absolument rien ne justifie la branche irrégulière schuonienne.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
L’initiation proprement dite consiste essentiellement en la transmission d’une influence spirituelle, transmission qui ne peut s’effectuer que par le moyen d’une organisation traditionnelle <b>régulière</b>, de telle sorte qu’on ne saurait parler d’initiation en dehors du rattachement à une telle organisation.<br />
[…]<br />
<br />
le rôle de l’individu qui confère l’initiation à un autre est bien véritablement un rôle de « transmetteur », au sens le plus exact de ce mot ; il n’agit pas en tant qu’individu, mais en tant que support d’une influence qui n’appartient pas à l’ordre individuel ; il est uniquement un anneau de la « chaîne » dont le point de départ est en dehors et au delà de l’humanité. C’est pourquoi il ne peut agir en son propre nom, mais au nom de l’organisation à laquelle il est rattaché et dont il tient ses pouvoirs, ou, plus exactement encore, au nom du principe que cette organisation représente visiblement. Cela explique d’ailleurs que l’efficacité du rite accompli par un individu soit indépendante de la valeur propre de cet individu comme tel, ce qui est vrai également pour les rites religieux ; et nous ne l’entendons pas au sens « moral », ce qui serait trop évidemment sans importance dans une question qui est en réalité d’ordre exclusivement « technique », mais en ce sens que, même si l’individu considéré ne possède pas le degré de connaissance nécessaire pour comprendre le sens profond du rite et la raison essentielle de ses divers éléments, ce rite n’en aura pas moins son plein effet si, <b>étant régulièrement investi de la fonction de « transmetteur »</b>, il l’accomplit en observant toutes les règles prescrites, et avec une intention que suffit à déterminer la conscience de son rattachement à l’organisation traditionnelle.</div>
<i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. VIII.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Que l’effet soit apparent ou non, qu’il soit immédiat ou différé, le rite porte toujours son efficacité en lui-même, <b>à la condition, cela va de soi, qu’il soit accompli conformément aux règles traditionnelles qui assurent sa validité, et hors desquelles il ne serait plus qu’une forme vide et un vain simulacre</b>.<br />
[…]<br />
<br />
Cette considération de l’efficacité inhérente aux rites, et fondée sur des lois qui ne laissent aucune place à la fantaisie ou à l’arbitraire, est commune à tous les cas sans exception ; cela est vrai pour les rites d’ordre exotérique aussi bien que pour les rites initiatiques, et, parmi les premiers, pour les rites relevant de formes traditionnelles non religieuses aussi bien que pour les rites religieux. Nous devons rappeler encore à ce propos, car c’est là un point des plus importants, que, comme nous l’avons déjà expliqué précédemment, cette efficacité est entièrement indépendante de ce que vaut en lui-même l’individu qui accomplit le rite ; la fonction seule compte ici, et non l’individu comme tel ; en d’autres termes, <b>la condition nécessaire et suffisante est que celui-ci ait reçu régulièrement le pouvoir d’accomplir tel rite</b>.</div>
<i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. XV.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Là où la « régularité » fait défaut, c’est-à-dire là où il n’y a pas de rattachement à un centre traditionnel orthodoxe, on n’a plus affaire à la véritable initiation, et ce n’est qu’abusivement que ce mot pourra être encore employé en pareil cas.</div>
<i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. X.<br />
<br />
<br />
<br />
<h2>
Conclusion</h2>
<br />
Le bilan de la <i>tarîqah</i> schuonienne n’est pas totalement négatif. Ses calamiteuses péripéties ont ainsi été l’occasion pour Guénon d’écrire de précieuses mises au point, complétant une œuvre à portée universelle.<br />
<br />
Le sens de la fonction de Schuon n’était visiblement pas le même pour tous. Celui-ci s’est présenté comme <i>moqaddem</i>. Si Guénon voyait un intérêt à cette fonction, c’était parce qu’elle devait permettre d’accéder plus facilement à une initiation orientale régulière, pour les éventuels Occidentaux qualifiés qui la recherchaient. Adda Bentounes, de son côté, entendait plutôt faire de lui un « missionnaire » musulman, ce qui s’accorde avec le contenu de la pseudo <i>ijâzah</i> qu’il lui a délivrée, et avec le comportement de Schuon dans les premières années de sa « mission ». Quant à Schuon lui-même, qu’entendait-il servir à part son intérêt individuel ? Pour être en position de le faire il lui suffisait de prétendre être, quand il en avait besoin, ce que chacun attendait qu’il soit, position fausse qui n’a bien sûr pas tenu la durée.<br />
<br />
Par son usurpation, ses jeux de pouvoir, ses manipulations, ses harcèlements par disciples missionnés, Schuon et sa secte auront contribué à épuiser les dernières forces de Guénon. La disparition de celui-ci n’étant pas suffisante, Schuon a continué à lui vouer une haine tenace, qui s’est déversée au grand jour dans <i>Quelques critiques</i> (ainsi que nous le rappelions <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2018/12/manvantaras-et-maha-yugas.html">dans un précédent article</a>), plus de 30 ans après sa mort, abandonnant toute précaution stratégique, dans l’espoir totalement vain et dérisoire de supprimer également son œuvre.<br />
<br />
Schuon aura peut-être gagné un statut de chef de secte, avec la vanité, les femmes et l’argent qui vont avec. Tant mieux pour lui. Un gain bien éphémère, qui au moment de quitter cette terre se révélera ne valoir… rien.<br />
<br />
Guénon avait averti :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Nous n’ajouterons qu’un mot : nous n’avons jamais songé le moins du monde à faire du <i>Voile d’Isis</i> notre « chose » et, si quelques-uns de ses collaborateurs s’inspirent volontiers de nos travaux, c’est tout à fait spontanément et sans que nous ayons jamais rien fait pour les y amener. Nous ne voyons là qu’un hommage rendu à la doctrine que nous exprimons, d’une façon parfaitement indépendante de toutes les considérations individuelles ; du reste, si on continue à nous… empoisonner avec la « personnalité de René Guénon », nous finirons bien quelque jour par la supprimer tout à fait ! Mais nos adversaires peuvent être assurés qu’ils n’y gagneront rien, tout au contraire…</div>
<i>Le Voile d’Isis</i>, novembre 1931, comptes rendus de revues.
<br />
<br />
<br />
<br /></div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com23tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-9544707894505798522019-02-22T11:14:00.002+01:002021-04-03T14:00:10.732+02:00La fonction de Frithjof Schuon (3)<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<h2>
<span style="color: #cccccc;">
1) Introduction</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
1-a) Le « <i>sheikh</i> » naturiste<br />
1-b) Un mot creux : le pérennialisme<br />
1-c) Nécessité de laisser la parole à Guénon</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">2) La fausseté de Schuon et de ses agents</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
2-a) L’intérêt qu’avait Guénon pour la fonction de Schuon : une initiation orientale régulière et facile d’accès pour les éventuels européens qualifiés<br />
2-b) L’intérêt de Schuon pour sa propre fonction : le pouvoir, les femmes et l’argent<br />
2-c) L’isolement de Guénon par Schuon<br />
2-d) Schuon et ses disciples : des hypocrites et des manipulateurs<br />
2-e) Un projet de <i>tarîqah</i> qui débouche sur une secte à prétentions universalistes</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">3) L’autoritarisme prétendant rivaliser avec l’autorité naturelle</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
3-a) Lecteurs de Guénon orgueilleux ? Ou orgueil d’une infaillibilité individuelle ?<br />
3-b) Une « infaillibilité » qui peine à faire illusion<br />
3-c) Un « <i>sheikh</i> » ignorant<br />
3-d) Une opposition inavouée mais de plus en plus concrète<br />
3-e) La disparition de Guénon : le couronnement de Schuon</span></h3>
<h2>
4) L’ésotérisme haï et usurpé par le culte de Schuon</h2>
<h3>
4-a) Divagations des schuoniens sur la Maçonnerie<br />
4-b) Le « Maître spirituel destiné à tout l’Occident »<br />
4-c) D’un désir de reconnaissance insatisfait aux <i>Mystères christiques</i><br />
4-d) Une mentalité en réalité surtout religieuse et anti-initiatique<br />
4-e) Propagande<br />
4-f) L’héritage de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem</h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">5) Une transmission invalide</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
5-a) Les références anti-traditionnelles des schuoniens<br />
5-b) Un document par nature explicite<br />
5-c) Exemples d’<i>ijâzah</i> de véritables <i>moqaddems</i><br />
5-d) L’« <i>ijâzah</i> » de Schuon : un mandat réduit à l’exotérisme<br />
5-e) Un document conforme aux tendances de la <i>zaouïa</i> dégénérée de Mostaganem<br />
5-f) Schuon et les gens de Mostaganem ont menti à Guénon<br />
5-g) Défense maladroite de Schuon par un valsanien<br />
5-h) L’initiation donnée par Schuon est irrégulière</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">
Conclusion</span></h2>
</div>
<br />
<br />
<br />
Partie précédente :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html</a><br />
<br />
<h2>
4) L’ésotérisme haï et usurpé par le culte de Schuon</h2>
<br />
Nous avons vu que Schuon envisageait sa fonction de <i>moqaddem</i> bien différemment de la façon dont l’envisageait Guénon, et que lui et ses disciples n’ont pas hésité à le manipuler, à lui cacher puis lui nier leurs déviances pour continuer à l’utiliser comme caution. Ils voulaient bénéficier de son aura, et en même temps ils étaient hostiles à son œuvre, à laquelle ils entendaient mettre un terme et se substituer.<br />
<br />
Heureusement que Guénon a eu le temps de constater les résultats de l’entreprise de Schuon et de le désavouer de son vivant. Il avait bien perçu des travers chez celui-ci, mais ce qui importait surtout pour lui était la possibilité de la transmission de l’influence spirituelle aux Européens qualifiés qui la recherchaient et qui auraient pu la faire fructifier en eux. Mais l’altération de la <i>tarîqah</i> était telle qu’elle empêchait d’accueillir cette influence spirituelle.<br />
<br />
Nous allons voir qu’en réalité la mentalité insufflée par Schuon dans la <i>tarîqah</i> était problématique dès ses débuts.<br />
<br />
<br />
<h3>
4-a) Divagations des schuoniens sur la Maçonnerie</h3>
<br />
À l’occasion d’une querelle, les schuoniens ont exhibé des extraits choisis de correspondances de Guénon à Schuon :<br />
<a href="http://www.frithjof-schuon.com/GrandeTriade.htm">http://www.frithjof-schuon.com/GrandeTriade.htm</a><br />
<i>Connaissance des religions</i> n<sup>o</sup> 65-66 Juillet-Décembre 2002, <i>René Guénon l'éveilleur, 1886-1951</i>, <i>La naissance de la Loge « La Grande Triade » dans la correspondance de René Guénon à Frithjof Schuon</i>, Jean-Baptiste Aymard.<br />
<br />
Remarquons d’abord que ces fragments ont dû sembler étranges aux lecteurs, à qui l’on a omis de mentionner que Clavelle était alors membre de la <i>tarîqah</i> dirigée par Schuon (depuis 1943, soit bien avant la création de la Grande Triade). Fragments dans lesquels sont abordés des sujets qui ne sont pas tous faciles d’approche, d’autant moins que le côté Schuon de la correspondance a été omis. Mais il est vrai que cela ne gêne pas pour le but que se sont proposés ici les schuoniens, qui est de faire croire que Guénon aurait été très demandeur concernant la Maçonnerie,
vis-à-vis d’un Schuon qui aurait été nonchalant voire indifférent (et c’est facilement l’impression que l’on donne de loin en montrant Guénon parler seul face à Schuon qui paraît rester silencieux).<br />
<br />
Leur présentation des choses est assez confuse :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Les travaux de la nouvelle loge connurent rapidement un certain succès mais la question de la pratique d’un exotérisme vint rapidement troubler l’unanimité qui s’était faite autour des grands principes. Depuis le Caire, Guénon soulignera la <i>Nécessité de l’exotérisme traditionnel</i> dans un article qui paraîtra en décembre 1947 dans les <i>Études Traditionnelles</i> : <span style="background-color: #fff2cc;">« Cela peut paraître moins évident dans le cas où, comme il arrive justement dans l’Occident actuel, on se trouve en présence d’organisations initiatiques n’ayant pas de lien avec l’ensemble d’une forme traditionnelle déterminée ; mais alors nous pouvons dire que, par là même, elles sont, en principe tout au moins, compatibles avec tout exotérisme quel qu’il soit, mais que, au point de vue strictement initiatique qui seul nous concerne présentement à l’exclusion de la considération des circonstances contingentes, elles ne le sont pas véritablement avec l’absence d’exotérisme traditionnel »</span>.<br />
<br />
Avec son aval, l’idée d’un rapprochement avec l’islam se fit donc rapidement jour. Frithjof Schuon fut dans cette perspective sollicité puisqu’il dirigeait en Europe une Tarîqah et qu’il pouvait par conséquent transmettre une initiation qui permettait notamment, en toute régularité initiatique, d’invoquer un Nom divin.</div>
<br />
Que doit-on en comprendre ? que la Grande Triade devait adopter l’exotérisme islamique ? que son admission allait nécessiter le rattachement à Schuon ? S’ils pensent défendre ainsi Schuon de l’accusation d’une tentative de mainmise sur la Maçonnerie, les schuoniens s’y prennent plutôt mal.<br />
<br />
Ils mélangent deux sujets bien distincts : la nécessité de l’exotérisme, et une éventuelle restauration de l'opérativité de la Maçonnerie.<br />
<br />
La nécessité de l’exotérisme est une problématique individuelle, comme Guénon l’explique la Maçonnerie n’est pas attachée à un exotérisme particulier, les Maçons peuvent donc adopter n’importe quel exotérisme, mais du moins ils ne peuvent pas ne pas en avoir du tout. Et même en parlant simplement d’individualités, cette histoire de rapprochement tardif est fausse, Marcel Clavelle et Roger Maridort étaient déjà musulmans avant d’être initiés à la Grande Triade (ce qui fait 2 Musulmans parmi les 3 premiers initiés, le 3<sup>e</sup> étant Denys Roman).<br />
<br />
Quant à ce que Guénon envisageait pour doter la Maçonnerie d’une méthode de réalisation, et qui est une question distincte de celle qui précède, ce sont les schuoniens eux-mêmes qui précisent ailleurs, dans leur article biographique déjà cité :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
S’il est avéré que certains maçons, membres de la Grande Triade, dont Yvan Cerf, Vénérable de la Loge, entreprirent quelques démarches de reconnaissance auprès de lui, les relations restèrent très épistolaires. À la suite de cette demande, Schuon se contenta de solliciter, en accord avec Guénon, des précisions auprès de Clavelle, maçon lui-même, qui s’en trouva flatté.</div>
<i>Connaissance des religions</i>, hors série spécial Schuon (juillet-octobre 1999), <i>Approche biographique</i> (article de Jean-Baptiste Aymard), p. 36.<br />
<br />
D’après leurs propres explications, c’est donc Yvan Cerf qui avait commencé à échanger avec Schuon (échange resté sans suite), ce qui avait conduit Schuon à contacter Guénon, et non l’inverse.<br />
<br />
C’était donc une initiative individuelle, de Cerf uniquement, et non de la Grande Triade. Cerf, ainsi que d’autres Maçons (qualité que Schuon n’avait pas), auraient éventuellement pu jouer le rôle dont Guénon parle, à titre général, dans l’extrait suivant :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Au fond, une aide ne pourrait résulter que de l’action d’individualités possédant une initiation orientale et appartenant en même temps à la Maçonnerie, et en laissant nécessairement celle-ci telle qu’elle est ; du moins, je ne vois pas d’autre hypothèse réellement plausible à cet égard.
</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 9 novembre 1946.<br />
<br />
L’initiation orientale était ici l’initiation islamique, permettant d’accéder au Nom sacré <i>El-Shaddaï</i>, qui avait déjà été employé dans la Maçonnerie opérative, et dont l’invocation pouvait se justifier par le fait qu’une de ses filiations est la filiation abrahamique, en commun avec l’Islam. Mais Guénon est clair, une aide orientale devait laisser la Maçonnerie telle qu’elle est, et par conséquent ce devait être une aide ponctuelle, et non une fusion ou une subordination associée à la greffe d’un élément étranger (tel que le Nom <i>Allah</i> ainsi que certains ont cru le comprendre, Nom dont l’invocation nécessite d’être musulman, avec les prescriptions que cela implique) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il ne faudrait pas oublier que la Maçonnerie est une forme initiatique proprement occidentale, et que, par conséquent, on ne peut pas y « greffer » un élément oriental ; même si l’on peut envisager légitimement une certaine aide de l’Orient pour revivifier les tendances spirituelles endormies, ce n’est pas en tout cas de cette façon qu’il faut la concevoir.</div>
<i>Études Traditionnelles</i>, décembre 1949, comptes rendus de revues.<br />
<br />
<br />
<h3>
4-b) Le « Maître spirituel destiné à tout l’Occident »</h3>
<br />
Concédons le aux schuoniens, sans une hésitation : il est vrai que Guénon avait beaucoup de considération pour la tradition maçonnique, ainsi que pour toutes les autres formes de la tradition. Et ils ont forcément raison sur le fait que Schuon ne devait pas faire grand cas de la tradition maçonnique, car celui-ci ne respectait tout simplement aucune tradition. Mais ce qui lui plaisait, c’était d’être un maître, et de diriger des gens, quelle que soit leur tradition (et il n’est pas question ici de double affiliation, mais d’un maître dirigeant ses disciples restés dans leur tradition d’origine). Les schuoniens le revendiquent eux-mêmes :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
C’est aussi cette compréhension quintessentielle, foncièrement ésotérique, qui lui permettra sans doute de guider des disciples de différents horizons sans trahir aucune forme. Depuis quelques années déjà, Schuon a entrepris de guider quelques chrétiens. C’était même là un des points de <b>désaccord</b> avec Guénon qui récusait <i>a priori</i> cette possibilité parce qu’il n’admettait pas la nature intrinsèquement ésotérique du christianisme.</div>
<i>Connaissance des religions</i>, hors série spécial Schuon (juillet-octobre 1999), <i>Approche biographique</i> (article de Jean-Baptiste Aymard), p. 47.<br />
<br />
Mais ce n’est pas un désaccord, c’est que Schuon est un <u>menteur</u>, ainsi qu’on le constate en lisant Guénon (extrait déjà cité à la partie 2-d) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je viens d’ailleurs de recevoir une lettre de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, écrite après la lecture de mon 1<sup>er</sup> article, à la suite duquel il envisage de modifier quelques passages de ses « Mystères christiques » ; il paraît bien n’avoir jamais eu à cet égard les prétentions que certains lui ont attribuées, et n’avoir jamais pensé que les conseils qu’il peut donner à des catholiques représentent l’équivalent ou le substitut d’une initiation quelconque. Je crois donc, d’après cela, que quelques-uns se sont tout simplement illusionnés et ont encore exagéré et déformé les choses comme on a déjà eu à le constater en plusieurs autres circonstances.
</div>
René Guénon à Louis Caudron, 5 novembre 1949.<br />
<br />
Et les dires des schuoniens, s’ils contredisent les explications de Schuon à Guénon, confirment par contre ce qui est rapporté par Clavelle, d’un échange avec des disciples grisés par les prétentions délirantes de leur maître :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
Maridort et moi avons eu, la semaine dernière, la visite d’Innes venant à Paris pour affaires et qui a profité de son voyage pour s’entretenir avec nous de ce qu’il serait possible de faire au point de vue maçonnique en Angleterre. J’ai vu Innes exactement vendredi à midi et il avait dîné la veille au soir avec Valsan. Nous avons appris d’Innes, qui les tenait soit de Townsend soit de Valsan, des choses qui concordent avec certaines intentions que j’ai pressenties chez F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> mais que je ne croyais pas encore actualisées. Il paraît notamment que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> a donné une incantation à des Catholiques dont il dirige le travail spirituel ; il paraît, d’autre part, qu’il a également donné une incantation à Marco Pallis revenu du Thibet sans avoir rencontré le Guru qu’il souhaitait. Enfin, Innes m’a demandé si j’étais au courant de l’étonnement provoqué à Lausanne par le fait que la G<span style="color: blue;">rande</span> T<span style="color: blue;">riade</span> n’avait toujours pas fait appel à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>. Je n’ai pas pu cacher tout à fait, sinon mon étonnement, du moins mes réserves devant un dignitaire musulman assumant la responsabilité de transmettre une incantation à des Chrétiens, à un Bouddhiste, éventuellement à des Maçons, alors que lui-même ne se trouve dans aucune des chaînes auxquelles appartiennent ces individualités. Innes m’a alors présenté, sous forme d’hypothèse, une explication qui, visiblement, ne venait pas de lui et qu’on avait dû lui présenter à lui-même sous une forme plus affirmative. Il me rappela que le Sheikh Ahmed était considéré par beaucoup comme étant le Pôle du Monde et que le Sheikh Aïssa pouvait avoir hérité de cette fonction qui lui donnait un droit de juridiction sur toutes les Traditions sans qu’il ait eu besoin d’être formellement intégré à chacune d’elles. Je lui dis alors que je n’avais pas qualité pour avoir opinion sur une telle chose, mais qu’en tout cas il me paraissait difficile de demander à des individualités telles que celles qui pourraient éventuellement composer le Cercle intérieur de la G<span style="color: blue;">rande</span> T<span style="color: blue;">riade</span> un tel acte de foi, car, en vérité, cela ne pourrait rien être d’autre. Comme Innes me questionnait davantage au sujet des rapports éventuels entre F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> et la G<span style="color: blue;">rande</span> T<span style="color: blue;">riade</span>, je lui dis que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> avait suggéré que certains membres de la G<span style="color: blue;">rande</span> T<span style="color: blue;">riade</span> aillent le trouver afin qu’il leur communique un moyen de travail individuel, étant entendu que, dès ce moment, ils relèveraient uniquement de lui et devraient se considérer comme dégagés de toutes obligations à l’égard des autorités maçonniques. Je lui dis encore qu’une telle manière de procéder me paraissait peut compatible avec la structure même de l’initiation maçonnique et qu’en fait il était visible que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> ne se faisait pas une idée exacte de cette forme d’initiation, ce qui, en soit, n’aurait rien d’étonnant ni de « péjoratif » pour lui, mais qui me paraissait peu compatible, et avec le rôle qu’il pensait jouer vis-à-vis de cette initiation, et avec la fonction suréminente qu’on lui attribuait. Je n’ai pas voulu, puisqu’on ne me questionnait pas sur ce point, faire une remarque analogue en ce qui concerne l’initiation Chrétienne, mais ce dont nous avons parlé récemment me paraît prouver amplement que les connaissances de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span tyle="color: blue;">chuon</span> en ce qui concerne le Christianisme ne sont peut-être pas aussi satisfaisantes qu’on aurait pu le souhaiter pour quelqu’un qui joue ou qui aspire à jouer le rôle de Maître spirituel vis-à-vis de Chrétiens.<br />
[…]<br />
<br />
Naturellement, j’ai dix fois entendu attribuer à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> les états spirituels et les fonctions les plus éminents. Aussi longtemps que ces choses étaient colportées par quelque Jannot ou autre jeune plus ou moins rassis il n’y avait pas lieu d’y prêter attention. Quand des gens d’âge mûr et d’esprit aussi positif que Caudron ou Innes vous parlent de Maître Spirituel pour tout l’Occident ou de Pôle du Monde, cela devient un peu plus sérieux. Enfin, si les faits mentionnés par Innes sont exacts, il faut bien croire que le principal intéressé est lui-même persuadé de quelque chose de ce genre. Personnellement, cela ne me regarde pas et je m’en désintéresserais comme d’une chose sans rapports avec la recherche de la « Délivrance » si le principal intéressé n’écrivait pas et surtout ne prenait pas sur certains points des positions qui sont à l’antipode des vôtres, et, plus encore, si l’on ne m’avais pas mis dans la nécessité de choisir entre votre autorité et la sienne. […]</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 25 juin 1949.<br />
<br />
Pourquoi traiter d’<span style="background-color: #d9ead3;">« inepties peut-être nées de la <i>mubalaghah</i> (exagération) de quelque disciple enfiévré »</span> la proclamation de Maître Spirituel pour tout l’Occident, ou de Pôle du Monde, lorsque l’on revendique pour son maître d’être au dessus de toutes les traditions et de pouvoir diriger tout le monde ? La différence est-elle si énorme, ou les schuoniens d’aujourd’hui sont-ils aussi des disciples enfiévrés colporteurs d’inepties ?<br />
<br />
Concernant le point sur l’incompréhension de l’initiation maçonnique, il est également évoqué dans une citation donnée par les schuoniens, où Guénon fait remarquer que les velléités de Schuon étaient vouées à l’échec concernant un domaine maçonnique qu’il ne maîtrisait pas :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
pour pouvoir aboutir à quelque chose, il aurait fallu pouvoir trouver des modalités compatibles avec la forme particulière de l’initiation maçonnique, ce qui est très difficile à apprécier pour qui n’a pas une connaissance directe de celle-ci.</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 13 juillet 1950.<br />
<br />
Dans un autre extrait, Guénon explique à Schuon pourquoi celui-ci avait tort de vouloir impliquer un Apprenti dans la transmission du Nom divin :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
À propos de la Maçonnerie, si j’avais pensé qu’il s’agissait de Cerf, c’est parce que c’est lui qui était le personnage le plus important en la circonstance ; Gassier, qui n’avait alors que le simple grade d’Apprenti, ne pouvait pas être considéré comme « représentatif » de la Maçonnerie. Clavelle m’avait bien dit que, après avoir pris connaissance des notices qu’il avait rédigées pour vous sur un certain nombre de membres de la Grande Triade (ceux qui lui paraissaient les plus intéressants) et dont il m’avait envoyé aussi la copie, vous lui aviez écrit que c’est Gassier que vous recevriez le plus volontiers ; mais, dans ces conditions, je croyais que c’était à titre purement « personnel », puisque, n’étant pas Maître, il ne pouvait évidemment jouer aucun rôle effectif.</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 10 août 1950.<br />
<br />
Malgré leur soucis d’omettre des parties de lettres de Guénon qui accablaient trop directement Schuon, les schuoniens sont tout de même parvenus à en présenter qui montrent le contraire de ce qu’ils prétendent : Schuon avait bien une volonté d’agir sur la Maçonnerie. Mais nous sommes d’accord que ce n’était pas son but principal, qui était plutôt d’étendre son autorité sur les Occidentaux de manière générale.<br />
<br />
<br />
<h3>
4-c) D’un désir de reconnaissance insatisfait aux <i>Mystères christiques</i></h3>
<br />
Aymard, en publiant ces extraits, prétend balayer <span style="background-color: #d9ead3;">« une version partisane et quelque peu fantasmatique »</span> des faits. C’est un beau projet, mais il aurait dû prendre garde à ne pas se laisser emporter par sa querelle, dans sa propre version partisane. Ainsi, d’une part il exige de croire aveuglément un Schuon qui est un menteur avéré, et d’autre part il discrédite un peu vite les témoins directs de l’époque, alors que lui-même n’était même pas né au moment des faits. Car il est bien question de faits concrets, et si Clavelle avait bien ses propres travers (débridés après la disparition de Guénon), travers qui justifient de relativiser ses jugements et interprétations, nous ne voyons pas de raison de remettre en cause son récit instantané des faits à Guénon :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
J’ai reçu, ces temps derniers, la visite de Caudron, retour de Suisse, puis celle de J.-A. Cuttat. Caudron m’a communiqué diverses choses dont il est bon, je crois, que je vous fasse part. Voici en substance ce qu’il m’a dit, en se défendant d’ailleurs d’être « chargé » de me dire quoi que ce soit (je trouve, soit dit en passant, assez désagréable cette façon « diplomatique » de présenter les choses) et sans que je puisse savoir ce qui venait directement de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> et ce qui émanait d’autres amis de Suisse : <span style="background-color: #d0e0e3;">« F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> est très surpris que la <i>Grande Triade</i> n’ait pas encore fait une démarche auprès de lui pour lui demander cette aide de l’Orient à laquelle R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> fait allusion dans ses livres et que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> est seul à pouvoir apporter. Vous savez que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> n’est pas seulement le chef d’une tarîqah, mais encore le Maître spirituel destiné à tout l’Occident. Que comptez-vous faire pour la <i>Grande Triade</i> et aussi pour les <i>Chevaliers du Paraclet</i> ? »</span> – Ce que ce résumé, très fidèle quant au sens, ne peut rendre, c’est le « ton » sur lequel ce petit discours me fut tenu. J’avais l’impression, en l’écoutant, d’être soupçonné de je ne sais quelle rébellion ou trahison à l’égard des intentions de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>. – Je suppose que c’est Caudron seul qui a cru devoir adopter ce ton à mon égard, car les lettres que je reçois de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> sont toujours extrêmement bienveillantes, même quand elles contiennent des observations et des reproches. Il est bien entendu d’ailleurs que je suis disposé à accepter qu’on me parle sur n’importe quel « ton », pourvu que cela vienne de vous ou de F<span style="color: blue;">rithjof </span>S<span style="color: blue;">chuon</span>, mais, comme je le disais plus haut, ce qui rend de telles choses désagréables, c’est que les précautions oratoires dont on s’entoure font qu’on ne sait jamais exactement d’où viennent les choses qu’on vous dit. […]</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 15 février 1948.<br />
<br />
D’autant que le récit de Clavelle est confirmé, au moins pour la Grande Triade, par ce que Caudron écrit lui-même à Guénon, au même moment :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Au début de janvier, je suis allé à Lausanne […] Le Sheikh m’a accordé cinq longues entrevues […]<br />
<br />
À mon retour de cet excellent voyage, j’ai attiré l’attention de Clavelle sur l’intérêt – pour ne pas dire la nécessité – qu’il y aurait pour la Grande Triade d’entrer en relation avec le Sheikh. D’après des conversations échangées sur ce sujet avec Burckhardt et le Sheikh, celui-ci pourrait aider efficacement ce groupe à retrouver des conditions de réalisation effective, en leur donnant la possibilité d’invoquer un nom divin (Shaddaï).<br />
<br />
Clavelle, persuadé d’emblée du bien fondé de cette prise de contact, m’a dit qu’il en parlerait à qui de droit.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 22 février 1948.<br />
<br />
La version d’un Schuon indifférent qui viendrait apporter son secours las à un Guénon implorant ne tient donc vraiment pas, la demande d’intervention venait bien de Schuon. Guénon, sur le moment, était plutôt réservé quant à cette intervention :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour la « Grande Triade », j’ai entendu dire que Cerf aurait l’intention d’aller en Suisse avec Clavelle, mais je ne sais pas quand ce projet devrait se réaliser. Je me demande d’ailleurs si, pour diverses raisons, il n’y aurait pas intérêt à attendre, pour faire quelque chose dans ce sens, que Clavelle, Maridort et Maugy soient parvenus au grade de Maître ; l’ennui est que les délais ont été considérablement augmentés par les règlements actuels ; mais je viens d’apprendre que Cerf avait réussi à les faire réduire pour eux et qu’ils devaient recevoir le grade de Compagnon ce mois-ci ; si une dispense semblable est accordée aussi pour le grade de Maître, ils pourraient l’avoir dès l’été prochain, au lieu d’être obligés d’attendre encore un an comme il en aurait été en appliquant strictement la règle générale.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 6 mars 1948.<br />
<br />
Dans la suite de la lettre déjà citée, Clavelle disait qu’il espérait bien une aide de Schuon, mais qu’il ne comptait pas la lui demander dans la situation d’alors, pas pour la Grande Triade, et encore moins pour le Paraclet :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
[…] En tout cas, vous savez très bien qu’en ce qui concerne la « Grande Triade », mes intentions sont précisément celles qu’on paraissait me reprocher de ne pas avoir puisque je vous ai écrit clairement que j’espérais une aide de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, et ce dernier ne peut pas l’ignorer non plus.<br />
<br />
Quoi qu’il en soit, je n’ai fait aucune remarque de ce genre à Caudron et je me suis borné à lui exposer la manière dont je concevais le développement des choses. Je me proposais d’écrire à ce sujet à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> quand J.-A. Cuttat est venu à Paris. Je lui ai de nouveau exposé mon point de vue et l’ai prié de le communiquer à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, ce qui est fait maintenant. Il me reste maintenant à vous le faire connaître.<br />
<br />
La L∴ « La Grande Triade » n’est pas actuellement un groupe homogène d’initiés virtuels ayant donné une entière adhésion à la Doctrine traditionnelle telle qu’elle est exposée dans votre œuvre, ayant une compréhension suffisante de votre œuvre et aspirant réellement à une réalisation spirituelle. De plus, beaucoup d’entre eux n’accepteraient probablement pas de prendre une attitude de « solliciteurs » à l’égard du chef d’une organisation non-maçonnique. Enfin, un bon nombre d’entre eux ne me paraissent pas susceptibles de jamais réunir les conditions ci-dessus. Le travail principal, pour l’instant, me paraît être d’amener à la « Grande Triade » des individualités venues de l’extérieur (soit des profanes, soit des Maç∴ qu’on affilierait) remplissant – ou paraissant remplir – les conditions voulues, et de les faire arriver au grade de Maître. À ce moment, je veux dire quand nous aurons 8 ou 10 « Maîtres » de cette sorte, on pourra envisager cet « appel » à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, soit au nom de la « Grande Triade » si une majorité approuve cette démarche, soit au nom d’un « cercle intérieur » à constituer suivant des modalités qui m’échappent mais sur lesquelles vous devez avoir des idées puisque vous y avez fait vous-même allusion. Ceci fait, et si la demande est agréée par F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, il conviendrait alors que Cerf se rende auprès de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> pour recevoir ses instructions. – Quant à dire, comme me l’a demandé Caudron, <span style="background-color: #d0e0e3;">si Cerf serait éventuellement, vis-à-vis de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, un « moqaddem » docile et soumis qui n’occasionnerait pas les soucis que d’autres moqaddem ont, paraît-il, causé</span>, il m’est difficile d’être catégorique sur ce point. Cerf est un homme de 65 ans, ayant ce qu’on est convenu d’appeler une « forte personnalité » et la bonne dose d’orgueil habituelle chez de telles individualités, mais il m’est impossible de prévoir les répercussions que pourrait avoir sur lui une rencontre avec F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>. – J’expose ici les choses comme je les vois, et je ne peux rien faire d’autre, même si je me trompe. Ceci dit, je suis tout disposé à faire tout ce qu’on voudra, au moment que l’on voudra, étant tout à fait détaché de ce qui pourra advenir de tout cela.<br />
[…]<br />
<br />
J’en arrive maintenant aux Ch<span style="color: blue;">evaliers</span> du P<span style="color: blue;">araclet</span>. – Ici, la situation se présente encore sous un jour très différent à tous égards. Ma position personnelle, vis-à-vis des Ch<span style="color: blue;">evaliers</span> du P<span style="color: blue;">araclet</span> n’est pas du tout la même que ma position à la « Grande Triade ». Certes, je suis en excellents termes avec Tamos et Barmont qui sont de vieux amis et qui me gardent une certaine reconnaissance pour la part que j’ai prise au « réveil » du P<span style="color: blue;">araclet</span> ; ils me tiennent au courant de l’activité de leur organisation et je leur envoie des postulants, mais ils ne me demandent ni aide ni conseils ni participation à leurs travaux (ce qui soit dit en passant me serait impossible et ils le savent). D’autre part, à tort ou à raison, ils ne croient pas avoir quoi que ce soit à demander et surtout au chef d’une organisation islamique. Quant à leur assurer que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> est autre chose et plus que le chef d’une tarîqah, je pense qu’ils considéreraient cela comme la marque chez moi d’une vénération enthousiaste sans doute respectable, mais qu’ils ne se croieraient pas tenus d’en faire état dans leur comportement. C’est ce que j’ai dit à Caudron et à Cuttat. – À quoi Caudron m’a répondu : <span style="background-color: #d0e0e3;">« Il serait du moins normal que les chefs des organisations initiatiques existant en Occident soient en contact »</span>. Peut-être, et si on devait envisager des relations sur un pied d’égalité, il se peut que Tamos ne s’y refuserait pas, mais il ne verrait sans doute pas pourquoi ce serait lui qui devrait prendre l’initiative. Caudron me demanda alors <span style="background-color: #d0e0e3;">si Tamos était en correspondance avec vous</span>. Je répondis affirmativement et lui dis qu’il me donnait là une idée : si ce contact est jugé utile, R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> pourrait le suggérer à Tamos avec plus d’autorité que je ne pourrais le faire. Caudron me dit alors que <span style="background-color: #d0e0e3;">vous ne voudriez sans doute pas faire une telle suggestion, que vous argueriez que cela ne rentrait pas votre rôle, etc.</span> – Je suppose, en effet, que si telle avait été votre intention, vous auriez déjà pu la faire connaître à Tamos, soit directement, soit par Bourdariat (soit dit en passant, je ne crois pas que Tamos accepte immédiatement l’invitation romaine). – Pour ma part, de ce côté aussi, je suis tout prêt à faire telle démarche qu’on voudra, si on m’en donne l’ordre, mais je suis bien tranquille quant au résultat, et vous connaissez assez Tamos pour être, vous aussi, tout à fait fixé sur ce point. Ce qui, le cas échéant, ne facilitera rien, c’est la sottise faite, il y a déjà pas mal de mois, par le jeune Jannot qui essaya de se procurer « clandestinement » le texte de la Règle du P<span style="color: blue;">araclet</span> par un jeune homme de ses amis qui a été rattaché par l’abbé Chatillon. Tamos, averti de cette tentative, trouva la chose plus qu’inconvenante. Je l’assurai que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> était certainement étranger à cette manœuvre, que Jannot avait probablement entendu F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> manifester quelque curiosité relativement à la Règle du P<span style="color: blue;">araclet</span>, et qu’il avait sans doute voulu faire un coup d’éclat en apportant à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> copie de ce document. Je pense que j’ai persuadé Tamos, mais il n’en est pas moins vrai que cette histoire lui a laissé une impression fâcheuse. – Bien entendu, quand j’eus l’occasion de faire des reproches à Jannot à ce sujet, il se défendit en prétendant que c’était le jeune disciple de l’abbé Chatillon qui lui avait offert de lui communiquer la Règle du P<span style="color: blue;">araclet</span>, ce que l’autre a naturellement démenti.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 15 février 1948.<br />
<br />
Les tentatives de Schuon pour imposer son autorité aux organisations initiatiques occidentales n’ont donc pas eu le succès escompté. Mais il ne s’est pas avoué vaincu : pour régner seul sur tout l’Occident, il lui suffisait de contourner ces organisations en les déclarant inutiles… ce qu’il a fait en publiant les <i>Mystères christiques</i>, article qui déclare tous les Chrétiens déjà initiés par les sacrements, initiés auxquels il ne manquait donc plus qu’un maître, Schuon. Et ceci en engageant insidieusement la responsabilité de Guénon :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
[...] Certains pourraient en effet être tentés d’objecter que <b>l’invocation du Nom de Jésus</b> n’a point de fondement scripturaire ; mais <b>l’institution du sacrement de la confirmation</b> ne se trouve pas non plus dans les Textes sacrés, et s’il est vrai que la confirmation se trouve au moins mentionnée dans les Écrits apostoliques, la même remarque vaut en ce qui concerne l’invocation. Le fait que celle-ci comme celle-là se fondent, non point sur l’Écriture, mais sur la Tradition indique d’ailleurs un rapport profond, en ce sens que <b>ces deux moyens de grâce relèvent pareillement des « Grands Mystères »</b>, nonobstant le fait que le Christianisme, intégralement ésotérique et initiatique à l’origine et par définition, a dû réaliser une application intégralement exotérique (1) ; en d’autres termes, le Christianisme ne comporte rien qui n’ait été englobé dans cette application, <b>ce qui n’empêche nullement que tous les moyens de grâce aient gardé, en eux-mêmes, leur sens et leur efficacité strictement initiatiques</b>. S’il est incontestable, comme l’enseignent les Soufis, que le Christ n’a pas apporté d’exotérisme (<i>sharî’ah</i>), mais uniquement un ésotérisme (<i>haqîqah</i>), il est d'autre part tout aussi incontestable que le Christianisme est une religion, c ’est-à-dire une institution ayant en fait, sinon en principe, un caractère exotérique; la vérité est donc dans la juste combinaison de ces deux axiomes. Le caractère apparemment contradictoire du Christianisme est nécessaire et providentiel ; du moment qu’il devait se constituer en tradition indépendante, il avait besoin d’une application tenant compte de toutes les possibilités humaines; mais étant entièrement d’essence initiatique - sans quoi il s’identifierait à la Loi mosaïque (2) - il devait étendre cette application à tous ses contenus, que ceux-ci réfèrent aux « Grands » ou aux « Petits Mystères ». Mais cette « traduction » en un mode plus extérieur - et elle constitue à certains égards une « profanation » volontaire à laquelle condescend la Divinité, à titre exceptionnel et dans le sens d’un « moindre mal », - cette traduction n’empêche point, nous le répétons, que <b>les moyens de grâce restent ce qu’ils sont par définition ; le tout sera question d’interprétation et de méthode</b> (3).<br />
-----<br />
1 - Il est, par conséquent, toujours légitime de ne pas compter l’Église parmi les « organisations initiatiques » proprement dites qui peuvent subsister en Occident, telles que le Compagnonnage et la Maçonnerie, et qui ne présentent évidemment aucun caractère religieux : leur déchéance n’a certes rien à voir avec une application ou adaptation quelconque. Quant aux rites chrétiens, il ne saurait être illégitime de les qualifier d’exotériques, puisqu’ils le sont en fait, et cela depuis fort longtemps; cette application exotérique présuppose toutefois que ces rites s’y prêtent par leur nature; or nous savons qu’il en est ainsi, le Christianisme étant essentiellement une « voie de Grâce ». - <b>René Guénon a exprimé ce caractère exceptionnel du Christianisme, - mais sans vouloir l’expliquer</b> - en disant que les « sacrements » sont quelque chose dont on ne trouve nulle part ailleurs l’équivalent exact.<br />
2 - D’après un vieil adage, <i>Christi doctrina revelat quae Moysi doctrina velat</i>. - Les commentateurs de la Thora rapportent que la difficulté d’élocution dont souffrait Moïse lui était imposée par Dieu afin qu’il ne puisse divulguer les Mystères que, précisément, la Loi du Sinaï devait voiler et non dévoiler : or ces Mystères n’étaient autres, au fond, que les Mystères « christiques ».<br />
3 - <b>Pour ce qui est de la méthode, il importe de ne jamais perdre de vue que le Maître spirituel</b> (le Starets chez les Russes) <b>en représente l’un des piliers</b>.</div>
Frithjof Schuon, <i>Mystères christiques</i>, <i>Études Traditionnelles</i>, juillet-août 1948.<br />
<br />
Ce n'est qu’un extrait significatif de l’article, tout au long duquel Schuon tente de faire confondre ésotérisme et exotérisme :<br />
<a href="https://drive.google.com/file/d/0ByKzK-4F0VPWR2tSQndnTm1mdG8/view">https://drive.google.com/file/d/0ByKzK-4F0VPWR2tSQndnTm1mdG8/view</a><br />
<br />
La lettre suivante de Caudron, juste avant la publication de la mise au point de Guénon, montre un Schuon qui, devant ses disciples enthousiastes, assume ses projets d’assujettissement de l’ensemble de l’Occident :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Nous avons eu enfin la satisfaction de revoir F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> à Paris. Il y a eu à cette occasion beaucoup de monde et il faut espérer pour notre bien spirituel à tous, que de telles visites pourront se renouveler.<br />
[…]<br />
<br />
D’autre part, il semblerait qu’il soit maintenant possible d’obtenir la délivrance en prenant pour base de cette réalisation initiatique, les rites catholiques eux-mêmes ? Je me rappelle que vous me disiez, également vers cette même époque, qu’il n’était pas douteux que les rites religieux en eux-mêmes et tant que rien d’autre ne vient s’y superposer, sont fait bien plutôt pour maintenir l’être dans les prolongements de l’état individuel humain que pour lui permettre de dépasser celui-ci.<br />
<br />
Or, il semblerait, à cet égard, que la barakah de notre vénéré Maître ait revivifié la vertu opérative de l’influence spirituelle qui y était toujours présente, puisqu’il lui est possible de guider efficacement dans une telle voie de réalisation, des personnes d’obédience catholique et sans autre appartenance.<br />
<br />
D’autre part il lui est également possible de revivifier la vertu d’un nom divin, propre à servir d’incantation pour ceux d’obédience maçonnique. <b>Il semblerait donc, peut-être pour des raisons cycliques, que sa barakah puisse revivifier tout ce qui en occident subsistait en possibilités de réalisation initiatique</b>. S’il en est ainsi, ceci serait extrêmement important et intéressant pour les candidats à venir, puisque l’observance de rites exotériques, tels que les rites islamiques, par exemple, dans les conditions d’existence que sont celles du monde occidental constitue en elle-même un problème assez compliqué, sans compter les difficultés pouvant résulter pour eux en raison de leurs affinités psychiques au monde chrétien. Cela m’intéresserait particulièrement pour mes enfants, puisqu’ils doivent se développer normalement dans un milieu où ne domine évidemment pas l’élément islamique, et je sais par expérience qu’on se heurte, notamment pendant leur scolarité, à pas mal de complications à cet égard, c’est-à-dire le genre de vie qui nous est propre. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir me dire ce qu’il faut penser de cette nouvelle perspective.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 1<sup>er</sup> septembre 1949.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Je vois avec plaisir figurer dans le dernier N<sup>o</sup> des É<span style="color: blue;">tudes</span> T<span style="color: blue;">raditionnelles</span> un premier article sur « Christianisme et Initiation ». C’est une heureuse mise au point qui vient à son heure, car je constate que « l’idée était en l’air », puisque d’autres correspondants vous ont également entretenu de ce sujet.<br />
<br />
Ce que je vous écrivais dans ma dernière lettre du 1<sup>er</sup> septembre n’était d’ailleurs que l’écho de ce que j’avais entendu dire.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 17 octobre 1949.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour « Christianisme et initiation », je dois dire que je n’avais guère envie de traiter ce sujet, et que je ne m’y suis décidé que parce que des lettres de nombreux correspondants m’ont montré la nécessité de dissiper certaines équivoques qui se sont produites je ne sais trop comment. Cela prend d’ailleurs plus d’extension que je ne le prévoyais en commençant, de sorte que je ne pourrai terminer que dans le n<sup>o</sup> de décembre ; Il vaudra sans doute mieux attendre que vous ayez pris connaissance du tout pour revenir sur les questions soulevées dans votre lettre du 1<sup>er</sup> septembre. Ce que je puis cependant vous dire pour le moment, c’est que, malheureusement (car je comprends très bien quels avantages cela présenterait pour la plupart de ceux qui vivent en Europe), la « nouvelle perspective » dont vous parliez me paraît bien ne s’ouvrir que sur une véritable impasse. En effet, en fait d’initiation spécifiquement chrétienne qui soit réellement accessible actuellement encore, il semble bien ne pas y en avoir d’autre que la voie hésychaste ; or celle-ci appartient en propre à l’Église d’Orient, et je ne vois pas bien comment elle pourrait convenir à des personnes appartenant à l’Église latine. En tout cas, elle implique nécessairement la transmission régulière de certaines formules, tout à fait comparable à celle des mantras dans la tradition hindoue ; sans cette transmission, on ne peut évidemment parler d’initiation en aucune façon, et alors l’usage de ces formules n’a qu’exactement la même valeur que celui de prières quelconques, ne pouvant dans ces conditions, tout comme celles-ci, produire des effets que dans l’ordre exotérique. J’ajoute encore que là comme ailleurs, la transmission ne peut naturellement être opérée que par quelqu’un qui l’a lui-même reçue régulièrement ; cela ne serait peut-être pas impossible à trouver s’il y avait lieu, mais il n’en a nullement été question jusqu’ici.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 5 novembre 1949.<br />
<br />
Guénon, en confirmant tout ce qu’il avait exposé jusqu’à présent, démentait par là même le rôle de caution que Schuon lui faisait sournoisement endosser dans son article, et mettait à mal la nouvelle tactique de celui-ci. C’est une des raisons pour lesquelles Schuon lui a voué cette rancune tenace qu’on lui connaît.<br />
<br />
<br />
<h3>
4-d) Une mentalité en réalité surtout religieuse et anti-initiatique</h3>
<br />
Comme nous venons de le voir, Schuon a commencé à rendre publics ses délires dans l’article <i>Mystères christiques</i> (<i>Études Traditionnelles</i>, juillet-août 1948), dans lequel il revendique que les sacrements chrétiens sont initiatiques, et donc que tous les Chrétiens sont déjà initiés, ce qui paraissait absurde à première vue, mais ce qui lui donnait simplement une pseudo-justification pour détourner les Chrétiens d’un rattachement initiatique réel et les mettre sous sa dépendance.<br />
<br />
Comme c’était l’existence même de la <i>tarîqah</i> qui était en jeu, et qu’elle était encore censée offrir un rattachement régulier, Guénon s’est d’abord abstenu de réagir, bien qu’il soit directement impliqué dans l’article. Mais il a dû finir par le faire devant la confusion que la manœuvre schuonienne avait jetée chez ses correspondants. Il a répondu longuement dans <i>Christianisme et Initiation</i>, de septembre à décembre 1949, dans la même revue :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je ne comprends que trop bien les réflexions quelque peu « désabusées » que vous me citez et celles que vous y ajoutez vous-même ; évidemment, tout cela est bien différent de ce qu’on pouvait espérer et de ce que j’avais envisagé moi-même au début de la tarîqah, qui me paraissait devoir donner satisfaction aux demandes de beaucoup ; je dois dire d’ailleurs que ce que j’ai toujours considéré comme l’essentiel, et qui subsiste en tout cas, c’est le rattachement initiatique régulier ; mais, à part cela, il faut convenir que, avec toutes ces dissensions et ces « départs », les résultats sont loin de ce qu’on aurait dû en attendre. Pour ma part, vous savez que je me suis toujours efforcé, autant que possible, de ne pas intervenir dans tout cela, préférant, même quand il me revenait des choses plus ou moins déplaisantes, faire comme si je ne m’en apercevais pas ; j’avais encore fait tout d’abord la même chose pour cette note des « Mystères christiques » m’attribuant, sans que j’en aie même été avisé au préalable, des intentions que je n’avais jamais eues, mais les réactions des lecteurs ne m’ont pas permis de garder indéfiniment le silence. Au fond, ce que je regrette dans cette affaire, c’est qu’elle menace d’avoir des conséquences désagréables pour Vâlsan, car, en ce qui me concerne, l’essentiel était de remettre les choses au point, et, après cela, ce que les uns et les autres peuvent penser ou dire de mes articles m’est en somme assez indifférent…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 22 avril 1950.<br />
<br />
Au moment où il est manifeste que la <i>tarîqah</i> a été altérée dans sa forme et est devenue une secte à prétentions universalistes, il n’y a bien sûr en son sein aucun respect pour la tradition, que ce soit l’exotérisme ou l’ésotérisme. Mais si on rappelle surtout à ce sujet l’abandon de la pratique exotérique, on peut constater que la mentalité qui y règne est avant tout anti-initiatique, et ressemble à celle d’un exotérisme exclusiviste :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à l’abbé Ch<span style="color: blue;">atillon</span>, malgré ce qu’on m’avait dit de lui précédemment, je crois comme vous que sa compréhension ne peut pas aller très loin, et il est vraisemblable que ses « limitations » sont bien celles que vous dites ; mais, outre cela, mon impression a été tout de suite que, dans la circonstance présente, il devrait être assez fortement influencé par le point de vue « suisse », et elle s’est trouvée confirmée quand j’ai vu, vers la fin du travail de Cuttat, une phrase d’après laquelle <span style="background-color: #f4cccc;">« les sacrements étaient dès l’origine à la fois initiatiques et destinés à tous »</span>, ce qui ressemble étonnamment à <span style="background-color: #f4cccc;">« l’ésotérisme mis à la portée de tous »</span> dont il parlait dans sa 1<sup>re</sup> lettre ; l’un est en tout cas aussi contradictoire que l’autre !</div>
René Guénon à Louis Caudron, 10 mai 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
j’aurai à revenir la prochaine fois sur « salut et Délivrance » à propos de la recommandation que Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span> nous a faite de <span style="background-color: #93c47d;">« désirer le salut, car c’était le paradis que l’individu devait désirer afin de ne pas être présomptueux »</span>.<br />
<br />
Je n’ai pas été le seul à m’étonner de cette visée toute exotérique ; au cours de notre conversation je lui ai dit que, du point de vue ésotérique et pour ceux ayant atteint un certain développement spirituel, vous pensiez que le passage dans un autre cycle était en définitive plus avantageux que le « salut », c’est-à-dire le fait d’être simplement « mis en réserve » dans les prolongements d’un état quelconque. À cela il m’a répondu : <span style="background-color: #93c47d;">« Est-ce que Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">bd el-</span>W<span style="color: blue;">âhid</span> vous a indiqué <i>le moyen de l’éviter</i> ? (le salut) »</span>.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 29 septembre 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
L’histoire concernant Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span> et le <span style="background-color: #93c47d;">« désir de salut »</span> est assez extraordinaire encore, mais vraiment on ne peut plus s’étonner de rien de ce côté.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 octobre 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
M<sup>me</sup> de S<span style="color: blue;">aint</span>-P<span style="color: blue;">oint</span> elle-même, qui défend encore Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span> (elle rejetterait volontiers tout sur A<span style="color: blue;">bu</span> B<span style="color: blue;">akr</span> et sur les Suisses), reconnaît cependant que tout ce qu’il fait traduit un esprit plus chrétien qu’islamique au fond…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 octobre 1950.<br />
<br />
<br />
En réalité, cette tendance n’était pas nouvelle : dès le départ, la mentalité de Schuon, et celle de son milieu suisse en général, était en fait bien plus religieuse qu’initiatique, malgré la recommandation primitive de Guénon :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
vous ferez bien de vous en tenir toujours fermement à la distinction fondamentale des deux points de vue religieux et initiatique, et à préciser nettement au besoin que, en ce qui vous concerne, vous entendez vous consacrer entièrement au second ; on ne peut trouver à redire à ce que chacun s’en tienne à un domaine déterminé…</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 17 avril 1935.<br />
<br />
Et dans l’échange suivant avec Caudron, Guénon précise bien que l’exotérisme seul risque d’être une entrave à un travail initiatique :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
En attendant l’éventualité plus ou moins probable d’un rattachement à un centre initiatique quelconque, y aurait-il quelque intérêt pour nous à tirer parti, dès maintenant, des avantages que peut offrir une participation effective au rite catholique ? Rite dans lequel tous les membres de notre groupe ont été élevés, et qui, indépendamment de son caractère traditionnel a également l’avantage d’être à notre portée.<br />
<br />
Par les transpositions qu’il nous serait possible de faire dans ce domaine religieux, grâce à nos quelques connaissances métaphysiques, ce rite aurait peut-être pour nous une portée plus grande que pour le simple dévot qui reste prisonnier de l’ambiance cléricale, dans le sens péjoratif que cette expression peut avoir. Ce que nous cherchons en réalité, c’est un « support » nous permettant d’aller plus loin que nos propres forces seules nous permettraient d’aller. Où nous conduira « effectivement » notre propre méditation, privée du secours de toute influence spirituelle ? Ce que nous désirons, c’est de faire de la réalisation, et non de rester de simples théoriciens.<br />
<br />
On pourra nous objecter que l’adhésion à un rite non initiatique ne nous permettra pas d’aller au-delà des prolongements de l’individualité humaine. Peut-être ! Mais dans les conditions où nous nous trouvons, pouvons-nous prétendre à autre chose ? N’est-ce pas là le maximum qu’il nous soit normalement possible d’atteindre au sorte de cette vie ? En un mot quel est ce que nous pouvons faire de mieux pour l’instant, telle est la question.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 7 avril 1935.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à ce que vous dites au sujet des rites catholiques, il est très vrai que, bien qu’ils soient d’ordre uniquement religieux et non initiatique (et que, dans les conditions présentes, ils ne puissent plus servir même de base ou de point de départ pour une réalisation initiatique), les effets en sont bien loin d’être négligeables. Seulement, d’un autre côté, il ne faudrait pas risquer que cela devienne une entrave par rapport à des possibilités d’un autre ordre qui pourraient se présenter par la suite ; c’est là ce qui complique la question et me fait hésiter à y répondre d’une façon affirmative… – En tous cas, il n’est pas douteux que les rites religieux, en eux-mêmes et tant que rien d’autre ne vient s’y superposer, sont faits bien plutôt pour maintenir l’être dans les prolongements de l’état individuel humain que pour lui permettre de dépasser celui-ci.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 22 avril 1935.<br />
<br />
En effet, si l’exotérisme est bien nécessaire, pour Guénon la priorité est, évidemment, le domaine initiatique, contrairement à ce que des gens tels que Clavelle ont propagé, prêtant leurs propres obsessions à Guénon.<br />
<br />
<br />
Une fois rattaché à Schuon, Caudron s’est étonné du caractère religieux, au sens exotérique restreint, de Schuon, et même de son hostilité pour Guénon qui lui semblait trop « athée » (en réalité ce n’est pas une absence religieuse qui le dérangeait, mais une présence initiatique) :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Je suis d’autant plus heureux d’accomplir tous ces exercice, que j’en ressens les effets salutaires, mais je dois vous avouer que je ne m’attendais pas à être ramené à une pratique aussi « religieuse », laquelle, je m’empresse d’ajouter, est en parfaite harmonie avec mon tempérament <i>bakta</i>. Seulement les lectures métaphysiques ne m’avaient pas préparé à envisager les choses sous cette perspective. Dans une lettre à M. Rag<span style="color: blue;">out</span>, S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa avait déjà insisté sur ce fait, que <span style="background-color: #93c47d;">« les vrais initiés sont des hommes très “pieux” et cela se confirme non seulement pour ceux dont la tradition comporte un aspect religieux, mais aussi pour ceux qui appartiennent à une tradition à forme purement métaphysique, comme par exemple les hindous, qui, eux aussi, sont littéralement “pieux”. »</span></div>
Louis Caudron à René Guénon, 24 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
D’une façon générale, il semble que Sch<span style="color: blue;">uon</span> ait une tendance naturelle à être un peu trop « absolu » dans ses affirmations ; cela se voit aussi dans ce que vous me rapportez au sujet de la « piété », et qui ne me paraît pas tenir suffisamment compte de la diversité réelle des « voies ».</div>
René Guénon à Louis Caudron, 9 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
V<span style="color: blue;">asile</span> L<span style="color: blue;">ovinescu</span> a été surpris de l’attitude de piété de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa et surtout de celle de S<span style="color: blue;">idi</span> Ibrahim [Burckhardt]. Il été également étonné que l’ambition de ce dernier ne se borne qu’à vouloir simplement éviter le « feu de l’enfer ». S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa m’avait déjà dit que cela était une sorte d’obsession pour S<span style="color: blue;">idi</span> Ibrahim. Tout cela est profondément humain et nullement critiquable en raison de la diversité des voies, mais il en résulte une sorte de déception pour ceux qui comptaient s’abreuver de métaphysique pure. Il est vrai que Schuon dit, dans une lettre, <span style="background-color: #93c47d;">« qu’il a cherché, dans son article sur l’oraison, à réagir contre une tendance pratiquement “athée” de quelques théoriciens de doctrines métaphysiques »</span>. Il nous a dit par ailleurs qu’en tant que <span style="background-color: #93c47d;">« guénoniens »</span> (<i>sic</i>) nous pouvions nous intéresser aux autres traditions mais que dans les séances rituéliques il ne voulait pas en entendre parler. Il nous a dit cela à propos d’un compte rendu de séance rédigé par Rag<span style="color: blue;">out</span> qui fait fonction de <i>katib</i>, et dans lequel il avait inséré des comparaisons entre ce que S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa nous avait dit et l’Inde ou le Tâo.<br />
<br />
Je ne critique nullement cette façon de voir, puisque notre voie doit être parcourue en mode islamique, mais on aimerait y retrouver l’équivalent, ce qui, jusqu’à présent, n’est pas le cas. On peut se demander, à ce sujet, si S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, en raison de sa tournure d’esprit, finira par prendre cette perspective en considération. Je ne dis pas qu’il l’ignore, mais il ne semble pas l’avoir inscrite à son programme, qui semble porter essentiellement sur la contemplation des symboles en tant qu’expressions des principes, beaucoup plus que sur la compréhension abstraite des vérités métaphysiques, à laquelle nous nous étions attachée par l’étude de vos livres. D’après tout ceci, je vois que j’étais beaucoup plus <i>jnâna</i> que je ne le pensais. Il se peut que cette voie « mixte » soit la plus opportune pour nous, dans les conditions qui pèsent sur tous les individus qui vivent à cette époque. Cette voie « mixte » permettra certainement un recrutement sur une plus grande échelle, mais ne sera-ce pas au détriment du travail en « profondeur » sur la nécessité duquel vous avez tant insisté dans votre « Orient et Occident ».<br />
<br />
Pour concrétiser, par un exemple vivant, ce que je viens de vous dire, je vous citerai ce simple fait. Gênés par le manque d’unité qui résulte du foisonnement d’idées extrêmement variées, au sein desquelles nous nous sommes trouvés brusquement plongés, il est inutile de dire que loin de nous sentir rapprochés de la pure spiritualité, nous avons eu l’impression de nous en éloigner en vue d’une fixation, plus aisée, mais moins centrale. Ce matin, étant seul, j’ai éprouvé le besoin de reprendre contact avec un point de vue plus dégagé des considérations périphériques. À cet effet, j’ai relu un passage de l’« <i>H<span style="color: blue;">omme</span> et son D<span style="color: blue;">evenir</span></i> » ; aussitôt j’ai retrouvé l’atmosphère spirituelle si favorable aux réalisations intérieures.<br />
<br />
En raison de cette expérience, je me demande, s’il s’agit simplement d’un manque d’adaptation de ma part, lequel entraîne une perturbation momentanée ou, ce qui serait plus grave, s’il s’agit d’une question de méthode, de « voie » ? L’impression qui domine est qu’on nous demande essentiellement de prendre une tournure d’esprit, assurément traditionnelle et orthodoxe, mais ayant une tendance formaliste prononcée, qui pourra faire de nous d’excellents musulmans mais pas nécessairement de parfaits métaphysiciens.<br />
<br />
Il est bien certain que la forme nous importe peu, à condition qu’on en maintienne l’esprit au niveau des spéculations purement métaphysiques.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 19 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Burck<span style="color: blue;">hardt</span> me fait l’effet d’être beaucoup plus « méthodique » que Sch<span style="color: blue;">uon</span> ; mais ce que Lov<span style="color: blue;">inescu</span> vous a dit à son sujet m’étonne un peu, car je ne me suis jamais aperçu de cela dans sa correspondance. En tout cas, on dit tout à fait couramment ici que quiconque désire le Paradis ou craint l’Enfer est encore bien loin d’être réellement « mutaçawwuf »…<br />
[…]<br />
<br />
Je ne vois pas trop à quoi Sch<span style="color: blue;">uon</span> a voulu faire allusion dans ce qu’il a dit au sujet de son article sur l’oraison (article que j’ai d’ailleurs trouvé très bien) ; cela me rappelle un reproche de ce genre que Barlet adressait autrefois à Matgioi ; et je me suis toujours demandé s’il n’y avait pas là, pour une bonne part, une simple querelle de mots…<br />
<br />
Maintenant, pour ce qui semble vous causer une certaine gêne, il faut dire d’abord que naturellement une forme traditionnelle doit être prise comme un tout, l’exotérisme représentant un point d’appui nécessaire pour ne pas « perdre terre » ; et il est probable que, dans une organisation initiatique chrétienne du moyen âge, vous auriez eu à peu près la même impression que celle que vous avez actuellement. – D’un autre côté, comme je l’ai dit bien souvent, il ne faut pas oublier que ce qui est l’essentiel, c’est le rattachement initiatique et la transmission de l’influence spirituelle ; cela fait, chacun doit surtout travailler par lui-même, et de la façon qui lui convient le mieux, pour rendre effectif ce qui n’est encore que virtuel. Il va de soi qu’il vaudrait mieux avoir le choix entre une diversité de méthodes permettant à chacun d’être aidé aussi complètement qu’il se peut, mais malheureusement ce n’est pas le cas actuellement ; en tout cas, ce qui est destiné à être une aide ne doit jamais devenir un empêchement pour personne. J’ajoute que Sch<span style="color: blue;">uon</span> est très excusable de ne pas envisager peut-être suffisamment l’adaptation qu’il faudrait pour chacun, car il est évident que cela demande une expérience qu’il ne peut avoir encore ; et je vois d’ailleurs que vous comprenez cela très bien ; mais il est à craindre que d’autres ne le comprennent pas comme vous… Il faut pourtant espérer que tout cela s’arrangera peu à peu ; il faut bien penser qu’il s’agit en somme d’un « début », dans des conditions qui ne s’étaient encore jamais présentées jusqu’ici.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 29 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Je ne voudrais pas passer pour « méchant », mais enfin puisque vous désirez savoir ce à quoi Schuon a voulu faire allusion dans ce qu’il a dit au sujet de son article sur l’oraison, je dois vous dire qu’il a voulu <span style="background-color: #93c47d;">« combattre les tendances » de « feu » Palingénius</span>, qui a écrit, paraît-il, un article sur la prière, et <span style="background-color: #93c47d;">« qui à cette époque était fortement influencé par la maçonnerie »</span> (ou <span style="background-color: #93c47d;">« imprégné de maçonnerie »</span>, je ne peux plus vous garantir lequel des deux termes il a employé, quand il m’a parlé de cela).</div>
Louis Caudron à René Guénon, 14 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Si, à propos de l’oraison, c’est à mon ancien article qu’il a voulu faire allusion, qu’a-t-il bien pu penser en voyant celui-ci reparaître, précisé sur certains points, mais non pas changé quant au fond ?</div>
René Guénon à Louis Caudron, 27 avril 1936.<br />
<br />
<br />
Il a déjà été fait état précédemment de l’ignorance de Schuon. En consultant des auteurs douteux comme Massignon pour tenter de réduire cette ignorance, Schuon trouvait une sensibilité en accord avec la sienne :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Jenny me disait que les tendances de la tarîqah lui paraissaient trop sentimentales. À ce sujet je serais heureux d’entendre à nouveau S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, pour mieux apprécier la doctrine d’El Hallaj. Depuis que je lis l’<i>el Hallaj</i> de Massignon, j’y retrouve pas mal d’idées que Sch<span style="color: blue;">uon</span> nous avait exposées. Il est en effet possible que le principal de sa documentation provienne de cet ouvrage, si j’en juge par différents recoupements : quand il était ici, il avouait <span style="background-color: #93c47d;">ne pas être resté assez longtemps en pays islamiques pour y acquérir une connaissance suffisante</span>. J’ai ouï dire par ailleurs qu’il avait rompu toutes relations avec le Sheikh actuel de Mostaganem et ensuite, s’il vous écrit toujours aussi peu, il lui sera difficile de compléter, par votre intermédiaire, ce qui lui manque. Qu’il ait, en dehors de ses propres réalisations, d’autres sources d’information, c’est ce que j’ignore.<br />
<br />
Il se peut, d’ailleurs, que la doctrine d’El Hallaj soit une source excellente de progrès spirituels, mais le rôle de l’amour y est tellement prépondérant, du moins d’après Massignon, que cela semble encore s’éloigner de la pureté des données métaphysiques acquises antérieurement.<br />
<br />
En tout cas on comprend mieux la position de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa présentant <span style="background-color: #93c47d;">la piété comme étant le premier devoir de l’initié et recommandant de multiplier autant que possible 1<sup>o</sup> la prière, 2<sup>o</sup> les jeûnes, 3<sup>o</sup> les veilles</span>. Restent deux autres points qui n’étaient pas encore bien déterminés dans le programme de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, quand nous sommes passés à Bâle. La concentration y aurait-elle sa place qu’elle n’aurait en tout cas que le n<sup>o</sup> 4 ou 5.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 15 juin 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour la question d’El-Hallâj, jamais Sch<span style="color: blue;">uon</span> n’y a fait la moindre allusion en m’écrivant ; comme vous pouvez vous en douter, l’interprétation de Massignon est tout à fait sujette à caution, puisqu’il y a toujours chez lui l’arrière-pensée de ne voir partout que du « mysticisme » et des influences chrétiennes. Cependant, je dois dire aussi que, toute interprétation à part, je préférerais une autre forme à celle d’El-Hallâj, qui se prête plus facilement à ce genre de déformation ; c’est d’ailleurs l’imprudence ou la maladresse de ses expressions qui a été la cause de sa mort…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 juin 1937.<br />
<br />
<br />
Cette attitude butée et catégorique a continué à s’exprimer après qu’il ait abandonné sa référence en matière d’exotérisme, la <i>zaouïa</i> de Mostaganem, et c’est ce qui lui a permis de développer ses fantaisies sous « inspiration », avec de moins en moins de retenue :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Allar […] a reçu une lettre aimable de Sch<span style="color: blue;">uon</span> dans laquelle on lit ceci :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
« … maintenant que, après la <i>Risalat al-Hayat</i>, le <i>Kitab al-Insan al-Kamil</i> va être traduit, personne n’est plus en droit de se plaindre d’un manque de textes islamiques. D’ailleurs pour qui a l’esprit spéculatif, la <i>shahâdah</i> renferme tout. Il s’agit de s’approprier par la pratique du <i>dîn</i>, la perspective islamique, afin qu’on puisse extraire l’essence métaphysique de l’Islam de toute formule et avant tout précisément de la <i>shahâdah</i> et du nom <i>Allah</i>. Mais malheureusement, peu ont l’esprit spéculatif. On est dogmatiste, déterministe, pauvre en “imagination” intellectuelle et par conséquent exigeant en matière de théorie. Ma théorie cependant est indéfinie. Pour comprendre la métaphysique islamique, il faut être musulman, ou plutôt <i>muslim</i>. Il faut se garder de voir dans l’Islam une “forme religieuse” quelconque ; il faut y voir au contraire la dernière possibilité de manifestation traditionnelle, donc le dernier mot de la Tradition primordiale.<br />
<br />
« Le point de vue religieux, à rigoureusement parler, se réduit en dernière analyse à ceci : d’abord distinction plus ou moins radicale entre la Divinité et l’être individuel et par conséquent méconnaissance et négation de l’identité essentielle et de l’identification ; ceci pour la doctrine ; et ensuite pour la réalisation, recherche du seul salut moyennant l’action, non pas moyennant la Connaissance, sans parler évidemment, du but de cette connaissance, l’Identité.<br />
<br />
« Mais je n’ai jamais compris pourquoi certains rangeaient la prière, par exemple, du côté du point de vue religieux ; et d’autre part l’action dans la mesure où elle ne s’oppose pas à la connaissance, en est naturellement un support.<br />
<br />
« Tout cela ne vous est pas nouveau, sans doute, mais il y en a d’autres qui n’arrivent pas à le comprendre. »</div>
<br />
Ses lettres contiennent souvent des sous-entendus, où on ne distingue pas très clairement qui ou quoi elles veulent viser exactement. Il semble également avoir toujours la même <span style="background-color: #fff2cc;">tendance à être un peu trop « absolu » dans ses affirmations et ne pas tenir suffisamment compte de la diversité des « voies »</span>, quoiqu’il en dise quand on en parle avec lui. Il a sa voie et c’est à nous de nous l’assimiler, sinon il ne peut plus rien pour nous. D’ailleurs sa méthode est simple, il suffit de prier et de spéculer sur la <i>shahada</i> ; mais où apparaît, dans ce point de vue, <span style="background-color: #fff2cc;">« la nécessité de posséder des données théoriques inébranlables et fort étendues avant de songer à la moindre réalisation »</span> ? En ce qui me concerne, je constate que mes progrès de compréhension sont toujours conditionnés par la méditation d’un point, pris dans vos livres.<br />
<br />
Avec sa façon de voir, prise à la lettre, on pourrait conclure que vos livres ne valent que pour les profanes ; dès que ceux-ci ont compris quelles étaient leur ultime destinée et la meilleure des voies pour y parvenir, ils n’ont plus qu’à refermer vos ouvrages et se conformer au dernier « mot de la Tradition primordiale ». S’il n’y avait pas cette orientation vers la Délivrance et non seulement vers le « salut », je me demande, pratiquement parlant, ce qui nous différencierait des mystiques ?<br />
<br />
En tout cas c’est nettement l’élément <i>bhakta</i> qui domine ; simple question de « voie » et d’époque.<br />
<br />
Ces remarques ne sauraient d’ailleurs altérer ni le mérite, ni le zèle que Schuon déploie conformément à sa nature.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 8 novembre 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour All<span style="color: blue;">ar</span>, […] Quant à la lettre qu’il a reçue de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, je vois qu’en somme c’est toujours à peu près la même chose ; il y a là un point de vue qui est tout de même un peu trop « unilatéral », mais il est évident que c’est sa nature qui est ainsi, et je crois qu’on ne gagnerait rien à le heurter…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 20 novembre 1937.<br />
<br />
<br />
<h3>
4-e) Propagande</h3>
<br />
De la part des schuoniens, il y a également inversion accusatoire à propos d’une soi-disant submersion de candidats envoyés par Guénon, alors qu’il a toujours souligné son indépendance, et que c’était le premier à insister sur la bêtise et le danger de la propagande.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
N’étant aucunement chargé de recruter des adhérents pour une organisation quelconque, je me garderais bien d’engager qui que ce soit à s’adresser ici ou là.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 29 janvier 1933.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
J’ai eu cet après-midi une entrevue avec MM. Préau et Clavelle ; ces MM. m’ont prié de vous écrire pour préciser certains points qui pourraient être envisagés au cours de nos conversations.<br />
<br />
De notre pauvre monde occidental nous vous adressons un appel désespéré ; avant que la tourmente qui pointe à l’horizon, ne nous ait dispersés, et, s’il en est temps encore, nous vous demandons de bien vouloir nous aider à réaliser notre voie.<br />
<br />
Je sais bien que quelques individualités isolées comptent peu dans le tourbillon du monde, et que les desseins éternels se réaliseront sans nous, si telle est Sa Volonté.<br />
<br />
Pourtant, il est de notre devoir de tendre tous nos efforts vers Cela même, que nous avons commencé à comprendre grâce à vous et daignez, s’il est en votre pouvoir, ne pas nous abandonner en si bon chemin.<br />
<br />
En vous parlant ainsi ce n’est pas en mon nom personnel seulement que je le fais, mais au nom de tous ceux que je représenterai en allant vous voir.<br />
<br />
Ce qui nous importe le plus en ce moment, c’est le désir de recevoir l’Initiation, et, nous sentons, que plus nous attendrons plus les chances de réussite qui nous restent diminueront.<br />
<br />
M. Préau a pensé qu’il serait utile d’éclairer le plus possible la situation avant mon voyage éventuel ; aussi m’a-t-il demandé de vous écrire dès ce soir pour que mon courrier profite du plus prochain courrier.<br />
[…]<br />
<br />
6<sup>o</sup> Dans le cas d’un rattachement à une organisation soufie, par l’intermédiaire d’un Moqaddem habitant l’Europe (M. Schuon par exemple) est-il possible de réaliser sans danger l’Initiation, tout en demeurant dans l’ambiance européenne ?</div>
Louis Caudron à René Guénon, 7 mai 1935.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
À la vérité, je dois dire que je ne comprends pas très bien l’« appel » que vous m’adressez, car, par moi-même, je ne suis rien ; je n’ai d’ailleurs jamais fait la moindre promesse, … sauf, si l’on veut, celle d’écrire tout ce que je pourrais pour ceux qui sont capables d’en profiter ; et je regrette seulement, à cet égard, que les circonstances ne m’aient pas encore permis d’écrire bien des choses que j’ai en vue depuis longtemps…<br />
<br />
Cela dit, je vais tâcher de répondre à vos questions ; du reste, la réponse est d’autant plus simple et plus facile que je dois m’abstenir d’influer sur les décisions de qui que ce soit, car c’est à chacun qu’il appartient de choisir lui-même la voie qui lui convient le mieux.<br />
<br />
En somme, vous avez maintenant devant vous, sans quitter l’Europe, la possibilité de rattachement à deux organisations initiatiques, l’une occidentale, l’autre orientale. Ceux qui voudront se rattacher au Soufisme ne pourront mieux faire que de s’adresser à Sch<span style="color: blue;">uon</span>, qui est maintenant tout à fait qualifié pour cela, et qui, je crois, est tout disposé à s’en occuper activement. […]</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 mai 1935.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour ce que vous me demandez, il est bien entendu que la question du rattachement initiatique regarde Sch<span style="color: blue;">uon</span> exclusivement ; et, d’après ce qu’il vous a dit, je ne pense pas, si vous vous décidez à le demander, que cela doive faire de difficultés.</div>
René Guénon à Luc Benoist, 21 juin 1936.<br />
<br />
En fait, c’était Schuon qui faisait de la propagande, contre l’avis de Guénon :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa voit évidemment très grand au point de vue du recrutement, mais s’il est sûr de lui, il n’y a plus rien à dire…<br />
[…]<br />
<br />
Il dit que <span style="background-color: #93c47d;">si Chac<span style="color: blue;">ornac</span> consentait à lui donner le nom de ses abonnés il pourrait, d’après leurs noms, discerner ceux qui seraient susceptibles d’être rattachés</span>.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 12 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour le recrutement, d’une façon générale, je pense qu’on ne saurait être trop prudent, et que surtout il ne faut jamais viser à la quantité. – À ce sujet, j’avoue que je ne comprends pas très bien l’idée de Sch<span style="color: blue;">uon</span> pour la liste des abonnés de Chac<span style="color: blue;">ornac</span> (que d’ailleurs je crois celui-ci fort peu disposé à communiquer à qui que ce soit !). D’abord, je ne pense pas qu’on puisse tirer grand’chose de valable des noms en langues européennes ; ensuite, on ne peut toujours pas aller offrir un rattachement à des gens qui ne l’ont pas demandé…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 23 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
V<span style="color: blue;">asile</span> L<span style="color: blue;">ovinescu</span> vous disait qu’à Bâle ils avaient quelques ennuis, car on commençait à savoir de ce dont il s’agissait réellement. Sch<span style="color: blue;">uon</span> reconnaît qu’<span style="background-color: #93c47d;">ils ont commis de graves imprudences, et que, par exemple, au début ils allaient faire l’appel à la prière du haut d’une terrasse de la cathédrale</span> ! (Je crois que cela se passait à Lausanne). Les réunions publiques de Bâle n’ont plus lieu. Celles de Lausanne, par contre, sont de plus en plus suivies et attirent de plus en plus de monde dans la « zone n<sup>o</sup> 2 ». Là nous sommes en plein prosélytisme.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 19 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Meyer est reparti pour Bâle après avoir obtenu son rattachement sous le nom de Idris Abdul Karîm. Il semble avoir subi à Bâle un régime différent de celui de V<span style="color: blue;">asile</span> L<span style="color: blue;">ovinescu</span>. Il n’avait jamais assisté à aucune prière en commun et n’avait pas non plus prononcé la <i>shahada</i> bien qu’il pratiquait, seul, les rites depuis un mois. Pour le reste, ses connaissances étaient, sinon insuffisantes, du moins des plus sommaires ; pourtant il a été envoyé avec avis favorable, et, sous un aspect plus froid et plus réservé que V<span style="color: blue;">asile</span> L<span style="color: blue;">ovinescu</span>, il n’en est pas moins sympathique.<br />
<br />
Quant à sa qualification, certainement elle en vaut largement d’autres, du moins en tant que nous pouvons en juger actuellement. On n’en reste pas moins surpris de la rapidité d’admission ; bien entendu toutes ces personnes sont sérieuses et sincères, mais on peut toujours se demander si leur détermination, prise aussi hâtivement, n’est pas le résultat d’un enthousiasme plus propice aux décisions immédiates qu’à la garantie d’une continuité dans de telles résolutions ?<br />
<br />
Il y a là encore de sérieuses réformes à faire dans nos conceptions à ce sujet. Nous en étions restés aux temps héroïques où le candidat devait attendre longtemps dans la plus grande incertitude que le Maître daignât s’occuper de lui. Bien entendu, il ne s’agit pas de tenir une conduite aussi rigoriste, surtout à l’égard de personnes telles que Pr<span style="color: blue;">éau</span> ou Cl<span style="color: blue;">avelle</span> qui sont connues depuis longtemps.<br />
<br />
Puisque nous sommes dans la période des « réformes conceptuelles », je dois encore ajouter que je croyais Sch<span style="color: blue;">uon</span> en possession de « pouvoirs » lui permettant de déceler presque à coup sûr la qualification ou la non qualification d’un individu. Or, pour le cas de Rag<span style="color: blue;">out</span>, c’est le contraire qui s’est produit ; il l’a accepté parce que c’était moi qui le lui présentais et qui me portais en quelque sorte comme garant de son aptitude. Maintenant je sais à quoi m’en tenir à ce sujet.<br />
[…]<br />
<br />
L’autre jour, Sch<span style="color: blue;">uon</span> nous montrait une affiche annonçant l’une des conférences qu’il avait faites à Lausanne, et où il y avait eu une assistance de 400 personnes. <span style="background-color: #93c47d;">Il souhaitait pouvoir reprendre de telles conférences à Paris, mais il ne voyait pas bien,</span> disait-il, <span style="background-color: #93c47d;">dans quelle salle il pourrait les faire</span>. Chab<span style="color: blue;">ot</span> lui a suggéré la salle Adyar de la S<span style="color: blue;">ociété</span> T<span style="color: blue;">héosophique</span>. Sch<span style="color: blue;">uon</span> a acquiescé à l’idée disant, par ailleurs, que <span style="background-color: #93c47d;">c’était dans ce public qu’il comptait recruter le plus d’adhérents</span> !</div>
Louis Caudron à René Guénon, 2 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
D’un autre côté, ce que sa préparation à son rôle a pu avoir d’insuffisant ou de trop rapide serait certainement moins grave s’il avait un peu moins de confiance en lui-même, et surtout s’il n’y avait pas chez lui cette sorte de volonté de ne pas tenir compte de tant de choses qui ont bien pourtant leur importance… L’histoire des conférences à la salle Adyar en est encore un bel exemple ; comment peut-il ne pas voir quel parti certaines gens ne manqueraient pas d’en tirer contre nous ? Je vous assure que cela encore m’inquiète sérieusement ; il faudra empêcher à tout prix une pareille faute !</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 avril 1936.<br />
<br />
(Dans un extrait cité plus haut datant de fin 1950, Guénon ne se souvenait plus de l’épisode de la salle Adyar, ce qui témoigne de l’état d’épuisement dans lequel les schuoniens le poussaient. Il est d’ailleurs décédé peu de temps après.)<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il faut espérer que cette explication l’amènera au moins à être plus prudent en ce qui concerne les admissions ; seulement, je pense qu’il n’ira pas jusqu’à me demander avis sur tous les candidats, d’autant plus que ce n’est pas précisément facile pour des gens qu’on n’a jamais vus et qu’on ne connaît que par correspondance. Il doit d’ailleurs être bien entendu que je ne veux absolument prendre la « direction » de quoi que ce soit, mais aussi que, quand il s’agit non de conseils individuels, mais d’indications ayant une portée générale, je ne peux pas me refuser à les donner dans la mesure du possible ; mais encore faut-il d’abord qu’on juge à propos de me les demander…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je crains aussi beaucoup les tendances à la « propagande » ; du reste, même en dehors du danger que cela présente, on ne doit pas aller au-devant des gens, mais au contraire les laisser venir d’eux-mêmes.</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 19 mai 1936.<br />
<br />
<br />
<h3>
4-f) L’héritage de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem</h3>
<br />
La dégénérescence de la <i>tarîqah</i> de Schuon n’a donc pas brusquement surgi en 1950, elle s’est faite en deux étapes, où intervient la <i>zaouïa</i> de Mostaganem.<br />
<br />
Rappelons ce que disait Guénon de ce milieu, en répondant à Schuon qui lui annonçait qu’il était <i>moqaddem</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Ce que vous me dites par ailleurs n’est malheureusement pas très satisfaisant à divers points de vue ; je n’en suis du reste pas trop étonné… Pour les confusions dont vous parlez, c’est un peu la même chose partout aujourd’hui ; ici, l’influence déplorable de la politique est certainement moins marquée, mais il y a aussi cette fâcheuse tendance à recruter le plus de gens possible et à se féliciter de cette extension ; encore cela n’aurait-il peut-être pas de si graves inconvénients si du moins on observait une hiérarchie de degrés, mais, en fait, il n’en est rien. Je pense que, dans ces conditions, le mieux est de prendre en considération seulement l’essentiel, c’est-à-dire la transmission initiatique, et ne pas trop se préoccuper du reste ; encore faut-il pouvoir s’arranger de façon à n’en être pas gêné… J’ai reçu le journal en même temps que votre lettre, et j’ai pris connaissance de l’article en question ; à quoi peut bien tendre toute cette histoire ? Cela est assurément plutôt désagréable ; et, pour ce projet de journal en français, je n’en vois pas bien la raison : à qui serait-il donc destiné ? Pour ce qui est d’une « société de Français musulmans », je crois que vous feriez bien de vous abstenir, car il est plus que probable que se trouveraient là des éléments fort peu intéressants en général ; vous pouvez d’ailleurs faire valoir que l’Islam n’admet point ces distinctions d’origine ou de nationalité. Pour le reste, vous ferez bien de vous en tenir toujours fermement à la distinction fondamentale des deux points de vue religieux et initiatique, et à préciser nettement au besoin que, en ce qui vous concerne, vous entendez vous consacrer entièrement au second ; on ne peut trouver à redire à ce que chacun s’en tienne à un domaine déterminé… Évidemment, tout cela tient aux conditions de notre époque, et le plus triste est que cela ne peut guère aller qu’en s’aggravant encore ! […]</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 17 avril 1935.<br />
<br />
Et comme il le prévoyait, cela s’est aggravé en effet :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
En ce qui concerne Most<span style="color: blue;">aganem</span>, il faut reconnaître qu’il y a maintenant de ce côté des choses un peu ennuyeuses, non pas du fait du Sheikh lui-même, d’ailleurs, mais de son entourage à tendances trop « propagandistes » ; pourtant, ce n’est peut-être tout de même pas une raison suffisante pour rompre toutes relations…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 juin 1937.<br />
<br />
Et si Schuon était si propagandiste, c’est justement parce qu’au lieu de prendre en compte les recommandations de Guénon, il prenait exemple sur la <i>zaouïa</i> dégénérée de Mostaganem. Il a ensuite choisi de s’en éloigner :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
En ce qui concerne votre droit de regard sur la <i>tarîqah</i>, j’ai cru pouvoir lui dire, que cela ne résultait pas seulement de votre seule compétence en ces matières, mais également de votre mission à l’égard de l’occident, en vertu de laquelle votre attention était retenue par tout ce qui pouvait constituer une tentative de rénovation traditionnelle sous quelque forme que ce soit.<br />
<br />
Or, en ce qui nous concerne, l’intérêt qui s’attache à nous, n’est pas l’espoir que nous soyons le point de départ de l’islamisation du monde occidental, mais simplement que nous puissions rétablir dans cet occident un contact vraiment traditionnel et initiatique avec le Principe. Grâce à ce contact dont l’influence pourra se manifester par l’intermédiaire de la <i>tarîqah</i>, il se peut que certains centres proprement occidentaux se réveillent et s’épanouissent, alors qu’il eut été impossible pour eux de le faire sans cette influence stimulante et protectrice.<br />
<br />
J’ai ajouté, que grâce à certaines indications, malheureusement insuffisantes pour le moment, on avait de vagues espoirs de découvrir un tel centre, avec lequel, ou du moins, avec certains éléments duquel, on serait peut-être appelé à avoir des contacts plus ou moins étroits.<br />
<br />
J’ai simplement amorcé l’idée d’une telle éventualité pour me rendre compte de quelle façon Sch<span style="color: blue;">uon</span> aurait réagi. En raison de l’opinion qu’il semblait avoir sur l’opportunité des traditions antérieures à l’Islam, nous nous demandions dans quelle mesure il était disposé à envisager l’éventualité de rapports directs avec une autre forme traditionnelle, si toutefois son intervention était jugée nécessaire ou tout au moins utile.<br />
<br />
Avant de vous dire ce qu’il en pense, je vous dirai tout d’abord que l’expérience commençant à produire des fruits, il a abandonné le point de vue de Mostaganem, concernant l’admission des candidats occidentaux. Ce point de vue est d’admettre, en principe, tous ceux qui en faisaient la demande, sous réserve qu’ils n’étaient pas dûment qualifiés, la <i>barakah</i> ne leur ferait pas de mal, dans la mesure où ils resteraient fidèles à la <i>shariyah</i>.<br />
<br />
Or Sch<span style="color: blue;">uon</span> s’est aperçu que ce raisonnement pouvait à la rigueur se soutenir en terre d’Islam, il n’en était pas de même en occident.<br />
<br />
Voilà donc calmé ce désire d’extension intempestive qui nous avait tant inquiété au début.<br />
<br />
Par cette considération que les chrétiens ne sont pas mûrs pour être islamisés en masse, l’idée de sectarisme tombe ipso facto puisqu’il est nécessaire au contraire qu’ils conservent tout au moins leur tradition propre et même, si possible, de les aider à redécouvrir le véritable sens de leurs « mystères ».<br />
<br />
À cela Sch<span style="color: blue;">uon</span> est tout prêt à collaborer, ajoutant même que <span style="background-color: #93c47d;">ce ne serait pas la première fois que l’influence bénéfique du <i>taçawuf</i> se ferait sentir au sein de la chrétienté</span>.<br />
<br />
Nous voilà donc fixés sur ce point.<br />
<br />
Pour être complet, je dirai que Sch<span style="color: blue;">uon</span> s’est même <span style="background-color: #93c47d;">formalisé que Paris ne l’ait pas déjà mis au courant d’une telle éventualité</span>. Je lui ai fait remarquer que je lui en avais parlé incidemment au cours de la conversation, mais que cela n’aurait nullement fait l’objet d’un courrier spécial, d’autant plus que présentement on ne pouvait pas se prononcer sur la valeur exacte de cette piste.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 1<sup>er</sup> août 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Ce qui actuellement est plus inquiétant (et lui aussi [Schuon] paraît s’en inquiéter fort), c’est ce qui se passe à Most<span style="color: blue;">aganem</span>, et dont vous avez sûrement dû avoir des échos par ceux qui y sont allés dernièrement. À cet égard, Mull<span style="color: blue;">er</span> paraît voir les choses trop « en noir », mais les impressions de Mey<span style="color: blue;">er</span>, plus « pondéré », ne sont pas bien rassurantes ; l’état d’esprit qui règne dans ce milieu a changé bien fâcheusement, et si rapidement que cela est difficilement explicable ; si cela continue, la tendance « propagandiste » ne tardera pas à y étouffer tout reste d’esprit initiatique… Dans ces conditions, Sch<span style="color: blue;">uon</span> n’a sans doute pas tort de penser que le mieux sera de réduire les relations au minimum ; et, à cet égard, je me demande si le nouveau séjour d’All<span style="color: blue;">ar</span>, surtout s’il doit se prolonger, ne risque pas d’avoir plus d’inconvénients que d’avantages, non seulement pour lui-même, mais aussi parce que j’ai l’impression qu’il faudrait assez peu de chose pour amener une rupture complète entre Most<span style="color: blue;">aganem</span> et Bâle, ce qu’il vaudrait tout de même mieux éviter si possible !</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 octobre 1937.<br />
<br />
Guénon et Schuon ont fini par rompre les communications avec Mostaganem :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Autre chose dont il faut que je vous prévienne : il paraît que vous recevrez probablement quelque lettre de Mostaganem ; vous ferez bien de n’y répondre que d’une façon aussi insignifiante que possible et par des formules de pure politesse ; et même, si vous préfériez ne pas y répondre du tout, cela ne pourrait pas avoir grand inconvénient. En effet, nous avons convenu avec Sidi Aïssa de réduire les relations de ce côté au minimum, car ce qui s’y passe maintenant est bien loin d’être satisfaisant ; tout y est sacrifié à des tendances exotériques et propagandistes que nous ne pouvons pas approuver du tout ; la rapidité avec laquelle cette dégénérescence s’est produite est même tout à fait extraordinaire. Heureusement que, par contre, tout va très bien à Bâle ; j’en ai eu encore d’excellentes nouvelles aujourd’hui même. – J’ajoute à ce propos que, pour éviter toute confusion qui serait plus ou moins fâcheuse dans les conditions présentes, Sidi Aïssa a décidé, d’accord avec moi, de reprendre l’ancien titre complet qui a été abandonné à Mostaganem depuis la mort du Sheikh : « Et-Tarîqah El-Alawiyah Ed-Derqâwiyah Esh-Shâdhiliyah » ; peut-être d’ailleurs en avez-vous été déjà informé…</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 2 mars 1938.<br />
<br />
Sur le moment, Schuon a donné l’apparence de revenir à la raison. Mais nous avons vu que c’est le contraire qui s’est passé. Ce que nous pouvons constater rétrospectivement, c’est qu’en rompant avec Mostaganem, il s’est détaché finalement de son seul point d’ancrage, qui lui fournissait une stabilité par la prise en compte de l’exotérisme.<br />
<br />
Libéré de cette contrainte, il s’est en fait dit que plutôt que de convertir les Chrétiens à l’Islam pour en faire des disciples, il n’y avait qu’à les faire disciples directement, ce qui est beaucoup plus simple. D’où la publication des <i>Mystères christiques</i>.<br />
<br />
Sous l’injonction d’une autorité individuelle travestie en autorité traditionnelle, ses disciples devaient depuis le début accepter passivement toutes ses fantaisies. Son but n’était pas du tout de les aider à se libérer de l’ignorance, mais simplement de les diriger. Ce qu’il voulait libérer, c’était plutôt son propre ego de tout contrôle extérieur, y compris de toute restriction pouvant provenir de la tradition, qu’il entendait au contraire asservir sous toutes ses formes et mélanger selon son caprice.<br />
<br />
<br />
Le Sheikh El-Alawi est mort en 1934, et avec lui l’esprit traditionnel s’est retiré de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem, qui a vite révélé sa dégénérescence, par sa mentalité exotérique et son propagandisme. Dans un premier temps, Schuon a d’abord été conforme à ce milieu dégénéré, affichant une apparence de tradition et tenant le rôle de rattacheur effréné préconisé par Mostaganem. Puis dans un second temps il s’est détaché de ce milieu, pour jouir d’une indépendance totale et ne plus suivre que son « inspiration » au sens infra-rationnel. Et l’imposture se dévoilera d’elle-même sur la forme de la « <i>tarîqah</i> ».</div>
<br />
<br />
Partie suivante :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/03/la-fonction-de-frithjof-schuon-4.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/03/la-fonction-de-frithjof-schuon-4.html</a>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-73134510291324935022019-02-14T13:03:00.000+01:002019-03-11T07:55:13.891+01:00La fonction de Frithjof Schuon (2)<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<h2>
<span style="color: #cccccc;">1) Introduction</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
1-a) Le « <i>sheikh</i> » naturiste<br />
1-b) Un mot creux : le pérennialisme<br />
1-c) Nécessité de laisser la parole à Guénon</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">2) La fausseté de Schuon et de ses agents</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
2-a) L’intérêt qu’avait Guénon pour la fonction de Schuon : une initiation orientale régulière et facile d’accès pour les éventuels européens qualifiés<br />
2-b) L’intérêt de Schuon pour sa propre fonction : le pouvoir, les femmes et l’argent<br />
2-c) L’isolement de Guénon par Schuon<br />
2-d) Schuon et ses disciples : des hypocrites et des manipulateurs<br />
2-e) Un projet de <i>tarîqah</i> qui débouche sur une secte à prétentions universalistes</span></h3>
<h2>
3) L’autoritarisme prétendant rivaliser avec l’autorité naturelle</h2>
<h3>
3-a) Lecteurs de Guénon orgueilleux ? Ou orgueil d’une infaillibilité individuelle ?<br />
3-b) Une « infaillibilité » qui peine à faire illusion<br />
3-c) Un « <i>sheikh</i> » ignorant<br />
3-d) Une opposition inavouée mais de plus en plus concrète<br />
3-e) La disparition de Guénon : le couronnement de Schuon</h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">4) L’ésotérisme haï et usurpé par le culte de Schuon</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
4-a) Divagations des schuoniens sur la Maçonnerie<br />
4-b) Le « Maître spirituel destiné à tout l’Occident »<br />
4-c) D’un désir de reconnaissance insatisfait aux <i>Mystères christiques</i><br />
4-d) Une mentalité en réalité surtout religieuse et anti-initiatique<br />
4-e) Propagande<br />
4-f) L’héritage de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">5) Une transmission invalide</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
5-a) Les références anti-traditionnelles des schuoniens<br />
5-b) Un document par nature explicite<br />
5-c) Exemples d’<i>ijâzah</i> de véritables <i>moqaddems</i><br />
5-d) L’« <i>ijâzah</i> » de Schuon : un mandat réduit à l’exotérisme<br />
5-e) Un document conforme aux tendances de la <i>zaouïa</i> dégénérée de Mostaganem<br />
5-f) Schuon et les gens de Mostaganem ont menti à Guénon<br />
5-g) Défense maladroite de Schuon par un valsanien<br />
5-h) L’initiation donnée par Schuon est irrégulière</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">
Conclusion</span></h2>
</div>
<br />
<br />
<br />
Partie précédente :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon.html</a><br />
<br />
<h2>
3) L’autoritarisme prétendant rivaliser avec l’autorité naturelle</h2>
<br />
Ce qui est particulièrement injuste, c’est que lorsque les rapports entre Guénon et Schuon sont évoqués, ils sont souvent présentés comme des rapports de pouvoirs, comme deux volontés de domination qui s’affrontent, alors que Guénon de son côté était totalement désintéressé et voulait juste aider à ce que l’initiation soit plus facile à trouver en Occident.<br />
<br />
La nécessité de rétablir la vérité s’impose d’autant plus que les schuoniens continuent encore aujourd’hui de propager leur présentation déformée des choses.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-a) Lecteurs de Guénon orgueilleux ? Ou orgueil d’une infaillibilité individuelle ?</h3>
<br />
Ainsi, dans le hors série spécial Schuon (juillet-octobre 1999) de la revue <i>Connaissance des religions</i>, élaboré à l’occasion de la mort de Schuon, on lit dans <i>Approche biographique</i> (article de Jean-Baptiste Aymard), pp. 20-21 :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
[Guénon] suggérera dès lors à plusieurs de ses correspondants d’entrer en relation avec Schuon. Celui-ci, qui n’a que vingt huit ans, éprouvera cependant quelques difficultés avec les prétentions affichées de certains d’entre eux, tout imbus du discours guénonien sur l’élite intellectuelle… <span style="background-color: #93c47d;">« Il est en tout cas extrêmement difficile,</span> écrira-t-il plus tard à Jean-Pierre Laurant (3), <span style="background-color: #93c47d;">pour un jeune homme de juger, ou d’avoir l’air de juger, des hommes d’âge mûr, ou même des vieillards, qui sollicitent l’admission et qui, évidemment, se croient “qualifiés” ; les quelques refus ont valu au Moqaddem des difficultés interminables… »</span>.<br />
----<br />
3 – Lettre d’avril 1976 à Jean-Pierre Laurant, auteur de <i>Le sens caché dans l’œuvre de René Guénon</i>, L’Age d’Homme, 1975.</div>
<br />
Voici une belle inversion accusatoire, ce serait Guénon qui rendrait ses lecteurs <span style="background-color: #d9ead3;">« imbus du discours guénonien sur l’élite intellectuelle »</span>, d’après le jugement d’un Schuon ridicule d’arrogance, et invoquant jusqu’à l’obsession sa soi-disant infaillibilité pour imposer le silence à ses disciples, dès que ceux-ci exprimaient autre chose qu’un acquiescement aveugle à tout ce qui pouvait lui passer par la tête. Ce qui montre au passage une profonde incompréhension de la notion d’élite, qui est question de nature et non de posture caricaturale.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Ce qui semble également choquer nos amis, c’est la prétention de Schuon à <span style="background-color: #93c47d;">l’infaillibilité doctrinale qu’il détient en raison de sa fonction</span>.<br />
<br />
S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa nous a également développé ce point de vue, et il nous a dit que <span style="background-color: #93c47d;">son différend avec Pr<span style="color: blue;">éau</span> notamment, provenait de ce que ce dernier n’était pas pénétré de cette vérité</span>. Je suis incapable de discerner le bien fondé ou non de la chose ; si cela est exact il serait peut-être bon de le signaler à nos amis de Paris, pour dissiper tout malentendu à ce sujet.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 24 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
D’un autre côté, il y a cette question d’« infaillibilité » sur laquelle Sch<span style="color: blue;">uon</span> a peut-être tort de tant insister, et non pas seulement pour ne choquer personne, mais aussi parce que, si la chose est juste en principe, il est bien difficile, en fait, de délimiter exactement le domaine auquel elle doit s’appliquer, dès lors que toutes sortes de contingences interviennent… D’une façon générale, il semble que Sch<span style="color: blue;">uon</span> ait une tendance naturelle à être un peu trop « absolu » dans ses affirmations.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 9 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Quand All<span style="color: blue;">ar</span> est allé l’attendre à la gare pour la première fois, il lui a offert de porter sa valise ; Sch<span style="color: blue;">uon</span> lui a répondu : <span style="background-color: #93c47d;">« Non, merci, je ne suis jamais fatigué »</span> ; mais deux minutes après, il n’en pouvait plus. Une autre fois dans la pièce où ils travaillaient, All<span style="color: blue;">ar</span> lui dit : « vous n’avez pas froid ? » <span style="background-color: #93c47d;">Je n’ai jamais froid</span> lui répondit Sch<span style="color: blue;">uon</span> ; mais un quart d’heure après il mettait son pardessus. Pour aller à Lausanne, il voyageait la nuit ; je lui dis « Cela doit vous fatiguer ? » Même réponse que précédemment ; mais le soir quand il rentrait de tels voyages, il chancelait littéralement de fatigue pendant le rosaire. Quand il est venu la première fois en septembre, il nous avait dit que quatre heures de sommeil lui suffisaient <span style="background-color: #93c47d;">« on ne parle pas pour rien du sommeil du juste »</span> a-t-il ajouté. Pendant son séjour chez nous, ses nuits correspondaient à celles des simples profanes, c’est-à-dire étaient de 8 heures environ. Deux ou trois seulement il est monté à la zawiya vers 6 heures du matin. Au début de son travail au journal, il a dit que U<span style="color: blue;">rfer</span> était très content de lui car, il travaillait très vite et faisait en une heure ce que d’autres n’arrivaient pas à faire en moins de 3 heures. Le premier soir qu’il est arrivé, il m’a présenté une revue de langue étrangère, en me disant : <span style="background-color: #93c47d;">« Soit dit sans fausse modestie, mais dans cette revue il n’y a qu’un seul article qui soit bien : c’est le mien »</span> (1).<br />
<br />
Ce qui était fort possible ; mais tout cela s’accorde bien peu avec la modestie dont il s’est plusieurs fois réclamé et dont le contraste entre la théorie et la pratique, prête bien inutilement à la critique. Dans de telles conditions, le silence vaudrait beaucoup mieux.<br />
----<br />
1 - Tout ceci illustre bien la confiance un peu excessive que Sch<span style="color: blue;">uon</span> a de lui.<br />
<br />
Il est par ailleurs curieux de voir parmi ses livres, des textes sacrés arabes voisiner avec les ouvrages d’Oscar Wilde, (dont les mœurs ne le cédaient en rien, paraît-il, avec celles de Mgr Leadbeater dont vous avez parlé dans le <i>Théosophisme</i>) et « Die neue Zeit », revue de photographies « naturistes » de femmes. On objectera que Sch<span style="color: blue;">uon</span> dessine, et qu’il a besoin de « documents » (?) : il est un nu dont l’esthétique n’a rien de choquant, mais celui-là est vraiment d’un réalisme démoniaque. Je ne viens pas dire que Sch<span style="color: blue;">uon</span> en fasse ses livres de chevets, bien entendu, mais je vous avoue que les trois personnes qui ont été témoins de ces constatations ont plutôt été surprises de trouver ces ouvrages dans la bibliothèque de leur <i>moqaddem</i>. Une situation sociale et son mariage apaiseraient certainement cette sorte de crise par laquelle Sch<span style="color: blue;">uon</span> semble passer. En attendant, cela n’en a pas moins certaines répercussions perturbatrices pour l’ordre.<br />
<br />
Tous ces détails sembleraient justifier l’épithète de « vipère » que Sch<span style="color: blue;">uon</span> nous a décochée ; je suis le premier à reconnaître que tout cela est profondément humain et, considéré comme tel, « que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». Aller à bicyclette est également humain, mais cela Sch<span style="color: blue;">uon</span> a décliné l’offre qui lui était faite par Rag<span style="color: blue;">out</span>. Il m’en a donné la raison suivante : <span style="background-color: #93c47d;">« Aller à bicyclette ne s’accorde pas du tout avec la fonction de <i>moqaddem</i> »</span>. Il me semble que, se demander après cela, si la lecture d’O. Wilde ou de « Die neue Zeit », s’accorde mieux avec la fonction de <i>moqaddem</i>, cela n’est pas bien méchant.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 14 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Tout ce que vous m’apprenez est d’ailleurs bien extraordinaire et, je dois le dire, inattendu ; je vous en remercie, car vous avez bien raison de penser qu’il est nécessaire que je sois informé de ce qu’il en est, si peu agréable que ce puisse être. Moi qui avais compté sur la fonction de Sch<span style="color: blue;">uon</span> pour me soulager un peu, voilà que c’est tout juste le contraire qui se produit et qu’il n’y a là pour moi qu’une source de nouvelles préoccupations !<br />
[…]<br />
<br />
Pour ce qui est de ses imprudences, elles s’expliquent sans doute par sa trop grande confiance en lui-même, qui m’a inquiété depuis longtemps déjà…<br />
[…]<br />
<br />
Je me demande si, dans ma dernière lettre, je n’ai pas oublié de répondre à certaines choses ; si vous vous en apercevez, vous serez bien aimable de me les signaler de nouveau. Je ne suis pas comme Sch<span style="color: blue;">uon</span>, et j’avoue qu’il y a des moments où il m’arrive d’être vraiment fatigué…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 27 avril 1936.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-b) Une « infaillibilité » qui peine à faire illusion</h3>
<br />
Cette revendication d’une « infaillibilité » individuelle tiendra d’autant moins devant les disciples qui n’étaient pas totalement tombés sous son charme qu’elle a vite été mise à mal sur des points précis, comme celui de l’impeccabilité des prophètes.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Dermenghen a offert à S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa un exemplaire de sa <i>Vie de Mohammed</i>. À cette occasion, je voudrais vous demander ce qu’il faut penser en général des biographies de Mohammed.<br />
<br />
Dans toutes celles consultées, la vie de Mohammed semble plutôt décevante si on la compare à celle d’un soufi tel que Ibn Abbâd de Ronda, ou à celle de Ramakrishna, qui paraissent infiniment plus imprégnées de spiritualité. Quant on sait qu’au nom de Mohammed s’attache la réalisation de l’Homme universel et que les ordres initiatiques remontent jusqu’à lui par l’intermédiaire d’Ali, quand on lit que ses compagnons réalisèrent en quelques heures toutes les catégories de l’initiation, on s’étonne que rien de tout cela ne se reflète dans leur façon d’agir, qui ne semble pas en harmonie avec les réalisations à tous les degrés que comporte la « Grande Guerre Sainte ».<br />
<br />
En tous cas, je saisis difficilement pourquoi <span style="background-color: #93c47d;">nous devons considérer la vie de Mohammed comme étant <i>réellement sans péchés</i> uniquement parce que la valeur négative des péchés qu’il a effectivement commis fut largement dépassée par la valeur positive des « progrès spirituels » dont ils furent l’occasion.</span><br />
<br />
Cet argument qui a été présenté par S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, fait-il partie de la doctrine soufie ou s’agit-il simplement d’un point de vue particulier ? Toutes ces questions, qui, au premier abord, paraissent plutôt s’apparenter à des arguties pro domo, présentent-elles un réel intérêt métaphysique ?</div>
Louis Caudron à René Guénon, 4 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour votre question concernant la vie du Prophète, la conception la plus orthodoxe est que l’impeccabilité appartient réellement à <i>tous</i> les prophètes, de sorte que, si même il se trouve dans leurs actions quelque chose qui peut sembler choquant, cela même doit s’expliquer par des raisons qui dépassent le point de vue de l’humanité ordinaire (remarquez d’ailleurs que, à un degré moindre, cela s’applique aussi aux actions de tous ceux qui ont atteint un certain degré d’initiation). D’un autre côté, la mission d’un <i>rasûl</i>, par là même qu’elle s’adresse à tous les hommes indistinctement, implique une façon d’agir où n’apparaissent pas les réalisations d’ordre ésotérique (ce qui constitue d’ailleurs une sorte de sacrifice pour celui qui est revêtu de cette mission). C’est pourquoi certains disent aussi que ce qui serait le plus intéressant au point de vue initiatique, s’il était possible de le connaître exactement, c’est la période de la vie de Mohammed antérieure à la <i>risâlah</i> (et ceci s’applique également à la « vie cachée » du Christ par rapport à sa « vie publique » : ces deux expressions, en elles-mêmes, s’accordent du reste tout à fait avec ce que je viens de dire et l’indiquent presque explicitement). Il est d’ailleurs bien entendu que, comme vous le dites, les considérations historiques n’ont pas d’intérêt en elles-mêmes, mais seulement par ce qu’elles traduisent de certaines vérités doctrinales. – Enfin, on ne peut pas négliger, dans une tradition qui forme nécessairement un tout, ce qui ne concerne pas directement la réalisation métaphysique (et il y a de tels éléments dans la tradition hindoue comme dans les autres, puisqu’elle implique aussi, par exemple, une législation) ; il faut plutôt s’efforcer de le comprendre par rapport à cette réalisation, ce qui revient en somme à en rechercher le « sens intérieur ».</div>
René Guénon à Louis Caudron, 22 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Nourris, par vos ouvrages de métaphysique pure, nous nous serions complus à nous maintenir à ce niveau. Je ne dis pas, qu’au fond, ce ne soit pas le cas, mais la forme semble vraiment trop entachée d’exotérisme, ou du moins l’esprit qu’elle contient ne semble pas s’en dégager suffisamment De sorte que s’il n’y avait pas le rituel d’ordre initiatique auquel nous sommes astreints, nous aurions l’impression d’avoir quitté une église exotérique pour retomber dans une autre.<br />
<br />
Il est peut être très important de croire pour un musulman exotériste que <span style="background-color: #93c47d;">Mohammed est véritablement sans péché, tandis que le Christ, qui est un <i>avâtar</i>, a, à son actif, un péché d’ordre spirituel, parce qu’il a toléré d’être appelé Fils de Dieu et que par ailleurs sa mort sur la croix est une illusion</span> : je ne vois pas très bien ce que tout cela vient faire dans la perspective métaphysique. Car, de ce même point de vue, V<span style="color: blue;">asile</span> L<span style="color: blue;">ovinescu</span> a dit que c’était « une monstruosité » que de soutenir les deux dernières affirmations. Le calice d’amertume, dont parle le Christ, et sa mort sur la croix ont un sens alchimique très profond. Sans son affirmation d’identité au Principe, quelle valeur métaphysique auraient les Évangiles et que signifierait le <i>lâ ilaha ilallâh</i> ?<br />
<br />
Auriez-vous la bonté de bien vouloir jeter quelques lumières sur ces questions ?</div>
Louis Caudron à René Guénon, 19 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
J’ai répondu dans ma dernière lettre à la question concernant l’« impeccabilité » des prophètes ; vous aurez donc vu que la doctrine n’est pas précisément telle que Sch<span style="color: blue;">uon</span> l’a présentée, puisque cela s’applique à tous les prophètes sans exception.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 29 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Ce que vous me dites au sujet du Prophète (dans votre lettre du 22-3, dont je vous remercie) est tout à fait satisfaisant et compréhensible. Par contre, répondre que <span style="background-color: #93c47d;">« si le Prophète, <i>n’avait pas été retenu dans le monde par ses passions féminines</i>, il s’en serait allé vivre dans la méditation et la solitude »</span> ou que <span style="background-color: #93c47d;">« les fondateurs d’empires <i>ont besoin</i> de telles compensations »</span>, cela nous avait quelque peu décontenancés.<br />
<br />
Relativement à l’impeccabilité du Prophète, All<span style="color: blue;">ar</span> me fait remarquer qu’il n’a jamais lu dans les textes hindous qu’un être, si élevé soit-il, pouvait accomplir des actes n’entraînant aucune conséquence (<i>prârabdha</i>) et part conséquent de tels actes doivent être suivis de purifications propres à effacer les impressions perturbatrices. Or on pourrait dire que si le Prophète était impeccable en raison de sa fonction, les purifications étaient pour lui inutiles.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 2 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
L’impeccabilité peut, dans certains cas, être considérée comme attachée à une fonction plutôt qu’à un degré, mais cependant la remarque d’All<span style="color: blue;">ar</span> n’est pas exacte : il est évident que, pour le jîvan-mukta tout au moins, les actes ne peuvent entraîner aucune conséquence ; et, même à des degrés très inférieurs à celui-là, il en est de même des actes accomplis avec un parfait détachement ; voyez à ce sujet la Bhagavad-Gîtâ.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Dans cette même lettre je lui disais également : « J’aurais voulu encore attirer votre attention sur <i>certaines de vos affirmations</i> qui ne sont nullement essentielles au prestige de votre autorité, mais qui peuvent au contraire susciter certaines remarques inutiles ». L’une de ces affirmations était notamment : <span style="background-color: #93c47d;">« Il faut que l’on sache que je suis infaillible quand je parle au nom de la doctrine »</span>, ce qui ne l’empêchait pas de nous parler ensuite du <span style="background-color: #93c47d;">« péché spirituel du Christ »</span> alors que la doctrine orthodoxe dit que l’impeccabilité appartient effectivement à tous les prophètes. Forcément l’impression laissée par ces diverses contradictions était plutôt fâcheuse, ce qu’il eut été bien facile d’éviter en émettant cette affirmation d’une façon d’autant moins absolue que si, <span style="background-color: #fff2cc;">par rapport à la fonction, cette infaillibilité est juste en principe, il est bien difficile en fait de délimiter exactement le domaine auquel elle doit s’appliquer, dès lors que toutes sortes de contingences interviennent</span> ; telle est l’explication que vous m’avez donnée à l’époque et dont je lui ai fait part, mais sans résultat d’ailleurs.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 22 septembre 1950.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-c) Un « <i>sheikh</i> » ignorant</h3>
<br />
Mais quoi de plus étonnant, pour quelqu’un qui n’avait pas même la connaissance théorique nécessaire ?<br />
<br />
Étant ignorant, Schuon essayait de soutirer des informations à Guénon, tout en évitant de lui écrire directement.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Il m’a dit qu’<span style="background-color: #93c47d;">il devait vous écrire au moins une fois par mois, mais il veut vous écrire quelque chose de très complet, et n’en trouve pas le temps</span>. Et il m’a dit qu’<span style="background-color: #93c47d;">il se servirait de mon intermédiaire pour vous poser certaines questions, puisque j’étais en correspondance suivie avec vous</span>.<br />
<br />
C’est ainsi qu’il m’a prié de vous demander <span style="background-color: #93c47d;">pourquoi le musulman devait prier les yeux ouverts et ensuite quelle était la raison du chant dans les séances</span>. Je crois que vous avez dû traiter la question de la danse avec Sidi Ibrahim et que nous en aurons des échos par cette voie.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 12 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Le fait de prier les yeux ouverts me paraît s’expliquer très naturellement si l’on pense qu’il ne s’agit pas d’un rite dans lequel on doive s’isoler, tout au contraire (la nécessité même de l’orientation vers un centre commun l’indique suffisamment). – L’emploi du chant dans les séances (qui n’est d’ailleurs pas général) se rapporte en somme à l’utilisation du rythme sous ses différentes formes. – J’ai en effet déjà parlé à Sidi Ibrahim de la question des mouvements accompagnant le dhikr ; je dois dire que je n’aime guère ici l’emploi du mot « danse », à cause des confusions très profanes auxquelles il donne lieu inévitablement (du reste, en arabe, on ne dit jamais « raqs » en pareil cas).</div>
René Guénon à Louis Caudron, 23 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa me disait, qu’<span style="background-color: #93c47d;">à Mostaganem ou au Maroc, il avait appris juste l’essentiel, mais qu’il comptait bien sur vous pour apprendre le reste</span>. Je doute un peu qu’il vous écrive davantage, mais pour ce qui n’aura pas un caractère absolument particulier à sa fonction, je pense que son intention est d’utiliser nos rapports épistolaires ou ceux que vous avez avec S<span style="color: blue;">idi</span> Ibrahim.<br />
[…]<br />
<br />
S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa m’a prié de vous demander votre avis sur le fait suivant : un de leur membre du groupe des Études traditionnelles de Lausanne, Abdallah ben Rachid qui est wahabite, reproche aux soufis de se balancer pendant leurs incantations disant que le Prophète aurait recommandé de ne pas se balancer pour se distinguer des juifs.<br />
<br />
S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa demande également votre avis sur « l’armature métaphysique » de Warrain dont M. Rag<span style="color: blue;">out</span> lui a exalté la valeur.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 24 février 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour la question du « balancement », je ne sais pas si la tradition dont il s’agit est bien authentique, mais, en tout cas, il faudrait savoir à quoi elle s’applique au juste, et il est probable que ce doit être uniquement à la prière, car, pour tout le reste, personne ne paraît en tenir compte ; et d’ailleurs, en ce qui concerne le dhikr, le balancement a des raisons plus spéciales. Il faut beaucoup se méfier de toutes les opinions des Wahabites, qui ont un esprit en quelque sorte « protestant », et qui, du reste, sont des adversaires déclarés de tout ce qui est d’ordre ésotérique.<br />
<br />
Je ne connais pas l’« Armature métaphysique » de Warr<span style="color: blue;">ain</span>, mais seulement la « Synthèse concrète » et l’« Espace » ; il est probable que ce doit être du même genre, c’est-à-dire, en dépit du titre, beaucoup plus philosophique que réellement métaphysique (comme d’ailleurs Wronski lui-même, dont Warr<span style="color: blue;">ain</span> s’inspire surtout dans tout ce qu’il écrit).</div>
René Guénon à Louis Caudron, 9 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Pour en revenir à Meyer, voici un détail curieux, qui n’a probablement aucune importance. Meyer ayant questionné Sch<span style="color: blue;">uon</span> au sujet de la particularité de la vie d’Enoch, dont il recevait le nom, ce dernier dut faire appel aux connaissances d’All<span style="color: blue;">ar</span> pour pouvoir répondre !<br />
<br />
Si ce nom doit répondre à certaines caractéristiques de celui qui le reçoit, comment se fait-il que celui qui le donne puisse ignorer ce qu’il semblerait nécessaire d’être connu préalablement ?<br />
[…]<br />
<br />
Au cours d’une conversation, j’ai fait part à Sch<span style="color: blue;">uon</span> des bienfaits spirituels que je retirais de mes méditations basées sur l’enseignement doctrinal de vos livres. Je lui ai demandé si l’on trouverait l’équivalent dans l’enseignement islamique, il m’a répondu que <span style="background-color: #93c47d;">sous ce rapport il fallait toujours revenir à vos livres</span>.<br />
<br />
J’en ai profité pour ajouter que la perspective hindoue m’apparaissait plus clairement et plus complètement que la perspective islamique. Il m’a dit que <span style="background-color: #93c47d;">pour lui il en avait été de même. Quand on lui avait donné le Coran à méditer, il avait fini par le jeter dans un coin de sa cellule, le prenant pour un livre creux, dépourvu de tout intérêt métaphysique</span>. Par conséquent, il comprenait fort bien notre attitude. Il a dit : <span style="background-color: #93c47d;">« tant que je serai dans une telle situation, je ne pourrai rien faire pour l’ordre au point de vue doctrinal, mais par la suite, je montrerai les points communs des différentes perspectives »</span>.<br />
[…]<br />
<br />
Avant de partir je lui ai dit : « si vous avez des ennuis à Paris, je suis toujours prêt à vous rendre service si je le puis ». Après réflexion, il m’a répondu : <span style="background-color: #93c47d;">« non, je n’en aurai pas besoin »</span>. À All<span style="color: blue;">ar</span> qui était heureux de lui indiquer une adresse, il ne lui a même pas dit merci, pas plus que pour l’ami d’All<span style="color: blue;">ar</span> qui avait fait les démarches nécessaires. Quand il est parti de chez nous, il ne nous a pas davantage remerciés pour l’hospitalité qu’il avait reçue sous notre toit. À ma mère et à ma femme qui s’en étonnaient, j’ai dû sauver les apparences et leur dire que Sch<span style="color: blue;">uon</span> les remerciait bien de l’accueil qu’elles lui avaient réservé. En partant, tout à l’heure, Chab<span style="color: blue;">ot</span> que nous avions plutôt reçu au début avec une certaine réserve, nous a dit, très simplement, à All<span style="color: blue;">ar</span> et à moi : « Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi, pendant mon séjour à Amiens ».<br />
<br />
Sch<span style="color: blue;">uon</span> rien ; il sait pourtant que j’ai fait plus que je ne devais faire d’après les engagements de Rag<span style="color: blue;">out</span>. Cela n’a qu’une importance relative, pour nous qui sommes ses subordonnés au point de vue initiatique, mais il n’en sera pas de même pour ceux pour qui S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa ne sera que « Monsieur Schuon ». Que par ailleurs on mette moins en avant la politesse raffinée des arabes, à laquelle on se félicite de s’être frotté.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 2 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Voilà donc Sch<span style="color: blue;">uon</span> revenu à Paris ; il lui sera peut-être tout de même moins difficile d’y trouver une situation qu’ailleurs ; malheureusement, il est à craindre que sa négligence des choses extérieures ne lui fasse manquer des occasions, car je sais que cela est déjà arrivé plusieurs fois. C’est regrettable qu’il soit ainsi pour tout ; il est vrai que, d’après ce que m’a dit A. Muller, il semble qu’il y ait là beaucoup de la faute de sa mère… Tout de même, cette absence de remerciements en vous quittant me stupéfait ; cela n’a certes rien d’oriental ; ici, on aurait plutôt une tendance à exagérer dans le sens contraire. D’un autre côté, ce que sa préparation à son rôle a pu avoir d’insuffisant ou de trop rapide serait certainement moins grave s’il avait un peu moins de confiance en lui-même, et surtout s’il n’y avait pas chez lui cette sorte de volonté de ne pas tenir compte de tant de choses qui ont bien pourtant leur importance…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 avril 1936.<br />
<br />
Il tentait également de compenser ses connaissances manquantes par des sources douteuses :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Jenny me disait que les tendances de la tarîqah lui paraissaient trop sentimentales. À ce sujet je serais heureux d’entendre à nouveau S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, pour mieux apprécier la doctrine d’El Hallaj. Depuis que je lis l’<i>el Hallaj</i> de Massignon, j’y retrouve pas mal d’idées que Sch<span style="color: blue;">uon</span> nous avait exposées. Il est en effet possible que le principal de sa documentation provienne de cet ouvrage, si j’en juge par différents recoupements : quand il était ici, il avouait <span style="background-color: #93c47d;">ne pas être resté assez longtemps en pays islamiques pour y acquérir une connaissance suffisante</span>. J’ai ouï dire par ailleurs qu’il avait rompu toutes relations avec le Sheikh actuel de Mostaganem et ensuite, s’il vous écrit toujours aussi peu, il lui sera difficile de compléter, par votre intermédiaire, ce qui lui manque. Qu’il ait, en dehors de ses propres réalisations, d’autres sources d’information, c’est ce que j’ignore.<br />
<br />
Il se peut, d’ailleurs, que la doctrine d’El Hallaj soit une source excellente de progrès spirituels, mais le rôle de l’amour y est tellement prépondérant, du moins d’après Massignon, que cela semble encore s’éloigner de la pureté des données métaphysiques acquises antérieurement.<br />
<br />
En tout cas on comprend mieux la position de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa présentant <span style="background-color: #93c47d;">la piété comme étant le premier devoir de l’initié et recommandant de multiplier autant que possible 1<sup>o</sup> la prière, 2<sup>o</sup> les jeûnes, 3<sup>o</sup> les veilles</span>. Restent deux autres points qui n’étaient pas encore bien déterminés dans le programme de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, quand nous sommes passés à Bâle. La concentration y aurait-elle sa place qu’elle n’aurait en tout cas que le n<sup>o</sup> 4 ou 5.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 15 juin 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour la question d’El-Hallâj, jamais Sch<span style="color: blue;">uon</span> n’y a fait la moindre allusion en m’écrivant ; comme vous pouvez vous en douter, l’interprétation de Massignon est tout à fait sujette à caution, puisqu’il y a toujours chez lui l’arrière-pensée de ne voir partout que du « mysticisme » et des influences chrétiennes. Cependant, je dois dire aussi que, toute interprétation à part, je préférerais une autre forme à celle d’El-Hallâj, qui se prête plus facilement à ce genre de déformation ; c’est d’ailleurs l’imprudence ou la maladresse de ses expressions qui a été la cause de sa mort…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 juin 1937.<br />
<br />
Enfin, Schuon voulait rattacher le plus de gens possible, mais pour l’enseignement qui aurait dû suivre il ne fallait visiblement pas trop compter sur lui :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je sais bien que Sidi Aïssa n’écrit pas très volontiers, probablement à cause de ses occupations, car souvent je suis très longtemps aussi sans avoir aucune nouvelle de lui. Je vous avoue pourtant que je préférerais beaucoup que ce soit lui qui réponde aux questions que vous vous posez concernant la « réalisation », pour bien des raisons, et avant tout parce que c’est lui qui vous a reçu dans la tarîqah. Il est vraiment regrettable que vous vous trouviez ainsi isolé en quelque sorte, car il y a là bien des choses qu’il n’est guère possible de traiter de cette façon, du moins si on veut le faire avec quelque précision.</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 30 décembre 1936.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-d) Une opposition inavouée mais de plus en plus concrète</h3>
<br />
Les prétentions de Schuon, délirantes en soi et bien au-delà de ses capacités, se sont ainsi trouvées vite contrariées par leur confrontation à la réalité, ce qui a fait naître chez Schuon et ses disciples un ressentiment grandissant pour Guénon, qui s’exprime dans cette curieuse entrevue relatée par Caudron :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Il se peut qu’on objecte qu’une partie des difficultés ci-dessus exprimées puisse provenir d’un manque de contact étroit entre moi et S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, comme me le faisait observer Burck<span style="color: blue;">hardt</span> soulignant l’importance qu’il y avait pour le <i>murid</i> à maintenir un contact étroit avec le <i>moqaddem</i>, quelle que puisse être l’individualité du dit maître.<br />
<br />
Dans le but de favoriser une reprise de contact, que la correspondance n’avait pas réussi à faire, puisque lui ayant écrit il ne m’avait pas répondu, j’ai pris le train pour Bâle. Ayant tardivement prévenu S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa de mon arrivée, celui-ci n’a pu changer son programme hebdomadaire, et je l’ai donc vu dans les conditions de visibilité habituelle pour les Bâlois, c’est-à-dire au buffet de la gare, entre deux trains, via Lausanne.<br />
<br />
Si l’on était tenté de s’étonner de ce lieu habituel de rendez-vous (je m’en rapporte à ce qu’on m’a dit, ce que j’ai d’ailleurs constaté pour cette fois où j’y suis allé) je dirais que les <i>foqaras </i>de Bâle ont en permanence S<span style="color: blue;">idi</span> Ibr<span style="color: blue;">ahim</span> [Burckhardt] avec eux et vont chaque semaine à Mulhouse, à tour de rôle.<br />
<br />
Bref comme j’avais vu S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa 15 à 20 minutes, en compagnie d’ailleurs des autres membres de la <i>tarîqah</i>, il a bien voulu s’arrêter à Bâle le lendemain à son retour de Lausanne. Je l’ai donc revu de 22h30 à 0h30, encore en compagnie d’autres <i>foqaras</i>. La première question qu’il m’a posée, a été : <span style="background-color: #93c47d;">« Admettez-vous qu’il puisse exister une opposition de forme dans l’enseignement de deux maîtres ? »</span> J’ai tout de suite compris ce à quoi il voulait faire allusion. Une conversation ultérieure avec Mey<span style="color: blue;">er</span> m’a confirmé que je ne m’étais pas trompé. Ce qui l’indispose à mon égard, c’est qu’il croit que je n’ajouterai foi à ses paroles qu’après les avoir soumises à votre appréciation, ou, d’une façon générale, qu’il n’y a que vous qui, pour moi, soyez infaillible et susceptible de communiquer la Connaissance par excellence.<br />
<br />
Je lui ai répondu qu’une question de forme n’avait aucune importance, que cela ne correspondait qu’à la simple différence de « voie » qui est propre à chacun, donc différente d’un individu à un autre : le maître a sa voie, le disciple a la sienne.<br />
<br />
Ce à quoi il a immédiatement répondu : <span style="background-color: #93c47d;">« Si le disciple a une voie différente de celle du maître, ce maître ne peut pas être son maître et lui-même est alors capable de devenir un maître »</span> (<i>sic</i>).<br />
<br />
Ni l’heure, ni la présence d’autres membres ne m’ont permis de mettre au point cette question pourtant capitale en ce qui concerne mes (ou nos) rapports ultérieurs avec S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa. Comme il faut savoir ce que S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa entend exiger de nous pour nous considérer comme ses <i>murids</i>, je lui ai écrit ces jours-ci, pour lui dire que je serais heureux de le revoir cet été à l’occasion des vacances, période favorable pour une plus longue entrevue. Il faut, comme dit All<span style="color: blue;">ar</span> que nous sortions de cette sorte de « renversement » dont S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa est l’auteur : <span style="background-color: #93c47d;">d’abord « initier et ensuite signifier à quoi cela engage vis-à-vis de lui »</span>.<br />
<br />
Cl<span style="color: blue;">avelle</span> convenait qu’il ne tenait pas suffisamment compte de la situation de ceux qui étaient en rapport avec vous avant leur rattachement. Pourtant avant de conclure d’une façon aussi positive qu’Allar <span style="background-color: #fce5cd;">« … Sch<span style="color: blue;">uon</span> a jugé opportun, en fait d’estime et de confiance, d’accorder le minimum à ceux qui suivent R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> et se dévouent depuis des années, et le maximum à quiconque se présentait sans cette “tare” ; il lui incombe d’assumer les responsabilités d’une telle attitude et d’envisager ses conséquences sans étonnement »</span>. Avant de conclure ainsi, dis-je, je désire retourner à Bâle, espérant que ni l’un ni l’autre, nous ne reconnaîtrons réciproquement l’individualité que nous étions il y a 18 mois ou un an. Je n’entends pas par là faire entrer en ligne de compte l’individualité de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa pour apprécier la valeur de sa fonction, j’en parle seulement en tant que celle-là influe d’une façon particulière sur les directives de celle-ci.<br />
<br />
La situation des Suisses, hebdomadairement pétris dans l’ambiance de S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa, n’est pas la même que la nôtre, plus imprégnée de votre influence par vos livres. On serait presque tenté d’évoquer à leur égard la parole de St-Paul et de dire : « Ce n’est plus eux qui vivent en eux, mais c’est S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa ». Si c’est là l’idéal vers lequel doit prendre chaque <i>murid</i>, je suis prêt à faire converger tous mes efforts dans ce sens ; mais on ne reconnaît plus bien en cela la voie de l’initié : voie active au cours de laquelle se réalise sa personnalité et non celle d’un autre.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 15 juin 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à ce qu’il [Allar] dit de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, je ne sais pas au juste ce qu’il faut en penser, mais ce que vous me dites d’autre part des propos tenus lors de votre dernier voyage semblerait le confirmer, sans compter que P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> m’a aussi communiqué récemment des lettres de lui contenant des réflexions assez bizarres ; on ne voit pas très clairement qui ou quoi elles veulent viser exactement, mais le rapprochement de tout cela est un peu inquiétant… Les dernières lettres de Sch<span style="color: blue;">uon</span> que j’ai reçues moi-même sont très brèves et ne disent en somme pas grand’chose ; il se plaint toujours du manque de temps libre. D’autre part, il se déclare très mécontent que Ch<span style="color: blue;">abot</span> soit venu ici sans lui en avoir demandé l’autorisation, ce que je trouve vraiment excessif.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 juin 1937.<br />
<br />
Ces impressions, si elles étaient inquiétantes à l’époque, ne permettaient pas exactement de prévoir ce que Schuon entendait faire. Et nous avons vu que les schuoniens étaient hypocrites et manipulateurs, démentant sans cesse leurs affirmations. Mais lorsque la crise finale a éclaté, Caudron a fait une récapitulation opportune :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Cette nouvelle opposition ne semble être que la continuation implacable de cette volonté séparatiste qui s’est toujours affirmée en toutes circonstances au cours de ces quinze dernières années et qui s’est révélée à moi dès l’origine de cette période, par ces paroles : <span style="background-color: #93c47d;">« R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> est une chose et moi j’en suis une autre »</span> ou, <span style="background-color: #93c47d;">« il faut que l’on sache que je suis infaillible »</span> en réponse à une mise en parallèle d’opinion avec la vôtre. Ces paroles : <span style="background-color: #93c47d;">« Il ne faut pas que les Français fassent bloc monolithique avec R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> »</span> sont une nouvelle recommandation du même genre en même temps qu’une invitation à se rappeler qu’il est <span style="background-color: #93c47d;">« difficile de servir deux maîtres à la fois »</span>, ou, selon l’apophtegme de Saint-Jean Climaque <span style="background-color: #93c47d;">« Un disciple qui contredit va à sa perte »</span>. C’est ce que semblerait avoir compris M<span style="color: blue;">ichel</span> V<span style="color: blue;">âlsan</span> par l’envoi de sa lettre à F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>. Je serais tout à fait d’accord avec lui sur l’opportunité de cet <span style="background-color: #9fc5e8;">« acte de contrition »</span> si celui-ci ne concernait que la confession et la repentance d’une mauvaise disposition en son cœur de disciple qui implore le pardon de son maître spirituel et sa réconciliation. Mais là, de quoi s’excuse-t-il en réalité ? <span style="background-color: #9fc5e8;">« D’être dans la situation d’un contradicteur »</span> à l’égard de celui qui est votre propre contradicteur et qui vous a attribué, sans que vous en ayez même été avisé au préalable, des intentions que vous n’avez jamais eues !</div>
Louis Caudron à René Guénon, 10 mai 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Qu’on ne dise pas que vous n’aimez pas répondre aux questions posées (il est vrai qu’on m’a dit cela à propos de celles sur lesquelles vous sentiez une divergence d’opinion) alors qu’à propos des indications ayant une portée générale, vous me disiez dans votre lettre du 17 avril 1935 : <span style="background-color: #fff2cc;">« <i>Je ne peux pas me refu</i>ser à les donner dans la mesure du possible ; mais encore faut-il d’abord <i>qu’on juge à propos de me les demander</i>… »</span>. Malheureusement pour notre tarîqah, le Sh<span style="color: blue;">eikh</span> avait dès cette époque déjà concrétisé sa position à votre égard par cette formule lapidaire : <span style="background-color: #93c47d;">« Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">bd el-</span>W<span style="color: blue;">âhid</span> est une chose et moi j’en suis une autre »</span>, signifiant par là qu’<span style="background-color: #93c47d;">en vertu de sa qualité de Sheikh el barakah il ne voulait pas être considéré comme votre « instrument » ainsi que certains l’auraient voulu</span> (1). […]<br />
----<br />
1 – C’est ce que m’a répondu le Sh<span style="color: blue;">eikh</span> lorsque m’ayant demandé <span style="background-color: #93c47d;">si je le tenais pour responsable des difficultés présentes</span>, ce qui laisse bien deviner de quel côté vient, pour lui, l’origine de cette responsabilité, je lui ai dit que pour essayer de comprendre cette origine il serait bon de se reporter une quinzaine d’années en arrière et faire mention des paroles suivantes qu’il avait textuellement prononcées à Amiens : <span style="background-color: #93c47d;">« Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">bd el-</span>W<span style="color: blue;">âhid</span> est une chose… »</span>, adoptant ainsi, dès cette époque, et à votre égard, une attitude « séparatiste » qu’il n’avait jamais manqué de renforcer en soulignant toutes les divergences d’opinion qui pouvaient surgir sur les moindres points, et qu’il eût été préférable de passer sous silence ; c’est peut-être à cause de cette remarque que le Sh<span style="color: blue;">eikh</span> n’est pas content après moi selon A<span style="color: blue;">bu</span> B<span style="color: blue;">akr</span> ? Pour moi la « scission » à laquelle nous venons d’aboutir a été virtuellement décrétée il y a 15 ans par le Sh<span style="color: blue;">eikh</span> lui-même en proférant ces paroles.
</div>
Louis Caudron à René Guénon, 22 septembre 1950 (lettre jointe à celle du 29 septembre 1950).<br />
<br />
Ce qui est problématique, ce n’est pas tant le fait de servir deux maîtres authentiques, c’est plutôt de servir à la fois un maître et un imposteur.<br />
<br />
Les choses n’auraient pas été si graves si Schuon en était resté à une « volonté séparatiste », mais derrière leurs apparences de « club des amis de la tradition », lui et ses disciples étaient en réalité hostiles à Guénon et à son activité.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-e) La disparition de Guénon : le couronnement de Schuon</h3>
<br />
Très tôt, les schuoniens ont été indisposés par les publications de Guénon dans le <i>Voile d’Isis</i> :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
L’ami Sch<span style="color: blue;">uon</span> a parfois des idées assez bizarres et des entêtements surprenants : je l’ai mis en garde plusieurs fois contre Mass<span style="color: blue;">ignon</span> et hier encore il me disait qu’il se déciderait peut-être <i>quand même</i> à entrer en relations avec lui ! Il paraît également tenir beaucoup à entrer dans l’association des « Amis de l’Orient » bien que vous ne soyez pas favorable à ce projet (je le lui avais d’ailleurs dit d’avance) et je me demande s’il ne finira pas par mettre son idée à exécution. Pour tout dire, il semble qu’il y ait chez lui quelques incompréhensions assez troublantes. Je m’excuse de ce jugement peut-être prétentieux, venant du profane que je suis, mais il reflète bien ma pensée. En voici d’autre exemples : il s’est étonné plusieurs fois de vos réponses à la R. I. S. S., à p<span style="color: blue;">aul</span> le c<span style="color: blue;">our</span>, etc. ; je lui en ai expliqué les raisons d’après ce que vous m’en avez dit vous-même, et malgré cela, il m’a répété à plusieurs reprises : <span style="background-color: #93c47d;">« moi, je n’aurai pas répondu à ceci ; je ne me serais pas occupé de cela, etc. »</span>. Cela ne m’étonnerait pas de la part d’Allar ou de G<span style="color: blue;">enty</span>, d’autant moins que j’ai eu moi-même autrefois cette prétention de juger ces sortes de choses, mais de la part de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, cela me stupéfie. D’autre part, <b>Sch<span style="color: blue;">uon</span> se plaint fréquemment de ce que vous consacrez trop d’articles à des questions comme celles de Dante, des Fidèles d’Amour, du Saint Graal, sous prétexte que ce qui a pu exister au moyen âge lui est indifférent et il regrette que l’on n’ait pas à la place du « Voile » une revue qui soit consacrée uniquement aux études métaphysiques</b>. J’avoue que ces sortes de remarques me sont pénibles et j’y vois – peut-être ai-je tort – la marque d’une sorte d’exclusivisme. Certes, il ne me viendrait jamais à l’idée de nier que vos travaux doctrinaux soient ce qu’il y a de plus important, mais vos études sur les sujets indiqués ci-dessus sont inappréciables pour moi et pour beaucoup d’Occidentaux. Sans elles, je ne vois pas comment je pourrais fournir un travail utile puisque je n’aurais pas les données essentielles des différents sujets qu’il me semble intéressant d’éclaircir. On oublie un peu trop, il me semble, que ce sont des Occidentaux que nous cherchons à intéresser. Je ne vous cache pas qu’après cela, je me sens fort peu enthousiaste <b>lorsqu’on reparle, comme cela est arrivé tout récemment, de fonder une revue destinée à remplacer le « Voile » et qui appartiendrait à des amis de Sch<span style="color: blue;">uon</span></b> et c’est sans aucun plaisir que je verrais une tentative de ce genre tant que le « Voile » ne nous aura pas échappé, ce qui n’est d’ailleurs pas à craindre pour l’instant. Bien entendu, je ne fais part à personne des réflexions qui précèdent. Sans doute, cette divergence de vues tient-elle au fait qu’étant malgré tout très occidental, je ne puis me désintéresser des applications qu’on peut tirer des principes traditionnels.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 26 mars 1934.
<br />
<br />
Ici, Clavelle dénonce avec raison l’hostilité de Schuon envers Guénon et ses publications, mais la raison qu’il invoque n’est pas la plus convaincante. Schuon et Clavelle s’opposent ici sur leurs préférences respectives, ce qui illustre la tendance courante qu’avaient les contemporains de Guénon à s’opposer par des excès contraires.<br />
<br />
Ce qui est incroyable ici, c’est que les schuoniens ne voient pas que lorsque Guénon parle du Graal ou des Fidèles d’Amour, il ne le fait pas comme un historien profane, mais il traite justement de métaphysique. On se demande s’ils l’ont seulement lu :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[…] que la <i>Divine Comédie</i>, dans son ensemble, puisse s’interpréter en plusieurs sens, c’est là une chose qui ne peut faire aucun doute, puisque nous avons à cet égard le témoignage même de son auteur, assurément mieux qualifié que tout autre pour nous renseigner sur ses propres intentions. La difficulté commence seulement lorsqu’il s’agit de déterminer ces différentes significations, surtout les plus élevées ou les plus profondes, et c’est là aussi que commencent naturellement les divergences de vues entre les commentateurs. Ceux-ci s’accordent généralement à reconnaître, sous le sens littéral du récit poétique, un sens philosophique, ou plutôt philosophico-théologique, et aussi un sens politique et social ; mais, avec le sens littéral lui-même, cela ne fait encore que trois, et Dante nous avertit d’en chercher quatre ; quel est donc le quatrième ? Pour nous, ce ne peut être qu’un sens proprement initiatique, métaphysique en son essence, et auquel se rattachent de multiples données qui, sans être toutes d’ordre purement métaphysique, présentent un caractère également ésotérique. C’est précisément en raison de ce caractère que ce sens profond a complètement échappé à la plupart des commentateurs ; et pourtant, si on l’ignore ou si on le méconnaît, les autres sens eux-mêmes ne peuvent être saisis que partiellement, parce qu’il est comme leur principe, en lequel se coordonne et s’unifie leur multiplicité.<br />
[…]<br />
<br />
La question, pour Aroux, s’est posée ainsi : Dante fut-il catholique ou albigeois ? Pour d’autres, elle semble plutôt se poser en ces termes : fut-il chrétien ou païen (1) ? Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il faille se placer à un tel point de vue, car l’ésotérisme véritable est tout autre chose que la religion extérieure, et, s’il a quelques rapports avec celle-ci, ce ne peut être qu’en tant qu’il trouve dans les formes religieuses un mode d’expression symbolique ; peu importe, d’ailleurs, que ces formes soient celles de telle ou telle religion, puisque ce dont il s’agit est l’unité doctrinale essentielle qui se dissimule derrière leur apparente diversité. C’est pourquoi les anciens initiés participaient indistinctement à tous les cultes extérieurs, suivant les coutumes établies dans les divers pays où ils se trouvaient ; et c’est aussi parce qu’il voyait cette unité fondamentale, et non par l’effet d’un « syncrétisme » superficiel, que Dante a employé indifféremment, selon les cas, un langage emprunté soit au christianisme, soit à l’antiquité gréco-romaine. La métaphysique pure n’est ni païenne ni chrétienne, elle est universelle ; les mystères antiques n’étaient pas du paganisme, mais ils se superposaient à celui-ci (2) ; et de même, au moyen âge, il y eut des organisations dont le caractère était initiatique et non religieux, mais qui prenaient leur base dans le catholicisme. Si Dante a appartenu à certaines de ces organisations, comme cela nous paraît incontestable, ce n’est donc point une raison pour le déclarer « hérétique » ; ceux qui pensent ainsi se font du moyen âge une idée fausse ou incomplète, ils n’en voient pour ainsi dire que l’extérieur, parce que, pour tout le reste, il n’est plus rien dans le monde moderne qui puisse leur servir de terme de comparaison.<br />
---- <br />
1 – Cf. Arturo Reghini, l’<i>Allegoria esoterica di Dante</i>, dans le <i>Nuovo Patto</i>, septembre-novembre 1921, pp. 541-548.<br />
2 – Nous devons même dire que nous préférerions un autre mot à celui de « paganisme », imposé par un long usage, mais qui ne fut, à l’origine, qu’un terme de mépris appliqué à la religion gréco-romaine lorsque celle-ci, au dernier degré de sa décadence, se trouva réduite à l’état de simple « superstition » populaire.</div>
<i>L’Ésotérisme de Dante</i>, ch. I.<br />
<br />
Les schuoniens pourraient rétorquer que Clavelle doit être cité avec précautions. C’est vrai, mais la lettre suivante, plus tardive, va beaucoup plus loin, et elle est appuyée par une lettre de Marco Pallis :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
Vous avez certainement gardé le souvenir de la lettre de Marco Pallis du 16 novembre 1946 dans laquelle ce dernier me conseillait d’arrêter la publication des Études Traditionnelles. Je vous ai donné copie de cette lettre qui nous avait étonnés l’un et l’autre, mais par souci de ne pas provoquer des difficultés, j’avais supprimé la phrase dans laquelle Pallis me disait être d’accord sur ce point avec F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> qu’il venait de visiter à Lausanne. Je vous remets ci-joint l’original de cette lettre.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 9 juillet 1949.<br />
<br />
(Remarquons au passage que Clavelle n’agissait pas toujours en défaveur de Schuon, ainsi on constate qu’il avait précédemment couvert Schuon, en omettant à Guénon le passage de la lettre de Marco Pallis l’incriminant.) <br />
<br />
<div style="background-color: #d9d2e9;">
[…]<br />
<br />
Il y a un autre point que je dois mentionner et j’espère que vous en comprendrez les raisons, sans vous faire de la peine sur ce compte-là. Je désire ne pas continuer mon abonnement aux Études Traditionnelles et Maurice Messinesi (de la même adresse) veut également terminer le sien. Nos raisons sont les suivantes : - Nous trouvons que cette publication, qui a été si utile pour nous tous auparavant, n’a plus de raison d’être dans les circonstances actuelles. Et l’expérience a démontré qu’il est presque impossible de trouver de quoi remplir des pages. On est forcé à dire et redire les mêmes choses qui, par excès de familiarité, risquent de perdre leur force et ainsi de défaire une partie du travail qui a été si bien fait dans le passé. On ne veut pas prendre l’habitude de penser à un écrit quelconque de M. Guénon comme « son article mensuel », comme dans le cas d’un journaliste écrivant dans une revue profane ordinaire. Il y a là un danger considérable, inséparable d’ailleurs de toute œuvre de vulgarisation, même celle qui est conduite avec les plus grands soins. <b>Il me semble qu’on doit franchement reconnaître qu’un travail comme les Études Traditionnelles est, par sa propre nature, temporaire</b>. Ainsi reconnu, ça a une grande valeur et une place légitime. Mais la première condition est de savoir que <b>le moment est arrivé pour « mourir à la manifestation »</b>. Sans cela l’idée de la tradition risque de devenir « un jeu » intellectuel, si on ose s’exprimer ainsi, et une indulgence qui ferait plutôt obstacle à la connaissance que support. De refouler le même terrain mois après mois présente de grands dangers de profanation. Les doctrines traditionnelles ne se prêtent pas à une discussion indéfinie, devant avoir lieu à telle date prédéterminée. La question d’occasion est fondamentale, correspondant, dans son ordre, à la question de compétence de la part des individus. <b>Ces avis, je crois que je les partage avec le Shaïkh Aïssa, que je viens de visiter à Lausanne, c.a.d. il m’a fait des remarques semblables</b>, mais j’avais déjà formé cette opinion auparavant. Personnellement je crois que <b>si les Études cessaient de paraître maintenant, tout en expliquant aux lecteurs les raisons profondes pour une mort volontaire, ce serait, traditionnellement, non une perte mais plutôt un couronnement</b> du travail précédent, pour lequel on restera toujours reconnaissant, surtout à vous-même qui, en grande partie, en avez été l’âme.<br />
<br />
Je reste sincèrement à vous.
</div>
Marco Pallis à Marcel Clavelle, 16 novembre 1946. <br />
<br />
Enfin, rappelons cet extrait (déjà cité dans la partie 2-d) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
En pensant à toutes ces histoires, je crois qu’il faudra faire très attention à tout ce que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> et les Suisses voudront faire passer dans les « É<span style="color: blue;">tudes</span> T<span style="color: blue;">raditionnelles</span> », car il se pourrait qu’ils glissent dans quelque article quelque chose qui serait dirigé contre nous, peut-être sous une forme plus ou moins déguisée. C’est déjà bien assez de ce qui est arrivé avec la fameuse note des « Mystères christiques », et il ne faudrait pas risquer de s’exposer à quelque nouvelle histoire de ce genre, et qui serait peut-être pire encore cette fois.</div>
René Guénon à Marcel Clavelle, 18 septembre 1950.<br />
<br />
Les schuoniens avaient ainsi en tête, depuis longtemps, de neutraliser Guénon, que ce soit en supprimant les <i>Études Traditionnelles</i> ou en se les accaparant. <br />
<br />
<br />
Cet acharnement pour tenter d’imposer une autorité aux dépens d’une autre est ridicule. Contrairement à Schuon, Guénon n’a jamais revendiqué une autorité quelconque, ce sont ses lecteurs qui la lui ont spontanément reconnue, par son exposition d’idées qu’il était le premier à dire qu’elles ne lui appartenaient pas. Il n’y a que Schuon qui manœuvrait, insidieusement mais avec insistance, pour s’accaparer la tradition, comme un enfant un peu retardé qui tenterait à toute force de faire rentrer l’océan dans son seau de plage, et qui, en dépit de ses postures grandiloquentes de grand sage victorieux, fulminait intérieurement de ne pas y parvenir.<br />
<br />
<br />
Partie suivante :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-3.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-3.html</a>
</div>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com11tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-33658090661920895142019-02-01T12:24:00.000+01:002019-03-18T20:45:35.777+01:00La fonction de Frithjof Schuon<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<h2>
1) Introduction</h2>
<h3>
1-a) Le « <i>sheikh</i> » naturiste<br />
1-b) Un mot creux : le pérennialisme<br />
1-c) Nécessité de laisser la parole à Guénon</h3>
<h2>
2) La fausseté de Schuon et de ses agents</h2>
<h3>
2-a) L’intérêt qu’avait Guénon pour la fonction de Schuon : une initiation orientale régulière et facile d’accès pour les éventuels européens qualifiés<br />
2-b) L’intérêt de Schuon pour sa propre fonction : le pouvoir, les femmes et l’argent<br />
2-c) L’isolement de Guénon par Schuon<br />
2-d) Schuon et ses disciples : des hypocrites et des manipulateurs<br />
2-e) Un projet de <i>tarîqah</i> qui débouche sur une secte à prétentions universalistes</h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">3) L’autoritarisme prétendant rivaliser avec l’autorité naturelle</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
3-a) Lecteurs de Guénon orgueilleux ? Ou orgueil d’une infaillibilité individuelle ?<br />
3-b) Une « infaillibilité » qui peine à faire illusion<br />
3-c) Un « <i>sheikh</i> » ignorant<br />
3-d) Une opposition inavouée mais de plus en plus concrète<br />
3-e) La disparition de Guénon : le couronnement de Schuon</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">4) L’ésotérisme haï et usurpé par le culte de Schuon</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
4-a) Divagations des schuoniens sur la Maçonnerie<br />
4-b) Le « Maître spirituel destiné à tout l’Occident »<br />
4-c) D’un désir de reconnaissance insatisfait aux <i>Mystères christiques</i><br />
4-d) Une mentalité en réalité surtout religieuse et anti-initiatique<br />
4-e) Propagande<br />
4-f) L’héritage de la <i>zaouïa</i> de Mostaganem</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">5) Une transmission invalide</span></h2>
<h3>
<span style="color: #cccccc;">
5-a) Les références anti-traditionnelles des schuoniens<br />
5-b) Un document par nature explicite<br />
5-c) Exemples d’<i>ijâzah</i> de véritables <i>moqaddems</i><br />
5-d) L’« <i>ijâzah</i> » de Schuon : un mandat réduit à l’exotérisme<br />
5-e) Un document conforme aux tendances de la <i>zaouïa</i> dégénérée de Mostaganem<br />
5-f) Schuon et les gens de Mostaganem ont menti à Guénon<br />
5-g) Défense maladroite de Schuon par un valsanien<br />
5-h) L’initiation donnée par Schuon est irrégulière</span></h3>
<h2>
<span style="color: #cccccc;">
Conclusion</span></h2>
</div>
<br />
<br />
<br />
<h2>
1) Introduction</h2>
<br />
Cela vaut-il la peine d’aborder le cas de Frithjof Schuon ? On peut avoir une certaine répugnance à le faire, tant le comportement du personnage est dégoûtant, mesquin, ridicule. Mais s’il ne mérite pas d’intérêt en lui-même, l’image d’autorité traditionnelle qui lui est trop souvent prêtée attribue ses propres souillures à la tradition, et il faut dénoncer cette calomnie infâme.<br />
<br />
<br />
<h3>
1-a) Le « <i>sheikh</i> » naturiste</h3>
<br />
Le plus rapide et le plus direct pour se rendre compte de la dissonance, ce sont les photos de nu sordides de Schuon, par lesquelles il prétendait revivifier la tradition des Indiens d’Amérique, la posture fière, le regard grave, juste vêtu d’un casque à cornes ou de plumes de dindon (et à cela s’ajoutent ses tableaux « spirituels » de femmes et d’enfants nus). C’est un de ces signes parodiques, que Guénon cite même comme exemple parmi d’autres qui trahissent le caractère falsifié de l’esprit moderne :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[…] comme qui dit contrefaçon dit par là même parodie, car ce sont là presque des synonymes, il y a invariablement, dans toutes les choses de ce genre, un élément grotesque qui peut être plus ou moins apparent, mais qui, en tout cas, ne devrait pas échapper à des observateurs tant soit peu perspicaces, si toutefois les « suggestions » qu’ils subissent inconsciemment n’abolissaient à cet égard leur perspicacité naturelle. C’est là le côté par lequel le mensonge, si habile qu’il soit, ne peut faire autrement que de se trahir ; et, bien entendu, cela aussi est une « marque » d’origine, inséparable de la contrefaçon elle-même, et qui doit normalement permettre de la reconnaître comme telle. Si l’on voulait citer ici des exemples pris parmi les manifestations diverses de l’esprit moderne, on n’aurait assurément que l’embarras du choix, […] jusqu’aux extravagances d’un soi-disant « naturisme » qui, en dépit de son nom, n’est pas moins artificiel, pour ne pas dire « anti-naturel », que les inutiles complications de l’existence contre lesquelles il a la prétention de réagir par une dérisoire comédie, dont le véritable propos est d’ailleurs de faire croire que l’« état de nature » se confond avec l’animalité ; […] n’est-il pas incroyable que ceux qui en sentent, nous ne dirons pas le danger, mais simplement le ridicule, soient si rares qu’ils représentent de véritables exceptions ? […]</div>
<i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i>, ch. XXIX.<br />
<br />
Mais dans le cas présent c’est encore pire, Guénon ne parlant là que du naturisme en vogue chez les Allemands modernes, sans prétention traditionnelle particulière. Schuon entendait impliquer dans ses spectacles la tradition des Indiens d’Amérique, la tradition chrétienne, et la tradition islamique dont il se prétendait <i>sheikh</i>.<br />
<br />
On pourrait peut-être penser que c’est juste la manifestation d’une maladie neurodégénérative dont Schuon aurait été atteint dans son grand âge, mais d’après le témoignage de Michel Vâlsan, qui a été formé dans la <i>tarîqah</i> de Schuon, des spectacles analogues étaient déjà des pratiques courantes en 1950 :<br />
<div style="background-color: #9fc5e8;">
Préoccupé d’adapter la forme de la tarîqah aux conditions de la vie en Occident vous en avez donné une forme personnelle mais sensiblement extérieure. Suivant une de vos doctrines, les fuqarâ européens, du fait qu’ils vivent au milieu des laideurs du monde moderne, doivent « aimer le beau » et « cultiver la beauté des formes ». De cela est résulté dans notre milieu, une préoccupation, constante et officielle, d’ordre esthétique et décoratif, qui prit une importance d’œuvre méritoire et un critère traditionnel. On s’occupe ainsi beaucoup de costumes orientaux, de toutes sortes de parures (pas seulement islamiques !) ; de tapis, de meubles, coussins, lampes, armes et autres objets (il y en a qui ont de véritables collections de ces choses). Corrélativement on s’occupe beaucoup de la mise en scène de tout cela. Un soin spécial est accordé à la documentation artistique et photographique, et surtout à la photographie du Sheikh en différentes positions et tenues, ainsi que des fuqarâ ; on en a ainsi même en tenue « hindoue », c’est à dire le torse et les jambes nues, et on se demande pourquoi il est nécessaire de se faire photographier ainsi, même s’il arrivait que l’on ait le goût de se promener chez soi dans une telle tenue !</div>
Michel Vâlsan à Frithjof Schuon, novembre 1950 (lettre où il précise la création de sa branche indépendante).<br />
<br />
Cet aspect grotesque saute ici aux yeux, mais lorsqu’on s’en est rendu compte les occasions ne manquent pas pour le constater.<br />
<br />
<br />
<h3>
1-b) Un mot creux : le pérennialisme</h3>
<br />
C’est la tradition véritable qui pâtit d’être assimilée à cette parodie. Plus particulièrement, Guénon et son œuvre sont fréquemment associés à Schuon et ses disciples. On prétend les regrouper au sein d’une sorte de club, d’une farandole de « grands hommes », sous l’étiquette insensée d’« école pérennialiste ». Le seul point commun de ce groupement hétéroclite de gens, si on met Guénon à part, est en réalité de s’inspirer plus ou moins directement… de l’œuvre de Guénon, sans aucun soucis d’ailleurs de distinguer ceux qui s’inspirent sincèrement de son esprit et ceux qui s’en servent pour leur propre renommée. Celui-ci a d’ailleurs toujours refusé de faire partie d’un quelconque mouvement :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
On nous signale l’abus qui est fait de notre nom, dans une intention de « contrefaçon » évidente, par des gens dont les idées sur la « tradition » et l’« initiation » n’ont certainement rien de commun avec celles qui sont exposées ici. Nous ne pouvons que protester énergiquement contre de semblables procédés, et redire une fois de plus, à cette occasion, que nous n’avons absolument aucun rapport avec quelque groupement que ce soit, et qu’il n’en est aucun que nous autorisions à se recommander de nous à un titre quelconque.</div>
<i>Études Traditionnelles</i>, mai 1937, comptes rendus de revues, P.-S.<br />
<br />
La confusion provient de Schuon et de ses disciples. Le désaveu de Guénon à son égard est connu (bien qu’il soit minimisé et même parfois nié, car tactiquement il est toujours intéressant pour eux de continuer à bénéficier de l’aura de Guénon), mais ce qui est moins connu c’est que le mal était en réalité bien plus profond qu’une simple brouille.<br />
<br />
<br />
<h3>
1-c) Nécessité de laisser la parole à Guénon</h3>
<br />
Le problème est que ceux qui présentent les rapports de Schuon avec Guénon sont soit des adversaires déclarés de Guénon, et ils entendent ainsi le salir en l’associant à Schuon, soit des partisans plus ou moins avoués de Schuon, qui comme lui doivent tout à Guénon et n’ont jamais cessé de tenter de se l’approprier. Le seul dont on ne connaît jamais le point de vue, c’est… Guénon lui-même.<br />
<br />
Comme toujours, il faut lire directement Guénon plutôt que de faire confiance à ses interprètes. C’est pourquoi nous nous appuyons ici sur ses écrits, et parfois aussi sur ceux de ses correspondants pour préciser des éléments de contexte, notamment Louis Caudron, un membre de la <i>tarîqah</i> qui a longtemps fait l’intermédiaire entre Guénon et Schuon, et qui était un témoin direct des faits, y compris de faits que Schuon entendait dissimuler à Guénon.<br />
<br />
<br />
<br />
<h2>
2) La fausseté de Schuon et de ses agents</h2>
<br />
Tout d’abord, contrairement à ce que laissent entendre les pérennialistes, Guénon ne portait pas d’intérêt à Schuon en tant que « grand homme », ce dont il se fichait bien, mais en tant qu’il détenait une fonction.<br />
<br />
<br />
<h3>
2-a) L’intérêt qu’avait Guénon pour la fonction de Schuon : une initiation orientale régulière et facile d’accès pour les éventuels européens qualifiés</h3>
<br />
Après que Guénon ait expliqué que l’initiation nécessitait un rattachement régulier (dans <i>Des conditions de l’initiation</i>, <i>Études Traditionnelles</i>, octobre 1932), des lecteurs lui ont écrit pour lui demander où ils pouvaient trouver un tel rattachement, ce qui était difficile, notamment pour une initiation orientale en Europe. Voici la réponse qu’il a faite à Caudron :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour ce qui est de votre idée de rattachement à un centre traditionnel, vous avez bien raison de penser ne pas pouvoir tirer grand profit de ce qui reste encore d’organisations initiatiques en Occident (je ne parle pas, bien entendu, de tout ce qui n’est que « pseudo-initiatique »). D’autre part, le rattachement serait certainement beaucoup plus facile avec un centre islamique qu’avec un centre hindou ; à vrai dire, ce dernier ne serait même à envisager comme possible qu’au cas où vous iriez de vous-même séjourner dans l’Inde, et encore ne serait-il pas sans difficultés. Quant au soufisme, la chose n’a rien d’impossible « a priori » quoique je ne sache pas trop, pour le moment, sous quelle forme elle pourrait se réaliser ; il va falloir que je repense un peu à cela…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 novembre 1934.<br />
<br />
Vers la même époque, il avait connu Schuon par écrit, qui lui avait fait bonne impression, et qui avait justement pu obtenir de lui-même un rattachement au <i>taçawwuf</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
F<span style="color: blue;">rithjof</span> Schuon est un jeune homme de 26 ans, d’origine allemande-alsacienne ; je ne l’ai jamais vu, mais il me paraît doué de façon assez particulière ; il m’est malheureusement impossible de vous raconter par lettre l’histoire de son voyage en Algérie et de la manière plutôt extraordinaire dont il a été « mené » chez le Cheikk Ahmed El Alaoui, qui vient de mourir… Sous son influence, un certain nombre de jeunes gens de ses amis, à Bâle et à Lausanne, se réunissent <b>pour étudier en commun, en se basant surtout sur mes ouvrages</b> ; ils paraissent tous très sérieux, certainement beaucoup plus que les Français de leur âge ; en France, les esprits sont vraiment par trop superficiels, à de bien rares exceptions près !</div>
René Guénon à Guido de Giorgio, 1<sup>er</sup> octobre 1934.<br />
<br />
(C’est nous qui soulignons en gras, ainsi que dans le reste de cet article.)<br />
On voit que Schuon prétendait alors se baser sur l’œuvre de Guénon.<br />
<br />
Ce dernier a reçu la nouvelle que Schuon était devenu <i>moqaddem</i> de la <i>tarîqah </i>Alawiyyah :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Cher Monsieur,<br />
<br />
J’avais bien reçu en effet votre carte de Fès, et votre lettre m’est arrivée à son tour il y a cinq ou six jours ; voyant sur l’enveloppe vos deux adresses de Bâles et de Mulhouse, je crois plus sûr de vous répondre à cette dernière.<br />
<br />
Ne me remerciez pas tant pour votre article, car ce que j’ai fait était tout naturel ; je viens de le relire dans le « Voile », et je le trouve décidément très bien.<br />
<br />
Toutes mes félicitations pour votre nouvelle dignité de moqaddem ; j’avais déjà appris cela par Pr<span style="color: blue;">éau</span>, bien que notre correspondance ait été un peu irrégulière tous ces temps-ci du fait de ses déplacements en Allemagne ; je pense que maintenant il doit être enfin rentré à Paris depuis une semaine environ.<br />
<br />
Ce que vous me dites par ailleurs n’est malheureusement pas très satisfaisant à divers points de vue ; je n’en suis du reste pas trop étonné… Pour les confusions dont vous parlez, c’est un peu la même chose partout aujourd’hui ; ici, l’influence déplorable de la politique est certainement moins marquée, mais il y a aussi cette fâcheuse tendance à recruter le plus de gens possible et à se féliciter de cette extension ; encore cela n’aurait-il peut-être pas de si graves inconvénients si du moins on observait une hiérarchie de degrés, mais, en fait, il n’en est rien. Je pense que, <b>dans ces conditions, le mieux est de prendre en considération seulement l’essentiel, c’est-à-dire la transmission initiatique, et ne pas trop se préoccuper du reste</b> ; encore faut-il pouvoir s’arranger de façon à n’en être pas gêné… J’ai reçu le journal en même temps que votre lettre, et j’ai pris connaissance de l’article en question ; à quoi peut bien tendre toute cette histoire ? Cela est assurément plutôt désagréable ; et, pour ce projet de journal en français, je n’en vois pas bien la raison : à qui serait-il donc destiné ? Pour ce qui est d’une « société de Français musulmans », je crois que vous feriez bien de vous abstenir, car il est plus que probable que se trouveraient là des éléments fort peu intéressants en général ; vous pouvez d’ailleurs faire valoir que l’Islam n’admet point ces distinctions d’origine ou de nationalité. <b>Pour le reste, vous ferez bien de vous en tenir toujours fermement à la distinction fondamentale des deux points de vue religieux et initiatique, et à préciser nettement au besoin que, en ce qui vous concerne, vous entendez vous consacrer entièrement au second ; on ne peut trouver à redire à ce que chacun s’en tienne à un domaine déterminé…</b> Évidemment, tout cela tient aux conditions de notre époque, et le plus triste est que cela ne peut guère aller qu’en s’aggravant encore ! […]</div>
René Guénon à Frithjof Schuon, 17 avril 1935.<br />
<br />
Guénon était enthousiaste, car une initiation islamique régulière était alors disponible en Europe même. Ceci répondait aux demandes de ses lecteurs, désireux d’entreprendre ce qu’il proposait dans ses livres. Il a donc pu informer de la nouvelle opportunité ceux qui le sollicitaient, tels que Vasile Lovinescu :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
En vue d’une initiation hindoue ou islamique, il est évident qu’une certaine connaissance du sanscrit ou de l’arabe est nécessaire ; il ne s’agit pas d’une connaissance spécialement « linguistique » et grammaticale, car ce n’est pas là ce qui importe au fond, mais d’une connaissance donnant la possibilité de <i>comprendre</i>, d’abord parce que la langue propre à une tradition est réellement une base dont la forme même de cette tradition et inséparable, et aussi parce que, dans tous les pays orientaux, les gens qui possèdent de véritables connaissances traditionnelles ignorent généralement les langues occidentales. – Je dois dire qu’une initiation islamique est, d’une façon générale, plus facile à obtenir qu’une initiation hindoue ; il n’est même pas impossible que cela se fasse sans quitter l’Europe…</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 29 septembre 1935.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
C’est bien au groupe de M. Schuon que je pensais en vous parlant de la possibilité d’obtenir une initiation islamique en Europe même ; <b>l’essentiel, pour commencer, c’est le rattachement par lequel est transmise l’influence spirituelle ; le reste ne vient qu’ensuite…</b> Du reste, je parlerai de la question, en ce qui vous concerne, à M. Schuon dès que j’en aurai l’occasion ; je ne peux pas le faire en ce moment, car il doit changer d’adresse et je ne sais pas encore où il faudra que je lui écrive maintenant ; mais vous pouvez être sûr que je n’oublierai pas. – Cette possibilité me paraît être présentement la seule, de ce côté, dans un cas comme le vôtre, car, de toute autre façon, il faudrait que vous commenciez par apprendre l’arabe suffisamment pour pouvoir communiquer avec des gens qui ne connaissent aucune autre langue. De plus, dans l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie et Tunisie), la chose serait à peu près impossible actuellement, les autorités françaises étant méfiantes et tracassières à l’extrême. Ici, ce n’est pas la même chose, mais il y aurait des difficultés d’un autre genre : du fait de la situation économique, on ne laisse entrer que les personnes qui peuvent montrer une certaine somme (je ne sais d’ailleurs pas combien), et, même dans ce cas, on ne donne le permis de séjour que pour un mois seulement ; dans ces conditions, et surtout pour quelqu’un qui ne sait pas déjà la langue, il est évident que ce voyage ne représenterait qu’une dépense inutile et qu’il n’y aurait aucun résultat sérieux à en attendre. Vous avez bien fait de me poser nettement cette question, puisqu’elle est de celles auxquelles il est possible de donner une réponse tout à fait précise.</div>
René Guénon à Vasile Lovinescu, 14 octobre 1935.<br />
<br />
Assez vite, les lacunes de Schuon pour tenir son rôle ont été remontées à Guénon, mais on remarque, ici comme ailleurs, son insistance sur le fait que l’essentiel est la transmission initiatique, c’est-à-dire ce que permet la fonction de <i>moqaddem</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Maintenant, pour ce qui semble vous causer une certaine gêne, il faut dire d’abord que naturellement une forme traditionnelle doit être prise comme un tout, l’exotérisme représentant un point d’appui nécessaire pour ne pas « perdre terre » ; et il est probable que, dans une organisation initiatique chrétienne du moyen âge, vous auriez eu à peu près la même impression que celle que vous avez actuellement. – D’un autre côté, comme je l’ai dit bien souvent, il ne faut pas oublier que <b>ce qui est l’essentiel, c’est le rattachement initiatique et la transmission de l’influence spirituelle</b> ; cela fait, chacun doit surtout travailler par lui-même, et de la façon qui lui convient le mieux, pour rendre effectif ce qui n’est encore que virtuel. Il va de soi qu’il vaudrait mieux avoir le choix entre une diversité de méthodes permettant à chacun d’être aidé aussi complètement qu’il se peut, mais malheureusement ce n’est pas le cas actuellement ; en tout cas, ce qui est destiné à être une aide ne doit jamais devenir un empêchement pour personne. J’ajoute que Sch<span style="color: blue;">uon</span> est très excusable de ne pas envisager peut-être suffisamment l’adaptation qu’il faudrait pour chacun, car il est évident que cela demande une expérience qu’il ne peut avoir encore ; et je vois d’ailleurs que vous comprenez cela très bien ; mais il est à craindre que d’autres ne le comprennent pas comme vous… Il faut pourtant espérer que tout cela s’arrangera peu à peu ; il faut bien penser qu’il s’agit en somme d’un « début », dans des conditions qui ne s’étaient encore jamais présentées jusqu’ici.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 29 mars 1936.<br />
<br />
On apprend plus précisément dans l’échange suivant comment Guénon voyait cette opportunité :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Il y a une question que je désirerais vous exposer aujourd’hui.<br />
<br />
Cette phrase de votre lettre : « Vous avez bien raison de penser qu’il est nécessaire que je sois informé (de toutes ces choses) », me servira d’entrée en matière.<br />
<br />
Voici pourquoi je pense ainsi :<br />
<br />
S’il s’agissait uniquement de satisfaire l’ambition initiatique de quelques individus, l’intérêt d’une telle possibilité n’aurait qu’une valeur tout à fait restreinte et ne serait pas suffisante pour justifier le soin avec lequel vous suivez cette affaire.<br />
<br />
Certains de vos livres avaient pour but de susciter, si possible, une rénovation initiatique en mode occidental : celle-ci devenant de plus en plus improbable, l’intérêt qui s’y trouvait attaché, se trouve naturellement reporté vers n’importe quel autre essai de reconstitution d’une élite, même si celle-ci ne devait pas être proprement de forme occidentale.<br />
<br />
Cette forme importe probablement peu pour constituer « pendant la période de trouble et de bouleversement, l’arche symbolique flottant sur les eaux du déluge ».<br />
<br />
S’il en est ainsi, l’initiative prise par Sch<span style="color: blue;">uon</span> ne peut pas vous laisser indifférent et c’est à cause de cela que j’ai tenu à vous mettre au courant, aussi scrupuleusement que possible, de ce qui se passait et que je collaborerai de mon mieux au maintien de l’ordre dans la « voie droite ». Il va sans dire que cela n’est pas exempt d’ennuis ; c’est pourquoi si la formation et le développement de l’ordre ne devaient pas avoir une portée dépassant le cadre de nos individualités, il n’y aurait aucune raison à ce que j’oriente le moindre intérêt en ce sens, mais que je le concentre au contraire tout entier sur mes propres réalisations.<br />
<br />
Sans doute pourrait-on dire que les deux points de vue peuvent s’exercer sans se gêner mutuellement. Cela est peut-être possible quand on a atteint un certain degré de réalisation, mais en ce qui me concerne je dois avouer que tout cela fut pour moi une véritable « distraction », passagère il est vrai, car depuis, le calme est revenu et la <i>barakah</i> recommence à se manifester. <i>Al-hamdu-li-Llâh wahdahu</i>.<br />
<br />
Je viens de vous exprimer ce que je pense à ce sujet, mais comme il ne s’agit là que d’une simple supposition de ma part, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me donner quelques indications à ce sujet.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 16 juin 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Sûrement, c’est la fonction de Sch<span style="color: blue;">uon</span> qui, comme vous le dites, donne de l’importance à tout cela, dont autrement il n’y aurait pas à se préoccuper. D’un autre côté, il est certainement regrettable qu’il n’ait pas pu acquérir tout d’abord plus d’expérience, ce qui aurait pu éviter bien des ennuis ; mais il faut bien tenir compte aussi de la difficulté des circonstances…<br />
[…]<br />
<br />
Pour la question du début de votre lettre, c’est bien ainsi en effet que j’envisage les choses, car la restauration initiatique en mode occidental me paraît bien improbable, et même de plus en plus comme vous le dites ; au fond, du reste, je n’y ai jamais beaucoup compté, mais naturellement je ne pouvais pas trop le montrer dans mes livres, ne serait-ce que pour ne pas sembler écarter « a priori » la possibilité la plus favorable. Pour y suppléer, il n’y a pas d’autre moyen que de recourir à une autre forme traditionnelle, et la forme islamique est la seule qui se prête à faire quelque chose en Europe même, ce qui réduit les difficultés au minimum. Une occasion se présentant, j’ai pensé tout de suite qu’il convenait de ne pas la laisser échapper, puisque cela pouvait présenter par là un intérêt d’ordre tout à fait général.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 27 juin 1936.<br />
<br />
Au passage, ce dernier extrait a souvent été agité hors de son contexte, pour prétendre que Guénon voulait convertir l’Europe à l’Islam, ce qui est évidemment faux, déjà d’une part parce qu’il est ici question d’une organisation initiatique, dont la présence ne devrait même pas se faire sentir dans le monde extérieur, et d’autre part parce que Guénon parle dans le contexte de son époque, où il n’y avait pas de nombreuses branches de différentes traditions orientales en Europe, ayant accompagné l’arrivée massive des populations correspondantes, comme c’est le cas aujourd’hui.<br />
<br />
Et côté occidental, Guénon a soutenu avec enthousiasme des initiatives ultérieures, telles que la constitution de la loge La Grande Triade :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Pour terminer sur une nouvelle plus agréable que tous ces racontars déplaisants, vous aurez peut-être déjà appris (cela date d’un mois environ) la constitution, sous les auspices de la G∴ L∴ D∴ F∴, de la L∴ La Grande Triade (vous pouvez naturellement voir tout de suite d’où vient ce titre), dont le Vén∴ fondateur est le F∴ Ivan Cerf, G∴ Or∴. Il s’agit d’une L∴ destinée à demeurer très fermée (une des conditions d’admission est une connaissance suffisante de mon œuvre) et où l’on se propose spécialement d’appliquer, dans toute la mesure du possible, les vues que j’ai exposées notamment dans les « Aperçus ». […] Vous pouvez penser si je suis heureux de ce résultat, qui me donne dès maintenant la certitude que le travail que j’ai fait et auquel j’ai consacré toute ma vie ne sera pas perdu !</div>
René Guénon à Edmond Gloton, 17 mai 1947.<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2013/07/correspondance-de-rene-guenon-edmon.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2013/07/correspondance-de-rene-guenon-edmon.html</a><br />
<br />
Ce qui montre, ici comme dans l’addendum de 1948 d’<i>Orient et Occident</i>, qu’aussi improbable que puisse paraître la restauration initiatique en mode occidental, il n’a en fait jamais fermé la porte.<br />
<br />
<br />
Concernant la fonction, malheureusement Schuon entendait l’employer pour des motifs bien différents de ceux que Guénon envisageait.<br />
<br />
<br />
<h3>
2-b) L’intérêt de Schuon pour sa propre fonction : le pouvoir, les femmes et l’argent</h3>
<br />
L’épisode relaté ci-dessous est emblématique des différences de priorités entre Guénon et Schuon, ainsi que de l’absence de considération du second pour le premier, et pour ses propres disciples. Il n’aurait aucune raison d’être mentionné ici s’il s’agissait d’un détail de la vie intime de Schuon, mais au contraire celui-ci y a impliqué toute sa <i>tarîqah</i>. Il se passe à peine un an après que Schuon soit revenu de Mostaganem avec sa fonction. Il était alors accueilli par le groupe d’Amiens dont Caudron s’occupait. Divers frais de Schuon étaient payés par ses disciples, et ils lui avaient trouvé un emploi sur place dans un journal.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Je ne me rappelle plus si, dans ma dernière lettre, je vous disais que S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa [Schuon] était parti voir sa fiancée à Lausanne, comme il l’avait fait, du reste, une dizaine de jour auparavant. L’ennuyeux cette fois ci, c’est que, depuis le 28 qu’il est parti, il ne nous a donné de ses nouvelles que seulement aujourd’hui, bien qu’il savait que l’on pouvait avoir besoin de lui d’un moment à l’autre, pour ce fameux journal qui finit par sortir en hebdomadaire en attendant de sortir en quotidien.<br />
<br />
Or, comme presque toujours en pareille circonstance, il n’était pas parti de trois jours, que l’on a mobilisé tous les collaborateurs du journal, et impossible de le toucher puisqu’il ne nous avait pas dit où lui adresser sa correspondance. Déjà mardi dernier, 3, le directeur avait dit à M. Rag<span style="color: blue;">out</span> : « si vous ne me l’amenez pas ce soir, j’en embauche un autre dès demain ».<br />
<br />
Dans sa lettre à M. Rag<span style="color: blue;">out</span> il dit qu’il est retourné à Lausanne à cause de la maladie de sa fiancée (qui a une angine) et qu’il passe son temps à faire des dessins, et un article pour le <i>Voile</i> ; quant à son retour il le fixe à mardi 10.<br />
<br />
Je lui ai envoyé une dépêche aussitôt en possession de son adresse : « Revenir immédiatement sinon place compromise ». Le directeur a, en effet, confié l’exécution des dessins que Sch<span style="color: blue;">uon</span> devait faire à un autre et il se peut que ce dernier, également à la recherche d’un emploi, fasse tout son possible pour garder cette place.<br />
<br />
Il y a vraiment là une inconséquence de sa part ; il sait qu’on va avoir besoin de lui et il reste parti ; il dit : en cas d’urgence vous m’enverrez une dépêche, et il ne songe à donner son adresse que huit jours après son départ !!!<br />
<br />
Passe encore s’il avait l’embarras du choix pour se caser, ou si la place ne lui convenait pas ; mais ce n’est ni l’un ni l’autre cas.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 6 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Ce qu’il y a de curieux par ailleurs, c’est que les voyages de Sch<span style="color: blue;">uon</span> ne semblent pas avoir d’autres motifs que celui de revoir sa fiancée, du moins, il n’en donne pas d’autre ; s’il s’agissait de nécessités initiatiques on en comprendrait mieux la nécessité. Je sais bien que son souci est très légitime ; je dois pourtant avouer qu’étant fiancé, je suis resté souvent plus d’un mois sans voir ma fiancée.<br />
<br />
Quand je pense à tous les sacrifices que mes parents ont dû faire pour arriver à se créer une petite situation, on est un peu surpris de la façon dont les modernes envisagent les choses. Ainsi le premier souci de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, aussitôt une place trouvée, sera de louer une gentille petite maison, pour offrir un intérieur confortable à sa femme, préférant (il me le dit textuellement) se restreindre sur la nourriture. Et les économies en cas de maladie ??? et l’insécurité toujours possible d’une place chez les autres en cas de crise ???<br />
<br />
Je vous parle de tout cela, ce n’est pas, à proprement parler, pour critiquer, car tout cela ne me regarde pas et chacun fait ce qui lui plaît, mais vraiment il me semble qu’avec de telles façons de voir, on risque beaucoup d’aller au devant des désillusions, et de ne pas faciliter les choses ; parfois la bonne volonté de vouloir les aplanir se sent désarmée. Je me demande même si en ce temps de désordre extrême nous pouvons espérer grand-chose, au point de vue du recrutement sur une échelle assez vaste, comme le voudrait Sch<span style="color: blue;">uon</span>. Je sais bien qu’au point de vue situation pour lui ça simplifierait peut-être la question, car ce qu’un seul ne peut pas faire le nombre le pourrait ; mais cela est un autre point de vue.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 7 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Je disais à S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa : « Burckhardt s’inquiète de savoir ce que vous devenez ». Il a répondu : <span style="background-color: #93c47d;">Ah oui, je n’écris jamais, et ils ont de mes nouvelles par… M. René Guénon</span>. Heureusement que vous ne les attendez pas de lui personnellement, car Burckhardt – ni vous-même – n’en auriez beaucoup… Il m’a dit en effet : <span style="background-color: #93c47d;">« M. René Guénon se plaint que je ne lui écrive pas »</span>. Je vais encore dire quelque chose qui ne me regarde pas, mais il me semble que le temps ne doit pas être mis en cause, actuellement j’en dispose de beaucoup moins que S<span style="color: blue;">idi</span> Aïssa ; depuis un mois qu’il est ici, il aurait certainement pu le faire. Comme excuse, il m’a dit qu’il voulait toujours vous envoyer quelque chose de très complet, et qu’alors il n’en trouvait pas le temps.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 8 mars 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
pour ce qui est des voyages de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, je ne comprends pas très bien non plus… De Bâle, on me dit aussi n’avoir de ses nouvelles que par moi ; je ne devine pas les raisons de ce silence ; et il est certain aussi qu’il pourrait bien m’écrire lui-même pour épargner un peu votre temps… C’est dire que je pense tout à fait comme vous sur tout cela ; et je vous remercie encore de me tenir si exactement au courant.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 22 mars 1936.<br />
<br />
Dans l’entrevue suivante relatée par Caudron, Schuon, qui ne manque pas de culot, réprimande ses disciples de façon détournée, pour la remise en question de son infaillibilité par Guénon, et surtout pour la fuite concernant l’histoire de sa « fiancée », qui n’aurait jamais dû arriver à la connaissance de Guénon :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
En descendant du train, Sch<span style="color: blue;">uon</span> est passé à notre magasin où il comptait trouver All<span style="color: blue;">ar</span> pour lui redemander la clef de sa chambre. (Il l’avait laissée à All<span style="color: blue;">ar</span> au cas où Jenny serait venu à Amiens ; il paraît que ce dernier est rentré à Bâle). All<span style="color: blue;">ar</span> était justement sorti ; en attendant son retour, nous avons causé.<br />
[…]<br />
<br />
Sch<span style="color: blue;">uon</span> a commencé par dire :<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
« il va falloir que je prenne des sanctions contre Rag<span style="color: blue;">out</span> (Acceptons d’abord, et soyons très sévère ensuite…) mais je ne sais pas comment. En tout cas il faudra que je reparle du secret initiatique auquel sont tenus les <i>fuqaras</i>. Il faudra même que je demande à M. R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> si, en raison des conditions dans lesquelles nous vivons, il ne serait pas bon d’exiger par un serment, l’engagement au silence, de la part du candidat, avant de l’admettre dans l’ordre.<br />
<br />
« D’autre part, si je n’écris pas à M. R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> c’est parce que je ne suis pas un “bureau de renseignements” et que je n’ai pas la mentalité d’un “concierge”.<br />
<br />
« Si je voulais, je pourrais écrire spontanément tout ce que j’entends, tout ce que je vois ; mais quand on écrit ainsi, sans un recul suffisant dans le temps, on ne voit pas les choses sous leur véritable jour et on dépasse toujours sa pensée. Moi, il me faut au moins six mois de réflexion avant de me prononcer sur un fait. »</div>
<br />
(Les nouvelles que vous recevrez par cette voie ne seront donc jamais très fraîches ; mais leur exactitude et leur pondération compenseront !)<br />
<br />
Un peu surpris, je lui demande ce à quoi il veut faire allusion.<br />
<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
« Je ne sais pas mais j’ai l’impression que certains ont la manie, dès qu’ils savent quelque chose, de se précipiter sur une feuille de papier et de l’envoyer à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span>. »</div>
<br />
À qui voulez-vous donc faire allusion ?<br />
<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
« Je ne sais pas, mais les parisiens ont l’esprit très concierge, et une fois j’ai dit à Cl<span style="color: blue;">avelle</span> que je ne partageais pas ses craintes sur le fait de ma présence à la rédaction d’un journal. Cela suffit pour qu’il ait pris aussitôt sa plume pour l’écrire à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span>. Je dis cela car dans la dernière lettre de R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> j’ai senti un changement de ton à mon égard. Il a donc fallu que quelqu’un aille bavarder sur mon compte. Comme je n’écris jamais à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> je ne me défends donc pas, et c’est moi qui ai tort. Si l’on se met à douter de tout ce que je dis et à aller demander à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> si c’est vrai, je ne pourrai plus rien dire. Si l’on n’a pas confiance en moi, l’avenir de l’ordre est compromis.<br />
<br />
« Parce que je suis <i>moqaddem</i>, on voudrait que je sois parfait ; mais je suis un homme comme les autres. Je suis modeste et timide et j’aimerais mieux rester tranquillement dans mon coin, plutôt que de servir de cible à toutes les critiques. Si l’on a quelque chose à me reprocher, qu’on me le dise, sans avoir besoin d’aller le dire à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span>.<br />
<br />
« D’abord du point de vue de l’ordre, on ne doit rien écrire à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> qui n’ait pas passé par mon contrôle. R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> n’appartient pas à notre ordre et on n’a pas le droit d’aller demander à un autre si ce que le <i>moqaddem</i> a dit était vrai. Qu’on le fasse, je n’y vois aucun inconvénient à condition que je le sache. »</div>
<br />
Comme vous le voyez, tout ceci dépasse le cadre d’une simple conversation avec Cl<span style="color: blue;">avelle</span> à propos du journal. Bien que Cl<span style="color: blue;">avelle</span> puisse continuer à mériter de la part de Sch<span style="color: blue;">uon</span> l’épithète de « concierge », il est bien certain également que dans l’esprit de Sch<span style="color: blue;">uon</span> il n’est pas le seul à la mériter. À Paris, s’il fait la même leçon à Cl<span style="color: blue;">avelle</span>, il commencera par dire : j’ai l’impression qu’à Amiens, Caud<span style="color: blue;">ron</span> a dû écrire à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span>, etc.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 2 avril 1936.<br />
<br />
Ce qui au passage ne l’empêche pas, dans la même lettre, d’essayer de se décharger de sa fonction sur Guénon :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
« Quand je vous ai présenté Rag<span style="color: blue;">out</span> j’étais persuadé que vous étiez en mesure d’apprécier le degré de sa qualification, maintenant que je sais qu’il n’en est pas ainsi, je puis vous demander quelle garantie peuvent vous donner des admissions aussi rapides, sans que vous ayez pu nous rendre compte, non seulement de l’aptitude, mais également de la continuité possible d’un candidat qui n’a même pas été soumis pendant un certain temps aux prescriptions de la <i>sharya</i> ? »<br />
<br />
<div style="background-color: #93c47d;">
« Oui, dorénavant, il faudra en effet se montrer plus sévère, et attendre que le candidat ait d’abord suivi les rites pendant plusieurs mois. On pourrait aussi n’accepter que sur recommandation de R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span>. »</div>
<br />
Là, nous retombons dans l’exagération, car je ne pense tout de même pas qu’on puisse nous demander d’entretenir une correspondance avec chaque candidat pour que vous puissiez vous rendre compte par vous-même de son aptitude.</div>
Louis Caudron à René Guénon, 2 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Cela dit pour ne pas l’oublier par la suite, je reviens à Sch<span style="color: blue;">uon</span> : il a bien dit aussi à Pr<span style="color: blue;">éau</span> qu’il allait m’écrire, mais je n’ai encore rien reçu jusqu’ici. En tout cas, la conversation que vous avez eue avec lui a tout de même remis un certain nombre de choses au point ; mais comment a-t-il bien pu s’imaginer que, si vous ou d’autres me tenez au courant de ce qui se passe, c’est pour le plaisir de raconter des histoires ? Et, s’il fallait à tout le monde 6 mois de réflexion avant d’écrire, je ne sais vraiment pas trop comment on ferait… Il faut espérer que cette explication l’amènera au moins à être plus prudent en ce qui concerne les admissions ; seulement, je pense qu’il n’ira pas jusqu’à me demander avis sur tous les candidats, d’autant plus que ce n’est pas précisément facile pour des gens qu’on n’a jamais vus et qu’on ne connaît que par correspondance. Il doit d’ailleurs être bien entendu que je ne veux absolument prendre la « direction » de quoi que ce soit, mais aussi que, quand il s’agit non de conseils individuels, mais d’indications ayant une portée générale, je ne peux pas me refuser à les donner dans la mesure du possible ; mais encore faut-il d’abord qu’on juge à propos de me les demander… – Enfin, il faut maintenant que j’attende ce que Schuon va m’écrire ; je vous en reparlerai donc une prochaine fois.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
La « clé » de cette « crise » gît dans les affaires pré-matrimoniales de Sch<span style="color: blue;">uon</span> ; je pensais que vous étiez au courant, c’est pourquoi je ne vous en ai pas parlé, en tous cas vous comprenez mieux maintenant le pourquoi des nombreux voyages de Sch<span style="color: blue;">uon</span> à Lausanne.<br />
<br />
L’avenir et le bien de l’ordre sont suspendus à la réalisation éventuelle de ce mariage. Sch<span style="color: blue;">uon</span> a dit en effet à P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> que <span style="background-color: #93c47d;">« si son mariage échouait, c’était l’effondrement de l’ordre et de tout ce qui a été fait jusqu’à présent »</span> ; P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> va vous en parler tout au long, car il y a encore là-dedans des histoires invraisemblables, qui dans un autre genre, rivalisent avec celles de Rag<span style="color: blue;">out</span>.<br />
<br />
De Oesch, (qui prend connaissance en premier des lettres que Sch<span style="color: blue;">uon</span> adresse à sa fiancée, et qui dicte, paraît-il, les réponses que celle-ci doit faire à Sch<span style="color: blue;">uon</span>) Sch<span style="color: blue;">uon</span> a dit, lui-même, qu’il était vis-à-vis de lui (Oesch) comme Milarépa l’était par rapport à Marpa ! Vous avez peut-être su en son temps, alors que Oesch n’était même pas encore musulman, Sch<span style="color: blue;">uon</span> voulait le faire assister à un <i>dhikr</i>, <i>afin de l’impressionner</i>, et ainsi <i>le décider</i> à demander son admission dans l’ordre ! (1)<br />
----<br />
1 – Sch<span style="color: blue;">uon</span> pensait arriver ainsi plus facilement à ses fins : son mariage ; mais cela n’a pas complètement tourné comme il le désirait […]<br />
<br />
Dans sa dernière conversation avec P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span>, Sch<span style="color: blue;">uon</span> lui a dit qu’on devrait le couvrir d’or, lui qui avait été chercher la <i>barakah</i> et l’apportait en quelque sorte à domicile… Il avait dit quelque chose d’analogue ici, en disant que s’il n’avait pas passé son temps à faire de la métaphysique et à aller chercher la <i>barakah</i>, il aurait à l’heure actuelle une situation sociale comme les autres.<br />
<br />
Enfin, P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> nous parlera de tout cela ; inutile de dire qu’il juge très sévèrement l’attitude de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, il dit même que si Sch<span style="color: blue;">uon</span> continue à persister dans sa manière d’être et d’envisager les choses, nous serons obligés de nous désolidariser de lui. Il estime que c’est l’un ou l’autre : ou Sch<span style="color: blue;">uon</span> reconnaît ses imprudences et ses errements sur certains points et consent alors à adopter un programme conforme à ce qu’il doit être, ou bien… là, la question est épineuse. En tous cas, si c’est pour augmenter le désordre, c’est inutile de continuer.<br />
<br />
Sch<span style="color: blue;">uon</span> dit que l’ordre passe par une crise ; mais où en est l’origine véritable ? Dans sa dernière conversation avec moi, il avait l’air d’en attribuer les causes à « Amiens » (1) et plus particulièrement à M. Rag<span style="color: blue;">out</span>. En ce qui concerne ce dernier, il ne faut tout de même pas en exagérer l’importance, quant à l’ordre en général ; jusqu’à présent tout s’est borné à des ennuis matériels, soit avec Sch<span style="color: blue;">uon</span>, soit avec moi. Quant à ses élucubrations doctrinales, le plus grand tort qu’il a pu faire, c’est encore à lui-même. Ses indiscrétions ? On peut en reprocher autant à Sch<span style="color: blue;">uon</span>, qui, lorsque Chab<span style="color: blue;">ot</span> est arrivé à Amiens pour la seconde fois, l’a emmené au café pour « causer un peu », mais de telle façon que les garçons intéressés par la nouveauté de la conversation, y ont pris grand intérêt. Chab<span style="color: blue;">ot</span> impressionné par cette première rencontre avec Sch<span style="color: blue;">uon</span> n’a pas osé lui en faire la remarque. Une autre fois avec All<span style="color: blue;">ar</span>, alors qu’ils prenaient ensemble leur petit déjeuner sur le « zinc », il discutait des affaires de l’ordre ; All<span style="color: blue;">ar</span> dès qu’il l’a pu, s’est empressé de faire dévier la conversation.<br />
---- <br />
1 – Il a dit à P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> que la <i>zaouïa</i> d’Amiens était un « nid de vipères » !!! et qu’il était tombé là comme dans un guet-apens.<br />
<br />
Parmi les sanctions à prendre, Sch<span style="color: blue;">uon</span> envisageait la dissolution (?) de la <i>zaouïa</i> d’Amiens. Je ne vois pas pourquoi il veut se montrer aussi sévère à notre égard, car enfin, en dehors de ses déceptions matérielles, il n’a aucun acte d’indiscipline à nous reprocher. Bien entendu, il peut être contrarié à cause de moi, qui vous ai fait part de mes impressions, mais là dedans je suis seul responsable, les autres n’y sont pour rien. Les autres ? Rag<span style="color: blue;">out</span> : Kshatriya indompté et sans parole ; All<span style="color: blue;">ar</span> pour qui il a peu d’estime et Baud<span style="color: blue;">ouin</span> qu’il trouve maintenant superficiel (?) : je sais bien que dans de telles conditions, l’ensemble ne vaut pas cher. Il peut également nous reprocher de n’avoir eu pour lui que du respect et de la correction, alors qu’il s’attendait peut être de notre part à une vénération au moins égale à celle que les Suisses semblent lui témoigner. Ne croyez pas que j’ironise ; ce n’est pas le moment, la chose est trop sérieuse, mais vraiment on pourrait se le demander quand on songe à ses prétentions. Ne prétend-il pas – à l’instar du Prophète – à une sorte d’impeccabilité, qui situe maintenant sa conduite hors d’atteinte de toute critique (je pense que P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> pensera à vous en parler) ?
</div>
Louis Caudron à René Guénon, 14 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à Sch<span style="color: blue;">uon</span>, il a finalement dit à Préau qu’il n’osait pas m’écrire, parce qu’il avait peur de dire sur les uns ou les autres des choses qui risqueraient d’être mal interprétées ; décidément, ce n’est donc pas de son côté que je peux attendre de grands éclaircissements sur la situation ! Je ne croyais tout de même pas que les choses avaient fini par se gâter au point qu’il en soit arrivé à parler de « dissolution » ; franchement, je ne comprends pas du tout comment cela pourrait se justifier… Tout ce que vous m’apprenez est d’ailleurs bien extraordinaire et, je dois le dire, inattendu ; je vous en remercie, car vous avez bien raison de penser qu’il est nécessaire que je sois informé de ce qu’il en est, si peu agréable que ce puisse être. Moi qui avais compté sur la fonction de Sch<span style="color: blue;">uon</span> pour me soulager un peu, voilà que c’est tout juste le contraire qui se produit et qu’il n’y a là pour moi qu’une source de nouvelles préoccupations ! – Le rôle d’Oe<span style="color: blue;">sch</span> est toujours loin d’être clair pour moi ; vous savez sans doute qu’il est à Paris en ce moment ; c’est d’autant plus singulier qu’il s’est marié dernièrement, ce que je viens seulement d’apprendre, et qu’il est venu seul pour un mois… Quant au mariage de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, je ne m’explique pas comment le sort de l’Ordre peut y être lié d’une façon quelconque ; cette confusion entre les questions purement « personnelles » et les autres est toujours pour moi un sujet d’étonnement. Pour ce qui est de ses imprudences, elles s’expliquent sans doute par sa trop grande confiance en lui-même, qui m’a inquiété depuis longtemps déjà…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 27 avril 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
En ce qui concerne A<span style="color: blue;">lbert</span> Oe<span style="color: blue;">sch</span>, je pense que Pierre Georges vous racontera en détail la scène extraordinaire au cours de laquelle A<span style="color: blue;">lbert</span> Oe<span style="color: blue;">sch</span> s’est accusé d’avoir exercé une véritable tyrannie sur Sch<span style="color: blue;">uon</span>, et avoué que depuis son entrée dans la <i>tariqah</i>, il n’avait jamais accompli les rites ! Dans de telles conditions, comment s’étonner du désordre actuel ?<br />
<br />
Quant à Sch<span style="color: blue;">uon</span> lui-même, la vérité est qu’il est absorbé tout entier par des choses d’ordre individuel : sa passion quelque peu exaltée pour M<sup>elle</sup> Oe<span style="color: blue;">sch</span> l’empêche de s’occuper sérieusement de quoi que ce soit. Depuis des mois, c’est cela qui passe avant tout ; dans bien des cas, l’intérêt de la <i>tariqah</i> n’a été qu’un <i>prétexte</i> pour aller à Lausanne voir M<sup>elle</sup> Oe<span style="color: blue;">sch</span>. – Pensez-vous que Caudr<span style="color: blue;">on</span> et les Balois n’aient pas d’autre emploi de leur argent ? – Ce qui peut excuser Sch<span style="color: blue;">uon</span> dans une certaine mesure, c’est que, s’il a 30 ans d’âge, il en a 18 sentimentalement et sensuellement. Un psychanalyste dirait qu’il fait du « refoulement ». – Et comment sortir de cette situation : Sch<span style="color: blue;">uon</span> n’a pas de situation pour fonder un foyer et la jeune personne ne l’aime pas ? C’est évidemment en lui-même que Sch<span style="color: blue;">uon</span> doit trouver la solution… J’avoue que je ne puis m’empêcher de plaindre le malheureux qui se trouve dans une telle situation, avec une si lourde responsabilité sur les épaules…</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 25 avril 1936.<br />
<br />
Par la suite, Schuon a visiblement arrangé les apparences :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
J’ai reçu hier votre lettre du 6 mai, et je savais déjà depuis 2 jours, par un mot de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, l’heureux dénouement des derniers incidents, dont je vous avoue que j’avais été fort inquiet. Enfin, comme vous le dites, il est bien à souhaiter que la leçon de prudence qu’il convient d’en tirer ne soit pas perdue pour les uns et les autres…<br />
<br />
Il est certain que, comme vous le reconnaissez vous-même, c’est le « ton » de votre lettre qui était regrettable, plutôt que le fond même ; mais peut-être fallait-il en effet que les choses en arrivent à ce point pour mettre fin à cette situation anormale qui ne durait que depuis trop longtemps… – En ce qui concerne l’attitude de Sch<span style="color: blue;">uon</span>, P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> m’a donné des explications détaillées après avoir pris connaissance de la 1<sup>re</sup> lettre qu’il m’a adressée (celle dont il a été question chez Pr<span style="color: blue;">éau</span>) ; je dois dire que, dans les 2 autres lettres qui ont suivi celle-là, j’ai remarqué un changement assez sensible. Cela a d’ailleurs coïncidé avec le départ d’Oe<span style="color: blue;">sch</span>, mais je ne sais pas quelle conclusion il convient d’en tirer au juste…<br />
<br />
Sch<span style="color: blue;">uon</span> […] me dit aussi que ses difficultés avec Oe<span style="color: blue;">sch</span> (auxquelles il n’avait encore fait aucune allusion jusque là) sont maintenant résolues ; mais, comme il ne s’explique pas davantage là-dessus, je ne sais pas au juste comment il faut l’entendre.<br />
[…]<br />
<br />
Enfin, je souhaite pour nous tous que l’« atmosphère » soit maintenant moins troublée et que nous soyons bien réellement arrivés à la fin de tous ces tracas !</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 mai 1936.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à Sch<span style="color: blue;">uon</span>, je n’ai pas eu de nouvelles de lui depuis qu’il est à Mulhouse, ou du moins je n’en ai eu qu’indirectement par Bâle, où il semble qu’il recommence à aller de temps à autre.<br />
[…]<br />
<br />
En ce qui concerne le changement d’attitude dont vous parlez chez P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span>, je dois vous avouer que je n’en ai rien remarqué, car, s’il a hésité un moment à m’envoyer ce qu’il avait préparé, il s’y est décidé après avoir pris connaissance de la lettre par trop incomplète de Sch<span style="color: blue;">uon</span>. Celui-ci ne soufflait pas mot d’Oe<span style="color: blue;">sch</span> ; P<span style="color: blue;">ierre</span> G<span style="color: blue;">eorges</span> m’en a parlé au contraire longuement, et il n’y a que par lui que j’ai su exactement ce qu’il en était de cette histoire. Dans sa dernière lettre, où il m’annonçait son prochain départ de Paris, Sch<span style="color: blue;">uon</span> m’a dit seulement, sans aucune autre explication, que certaines difficultés qui existaient entre lui et Oe<span style="color: blue;">sch</span> étaient résolues ; j’en suis d’ailleurs encore à me demander en quoi consiste cette solution… – Sûrement, c’est la fonction de Sch<span style="color: blue;">uon</span> qui, comme vous le dites, donne de l’importance à tout cela, dont autrement il n’y aurait pas à se préoccuper. D’un autre côté, il est certainement regrettable qu’il n’ait pas pu acquérir tout d’abord plus d’expérience, ce qui aurait pu éviter bien des ennuis ; mais il faut bien tenir compte aussi de la difficulté des circonstances…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 27 juin 1936.<br />
<br />
Ce n’est qu’un exemple d’usage détourné que Schuon faisait de sa fonction. Notamment, nous aborderons plus loin l’invraisemblable infaillibilité dont il se targuait en l’invoquant, ainsi que ses tendances à la propagande.<br />
<br />
<br />
<h3>
2-c) L’isolement de Guénon par Schuon</h3>
<br />
On a vu que Schuon ne tenait évidemment pas à ce que Guénon soit informé de ses frasques impliquant sa fonction. Cela ne se limite pas à la poursuite de Madeleine Oesch, la soi-disant « fiancée », Schuon organisait déjà cet isolement avant :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il paraît que Sch<span style="color: blue;">uon</span> est en effet très occupé actuellement ; c’est sans doute pour cela que, depuis assez longtemps déjà, il ne m’a pas donné de ses nouvelles directement.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 7 juillet 1935.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Vous serez bien aimable de continuer à me tenir au courant ; je ne peux pas beaucoup compter pour cela sur Sch<span style="color: blue;">uon</span>, car il n’écrit que bien rarement et irrégulièrement… Il y a certainement des choses dont il aurait beaucoup mieux valu me parler tout de suite, comme l’affaire de Tahiti par exemple ; il paraît que, si on ne l’a pas fait, c’est qu’on craignait de m’ennuyer avec ces questions ; tout de même, la chose était assez importante pour qu’un tel scrupule soit peu justifié en pareil cas… D’autre part, depuis qu’A. M<span style="color: blue;">uller</span> est venu ici, Burckh<span style="color: blue;">ardt</span>, après l’avoir vu, s’est décidé à m’écrire pour me demander des précisions sur différents points, et il promet aussi de me tenir désormais plus régulièrement au courant de ce qui se passe en Suisse. – Il est certain que mon éloignement peut être cause de quelques difficultés, mais, tout de même, on peut y remédier dans une certaine mesure par la correspondance.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 14 février 1936.<br />
<br />
Et il l’a continué ensuite :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je ne suis pas étonné de ce que vous me dites pour Sch<span style="color: blue;">uon</span> et sa correspondance, puisque je suis moi-même souvent bien des mois sans rien recevoir de lui.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 15 janvier 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Les dernières lettres de Sch<span style="color: blue;">uon</span> que j’ai reçues moi-même sont très brèves et ne disent en somme pas grand’chose ; il se plaint toujours du manque de temps libre. D’autre part, il se déclare très mécontent que Ch<span style="color: blue;">abot</span> soit venu ici sans lui en avoir demandé l’autorisation, ce que je trouve vraiment excessif.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 juin 1937.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Schuon, depuis la guerre, habite toujours Lausanne ; on peut naturellement lui écrire ([…]), mais je dois vous dire qu’il ne répond que rarement aux lettres ; si cependant vous voulez essayer, dites-lui que c’est moi qui vous ai donné son adresse.</div>
René Guénon à Guido de Giorgio, 17 janvier 1949.<br />
<br />
<br />
<h3>
2-d) Schuon et ses disciples : des hypocrites et des manipulateurs</h3>
<br />
Cela va plus loin qu’un isolement, Schuon fera toujours en sorte d’amadouer Guénon lors de ses contacts avec lui (il s’« adaptait » à ses interlocuteurs). Il ne lui avouait pas en face tout le mal qu’il disait de lui dans son dos, ce qui revenait à Guénon par les disciples fanatisés de Schuon, qui lui s’en défaussait et rejetait la faute sur ceux-ci. Comme toute personne saine et dénuée de paranoïa, Guénon mettra du temps à se rendre compte de leur duplicité.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quoi qu’il en soit, ayant lu très attentivement le livre de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, y compris les dernières additions qu’il y a faites, je n’y ai pas trouvé la moindre trace d’une opposition quelconque avec ce que j’ai écrit, et je ne vois même pas que cela fasse une différence réelle au fond ; <b>je dois ajouter aussi que les lettres que j’ai reçues de lui ne me permettent guère de croire à une divergence de vues.</b></div>
René Guénon à Luc Benoist, 3 juillet 1946.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
C’est bien dommage que vous n’ayez pas pu aller à Marseille avec Allar, comme vous en aviez eu l’intention, pour rencontrer M<span style="color: blue;">artin</span> Lings ; mais je pense que du moins Allar aura dû vous mettre au courant de ce qu’il a appris de celui-ci. Fort heureusement, bien des malentendus se dissipent enfin ; <b>les lettres que j’ai reçues de Suisse en ces derniers temps sont très rassurantes aussi, et il en résulte notamment que les prétendues « divergences » dont on avait tant parlé sont inexistantes en fait, car on ne peut vraiment appeler ainsi de simples différences dans la façon d’exprimer certaines choses.</b> […] ce qu’il y a de certain, c’est que bien des choses ont été exagérées et déformées, soit simplement du fait de circonstances telles que l’éloignement entre Paris et Lausanne et l’absence de toute communication pendant plusieurs années, soit par des racontars comme ceux de Jannot.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 5 octobre 1946.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je viens d’ailleurs de recevoir <b>une lettre de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, écrite après la lecture de mon 1<sup>er</sup> article, à la suite duquel il envisage de modifier quelques passages de ses « Mystères christiques »</b> ; il paraît bien n’avoir jamais eu à cet égard les prétentions que certains lui ont attribuées, et n’avoir jamais pensé que les conseils qu’il peut donner à des catholiques représentent l’équivalent ou le substitut d’une initiation quelconque. Je crois donc, d’après cela, que quelques-uns se sont tout simplement illusionnés et ont encore exagéré et déformé les choses comme on a déjà eu à le constater en plusieurs autres circonstances.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 5 novembre 1949.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je vois par ce que vous me dites que V<span style="color: blue;">âlsan</span> a maintenant terminé ce travail dont il m’avait parlé, et j’espère donc le recevoir d’ici peu ; il est tout à fait d’accord avec moi sur le fond de la question, mais il a eu la possibilité, que je n’avais pas, de faire des recherches qui lui auront permis de mettre plus complètement les choses au point. Ce que V<span style="color: blue;">âlsan</span> vous a dit au téléphone ne me surprend guère, car, <b>malgré la bonne volonté dont F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> a fait preuve pour apporter certaines modifications et suppressions, à la suite de mes articles, à ce qui s’y rapportait dans son livre, j’ai bien aussi l’impression que, en Suisse, on n’aime pas beaucoup à parler de ce sujet</b> ; dans les lettres que j’ai reçues des uns et des autres à propos des récents incidents que vous connaissez, il n’y a pas été fait la moindre allusion ; et pourtant, comme vous le dites, c’est bien uniquement d’une question de vérité qu’il s’agit en tout cela…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 8 mars 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
J’ai été plutôt surpris, mais d’ailleurs agréablement, en lisant les extraits de la lettre de Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span> que vous me communiquez, puisqu’il semblait qu’il ait été décidé précédemment de mettre fin « d’autorité » à la controverse (c’est du moins ce que j’avais cru comprendre d’après la lettre de V<span style="color: blue;">âlsan</span> à Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span>, car, sa lettre que vous m’aviez annoncée n’étant toujours pas arrivée, je n’ai pas eu de précisions sur ce qui s’est passé lors de sa rencontre avec J.-A. C<span style="color: blue;">uttat</span>) ; qu’est-ce qui a bien pu amener ce changement ?</div>
René Guénon à Louis Caudron, 4 juin 1950.<br />
<br />
Voici le genre de bruits qui étaient lancés depuis la <i>tarîqah</i>, et que Cuttat avait niés lorsque Clavelle les lui avait présentés :<br />
<div style="background-color: #f9cb9c;">
Depuis plusieurs années les foqara français revenant de Suisse ont, en grand nombre, rapporté que les Suisses considéraient F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> comme un jivan-mukta, voire un Avâtara (en ce qui concerne la première de ces qualités, c'est à M. Cuttat lui-même qu’un jeune faqir de France attribuait cette affirmation) et, comme tel, maître spirituel ayant une juridiction s’étendant à toutes les formes traditionnelles. Il n’était pas choquant en soi que des foqara attribuent à leur Sheikh de tels degrés, mais la fréquence des propos à ce sujet conduisait à penser qu’ils constituaient un thème courant de conversations dans l’entourage de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>, qu’il était difficile, dans ces conditions, de croire que de tels bruits se propageaient ainsi sans l’approbation de l’intéressé. Et de telles revendications paraissaient inadmissibles.<br />
[…]<br />
<br />
De nombreux foqara revenant de Suisse ont déclaré que les membres touchant F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> de près ne se gênaient pas pour dire que l’œuvre de R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> avait été utile en son temps afin de permettre la constitution de la tariqah, mais que le rôle de R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> était maintenant terminé puisque F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> était là ; qu’il était regrettable que R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> continue à écrire alors qu’il ne faisait que se répéter, mais que c’était là une espèce de manie qu’il avait contractée et dont il ne pouvait se défaire ; qu’il ferait beaucoup mieux, au lieu d’écrire, de faire davantage d’invocation ; que ce n’était d’ailleurs rien de plus qu’un faqir comme les autres mais doué d’une faculté qui en faisait une sorte de remarquable machine à écrire. J’ai ajouté qu’on avait poussé l'inconvenance jusqu’à faire circuler le bruit qu’on envisageait de conférer à R<span style="color: blue;">ené</span> G<span style="color: blue;">uénon</span> comme une grâce exceptionnelle la fonction de moqaddem de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span>.</div>
Marcel Clavelle à René Guénon, 10 octobre 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il est vrai que les Suisses ont pris maintenant le parti de tout nier ou à peu près, et de qualifier de « fausses informations » tout ce qui les gêne ; ils se contredisent d’ailleurs eux-mêmes à chaque instant, chacun dément ce qu’un autre a dit, et ainsi de suite ; et ce sont eux qui accusent les autres de mauvaise foi !</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 octobre 1950.<br />
<br />
Caudron a fini par avoir confirmation que l’hostilité des schuoniens envers Guénon était bien attisée par Schuon lui-même, qui ne lui a pas pardonné de l’avoir contredit au sujet de l’initiation chrétienne, et qui remontait ses disciples contre lui plutôt que de s’expliquer avec lui franchement :<br />
<div style="background-color: #d0e0e3;">
Voici maintenant un compte rendu de ma rencontre avec le Sheikh : je l’ai d’abord vu en compagnie des amis chez Bl<span style="color: blue;">etry</span> ; je reviendrai tout à l’heure sur cette séance au cours de laquelle, sans avoir demandé à le voir, il m’a donné rendez-vous pour le lendemain midi. Après le déjeuner il m’a emmené à travers les rues du quartier latin. Au cours de cette promenade qui a duré deux heures, il a commencé par m’exposer <span style="background-color: #93c47d;">les raisons pour lesquelles il avait écrit sur les « mystères christiques ». Celles-ci reposent sur le caractère purement ésotérique et initiatique du christianisme lors de sa fondation et dont l’évidence est impliquée par l’absence d’une <i>sharyah</i> propre ; tel est d’ailleurs l’enseignement qu’il a reçu en Afrique du Nord. Or, une <i>silsilah</i> monastique a toujours assuré depuis la continuité de la transmission de l’influence et des moyens de grâce christiques. À l’époque de la parution de son article vous ne lui avez rien objecté à cet égard et avez paru être d’accord avec lui dans votre correspondance avec lui. Un an après, à la suite des lettres écrites par les uns et les autres, vous avez seulement émis une opinion différente en publiant brutalement, pour ainsi dire, vos articles sur « Christianisme et initiation ». Il a été fort déçu de ces articles qui, loin d’apporter une solution décisive, se retranchent derrière une affirmation pure et simple et semblent résulter davantage de votre manque de sympathie et d’affinité bien connu (<i>sic</i>) pour le christianisme, que de l’évidence. Pour faire apparaître celle-ci il faudrait répondre au moins à ces questions : 1<sup>o</sup> Quel est le procédé de faire descendre une influence spirituelle d’un niveau à un autre ? 2<sup>o</sup> Qui a employé ce procédé ? 3<sup>o</sup> D’où le sait-on ? 4<sup>o</sup> En quoi consiste – en admettant que les sacrements n’ont pas de validité initiatique – l’initiation chrétienne ?</span><br />
<br />
Comme je lui faisais observer qu’une mise au point de lui à vous, directement, aurait été de beaucoup préférable, à cette polémique que cette divergence a déclenchée, il m’a répondu qu’<span style="background-color: #93c47d;">il était impossible de traiter avec vous une question sur laquelle vous sentiez une divergence d’opinion et que vous préfériez l’éluder. C’est ce qui se serait passé avec « un homme extrêmement intelligent et qui vous est dévoué » (Burck<span style="color: blue;">hardt</span>) lequel, loin de recevoir les éclaircissements sollicités dans sa lettre, en aurait reçu un d’un ton plutôt sec.</span> Il m’a demandé <span style="background-color: #93c47d;">si, dans ces conditions, je le tenais pour « responsable » de la situation présente.</span>
</div>
Louis Caudron à René Guénon, 22 septembre 1950 (lettre jointe à celle du 29 septembre 1950).<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant à votre conversation avec Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span>, je n’en suis nullement surpris, mais elle confirme nettement que <b>c’est bien de lui-même que venaient les appréciations formulées par les uns et les autres au sujet de mes articles sur le Christianisme</b>, et, d’autre part, elle m’explique assez bien son mécontentement contre vous ; comment, en effet, peut-on se permettre de contredire quelqu’un qui est si persuadé de sa propre infaillibilité en toutes choses ?</div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 octobre 1950.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
je pense que, si S<span style="color: blue;">idi</span> M<span style="color: blue;">ustafa</span> [Vâlsan] n’a pas fait état des griefs les plus essentiels dans sa 1<sup>re</sup> lettre à Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span>, ce doit être parce qu’il ne voulait pas fermer la possibilité d’une séparation « à l’amiable », ce qui en effet était certainement préférable. D’un autre côté, je me demande si Schaya n’a pas fait à Lausanne des rapports très incomplets, à moins que ce ne soient les autres qui aient préféré passer sous silence les points les plus importants, parce qu’ils étaient aussi les plus gênants pour eux ; du reste, avec leurs contradictions et leurs démentis continuels, il est évidemment impossible de débrouiller exactement la vérité dans tout cela…</div>
René Guénon à Louis Caudron, 26 octobre 1950.<br />
<br />
On voit ici la duplicité des schuoniens (qui, avec les disciples de Krishna Menon, cernaient littéralement Guénon au Caire) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il est encore apparu, comme vous le verrez, certaines choses qui tendent à confirmer que l’adresse des Pyramides n’est pas sûre ; je vous demanderai donc, bien qu’il y ait encore au moins 3 semaines de tranquillité, de m’écrire à partir de maintenant à l’adresse suivante :<br />
Sheikh Abdel-Wâhed Yahya,<br />
10 Mercerie Ramâdan,<br />
5, Shara Saad Zaghlul,<br />
Gizah.<br />
[…]<br />
<br />
J’en viens maintenant aux affaires de Suisse : tout d’abord, peu après vous avoir écrit la dernière fois, j’ai reçu de nouvelles lettres de F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> et de Burckhardt ; M<span style="color: blue;">artin</span> L<span style="color: blue;">ings</span> les a encore apportées lui-même, et, comme toujours en pareil cas, il paraissait très pressé d’en voir le contenu, mais, en réalité, je crois bien qu’il en avait déjà pris connaissance avant moi ! En effet, comme je lui avais passé le commencement de la lettre de Burckhardt avant d’avoir fini de lire la dernière feuille, il vit qu’il n’avait que 3 feuilles entre les mains et dit d’une façon en quelque sorte machinale : « Je croyais qu’il y avait 4 feuilles… » ; puis il s’arrêta brusquement, s’apercevant probablement qu’il faisait une « gaffe », et il se mit à parler de tout autre chose. Cela avait naturellement éveillé nos soupçons ; aussi, après son départ, nous avons examiné les enveloppes de près, et nous avons constaté qu’elles avaient été décollées et recollées avec soin, mais pourtant pas assez habilement pour que cela ne se voie pas, et qu’il en était aussi de même de la précédente lettre de Burckhardt. Ainsi, l’adresse des Pyramides n’était donc réellement pas sûre, et il se peut très bien que des choses semblables se soient déjà produites bien des fois avant cela ; heureusement, il n’y vient plus maintenant que des choses assez peu importantes, sauf naturellement les lettres de Suisse.<br />
[…]<br />
<br />
Les voyageurs des Pyramides doivent décidément arriver demain ; qui sait quelles querelles M<span style="color: blue;">artin</span> L<span style="color: blue;">ings</span> va bien pouvoir me chercher encore et ce qui en résultera ? …</div>
René Guénon à Marcel Clavelle, pas de date renseignée (extraits de lettres publiés dans les années 70 dans la <i>Rivista di Studi Tradizionali</i>).<br />
<br />
À ce propos, certains ont dit que Guénon s’était trompé, que ce n’était pas Martin Lings mais la censure qui avait ouvert les lettres. Cette explication n’a pas de sens, elle ne change rien à ce qui compte ici, qui était que Lings connaissait à l’avance le nombre de pages. Mais il ne s’est pas limité à cela, il a été jusqu’à publier une traduction en anglais du recueil <i>Symboles Fondamentaux de la Science Sacrée</i>, en supprimant d’un article de Guénon un passage qui ne lui plaisait pas, comme il l’explique dans son avant-propos : <br />
<div style="background-color: #d9d2e9;">
On the other hand we have omitted one of the later chapters (71 of the French edition) which in our opinion should not have been included. The same applies to the also omitted closing paragraphs of chapter 6 [<i>Le Saint Graal</i>], which have nothing to do with symbolism and which raise certain problems that call for more annotation than we would venture to give.</div>
<a href="https://archive.org/stream/reneguenon/1962%20-%20Symbols%20of%20Sacred%20Science%20-%20Fundamental%20Symbols%20-%20The%20universal%20language%20of%20sacred%20science#page/n9/mode/2up">https://archive.org/stream/reneguenon/1962%20-%20Symbols%20of%20Sacred%20Science%20-%20Fundamental%20Symbols%20-%20The%20universal%20language%20of%20sacred%20science#page/n9/mode/2up</a><br />
<br />
Tout cela car les thèses de Schuon étaient en désaccord avec la fin de l’article <i>Le Saint Graal</i> (datant de février-mars 1934, c’est-à-dire bien antérieurement aux <i>Mystères christiques</i> de Schuon, de juillet-août 1948). Changer la composition d’un recueil qui de toute façon n’avait pas été établi par Guénon, c’est un autre sujet, cela peut éventuellement se justifier, mais cette censure éhontée d’un morceau d’article montre le degré de fanatisme de Lings.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
D’autre part, j’ai reçu une lettre de Burckhardt, qui, au sujet de mes réponses à M<span style="color: blue;">artin</span> L<span style="color: blue;">ings</span>, dit « que la violence de ces lettres l’a douloureusement frappé, et qu’il ne parvient pas à concilier cette impression avec les circonstances qui ont évoqué mes remarques si sévères » ; il me semble pourtant que ce n’est pas bien difficile à comprendre ! … J’admire qu’on puisse pousser la mauvaise foi aussi loin.<br />
[…]<br />
<br />
Cela ne m’étonne guère, car, au point de vue technique, l’ignorance de tous ces gens, à commencer par F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> lui-même, est véritablement effrayante…<br />
[…]<br />
<br />
En pensant à toutes ces histoires, je crois qu’il faudra faire très attention à tout ce que F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> et les Suisses voudront faire passer dans les « É<span style="color: blue;">tudes</span> T<span style="color: blue;">raditionnelles</span> », car il se pourrait qu’ils glissent dans quelque article quelque chose qui serait dirigé contre nous, peut-être sous une forme plus ou moins déguisée. C’est déjà bien assez de ce qui est arrivé avec la fameuse note des « Mystères christiques », et il ne faudrait pas risquer de s’exposer à quelque nouvelle histoire de ce genre, et qui serait peut-être pire encore cette fois.</div>
René Guénon à Marcel Clavelle, 18 septembre 1950.<br />
<br />
<br />
<h3>
2-e) Un projet de <i>tarîqah</i> qui débouche sur une secte à prétentions universalistes</h3>
<br />
Au bout de 15 ans, les résultats de la <i>tarîqah</i> de Schuon n’étaient pas brillants :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je ne comprends que trop bien les réflexions quelque peu « désabusées » que vous me citez et celles que vous y ajoutez vous-même ; évidemment, tout cela est bien différent de ce qu’on pouvait espérer et de ce que j’avais envisagé moi-même au début de la tarîqah, qui me paraissait devoir donner satisfaction aux demandes de beaucoup ; je dois dire d’ailleurs que ce que j’ai toujours considéré comme l’essentiel, et qui subsiste en tout cas, c’est le rattachement initiatique régulier ; mais, à part cela, il faut convenir que, avec toutes ces dissensions et ces « départs », les résultats sont loin de ce qu’on aurait dû en attendre. Pour ma part, vous savez que je me suis toujours efforcé, autant que possible, de ne pas intervenir dans tout cela, préférant, même quand il me revenait des choses plus ou moins déplaisantes, faire comme si je ne m’en apercevais pas.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 22 avril 1950.<br />
<br />
Mais même la validité de la <i>tarîqah</i> est devenue douteuse. Des membres ont commencé à se plaindre de son altération :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Les réflexions que vous avez échangées avec Clavelle concordent bien avec ce que je pense moi-même ; il semble vraiment qu’on oublie un peu trop, en Suisse, que rien ne se serait fait si je n’y avais pas été pour quelque chose, et je me demande même si F<span style="color: blue;">rithjof</span> S<span style="color: blue;">chuon</span> se souvient encore de ce qu’il m’a raconté autrefois lui-même sur la façon dont il a été reçu la 1<sup>re</sup> fois qu’il est allé à Mostaganem… Malgré tout, je ferai toujours tout le possible pour éviter une scission quelconque, qui n’est certes pas souhaitable, comme je l’écrivais encore dernièrement à Clavelle ; mais il est bien certain qu’on ne peut jamais être sûr qu’il ne surviendra pas encore de nouveaux incidents qu’on ne pourra pas toujours faire semblant d’ignorer. – Je viens de recevoir une lettre de Meyer, qui raconte des choses assez bizarres sur ce qu’il appelle « les changements survenus dans la tarîqah » ; il y en a qui sont probablement peu justifiées, mais il y en a aussi d’autres qui s’accordent assez bien avec tout ce que j’ai su par ailleurs.</div>
René Guénon à Louis Caudron, 14 mai 1950.<br />
<br />
Ce qui a été confirmé par la suite :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[…] quand on rapproche toutes ces choses, on s’étonne beaucoup moins que la situation en soit arrivée peu à peu au point où elle en est actuellement ; en tout cas, on ne pourra pas me reprocher d’avoir manqué de patience en ne disant rien et en cherchant même constamment à tout arranger pendant si longtemps !<br />
[…]<br />
<br />
à Lausanne, les observances rituéliques ont été réduites au strict minimum, et que la plupart ne jeûnent même plus pendant le Ramadân ; je ne croyais pas que c’était à ce point, et je vois que je n’avais que trop raison quand je disais que bientôt ce ne serait plus du tout une tarîqah, mais une vague organisation « universaliste », plus ou moins à la manière de celle des disciples de Vivêkânanda !<br />
<br />
car on se sera rendu compte que je n’envisageais pas du tout comme eux les conditions dans lesquelles une branche d’une tarîqah pouvait être constituée régulièrement…</div>
René Guénon à Marcel Clavelle, 9 octobre 1950.<br />
<br />
Concluons avec cette mise au point de Guénon (dont des extraits ont déjà été cités plus haut) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Voilà déjà une dizaine de jours que j’ai reçu votre lettre et je n’ai pas encore pu arriver jusqu’ici à y répondre ; comme vous pouvez le penser, les affaires suisses augmentent considérablement ma correspondance tous ces temps-ci, et je crains bien que ce ne soit pas encore fini… – Les événements sont allés très vite, beaucoup plus qu’on ne pouvait le prévoir, mais, malgré cela, vous avez bien fait de m’envoyer votre lettre « rétrospective », si l’on peut dire, car, en voyant réunies ainsi toutes ces choses dont certaines remontent déjà à tant d’années, on se rend mieux compte que, en réalité, cela n’a jamais marché d’une façon bien satisfaisante, et il va de soi, comme vous le dites, que S<span style="color: blue;">idi</span> M<span style="color: blue;">ustafa</span> n’y est pour rien. Je dois dire que, dans tout cela, il y a bien des détails que j’avais plus ou moins oubliés, et aussi d’autres dont je crois même n’avoir jamais eu connaissance ; ainsi, par exemple, j’ignorais que Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span> avait eu, à un certain moment, l’intention de faire des conférences à la salle Adyar ! Je ne peux pas tout reprendre point par point, car je n’en finirais pas, mais le rapprochement de tout cela est vraiment édifiant, et on ne voit que trop bien à qui appartient en définitive la responsabilité de tout ce qui est arrivé. Il est vrai que les Suisses ont pris maintenant le parti de tout nier ou à peu près, et de qualifier de « fausses informations » tout ce qui les gêne ; ils se contredisent d’ailleurs eux-mêmes à chaque instant, chacun dément ce qu’un autre a dit, et ainsi de suite ; et ce sont eux qui accusent les autres de mauvaise foi ! – Ce qu’il y a certainement de pire dans toute cette affaire, c’est la « désislamisation » progressive de la tarîqah, qu’on nie aussi comme tout le reste, mais qui pourtant n’est malheureusement que trop évidente ; ce que vous appelez (et moi aussi, naturellement) « une tarîqah digne de ce nom », ils l’appellent dédaigneusement « une tarîqah ordinaire » ou « une tarîqah comme toutes les autres » ; comme je l’ai répondu à A<span style="color: blue;">bu</span> B<span style="color: blue;">akr</span> [Martin Lings], je souhaiterais fort qu’on ait affaire à une tarîqah ordinaire, et non pas à une vague organisation à prétentions « universalistes » qui bientôt, si cela continue, ne sera plus du tout une tarîqah. Pour ce qui est de la réduction des rites au minimum, je m’en doutais bien, mais, d’après ce que vous m’en dites, je vois que cela va encore beaucoup plus loin que je n’aurais pu le supposer ; il va de soi que, depuis ce que j’écrivais à ce sujet il y a 15 ans, je n’ai aucunement changé d’avis. Au fond, là comme pour tout le reste, il y a un défaut de connaissances techniques véritablement incroyable ; ce n’est certes pas avec des fantaisies soi-disant « inspirées » qu’on peut y suppléer ! Sûrement, S<span style="color: blue;">idi</span> M<span style="color: blue;">ustafa</span> a bien vu toutes ces anomalies, et c’est ce qu’on ne lui pardonnera jamais ; on appelle cela « esprit de contradiction »… – Je n’insisterai pas sur les récents incidents, puisque S<span style="color: blue;">idi</span> M<span style="color: blue;">ustafa</span> vous a tenu constamment au courant, de sorte que je ne pourrais que redire que ce que vous savez déjà. Quant à votre conversation avec Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span>, je n’en suis nullement surpris, mais elle confirme nettement que c’est bien de lui-même que venaient les appréciations formulées par les uns et les autres au sujet de mes articles sur le Christianisme, et, d’autre part, elle m’explique assez bien son mécontentement contre vous ; comment, en effet, peut-on se permettre de contredire quelqu’un qui est si persuadé de sa propre infaillibilité en toutes choses ? […]<br />
<br />
Pour les précautions à prendre en vue de diverses éventualités, Clavelle m’en a parlé en effet, et j’en ai envisagé moi-même quelques autres encore au sujet de la revue ; il pourra vous faire part de ce que je lui ai dit sur tout cela. En somme, le seul point qui reste obscur pour vous est la question de savoir si, pour les affaires d’éditions et de traductions, un pouvoir comme celui qu’a S<span style="color: blue;">idi</span> M<span style="color: blue;">ustafa</span> peut demeurer valable après moi ou s’il y a d’autres dispositions à prendre ; Clavelle doit demander à M<span style="color: blue;">adero</span> de consulter quelqu’un de compétent à ce sujet. Bien entendu, il ne faudrait pas que ce soit Clavelle qui soit chargé de questions d’argent ; je ne peux pas le lui dire, naturellement, mais ses occupations déjà trop nombreuses me paraissent être une raison toute trouvée pour ne pas lui demander de choses de ce genre. – À propos des autres précautions, <b>personne n’a et n’aura jamais aucun document de moi l’autorisant d’une façon quelconque à se considérer comme mon successeur, ce qui me paraîtrait d’ailleurs tout à fait dépourvu de sens. Si j’ai dit autrefois que la tarîqah était « le seul aboutissement de mon œuvre » (ce qui du reste était vrai à cette époque), il doit être bien entendu qu’il s’agissait en cela de la tarîqah elle-même, ce qui n’a absolument rien à voir avec « l’œuvre de Sh<span style="color: blue;">eikh</span> A<span style="color: blue;">ïssa</span> » ; je pensais encore qu’il devait s’agir d’une tarîqah « normale », dans laquelle il n’aurait dû avoir rien d’autre à faire que de remplir la fonction de « transmetteur » et de se conformer strictement à l’enseignement traditionnel, sans introduire aucune innovation ayant un caractère « personnel ».</b></div>
René Guénon à Louis Caudron, 17 octobre 1950.<br />
<br />
<br />
Partie suivante :<br />
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2019/02/la-fonction-de-frithjof-schuon-2.html</a>
</div>
<br />
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com16tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-67345846129754479152018-12-16T19:29:00.002+01:002021-04-03T14:00:08.178+02:00Manvantaras et Mahâ-Yugas<div style="text-align: justify;">
<br />
<div style="text-align: left;">
<h2>
Sommaire</h2>
<br />
<h2>
1) Introduction</h2>
<h3>
1-a) Accusation de Schuon<br />
1-b) Une contradiction apparente</h3>
<h2>
2) Rapport littéraux ou rapports symboliques ?</h2>
<h3>
2-a) Durée du <i>Kalpa</i><br />
2-b) Les <i>Manvantaras</i> dans le <i>Kalpa</i><br />
2-c) Les <i>Mahâ-Yugas</i> dans le <i>Kalpa</i></h3>
<h2>
3) Le <i>Sanâtana Dharma</i>, lien entre le <i>Manvantara</i> et les 4 <i>Yugas</i></h2>
<h3>
3-a) La loi de <i>Manu</i> d’un cycle, application particulière du <i>Dharma</i><br />
3-b) Loi de <i>Manu</i> et âge d’or<br />
3-c) Le <i>Sanâtana-Dharma</i> ou la perpétuité de la tradition primordiale</h3>
<h2>
Conclusion</h2>
</div>
<br />
<br />
<br />
<br />
<h2>
1) Introduction</h2>
<br />
Plusieurs fois, il a été fait reproche à Guénon de ne pas suivre la tradition hindoue, concernant le rapport entre les <i>Manvantaras </i>et les <i>Mahâ-Yugas</i> (ou <i>Chatur-Yugas</i>).<br />
<br />
<br />
<h3>
1-a) Accusation de Schuon</h3>
<br />
Il semble que ce reproche ait été la première fois exprimé publiquement par Frithjof Schuon dans <i>Quelques critiques</i> (<i>Dossiers H</i>, 1984). Ce texte est consultable ici :<br />
<a href="https://books.google.fr/books?id=emRGdNwTYFgC&pg=PA56">https://books.google.fr/books?id=emRGdNwTYFgC&pg=PA56</a><br />
<br />
Schuon avait déjà laissé échapper quelques gouttes de bile ici et là, peinant à dissimuler sa rivalité maladive à l’égard de Guénon et de son œuvre. Mais c’est dans cette attaque tardive qu’il s’est vraiment laissé allé, exprimant à l’écrit la même tendance qu’on lui connaît sur d’autres supports, et qui est un peu restée aujourd’hui comme sa signature, c’est-à-dire un exhibitionnisme grotesque, inconséquent et sénile. Ce texte se distingue donc beaucoup moins par son contenu doctrinal que par ce qu’il trahit de Schuon lui-même, ce qui n’est pas totalement dénué d’intérêt mais ne fera pas l’objet du présent article.<br />
<br />
Peu importent les intentions de Schuon, la question soulevée sur les cycles est légitime en elle-même, et c’est un des rares points intéressants qu’il y soulève (un de ses disciples le lui avait peut-être soufflé) :<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Guénon ne semble connaître de la doctrine hindoue des cycles cosmiques que la version suivante : les quatre <i>Yugas</i> forment un <i>Manvantara</i> ; quatorze <i>Manvantaras </i>forment un <i>Kalpa</i>, c’est-à-dire le « développement total d’un monde ». Or selon le <i>Mânava-Dharma-Shâstra</i> et divers <i>Purânas</i>, les quatre <i>Yugas</i> forment un <i>Mahâyuga</i> ; mille <i>Mahâyugas</i> forment un <i>Kalpa</i> ; soixante-et-onze <i>Mahâyugas</i> forment un <i>Manvantara</i>, quatorze <i>Manvantaras</i> forment un <i>Kalpa</i>, donc équivalent à mille <i>Mahâyugas</i>. Dans aucun écrit de Guénon, on ne trouve la moindre allusion à cette doctrine pûranique des cycles : trop importante pour pouvoir être passée sous silence. </div>
Frithjof Schuon, <i>Quelques critiques</i>.<br />
<br />
Il est étonnant, d’abord, que Schuon ignore que les données traditionnelles peuvent parfois varier selon les sources, et que cela ne les invalide pas pour autant. Encore plus étonnant de considérer que Guénon ne connaissait pas le <i>Manava-Dharma-Shâstra</i> (ou Loi de <i>Manu</i>), ou d’autres textes de la <i>Smriti</i> comme le <i>Vishnu Purana</i>, alors que ce dernier y renvoie explicitement à de nombreuses reprises dans son œuvre. Enfin, on regrette que Schuon s’arrête en si bon chemin et <span style="background-color: #d9ead3;">« passe sous silence »</span> la signification de ce rapport de 71. En quoi est-il si <span style="background-color: #d9ead3;">« important »</span>, si éclairant ? On est en droit de se le demander, d’autant plus qu’un grand nombre premier tel que 71 est très inhabituel en tant que nombre cyclique. Alors que Guénon, lorsqu’il mentionne les 4 <i>Yugas</i> et les 14 <i>Manvantaras</i>, les explique très bien.<br />
<br />
<br />
<h3>
1-b) Une contradiction apparente</h3>
<br />
Que disent les textes ? En effet, il y est précisé qu’il y a 71 <i>Mahâ-yugas</i> par <i>Manvantara</i> (<i>Mahâ-yuga</i> est traduit ci-dessous par âge des Dieux) :<br />
<div style="background-color: #cfe2f3;">
I, 71 : Ces quatre âges qui viennent d’être énumérés étant supputés ensemble, la somme de leurs années, qui est de douze mille, est dite l’âge des Dieux.<br />
I, 79 : Cet âge des Dieux ci-dessus énoncé, et qui embrasse douze mille années divines, répété soixante et onze fois, est ce qu’on appelle ici la période d’un Manou (Manvantara).</div>
<i>Lois de Manou</i> (traduction Pauthier et Brunet).<br />
<br />
Et que dans un <i>Kalpa</i> il y a 1000 <i>Mahâ-yugas</i>, et également 14 <i>Manvantaras</i> :<br />
<div style="background-color: #cfe2f3;">
L’ensemble des quatre âges contient douze mille années divines, et mille périodes d’une étendue semblable forment un jour de Brahma. La période à laquelle quatorze mounis président successivement se nomme aussi un Kalpa, et c’est à son expiration que survient la destruction de Brahma ou la destruction accidentelle.</div>
<i>Vishnu purana</i> (livre VI, ch. III).<br />
<br />
Quant à Guénon, il identifie bien <i>Manvantara</i> et <i>Mahâ-Yuga</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Le <i>Manvantara</i> ou ère d’un <i>Manu</i>, appelé aussi <i>Mahâ-Yuga</i>, comprend quatre <i>Yugas</i> ou périodes secondaires : <i>Krita-Yuga</i> (ou <i>Satya-Yuga</i>), <i>Trêtâ-Yuga</i>, <i>Dwâpara-Yuga</i> et <i>Kali-Yuga</i>, qui s’identifient respectivement à l’« âge d’or », à l’« âge d’argent », à l’« âge d’airain » et à l’« âge de fer » de l’antiquité gréco-latine.</div>
<i>Le Roi du Monde</i>, ch. VIII, note 2.<br />
<br />
Au premier abord, il y a donc lieu d’être surpris.<br />
<br />
<br />
<br />
<h2>
2) Rapport littéraux ou rapports symboliques ?</h2>
<br />
Mais Guénon explique ailleurs que les textes ne doivent pas toujours être pris à la lettre, notamment pour les durées indiquées, et que ces modifications ont été faites pour empêcher de donner trop facilement accès aux informations sur les cycles. Et il ajoute qu’il y a eu aussi d’autres sortes de modifications, par exemple des interversions de correspondances :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Quant aux chiffres indiqués dans divers textes pour la durée du <i>Manvantara</i>, et par suite pour celle des <i>Yugas</i>, il doit être bien entendu qu’il ne faut nullement les regarder comme constituant une « chronologie » au sens ordinaire de ce mot, nous voulons dire comme exprimant des nombres d’années devant être pris à la lettre ; c’est d’ailleurs pourquoi certaines variations apparentes dans ces données n’impliquent au fond aucune contradiction réelle. Ce qui est à considérer dans ces chiffres, d’une façon générale, c’est seulement le nombre 4 320, pour la raison que nous allons expliquer par la suite, et non point les zéros plus ou moins nombreux dont il est suivi, et qui peuvent même être surtout destinés à égarer ceux qui voudraient se livrer à certains calculs. Cette précaution peut sembler étrange à première vue, mais elle est cependant facile à expliquer : si la durée réelle du <i>Manvantara</i> était connue, et si en outre, son point de départ était déterminé avec exactitude, chacun pourrait sans difficulté en tirer des déductions permettant de prévoir certains événements futurs ; or, aucune tradition orthodoxe n’a jamais encouragé les recherches au moyen desquelles l’homme peut arriver à connaître l’avenir dans une mesure plus ou moins étendue, cette connaissance présentant pratiquement beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages véritables. C’est pourquoi le point de départ et la durée du <i>Manvantara</i> ont toujours été dissimulés plus ou moins soigneusement, soit en ajoutant ou en retranchant un nombre déterminé d’années aux dates réelles, soit en multipliant ou divisant les durées des périodes cycliques de façon à conserver seulement leurs proportions exactes ; et nous ajouterons que certaines correspondances ont parfois aussi été interverties pour des motifs similaires.</div>
<i>Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques</i> (<i>Études Traditionnelles</i>, octobre 1938).<br />
<br />
<br />
<h3>
2-a) Durée du <i>Kalpa</i></h3>
<br />
Non seulement les durées ne sont pas toujours à prendre littéralement à la valeur indiquée, mais c’est leur nature même de durée qui peut n’être que symbolique, comme semble l’indiquer le <i>Vishnu Purana</i>, (livre VI, ch. IV) à propos de la vie de <i>Brahmâ</i> ou jour de <i>Vishnu</i> :<br />
<div style="background-color: #cfe2f3;">
Une période de deux Pararddhas est, ainsi que je l’ai dit, appelée un jour de ce puissant Vishnou, et lorsque les productions de la nature sont absorbées dans l’esprit qui est leur origine et que lui, à son tour, est absorbé dans l’esprit suprême, cette période est appelée la nuit de Vishnou ; elle est d’une durée égale à son jour. Mais au fait, pour cet esprit suprême et éternel, il n’y a ni jour, ni nuit ; ces distinctions appliquées au Tout-Puissant ne sont que des figures du discours.</div>
<br />
De façon analogue, Guénon indique pour les <i>Kalpas</i>, ou jours de <i>Brahmâ</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Le <i>Kalpa</i> représentant le développement total d’un monde, c’est-à-dire d’un état ou degré de l’Existence universelle, il est évident qu’on ne pourra parler littéralement de la durée d’un <i>Kalpa</i>, évaluée suivant une mesure de temps quelconque, que s’il s’agit de celui qui se rapporte à l’état dont le temps est une des conditions déterminantes, et qui constitue proprement notre monde. Partout ailleurs, cette considération de la durée et de la succession qu’elle implique ne pourra plus avoir qu’une valeur symbolique et devra être transposée analogiquement, la succession temporelle n’étant alors qu’une image de l’enchaînement, logique et ontologique à la fois, d’une série « extra-temporelle » de causes et d’effets ; mais, d’autre part, comme le langage humain ne peut exprimer directement d’autres conditions que celles de notre état, un tel symbolisme est par là même justifié et doit être regardé comme parfaitement naturel et normal.</div>
<i>Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques</i>.<br />
<br />
Identifier notre <i>Kalpa</i> avec l’état humain se justifie bien par le fait qu’il commence avec <i>Swâyambhuva</i> ou l’<i>Âdi-Manu</i> (littéralement le premier homme) :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
l’<i>Âdi-Manu</i> ou premier <i>Manu</i> de notre <i>Kalpa</i> (<i>Vaivaswata</i> étant le septième) est appelé <i>Swâyambhuva</i>, c’est-à-dire issu de <i>Swayambhû</i>, « Celui qui subsiste par soi-même », ou le <i>Logos</i> éternel.</div>
<i>Le Roi du Monde</i>, ch. IV.<br />
<br />
<i>Swâyambhuva Manu</i> est directement né de <i>Brahmâ</i> d’après le <i>Devî-Bhagavata Purana</i> (X, 1) :<br />
<div style="background-color: #cfe2f3;">
Brahmâ chaturmukha, étant né, produisit de Son esprit Svâyambhuva Manu et sa femme Shatarûpâ, l’incarnation de toutes les vertus. Pour cette raison, Svâyambhuva Manu fut connu comme le fils de Brahmâ, né de son esprit. Svâyambhuva Manu reçut de Brahmâ la tâche de croître et de se multiplier.</div>
<br />
(en anglais ici :)<br />
<a href="http://www.sacred-texts.com/hin/db/bk10ch01.htm">http://www.sacred-texts.com/hin/db/bk10ch01.htm</a><br />
<br />
Et les autres <i>Manus</i> descendent ensuite du premier, comme indiqué dans la suite du texte :<br />
<a href="http://www.sacred-texts.com/hin/db/bk10ch08.htm">http://www.sacred-texts.com/hin/db/bk10ch08.htm</a><br />
<br />
Comme le temps est une condition de notre état, pour les autres <i>Kalpas</i> l’indication d’une durée est à prendre symboliquement (et on peut aussi en déduire que la durée de notre <i>Kalpa</i> est indéfinie).<br />
<br />
<br />
<h3>
2-b) Les <i>Manvantaras </i>dans le <i>Kalpa</i></h3>
<br />
Ensuite, concernant la subdivision en 14 <i>Manvantaras</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Les <i>Manvantaras</i>, ou ères de <i>Manus</i> successifs, sont au nombre de quatorze, formant deux séries septénaires dont la première comprend les <i>Manvantaras</i> passés et celui où nous sommes présentement, et la seconde les <i>Manvantaras</i> futurs. Ces deux séries, dont l’une se rapporte ainsi au passé, avec le présent qui en est la résultante immédiate, et l’autre à l’avenir, peuvent être mises en correspondance avec celles des sept <i>Swargas</i> et des sept <i>Pâtâlas</i>, qui représentent l’ensemble des états respectivement supérieurs et inférieurs à l’état humain, si l’on se place au point de vue de la hiérarchie des degrés de l’Existence ou de la manifestation universelle, ou antérieurs et postérieurs par rapport à ce même état, si l’on se place au point de vue de l’enchaînement causal des cycles décrit symboliquement, comme toujours, sous l’analogie d’une succession temporelle.</div>
<i>Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques</i>.<br />
<br />
Mais si nous étions dans un autre <i>Manvantara</i>, est-ce qu’il ne serait pas également légitime de subdiviser les états supérieurs et les états inférieurs en 2 séries de 7, entre lesquelles nous nous situerions ? La correspondance entre ces 2 séries et les 14 <i>Manvantaras</i> serait alors toujours valable.<br />
<br />
En fait, étant à la fin du 7<sup>e</sup> <i>Manvantara</i>, nous sommes placés au milieu du <i>Kalpa</i>.<br />
<br />
De même, nous sommes au premier <i>Kalpa</i> du 2<sup>nd</sup> <i>pararddha</i> (un <i>Kalpa</i> fait un jour de <i>Brahmâ</i>, et un <i>pararddha</i> fait 50 années de <i>Brahmâ</i>), c’est-à-dire au premier jour de la seconde moitié de la vie de <i>Brahmâ</i> :<br />
<div style="background-color: #cfe2f3;">
Brahma, qui est un avec Narayana, assouvi par la destruction de l’univers, s’endort sur son « lit de serpent », contemplé par les pieux habitants du Janaloka ; son sommeil dure une nuit égale à son jour ; ensuite il crée de nouveau. C’est de ces jours et de ces nuits que se compose une année de Brahma, et cent de ces années constituent sa vie entière. Un Pararddha, ou la moitié de son existence, a expiré, se terminant avec le Maha Kalpa, appelé Padma. Le kalpa (ou jour de Brahma), appelé Varaha, est le premier de la seconde période de l’existence de Brahma.</div>
<i>Vishnu purana</i>, Livre I, ch. III.<br />
<br />
Ainsi, nous sommes placés juste au milieu de notre <i>Kalpa</i>, mais également juste au milieu du cycle supérieur, la vie de <i>Brahmâ</i>. De la même façon que dans la <i>Divine Comédie</i> Dante s’est placé au milieu de la durée de sa vie, et plus généralement au milieu des temps, ce qui est une façon de se situer symboliquement au centre.
Cf. <i>L’Ésotérisme de Dante</i>, ch. VIII :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[…] la succession temporelle, en tout ceci, n’est elle-même qu’un mode d’expression symbolique. Un cycle quelconque peut être partagé en deux phases, qui sont, chronologiquement, ses deux moitiés successives, et c’est sous cette forme que nous les avons envisagées tout d’abord ; mais en réalité, ces deux phases représentent respectivement l’action de deux tendances adverses, et d’ailleurs complémentaires ; et cette action peut évidemment être simultanée aussi bien que successive. Se placer au milieu du cycle, c’est donc se placer au point où ces deux tendances s’équilibrent : c’est, comme disent les initiés musulmans, « le lieu divin où se concilient les contrastes et les antinomies » ; c’est le centre de la « roue des choses », suivant l’expression hindoue, ou l’« invariable milieu » de la tradition extrême-orientale, le point fixe autour duquel s’effectue la rotation des sphères, la mutation perpétuelle du monde manifesté. Le voyage de Dante s’accomplit suivant l’« axe spirituel » du monde ; de là seulement, en effet, on peut envisager toutes choses en mode permanent, parce qu’on est soi-même soustrait au changement, et en avoir par conséquent une vue synthétique et totale.<br />
<br />
Au point de vue proprement initiatique, ce que nous venons d’indiquer répond encore à une vérité profonde ; l’être doit avant tout identifier le centre de sa propre individualité (représenté par le cœur dans le symbolisme traditionnel) avec le centre cosmique de l’état d’existence auquel appartient cette individualité, et qu’il va prendre comme base pour s’élever aux états supérieurs. C’est en ce centre que réside l’équilibre parfait, image de l’immutabilité principielle dans le monde manifesté ; c’est là que se projette l’axe qui relie entre eux tous les états, le « rayon divin » qui, dans son sens ascendant, conduit directement à ces états supérieurs qu’il s’agit d’atteindre. Tout point possède virtuellement ces possibilités et est, si l’on peut dire, le centre en puissance ; mais il faut qu’il le devienne effectivement par une identification réelle, pour rendre actuellement possible l’épanouissement total de l’être. Voilà pourquoi Dante, pour pouvoir s’élever aux Cieux, devait se placer tout d’abord en un point qui soit véritablement le centre du monde terrestre ; et ce point l’est à la fois selon le temps et selon l’espace, c’est-à-dire par rapport aux deux conditions qui caractérisent essentiellement l’existence en ce monde.</div>
<br />
On peut donc penser qu’en particulier, l’indication que nous sommes actuellement au 7<sup>e</sup> <i>Manvantara</i> sur 14, soit au milieu du <i>Kalpa</i>, est à prendre symboliquement.<br />
<br />
<br />
<h3>
2-c) Les <i>Mahâ-Yugas</i> dans le <i>Kalpa</i></h3>
<br />
Concernant les <i>Mahâ-Yugas</i>, il y en a 1000 par <i>Kalpa</i>. Mais ce nombre est curieux, il ne semble pas un nombre cyclique :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il est facile de remarquer que tous les nombres cycliques sont en rapport direct avec la division géométrique du cercle : ainsi, 4 320 = 360 × 12 ; il n’y a d’ailleurs rien d’arbitraire ou de purement conventionnel dans cette division, car, pour des raisons relevant de la correspondance qui existe dans l’arithmétique et la géométrie, il est normal qu’elle s’effectue suivant des multiples de 3, 9, 12, tandis que la division décimale est celle qui convient proprement à la ligne droite.</div>
<i>Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques</i>.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
les formes rectilignes, dont le carré est le prototype, sont mesurées par 5 et ses multiples, et, de même, les formes circulaires sont mesurées par 6 et ses multiples. En parlant des multiples de ces deux nombres, nous avons principalement en vue les premiers de ces multiples, c’est-à-dire le double de l’un et de l’autre, soit respectivement 10 et 12 ; en effet, la mesure naturelle des lignes droites s’effectue par une division décimale, et celle des lignes circulaires par une division duodécimale</div>
<i>La Grande Triade</i>, ch. VIII.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
la représentation « rectiligne » du temps est insuffisante et inexacte, puisque le temps est en réalité « cyclique », et que ce caractère se retrouve même jusque dans ses moindres subdivisions</div>
<i>La Grande Triade</i>, ch. XXII.<br />
<br />
C’est ce qui peut faire penser que 1000 est aussi un nombre symbolique, représentant simplement une indéfinité.<br />
<br />
D’autre part, il est surprenant de n’avoir pratiquement aucune information sur les <i>Mahâ-Yugas</i> autres que le nôtre. Il est bien associé, à chacun des 28 <i>Mahâ-Yugas</i> qui se sont déroulés depuis le début du présent <i>Manvantara</i>, une liste des différents Vyâsa (dans le <i>Vishnu Purana</i>, livre 3, ch. III, ou dans le <i>Shiva Purana</i>, ch. 4 et 5, deux versions un peu différentes). Mais cette liste ne semble pas décrire une succession chronologique de rôles historiques, mais plutôt un ensemble de principes ou d’aspects dérivant les uns des autres, commençant par <i>Brahmâ</i>, puis <i>Prajâpati</i> et ainsi de suite. Et c’est cohérent avec le fait que :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[…] Vyâsa […] [est] l’« entité collective » qui mit en ordre et fixa définitivement les textes traditionnels constituant le <i>Vêda</i> même ; […] il s’agit ici, non d’un personnage historique ou légendaire, mais bien d’une véritable « fonction intellectuelle », qui est même ce qu’on pourrait appeler une fonction permanente, puisque Vyâsa est désigné comme l’un des sept <i>Chirajîvîs</i>, littéralement « êtres doués de longévité », dont l’existence n’est point limitée à une époque déterminée.</div>
<i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i>, ch. I<sup>er</sup>.<br />
<br />
Ici encore, la chronologie semble donc symbolique.<br />
<br />
<br />
<br />
Des considérations qui précèdent, on peut déduire que notre <i>Kalpa</i> est de durée indéfinie, qu’il contient une indéfinité de <i>Manvantaras</i> (symboliquement 14), et qu’il contient de même une indéfinité de <i>Mahâ-Yugas</i> (symboliquement 1000).<br />
<br />
Maintenant quel est le rapport entre les deux ?<br />
<br />
<br />
<br />
<h2>
3) Le <i>Sanâtana Dharma</i>, lien entre le <i>Manvantara</i> et les 4 <i>Yugas</i></h2>
<br />
<h3>
3-a) La loi de <i>Manu </i>d’un cycle, application particulière du <i>Dharma</i></h3>
<br />
Dans l’<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, 3<sup>e</sup> partie, ch. V, Guénon donne des précisions sur la loi de <i>Manu</i>, ou <i>Mânava-Dharma</i>. Il indique, à propos du <i>dharma</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Comme le montre le sens de la racine verbale <i>dhri</i> dont il est dérivé, ce mot, dans sa signification la plus générale, ne désigne rien d’autre qu’une « manière d’être » ; c’est, si l’on veut, la nature essentielle d’un être, comprenant tout l’ensemble de ses qualités ou propriétés caractéristiques, et déterminant, par les tendances ou les dispositions qu’elle implique, la façon dont cet être se comporte, soit en totalité, soit par rapport à chaque circonstance particulière. La même notion peut être appliquée, non pas seulement à un être unique, mais à une collectivité organisée, à une espèce, à tout l’ensemble des êtres d’un cycle cosmique ou d’un état d’existence, ou même à l’ordre total de l’Univers ; c’est alors, à un degré ou à un autre, la conformité à la nature essentielle des êtres, réalisée dans la constitution hiérarchiquement ordonnée de leur ensemble ; c’est aussi, par conséquent, l’équilibre fondamental, l’harmonie intégrale résultant de cette hiérarchisation, à quoi se réduit d’ailleurs la notion même de « justice » quand on la dépouille de son caractère spécifiquement moral.</div>
<br />
Après avoir justifié en quoi ce terme peut être traduit par « loi », il ajoute :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
La « loi » peut être envisagée en principe comme un « vouloir universel », par une transposition analogique qui ne laisse d’ailleurs subsister dans une telle conception rien de personnel, ni, à plus forte raison, rien d’anthropomorphique. L’expression de ce vouloir dans chaque état de l’existence manifestée est désignée comme <i>Prajâpati </i>ou le « Seigneur des êtres produits » ; et, dans chaque cycle cosmique spécial, ce même vouloir se manifeste comme le <i>Manu </i>qui donne à ce cycle sa propre loi.<br />
[…]<br />
En somme, la « loi de <i>Manu</i> », pour un cycle ou pour une collectivité quelconque, ce n’est pas autre chose que l’observation des rapports hiérarchiques naturels qui existent entre les êtres soumis aux conditions spéciales de ce cycle ou de cette collectivité, avec l’ensemble des prescriptions qui en résultent normalement.</div>
<br />
Et ces conditions spéciales sont à chaque fois associées à un <i>Manu </i>particulier, ou aspect particulier du vouloir universel appliqué à ce cycle. Des conditions spéciales différentes impliquent donc forcément un <i>Manu</i> particulier différent.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-b) Loi de <i>Manu </i>et âge d’or</h3>
<br />
Or, la loi de <i>Manu</i> est visible extérieurement à l’âge d’or ou <i>Krita-Yuga</i>, c’est-à-dire au début du <i>Mahâ-yuga</i>, d’après la <i>Parâshara Smriti</i>, ou <i>Parâshara Dharma Samhitâ</i>, I, 24 :<br />
<div style="background-color: #cfe2f3;">
Pour le Krita conviennent les lois de Manu ; pour le Treta, celles de Gautama (sont) prescrites ; pour le Dvapara celles de Shank et Likhita ; pour le Kali, celles de Parashara sont prescrites.</div>
<br />
Original en sanskrit :<br />
<a href="http://gretil.sub.uni-goettingen.de/gretil/1_sanskr/6_sastra/4_dharma/smrti/pars2_pu.htm">http://gretil.sub.uni-goettingen.de/gretil/1_sanskr/6_sastra/4_dharma/smrti/pars2_pu.htm</a><br />
<br />
Traduction anglaise :<br />
<a href="https://archive.org/details/SriParasaraSmritiWithEnglishTranslationVaitheeswaranB.FromInternet/page/n3">https://archive.org/details/SriParasaraSmritiWithEnglishTranslationVaitheeswaranB.FromInternet/page/n3</a><br />
<br />
Dans le <i>Mahâ-Yuga</i>, la loi de <i>Manu </i>ne convient plus aux âges postérieurs à l’âge d’or, parce que :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
[Les] quatre âges […] marquent autant de phases d’un obscurcissement graduel de la spiritualité primordiale ; ce sont ces mêmes périodes que les traditions de l’antiquité occidentale, de leur côté, désignaient comme les âges d’or, d’argent, d’airain et de fer. Nous sommes présentement dans le quatrième âge, le <i>Kali-Yuga</i> ou « âge sombre », et nous y sommes, dit-on, depuis déjà plus de six mille ans, c’est-à-dire depuis une époque bien antérieure à toutes celles qui sont connues de l’histoire « classique ». Depuis lors, les vérités qui étaient autrefois accessibles à tous les hommes sont devenues de plus en plus cachées et difficiles à atteindre ; ceux qui les possèdent sont de moins en moins nombreux, et, si le trésor de la sagesse « non-humaine », antérieure à tous les âges, ne peut jamais se perdre, il s’enveloppe de voiles de plus en plus impénétrables, qui le dissimulent aux regards et sous lesquels il est extrêmement difficile de le découvrir. C’est pourquoi il est partout question, sous des symboles divers, de quelque chose qui a été perdu, en apparence tout au moins et par rapport au monde extérieur, et que doivent retrouver ceux qui aspirent à la véritable connaissance ; mais il est dit aussi que ce qui est ainsi caché redeviendra visible à la fin de ce cycle, qui sera en même temps, en vertu de la continuité qui relie toutes choses entre elles, le commencement d’un cycle nouveau.</div>
<i>La Crise du Monde moderne</i>, ch. I.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Il
y a, dans la succession de ces périodes, une sorte de matérialisation
progressive, résultant de l’éloignement du Principe qui accompagne
nécessairement le développement de la manifestation cyclique, dans le
monde corporel, à partir de l’« état primordial ».</div>
<i>Le Roi du Monde</i>, ch. VIII, note 2.<br />
<br />
Chaque <i>Mahâ-Yuga</i> commence ainsi par l’expression de la loi de <i>Manu</i>, qui régit visiblement le monde extérieur : c’est l’âge d’or. Puis cette loi est progressivement perdue de vue par l’humanité du fait de la descente cyclique, jusqu’au point où commence le cycle suivant.<br />
<br />
Chacun de ces cycles connaît une période qui lui est propre où s’applique la loi de <i>Manu</i>. Chacun de ces cycles a ses conditions qui lui sont propres et le différencient des autres, donc chacun de ces cycles est associé à un <i>Manu </i>différent, donc chacun de ces cycles est une ère de <i>Manu </i>distincte, ou <i>Manvantara</i>.<br />
<br />
<br />
<h3>
3-c) Le <i>Sanâtana-Dharma</i> ou la perpétuité de la tradition primordiale</h3>
<br />
Mais s’il n’est extérieurement visible qu’au début du <i>Mahâ-Yuga</i>, en réalité le <i>Dharma </i>subsiste tout au long du cycle.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
suivant la tradition hindoue, le cycle qui doit être envisagé en ce qui concerne le <i>Sanâtana Dharma</i> est un <i>Manvantara</i>, c’est-à-dire la durée de manifestation d’une humanité terrestre.<br />
[…]<br />
[Le] mot <i>Dharma</i>, [...] sa racine <i>dhri </i>[...] est presque identique, comme forme et comme signification, à une autre racine <i>dhru</i>, de laquelle dérive le mot <i>dhruva </i>qui désigne le « pôle » ; c’est effectivement à cette idée de « pôle » ou d’« axe » du monde manifesté qu’il convient de se référer si l’on veut comprendre la notion du <i>Dharma </i>dans son sens le plus profond : c’est ce qui demeure invariable au centre des révolutions de toutes choses, et qui règle le cours du changement par là même qu’il n’y participe pas.<br />
[…]<br />
quand on parle de <i>Sanâtana Dharma</i>, c’est alors, comme nous l’avons dit, de l’ensemble d’une humanité qu’il s’agit, et cela pendant toute la durée de sa manifestation, qui constitue un <i>Manvantara</i>. On peut encore dire, dans ce cas, que c’est la « loi » ou la « norme » propre de ce cycle, formulée dès son origine par le <i>Manu </i>qui le régit, c’est-à-dire par l’Intelligence cosmique qui y réfléchit la Volonté divine et y exprime l’Ordre universel ; et c’est là, en principe, le véritable sens du <i>Mânava-Dharma</i>, indépendamment de toutes les adaptations particulières qui pourront en être dérivées, et qui recevront d’ailleurs légitimement la même désignation parce qu’elles n’en seront en somme que comme des traductions requises par telles ou telles circonstances de temps et de lieu.<br />
[…]<br />
Maintenant, il doit être facile de comprendre ce qu’est en réalité le <i>Sanâtana Dharma</i> : ce n’est pas autre chose que la Tradition primordiale, qui seule subsiste continuellement et sans changement à travers tout le <i>Manvantara </i>et possède ainsi la perpétuité cyclique, parce que sa primordialité même la soustrait aux vicissitudes des époques successives, et qui seule aussi peut, en toute rigueur, être regardée comme véritablement et pleinement intégrale.</div>
<i>Sanâtana Dharma</i> (<i>Cahiers du Sud</i>, n<sup>o</sup> spécial <i>Approches de l’Inde</i>, 1949).<br />
<br />
<br />
<br />
<h2>
Conclusion</h2>
<br />
L’identification établie par Guénon entre <i>Manvantara </i>et <i>Mahâ-Yuga</i>, loin d’occulter une partie de la doctrine des cycles, en éclaire au contraire le sens. Elle lui donne une cohérence que sinon l’on peine à trouver. Elle résout en réalité une difficulté, que personne avant lui n’avait publiquement dissipée.<br />
<br />
Le sujet des cycles est un sujet difficile, il nécessite beaucoup de circonspection, c’est pourquoi Guénon commençait ainsi son article <i>Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques</i> :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
On nous a parfois demandé, à propos des allusions que nous avons été amené à faire çà et là à la doctrine hindoue des cycles cosmiques et à ses équivalents qui se rencontrent dans d’autres traditions, si nous ne pourrions en donner, sinon un exposé complet, tout au moins une vue d’ensemble suffisante pour en dégager les grandes lignes. À la vérité, il nous semble que c’est là une tâche à peu près impossible, non seulement parce que la question est fort complexe en elle-même, mais surtout à cause de l’extrême difficulté qu’il y a à exprimer ces choses en une langue européenne et de façon à les rendre intelligibles à la mentalité occidentale actuelle, qui n’a nullement l’habitude de ce genre de considérations. Tout ce qu’il est réellement possible de faire, à notre avis, c’est de chercher à éclaircir quelques points par des remarques telles que celles qui vont suivre, et qui ne peuvent en somme avoir d’autre prétention que d’apporter de simples suggestions sur le sens de la doctrine dont il s’agit, bien plutôt que d’expliquer celle-ci véritablement.</div>
<br />
Enfin, l’écrit ne fait pas tout, le plus essentiel est au contraire l’enseignement oral :<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
L’enseignement traditionnel se transmet dans des conditions qui sont strictement déterminées par sa nature ; pour produire son plein effet, il doit toujours s’adapter aux possibilités intellectuelles de chacun de ceux auxquels il s’adresse, et se graduer en proportion des résultats déjà obtenus, ce qui exige, de la part de celui qui le reçoit et qui veut aller plus loin, un constant effort d’assimilation personnelle et effective. Ce sont des conséquences immédiates de la façon dont la doctrine tout entière est envisagée, et c’est ce qui indique la nécessité de l’enseignement oral et direct, à quoi rien ne saurait suppléer, et sans lequel, d’ailleurs, le rattachement d’une « filiation spirituelle » régulière et continue ferait inévitablement défaut, à part certains cas très exceptionnels où la continuité peut être assurée autrement, et d’une façon trop difficilement explicable en langage occidental pour que nous nous y arrêtions ici. Quoi qu’il en soit, l’Oriental est à l’abri de cette illusion, trop commune en Occident, qui consiste à croire que tout peut s’apprendre dans les livres, et qui aboutit à mettre la mémoire à la place de l’intelligence ; pour lui, les textes n’ont jamais que la valeur d’un « support », au sens où nous avons déjà souvent employé ce mot, et leur étude ne peut être que la base d’un développement intellectuel, sans jamais se confondre avec ce développement même : ceci réduit l’érudition à sa juste valeur, en la plaçant au rang inférieur qui seul lui convient normalement, celui de moyen subordonné et accessoire de la connaissance véritable.</div>
<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, 3<sup>e</sup> partie, ch. XVI.
</div>
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com11tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-74195389654412227252018-04-24T00:16:00.002+02:002021-04-03T14:00:05.504+02:00Versions avec caractères originaux<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Sur le site canadien, une nouvelle version de <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/03/rene-guenon-1925-lhomme-et-son-devenir.html"><i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i></a> est disponible, avec les termes doctrinaux en sanskrit, arabe, hébreu et chinois dans leurs caractères originaux. N’y sont pas compris les titres d’ouvrages et les noms d’auteur (c’est notamment le choix fait par Guénon pour constituer l’index des mots sanskrits en fin de livre). Nous envisageons de faire aussi le reste de l’œuvre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La lecture phonétique du sanskrit étant immédiate dès que l’on connaît l’alphabet, les mots dans cette langue ont été simplement remplacés par leur version en caractères devanagari. Celle de l’arabe, de l’hébreu et du chinois est moins évidente (pour l’arabe et l’hébreu l’écrit ne renseigne pas les voyelles, et pour le chinois il faut connaître le son correspondant à chaque idéogramme), c’est pourquoi pour ces langues la transcription en caractères latins a été laissée en plus du mot en caractères originaux, pour faciliter la lecture.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ce n’est pas un remplacement de la version validée par Guénon, c’est une version supplémentaire. Elle a déjà un bien fondé parce que la pauvreté en caractères de ses livres n’était pas un choix de sa part mais une limitation technique imposée par les éditeurs, lorsqu’il le pouvait il choisissait les moyens d’impression les plus étendus possibles (comparer <i>La Gnose</i>, qui utilisait les alphabets grec et hébreu, avec les <i>Éditions Traditionnelles</i> par exemple). De plus, cela peut être utile pour qui tente de se familiariser avec une ou des langues sacrées, ce qui survient lorsqu’on décide de s’intéresser sérieusement à une tradition particulière.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Comme pour les autres versions, nous serions reconnaissant au lecteur sachant lire ces langues et qui relèverait des fautes de nous les signaler pour correction.</div>
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com14tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-101384983418424022017-07-21T14:44:00.002+02:002021-04-03T14:00:13.138+02:00René Guénon - Articles et comptes rendus tome II<div style="text-align: justify;">
<br />
<b>(Mis à jour le 21/12/2017, voir plus bas) </b><br />
<br />
<br />
L’objet de cet errata est un peu spécial, puisque c’est un recueil qui n’existe pas au format papier, mais dont une version numérique a circulé ces dernières années de façon clandestine dans des milieux plus ou moins restreints.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: x-large;">Errata (non exhaustif)</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les morceaux qui manquaient sont surlignés en <span style="background-color: lime;">vert</span>, ceux qui étaient en trop en <span style="background-color: red;">rouge</span>. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Les dualités cosmiques</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Ces rapprochements peuvent sembler <span style="background-color: red;">étrangers</span><span style="background-color: lime;">étranges</span> à certains esprits</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">nous ne parlons que des idées<span style="background-color: lime;">,</span> bien entendu</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ce qui est pensé qui varie, mais seulement la façon de <span style="background-color: lime;">le </span>penser.</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">celui de la science au sens <span style="background-color: red;">ou</span><span style="background-color: lime;">où</span> l’entendent les modernes</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">notre intention n’est point de rechercher présentement la supériorité de l’un ou <span style="background-color: lime;">de </span>l’autre des deux points de vue</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">comme l’effet d’une rupture avec la tradition<span style="background-color: red;">,</span><span style="background-color: lime;"> ;</span> on se rapproche donc de celle-ci</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Maintenant, toutes ces dualités, qui peuvent être en multiplicité <span style="background-color: red;">indéfinies</span><span style="background-color: lime;">indéfinie</span>, </span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">mais il y a un certain mérite et même un certain courage à dire <span style="background-color: red;">des</span><span style="background-color: lime;">ces</span> choses, alors que tant d’autres, qui doivent pourtant savoir ce qu’il en est, gardent à ce sujet un silence obstiné</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">celles qu’on rencontre ordinairement lorsqu’il s’agit de l’« homme primitif »<span style="background-color: red;">,</span><span style="background-color: lime;"> ;</span> conception beaucoup plus juste à notre avis</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">d’une part l’influence de la philosophie <span style="background-color: red;">bergsonnienne</span><span style="background-color: lime;">bergsonienne</span></span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">c’est dans l’ordre sentimental que les dualités psychologiques sont <span style="background-color: red;">les</span><span style="background-color: lime;">le</span> plus apparentes</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">et nous ajouterons qu’on ne le fit pas davantage au moyen âge<span style="background-color: red;">,</span><span style="background-color: lime;"> ;</span> mais, dans la doctrine aristotélicienne</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">est une des interprétations dont est <span style="background-color: red;">susceptibles</span><span style="background-color: lime;">susceptible</span> le symbolisme de Caïn et d’Abel dans la Genèse hébraïque</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">car la conception de cycles fermés est radicalement fausse<span style="background-color: lime;">,</span> comme celle de l’« éternel retour » qui en est l’inévitable conséquence</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;"><span style="background-color: red;">Quoiqu’il</span><span style="background-color: lime;">Quoi qu’il</span> en soit, l’hypothèse de la congélation finale</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">l’incandescence finale de l’univers et son <span style="background-color: lime;">refroidissent</span><span style="background-color: red;">refroidissement</span> progressif</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">renoncer à poser la question en termes de vie et de mort<span style="background-color: lime;">,</span> parce qu’un tel point de vue</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">quand on envisage les deux principes comme nous venons de le faire<span style="background-color: lime;">,</span> il n’est pas possible de n’accorder</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Nous avons fait allusion précédemment à l’existence de certains « <span style="background-color: red;">point</span><span style="background-color: lime;">points</span> d’arrêt »</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">qui a aussi deux « parents »<span style="background-color: lime;">,</span> ou, pour parler plus exactement</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">et pourtant il n’est aucunement dualiste<span style="background-color: lime;">,</span> dès lors qu’il laisse subsister</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">certaines conditions limitatives telles que l’espace <span style="background-color: red;">et</span><span style="background-color: lime;">ou</span> le temps</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">note 1 : F. Alcan<span style="background-color: lime;">, Paris</span>, 1919</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">note 10 : des symboles comme celui de l’« œuf du monde », qui se <span style="background-color: red;">rencontre</span><span style="background-color: lime;">rencontrent</span> dans la cosmogonie hindoue et dans bien d’autres traditions anciennes ; ces symboles</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Le Christ Prêtre et Roi</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">auxquelles sont <span style="background-color: red;">rattachés</span><span style="background-color: lime;">attachés</span> respectivement l’autorité spirituelle et le pouvoir temporel</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">on peut <span style="background-color: lime;">aussi </span>envisager les deux fonctions sacerdotale et royale comme étant, en quelque sorte, <span style="background-color: red;">complémentaire</span><span style="background-color: lime;">complémentaires</span> l’une de l’autre</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">le lion, animal solaire et royal<span style="background-color: lime;">,</span> emblème de cette tribu <span style="background-color: lime;">et </span>plus spécialement de la famille de David qui est la sienne<span style="background-color: lime;">,</span> devient ainsi son emblème personnel</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Si le sacerdoce de Lévi<span style="background-color: lime;">,</span> sous lequel le peuple a reçu la loi, avait pu rendre les hommes justes et parfaits</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">En effet<span style="background-color: lime;">,</span> celui dont ces choses sont prédites est d’une autre tribu</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ainsi que l’Écriture le déclare par ces mots : <span style="background-color: lime;">“</span>Tu es prêtre éternellement selon l’ordre de Melchissedec<span style="background-color: lime;">”</span> »</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">il l’est suivant l’ordre de Melchissedec, et<span style="background-color: red;">,</span> non selon l’ordre d’Aaron</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">du passage biblique où est <span style="background-color: red;">relaté</span><span style="background-color: lime;">relatée</span> la rencontre de Melchissedec avec Abraham</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Autant qu’il est constant que ce sacerdoce n’a pas été établi sans serment (car, au lieu que les autres prêtres ont été établis sans serment, celui-ci l’a été avec serment, Dieu lui ayant dit : Le Seigneur a juré, et son serment demeurera immuable, que tu seras prêtre éternellement selon l’ordre de Melchissedec<span style="background-color: lime;">)</span> ; autant il est vrai que l’alliance dont Jésus est le médiateur et le garant est plus parfaite que la première »</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Ce que nous avons voulu montrer surtout, c’est que l’ordre de Melchissedec est à la fois sacerdotal et royal et <span style="background-color: lime;">que </span>par conséquent, l’application au Christ des paroles de l’Écriture qui s’y rapportent constitue l’affirmation expresse de ce double caractère. C’est aussi que l’union des deux pouvoirs en une même personne représente un principe supérieur à l’un et l’autre des ordres où <span style="background-color: red;">s’exerce</span><span style="background-color: lime;">s’exercent</span> respectivement ces deux mêmes pouvoirs considérés séparément ; et, c’est pourquoi</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Note 14 : En <span style="background-color: red;">hébreux</span><span style="background-color: lime;">hébreu</span>, chaque lettre de l’alphabet a une valeur numérique</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">L’Ésotérisme du Graal</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">et la diffusion extérieure <span style="background-color: red;">qu’à</span><span style="background-color: lime;">qu’a</span> eue la légende du Graal</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">et <span style="background-color: red;">qu’elles</span><span style="background-color: lime;">quelles</span> qu’en aient été d’ailleurs les modalités</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Dès <span style="background-color: red;">lorsqu’il</span><span style="background-color: lime;">lors qu’il</span> en est ainsi, certaines difficultés apparentes</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">de même que la lance<span style="background-color: lime;">,</span> qui accompagne le Graal et qui en est en quelque sorte complémentaire, est une des figurations traditionnelles de l’« Axe du Monde »</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Y a-t-il encore des possibilités initiatiques dans les formes traditionnelles occidentales ?</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Y<span style="background-color: red;">-</span><span style="background-color: lime;"> </span>a-t-il encore des possibilités initiatiques</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">en dépit des traces qu’on peut en <span style="background-color: red;">trouver</span><span style="background-color: lime;">retrouver</span> dans les écrits ou les monuments anciens</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">parce que<span style="background-color: lime;">,</span> là du moins, il y a une méthode de réalisation active</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Pour le Judaïsme, les choses<span style="background-color: lime;">,</span> en tout cas, se présentent plus simplement, ce ne peut être en tout cas qu’à l’intérieur <span style="background-color: red;">de</span><span style="background-color: lime;">des</span> monastères exclusivement</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ou les mantras de la tradition hindoue, sans <span style="background-color: lime;">en </span>obtenir le moindre résultat</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Discours contre les discours</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">je croirai plutôt qu’une telle similitude<span style="background-color: lime;">,</span> qui ne se fonde sur aucune communauté de race, se justifie seulement</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">il ne faut ni méconnaître ni mépriser ce qu’<span style="background-color: red;">on</span><span style="background-color: lime;">ont</span> fait les Grecs dans divers domaines</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">le type le plus représentatif peut-être de <span style="background-color: red;">le</span><span style="background-color: lime;">la</span> mentalité hellénique</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ni<span style="background-color: lime;">,</span> d’autre part, de réagir outre mesure sur le domaine de l’action</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">voilà assurément une des premières leçons que nous <span style="background-color: red;">devons</span><span style="background-color: lime;">devrons</span> tirer des événements actuels</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">habituez-vous, sans retard<span style="background-color: lime;">,</span> à envisager sérieusement l’avenir</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Au sujet de ce discours, la reproduction faite par Michel Valsan dans les <i>Études Traditionnelles</i> comporte manifestement un passage manquant :</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Il se peut que, parmi ces causes, il y en ait qui soient inhérentes à la nature humaine en général, ou plus particulièrement au tempérament de certains peuples ou de certains <span style="background-color: cyan;">[passage manquant]</span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le compilateur du présent recueil, à la place, a écrit « <span style="background-color: cyan;">hommes</span> ». A-t-il pu consulter la revue originale ou est-ce une suggestion de sa part ?<br />
<br />
Nous lui avons posé la question dans les messages suivants :<br />
<br />
<div style="background-color: #f7dc98;">
<br />
<ul>
<li><div style="background-color: white;">
<a href="https://www.blogger.com/profile/05266564349348140673">tagada</a><br />
<a href="https://bruno-hapel-blog.blogspot.fr/2017/06/une-visite-quotidienne-sur-le-net.html?showComment=1500492386367#c37872949126574734">19 juillet 2017 à 12:26</a><br />
<br />
A propos de corrections, pour le Discours contre les discours, avez-vous pu consulter la revue originale ? Dans la reproduction faite par Valsan dans les ET, on constate un passage manquant : <br />
"Il se peut que, parmi ces causes, il y en ait qui soient inhérentes à la nature humaine en général, ou plus particulièrement au tempérament de certains peuples ou de certains [passage manquant]"<br />
<br />
Dans votre recueil, vous indiquez, à cet endroit, « hommes ». SVP, pouvez-vous confirmer que cela se base bien sur la publication originale ?</div>
<br />
</li>
<li><div style="background-color: white;">
<a href="https://www.blogger.com/profile/05266564349348140673">tagada</a><br />
<a href="https://bruno-hapel-blog.blogspot.fr/2017/06/une-visite-quotidienne-sur-le-net.html?showComment=1500565453781#c4053452737966104008">20 juillet 2017 à 08:44</a><br />
<br />
Ce n'est pas une question piège, le bulletin municipal de Saint-Germain-en-Laye semble assez difficile à trouver, et donc si vous y aviez eu accès directement pour remplir le passage manquant ce serait super.</div>
</li>
</ul>
<br /></div>
<br />
Mais il les a effacés sans y répondre ?! Nous supposons qu’il faut prendre cela comme une réponse négative. Donc pour l’instant le passage manquant devra rester en l’état.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<ul>
<li><b>Mise à jour du 21/12/2017</b></li>
</ul>
Après consultation à la BNF, voici le passage correctement restitué :<br />
<span style="background-color: #fff2cc;">Il
se peut que, parmi ces causes, il y en ait qui soient inhérentes à la
nature humaine en général, ou plus particulièrement au tempérament de
certains peuples ou de certains <span style="background-color: lime;">individus</span></span> <br />
<br />
L’exemplaire du bulletin conservé étant endommagé, il n’était pas autorisé d’en faire une reproduction, mais il est consultable sur demande à la BNF en donnant la référence suivante :<br />
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327312248">http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327312248</a><br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Les Doctrines hindoues</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">comme désignant <span style="background-color: red;">de</span><span style="background-color: lime;">ce</span> qui est « au delà de la nature »</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ont par <span style="background-color: red;">la</span><span style="background-color: lime;">là</span> même un caractère bien différent des sciences occidentales</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">cette réalisation peut avoir<span style="background-color: lime;">,</span> en outre de la préparation théorique et après elle, d’autres moyens d’un ordre différent</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Orient et Occident</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">La grande difficulté, nous le savons bien, c’est d’arriver à connaître ces idées orientales authentiques auxquelles nous faisons allusion<span style="background-color: lime;">,</span> et cette difficulté est encore, pour une bonne part,</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">des théories empruntées à <span style="background-color: red;">Schopenhaueur</span><span style="background-color: lime;">Schopenhauer</span></span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">à un orientaliste qui<span style="background-color: lime;">,</span> ayant cru bon de vanter la « critique » européenne devant un auditoire hindou, souleva les plus énergiques protestations</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Au sujet de cet article, nous avons pris note de la remarque de M. Brecq dans le numéro 3 de la revue en ligne les <i>Cahiers de l’Unité</i>. Celui-ci affirme en effet détenir un manuscrit secret qui rend coupables de ne pas citer ce dernier tous ceux qui ne le possèdent pas, ou qui n’en connaissaient pas même l’existence. Nous avouons ce crime si c’en est un.<br />
<br />
Cependant, M. Brecq comprendra-t-il que nous avons du mal à partager la théorie de l’élection par confiscation réussie ? Théorie selon laquelle certains adhérents d’un résidu de la tariqah valsanienne seraient les dépositaires <i>de fait</i> de l’héritage spirituel de l’œuvre de René Guénon, la preuve étant la permission divine qui leur aurait accordé la réussite du vol physique puis du maintien en confiscation de l’intégralité des manuscrits de cette œuvre à la famille Guénon, et de manière plus étendue à l’ensemble du public. Nous trouverions même cette théorie, qui permet d’arriver à se valoriser moralement en s’appuyant sur toutes les exactions possibles, tant qu’elles sont commises avec succès, vraiment burlesque, si les circonstances n'étaient pas si dramatiques. Utilisée sérieusement elle est abjecte, et il faut vraiment avoir tout l’obscurcissement qui caractérise les groupuscules sectaires pour l’employer sans honte.<br />
<br />
L’œuvre de Guénon est destinée à être accessible à tous, pour pouvoir être atteinte par tous ceux qui peuvent la comprendre. Elle n’appartient à personne, cela vaut pour ses « amis » revendiqués, et cela vaudrait aussi pour le « meilleur guénonien » si ce titre n’était pas d’emblée une absurdité évidente.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Le Roi du Monde</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">et qui n’est point <span style="background-color: lime;">de </span>celles auxquelles nous nous référons</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ils avaient soulevé <span style="background-color: red;">certaines</span><span style="background-color: lime;">certaine</span> accusation de plagiat</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">s’il avait copié en partie la Mission de <span style="background-color: red;">L</span><span style="background-color: lime;">l</span>’Inde</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">une époque d’<span style="background-color: red;">obscurcissement</span><span style="background-color: lime;">obscurcissements</span> et de confusion</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">la capitale d’<span style="background-color: red;">Agarthi</span><span style="background-color: lime;">Agharti</span></span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">note 6 : un des <span style="background-color: red;">fondateur</span><span style="background-color: lime;">fondateurs</span> du Brahma-Samâj</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Cahiers du Mois</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Juin 1926, Milarépa</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">des conditions irréalisables dans <span style="background-color: red;">un</span><span style="background-color: lime;">le</span> milieu européen actuel</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Mais tout serait à citer, <span style="background-color: lime;">et </span>il faut bien nous borner…
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Vient de Paraître</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Février 1926</div>
<div style="text-align: justify;">
Giovanni Gentile. – L’Esprit, acte pur.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Et toutefois l’impensable, du fait même qu’il est impensable, est pensé, car son <span style="background-color: red;">impensibilité</span><span style="background-color: lime;">impensabilité</span> est un penser. Ce n’est pas en soi, hors de la sphère de notre penser, qu’il est impensable. C’est nous qui le pensons comme <span style="background-color: lime;">l’</span>impensable : c’est notre penser qui le pose comme <span style="background-color: red;">l’</span>impensable, ou plutôt c’est le penser qui se pose en lui, mais en lui comme impensable. »
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Georges Groslier. – La Sculpture Khmère ancienne.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">ce qu’il y a de vraiment original dans l’art <span style="background-color: red;">Khmer</span><span style="background-color: lime;">khmer</span>
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Avril 1926</div>
<div style="text-align: justify;">
Paul Choisnard. – Saint Thomas d’Aquin et l’influence des astres.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">corriger l’étroitesse des interprétations courantes du Thomisme<span style="background-color: lime;"> ;</span> et il y a là un effort d’autant plus méritoire qu’il va à l’encontre de beaucoup de préjugés.
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Juillet-août 1927</div>
<div style="text-align: justify;">
R. Schwaller de Lubicz. – L’Appel du Feu.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Il y a là-dedans quelques lueurs<span style="background-color: lime;">,</span> parmi beaucoup de fatras grandiloquents
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Novembre 1927</div>
<div style="text-align: justify;">
Phusis. – Près du Secret de la Vie, Essai de Morphologie universelle.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Que d’efforts dépensés en pure perte<span style="background-color: lime;">,</span> et quel gaspillage
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Émile Boutroux. – Des Vérités éternelles chez Descartes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">soit mise sur le même plan que <span style="background-color: red;">celles</span><span style="background-color: lime;">celle</span> des rapports de la science et de la religion ?
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
P. V. Piobb. – Le secret de Nostradamus.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">malgré les réserves qu’appelleraient peut-être quelques déductions poussées un peu <span style="background-color: lime;">trop </span>loin
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Décembre 1927</div>
<div style="text-align: justify;">
J. G. Frazer. – Les Dieux du Ciel.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Pour ceux qui ne sont pas disposés à accepter aveuglément de telles interprétations, <span style="background-color: red;">les</span><span style="background-color: lime;">des</span> ouvrages de ce genre ne peuvent valoir que comme recueils de faits
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Avril 1928</div>
<div style="text-align: justify;">
Édouard Dujardin. – Le Dieu Jésus, essai sur les origines et sur la formation de la légende évangélique.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">la conception « mythique », soutenue récemment par M. <span style="background-color: red;">Chouchoud</span><span style="background-color: lime;">Couchoud</span>
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Georges Lanoë-Villène. – Le Livre des Symboles, dictionnaire de symbolique et de mythologie.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">c’est d’ailleurs une chose <span style="background-color: lime;">bien </span>curieuse que cette tendance qu’ont la plupart des Occidentaux à voir du Bouddhisme un peu partout
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
mai 1928
Augustin Jakubisiak. – Essai sur les limites de l’espace et du temps.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">elles relèvent surtout de la philosophie des sciences <span style="background-color: red;">telles</span><span style="background-color: lime;">telle</span> qu’on l’entend aujourd’hui
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
septembre-octobre 1928
Bertrand Russell. – Analyse de l’Esprit.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Parmi les récentes théories psychologiques, « <span style="background-color: red;">behaviouriste</span><span style="background-color: lime;">behaviouristes</span> » ou autres
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Nombre 1928</div>
<div style="text-align: justify;">
M. Dugard. – Sur les frontières de la Foi.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">Les objections adressées au christianisme par la « pensée moderne », et les réponses qu’il y apporte<span style="background-color: lime;">,</span> témoignent pareillement du désarroi mental de notre époque
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Mars 1928</div>
<div style="text-align: justify;">
J. Krishnamurti. – La Vie comme idéal.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">les pensées congelées des hommes »<span style="background-color: lime;">,</span> et qu’« elles n’ont, selon lui
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
A. E. Powell. – Le Corps astral.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">On <span style="background-color: red;">trouvera</span><span style="background-color: lime;">retrouve</span> là toutes les fantastiques assertions des « clairvoyants »
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Décembre 1929</div>
<div style="text-align: justify;">
Georges Lanoë-Villène. – Le Livre des Symboles, dictionnaire de symbolique et de mythologie (Lettre C).</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">une foule de renseignements qui ne se <span style="background-color: red;">rattache</span><span style="background-color: lime;">rattachent</span> qu’assez indirectement au sujet
</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com44tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-43439107020062069182016-10-14T07:18:00.001+02:002016-10-14T07:18:44.620+02:00Archives de Louis Charbonneau-Lassay : Crowdfunding<div style="text-align: justify;">
On vient de nous informer qu’un projet de crowdfunding (financement participatif) a été lancé pour récupérer les archives de Louis Charbonneau-Lassay. Voici le lien vers ce projet, qui peut intéresser certains de nos lecteurs :</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://fr.ulule.com/archives-charbonneau-lassay/">https://fr.ulule.com/archives-charbonneau-lassay/</a></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-31081477819312771402016-08-24T19:46:00.000+02:002016-08-24T19:46:40.796+02:00Texte inédit : Étude logique et métaphysique sur l’idée de substance. Substance individuelle et substance universelle.<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ce texte a été rédigé par René Guénon en 1916 ; à l’époque il envisageait de le publier, comme le montrent les extraits qui vont suivre : </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<blockquote class="tr_bq">
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je n’ai pas encore eu le temps de mettre au point mon travail sur la substance, mais je tâcherai de le faire le plus tôt possible.</div>
René Guénon à Pierre Germain, 26 août 1916.<br />
<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Depuis que vous avez lu votre intéressante conférence sur la Substance, j’ai beaucoup réfléchi au problème qu’elle pose et éclaire.</div>
Noële Maurice-Denis Boulet à René Guénon, 16 décembre 1916.<br />
<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Et l’offre de Lévy Bruhl à faire paraître à la Revue philosophique l’essai sur la Substance, où en est-ce ? M. Guénon a-t-il mis son travail au point ? L’enverra-t-il bientôt ? Comme je voudrais voir cela mis au jour, discuté et apprécié !</div>
Noële Maurice-Denis Boulet à la femme de René Guénon, 5 février 1918.<br />
<br />
<div style="background-color: #d9ead3;">
Vous serait-il donc possible d’apporter avec vous votre travail sur la « substance » que j’ai lu il y a trois ans et de me le laisser quelque temps ?</div>
Noële Maurice-Denis Boulet à René Guénon, 23 juin 1919.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Je vous prêterai mon travail sur la substance ainsi que vous me le demandez.</div>
René Guénon à Noële Maurice-Denis Boulet, 1er juillet 1919.<br />
<br />
<div style="background-color: #fff2cc;">
Bien entendu je vous communiquerai de nouveau mon travail sur la substance, ainsi que vous me l’aviez déjà demandé au mois de juillet, et je serais très heureux s’il peut vous être de quelque utilité pour votre thèse.</div>
René Guénon à Noële Maurice-Denis Boulet, 5 novembre 1919.</blockquote>
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Cette étude n’a semble-t-il pas été éditée. Les lecteurs de l’œuvre de Guénon connaissent cependant déjà une partie des considérations qui y sont abordées et qui se trouvent notamment au début du livre <i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les lecteurs canadiens peuvent la lire p. 1080 du recueil d’articles.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-12666905586551405232016-08-09T06:55:00.000+02:002016-08-09T06:55:28.734+02:00Luc Benoist sur « Le problème » de Jean-Pierre Laurant<br />
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
Comme on l’a vu, des textes parasites sont ajoutés à des livres de René Guénon récemment réédités, dans un but général de soumettre l’œuvre de Guénon à la critique universitaire. Dans <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2015/07/profanation-universitaire-nouvelle.html">celui qui affuble <i>Le Règne de la Quantité</i></a>, les démarches de Luc Benoist auprès de Gallimard sont mises en scène par la « fondation Jean-Pierre Laurant », comme si cela pouvait, par un assentiment de sa part implicite et posthume, donner du poids et de la légitimité à cette entreprise de subversion. <br />
<br />
Cette solidarité n’a bien sûr aucune raison d’être. Mais de plus, à la lecture de ce que Luc Benoist, dans le texte ci-dessous, disait lui-même des sournoiseries de Laurant, on peut trouver une telle manœuvre vraiment ironique.
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Texte paru dans les <i>Études Traditionnelles</i>, septembre-octobre 1971, Les Revues, pp. 236-238.
</div>
</blockquote>
<br />
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La <i>Revue de l</i><i>’Histoire des Religions</i> a publié dans le premier numéro de cette année (n<sup>o</sup> 1, janv. mars 1971) un article de M. Jean-Pierre Laurant intitulé : <i>Le problème de René Guénon ou quelques questions posées par les rapports de sa vie et de son œuvre</i>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il est déjà très remarquable que M. Laurant, professeur et universitaire, ait attaché assez d’importance à l’œuvre guénonienne pour en étudier les sources, serait-ce, comme lui, du plus modeste point de vue et du plus extérieur. On peut regretter qu’il ait dans ce travail emprunté ses moyens d’approche à la plus dérisoire des écoles de critique historique, celle de Taine, aussi officielle que fausse, et heureusement en défaveur, qui cherche dans la vie d’un écrivain l’inspiration de son œuvre, alors que l’œuvre est souvent le complément, la réaction inversée, la revanche contre la vie. Plus heureusement des études sont en gestation en divers lieux qui vont sortir d’une ombre trop respectée une pensée qui a suscité une part considérable du mouvement intellectuel contemporain, ne serait-ce que par la prescience que Guénon a manifesté du réveil de l’Orient et de son influence grandissante sur la pensée et la politique occidentales. D’ailleurs rien ne saurait être plus contraire à la position de Guénon lui-même, vis-à-vis de son œuvre, que le rapprochement de cette dernière avec sa vie, alors qu’il a volontairement protégé cette œuvre de toute compromission terrestre. Et si tout critique est libre d’établir les bases de son travail comme il lui convient, tout au moins devrait-il respecter la pensée de l’auteur qu’il a choisi, même s’il se place à un point de vue opposé. C’est pourquoi on ne saurait souscrire à la prétention de M. Laurant qui suppose <i>saisir la réalité profonde de la démarche guénonienne</i> en la limitant aux différents cercles de personnalités, occultistes, catholiques, maçonniques, hindoues ou musulmanes qui l’ont fréquenté ou qu’il a lui-même connues, alors que sa démarche profonde a été dès ses débuts inverse et « centrifuge », pour aboutir très logiquement à son départ définitif pour l’Égypte.
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il est faux de prétendre que la pensée guénonienne s’identifiait avec la mentalité des groupes auxquels il s’opposait, car si pour combattre efficacement quelqu’un il faut se placer sur le même terrain et employer sa langue, c’est autre chose que partager son point de vue. Or c’est avec prédilection que M. Laurant s’attarde aux débuts de notre auteur, aux épisodes de <i>La Gnose</i>, de l’Ordre du Temple, de <i>Regnabit</i>, à ces années de formation que Guénon n’aimait pas qu’on lui rappelle, dit M. Laurant, pour la bonne raison qu’il avait éprouvé l’inutilité de ces anciennes démarches qui avaient pour but non de s’informer, mais au contraire de redresser les erreurs des différents groupes « néo-spiritualistes » ou religieux alors fréquentés.
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Prétendre qu’au moment de la « <i>Crise du Monde moderne</i> » Guénon n’envisageait pas encore la distinction ésotérisme-exotérisme parce que cette distinction n’est pas ouvertement formulée dans ses écrits (ce qui est à voir) montre à quel point M. Laurant rétrécit son sujet à une recherche de lexicologie, en limitant la pensée guénonienne à une formulation occasionnelle, qui ne préjuge pas de l’origine et du fondement de cette pensée.
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
C’est ce qui lui permet de traiter Guénon d’<i>autodidacte</i> et d’<i>opportuniste</i>. Le traiter d’autodidacte (ce qui au sens vrai est la définition du génie) et insister sur <i>les faiblesses et les contradictions d’une argumentation qui enlèvent toute signification à sa pensée</i>, est plus qu’un abus de langage, alors que la rigueur de cette pensée et la précision de sa langue, que M. Laurant malheureusement n’imite pas, constituent les plus solides bases de l’argumentation guénonienne. Mais pour éviter cette grossière falsification du sujet même de son étude, il aurait fallu que M. Laurant sache de quoi il parle, ce dont on peut douter lorsqu’on lit la conclusion de son étude. Cette conclusion, au terme de son décevant périple, traduit assez bien l’embarras de tout lecteur de Guénon qui se place, comme M. Laurant, à l’extérieur de sa pensée. Il y constate que <i>si les accidents de la vie ne préjugent pas de la valeur de l’intuition ni de la justesse du raisonnement… certaines faiblesses de l’argumentation n’infirment pas la valeur de l’intuition, ni la vérité de celle-ci ne peut faire passer pour justes des raisonnements qui ne le sont pas</i>. Que la pénétration intellectuelle de M. Laurant dans son plus grand essor ne dépasse pas une intuition (sans doute bergsonienne) dont il consent à doter son sujet, tout en lui refusant la rigueur critique, cela à nos yeux le juge. Les raisonnements n’ont d’ailleurs rien à saisir dans une intuition psychologique, pas plus qu’un marteau-pilon n’est un instrument adéquat pour attraper une mouche. La dialectique de M. Laurant basée sur les preuves écrites a l’air d’ignorer que le papier supporte l’erreur comme la vérité, et surtout est aussi lacunaire que la chance et le hasard. Alors que, comme l’a dit je crois Leibnitz, la vérité ne commence pas d’<i>être</i> au moment où elle commence d’être <i>connue</i>, qu’elle soit ou non <i>formulée</i>, trois stades de la connaissance du vrai que M. Laurant confond dans une démarche pragmatique, au total mépris ou à la regrettable méconnaissance du point de vue initiatique et traditionnel, qui lui paraît sans doute une superstition périmée. Alors pourquoi s’en occupe-t-il ?
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
Luc BENOIST
</div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com10tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-86716735752875602642016-05-21T13:07:00.001+02:002016-12-12T23:26:45.026+01:00Textes peu connus de René Guénon<div style="text-align: justify;">
Différents textes de René Guénon, peu connus et peu accessibles actuellement, ont été ajoutés au <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2012/11/rene-guenon-recueil-posthume-articles.html" target="_blank">recueil d’articles</a> :</div>
<ul style="text-align: justify;">
<li>Réponse à l’enquête sur <i>La Culture internationale</i>, publiée dans <i>Images de Paris</i>, mai-juillet 1926 (n<sup>o</sup> 67).</li>
<li>Réponse à l’enquête <i>Pour un nouvel Humanisme</i>, publiée dans l’étude <i>Pour un Humanisme nouveau</i>, dans les <i>Cahiers de Foi et Vie</i>, 1930.</li>
<li>Réponse à G.-E. Monod-Herzen, lettre publiée dans <i>Notre temps</i>, 20 décembre 1927, dans <i>Idées et Philosophies</i>, de G.-E. Monod-Herzen.</li>
</ul>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Dans l’agencement actuel du recueil, les lecteurs canadiens peuvent les trouver respectivement pp. 312, 999 et 1100 du pdf.<br />
<br /></div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-29099443795396591042016-05-15T15:47:00.000+02:002016-05-29T02:50:45.622+02:00Articles datés du calendrier islamique<div style="text-align: justify;">
De 1930 à 1934, René Guénon a conclu ses articles du <i>Voile d’Isis</i> par des annotations comportant des dates du calendrier islamique. Elles ne sont pas toujours faciles à retrouver, les voici rassemblées pour les lecteurs que ce sujet intéresse.<br />
<br /></div>
<br />
<table border="">
<caption></caption>
<tbody align="center">
<tr><td><b>Article du <i>Voile d’Isis</i></b></td><td><b>Date</b></td><td><b>Annotation avec date du calendrier islamique</b></td><td><b>Réutilisé pour</b></td></tr>
<tr><td><i>La Grande Guerre sainte</i></td><td>1930, 05</td><td>Mesr, 1<sup>er</sup> dzul-gadah 1348 H.</td><td><i>Le Symbolisme de la Croix</i>, ch. 08 - La guerre et la paix.</td></tr>
<tr><td><i>À propos des pèlerinages</i></td><td>1930, 06</td><td>Mesr, 1<sup>er</sup> dzul-hijjah (mois du pèlerinage) 1348 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Et-Tahwîd</i></td><td>1930, 07</td><td>Gebel Seyidna Mousa, 23 shawâl 1348 H.<br />
Mesr, Seyidna El-Hussein, 10 moharram 1349 H.<br />
(anniversaire de la bataille de Kerbela)</td><td></td></tr>
<tr><td><i>El-faqru</i></td><td>1930, 10</td><td>Mesr, 11-12 rabî awal 1349 H. (Mûlid En-Nabi).</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Les limites du Mental</i></td><td>1930, 11</td><td>Mesr, 23 rabî thâni 1349 H. (Mûlid Seyidna El-Hussein).</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 32.</td></tr>
<tr><td><i>Le Siphra di-Tzeniutha</i></td><td>1930, 12</td><td>Mesr, 25 jamâd awal 1349 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Initiation sacerdotale et Initiation royale</i></td><td>1931, 01</td><td>Mesr, 7 rajab 1349 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 40.</td></tr>
<tr><td><i>La Science des lettres (</i>Ilmul-hurûf<i>)</i></td><td>1931, 02</td><td>Mesr, 10 shaabân 1349 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>L’écorce et le noyau (</i>El Qishr wa el-Lobb<i>)</i></td><td>1931, 03</td><td>Mesr, 8 ramadân 1349 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>La tradition hermétique</i></td><td>1931, 04</td><td>Mesr, Sheikh El-Bayûmi, 9 shawâl 1349 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 41 - Quelques considération sur l’hermétisme.</td></tr>
<tr><td><i>Rose-Croix et Rosicruciens</i></td><td>1931, 05</td><td>Mesr, 10 dul-qadah 1349 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 38.</td></tr>
<tr><td><i>Magie et Mysticisme</i></td><td>1931, 06</td><td>Mesr, 10 dul-hijjah 1349 H. (El-Aïd el-Kebir).</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 02.</td></tr>
<tr><td><i>L’hiéroglyphe du Cancer</i></td><td>1931, 07</td><td>Mesr, 15 moharram 1350 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Place de la tradition atlantéenne dans le </i>Manvantara</td><td>1931, 08-09</td><td>Mesr, 15 rabî-awal 1350 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Sheth</i></td><td>1931, 10</td><td>Mesr, 23 rabî thâni 1350 H. (Mûlid Seyidna El-Hussein).</td><td></td></tr>
<tr><td><i>La Langue des Oiseaux</i></td><td>1931, 11</td><td>Mesr, 22 jumâd awal 1350 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Quelques remarques sur le nom d’Adam</i></td><td>1931, 12</td><td>Mesr, 26 jumâd thâni 1350 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Caïn et Abel</i></td><td>1932, 01</td><td>Mesr, 27 rajab 1350 H. (Laïlat El-Miraj).</td><td><i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i>, ch. 21.</td></tr>
<tr><td><i>Le symbolisme du Théâtre</i></td><td>1932, 02</td><td>Mesr, 26 shaabân 1350 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 28.</td></tr>
<tr><td><i>Le langage secret de Dante et des « Fidèles d’Amour »</i> (II)</td><td>1932, 03</td><td>Mesr, 27 ramadân 1350 H. (Laïlat El-Qadr).</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Hermès</i></td><td>1932, 04</td><td>Mesr, 26 shawâl 1350 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>La chirologie dans l’ésotérisme islamique</i></td><td>1932, 05</td><td>Mesr, 18 dhûl-qadah 1350 H. (Mûlid Seyid Ali El-Bayûmi).</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Organisations Initiatiques et Sectes Religieuses</i></td><td>1932, 06</td><td>Mesr, 25 dhûl-hijjah 1350 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 11.</td></tr>
<tr><td><i>Nouveaux aperçus sur le langage secret de Dante</i></td><td>1932, 07</td><td>Mesr, 5 çafar 1351 H. (Mûlid Seyidi Ismaïl El-Embâbi).</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Taoïsme et Confucianisme</i></td><td>1932, 08-09</td><td>[Pas de date, numéro spécial.]</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Des conditions de l’Initiation</i></td><td>1932, 10</td><td>Mesr, 28-29 rabî thâni 1351 H. (Mûlid Seyidna El-Hussein).</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 04.</td></tr>
<tr><td><i>De la Régularité initiatique</i></td><td>1932, 11</td><td>Mesr, 1<sup>er</sup> jumâd thâni 1351 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 05.</td></tr>
<tr><td><i>De la Transmission initiatique</i></td><td>1932, 12</td><td>Mesr, 7 rajab 1351 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 08.</td></tr>
<tr><td><i>Des Centres initiatiques</i></td><td>1933, 01</td><td>Mesr, 10 shaabân 1351 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 10.</td></tr>
<tr><td><i>Initiation et contre-initiation</i></td><td>1933, 02</td><td>Mesr, 11 ramadân 1351 H.</td><td><i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i>, ch. 38 - De l’antitradition à la contre-tradition.</td></tr>
<tr><td><i>Des Rites initiatiques</i></td><td>1933, 03</td><td>Mesr, 12 shawâl 1351 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 15.</td></tr>
<tr><td><i>Des Épreuves initiatiques</i></td><td>1933, 04</td><td>Mesr, 10 dhûl-qadah 1351 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 25.</td></tr>
<tr><td><i>Qabbalah</i></td><td>1933, 05</td><td>Mesr, 7 dhûl-hijjah 1351 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Connaissance initiatique et « culture » profane</i></td><td>1933, 06</td><td>Mesr, 7 moharram 1352 H.</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 33.</td></tr>
<tr><td><i>« Fidèles d’Amour » et « Cours d’amour »</i></td><td>1933, 07</td><td>Mesr, 12 çafar 1352 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Kabbale et science des nombres</i></td><td>1933, 08-09</td><td>Mesr, 1<sup>er</sup> rabî eth-thâni 1352 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Kundalinî-Yoga</i> (I)</td><td>1933, 10</td><td>Mesr, 25 jumâd el-awal 1352 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Kundalinî-Yoga </i>(II)</td><td>1933, 11</td><td>Mesr, 20 jumâd eth-thâni 1352 H.</td><td></td></tr>
<tr><td><i>L’enseignement initiatique</i></td><td>1933, 12</td><td>[Pas de date, déjà publié dans <i>Le Symbolisme</i> en janvier 1913.]</td><td><i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. 31.</td></tr>
<tr><td><i>La « Religion » d’un Philosophe</i></td><td>1934, 01</td><td>Mesr, 22 shaabân 1352 H.</td><td><i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i>, ch. 33 - L’intuitionnisme contemporain.</td></tr>
<tr><td><i>Le Saint Graal</i> (I)</td><td>1934, 02</td><td>Mesr, 27 ramadân 1352 H. (Laylat El-Qadr).</td><td></td></tr>
<tr><td><i>Le Saint Graal</i> (II)</td><td>1934, 03</td><td>Mesr, 20 shawâl 1352 H.</td><td></td></tr>
</tbody></table>
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-30526131457478830022016-02-14T00:05:00.004+01:002019-08-08T18:43:56.009+02:00Ecrits de Y. B.<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Pdf au format texte :</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon-libre.quebec/autres/autour%20de%20Rene%20Guenon/Ecrits%20de%20Y.%20B..pdf" target="_blank">Lien de téléchargement</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Comprend l’article : <i>Un exemple de perfection dans l’art de la calligraphie islamique
(</i>yantra<i> et sciences traditionnelles)</i>, publié dans <i>Vers la Tradition</i>, n<sup>o</sup> 116, juin-juillet-août 2009, signé <span style="font-variant: small-caps;">Foulan ;</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
ainsi que les deux articles suivants :</div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html" target="_blank">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html" target="_blank">https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-12050310422242131102016-02-05T23:48:00.001+01:002016-12-12T23:24:50.234+01:00Métaphysique et sciences traditionnelles (Y. B.)<br />
<blockquote class="tr_bq" style="text-align: justify;">
<span style="text-align: center;">Le présent </span><span style="text-align: center;">article de Y. B. est inédit, il avait été initialement préparé pour </span><i style="text-align: center;">Vers la Tradition</i><span style="text-align: center;">, n</span><sup style="text-align: center;">o</sup><span style="text-align: center;"> 119 (mars-avril-mai 2010).</span></blockquote>
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<span style="font-size: x-large; font-variant: small-caps;">Métaphysique et sciences traditionnelles</span></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Dans l’article qui suit, nous avons choisi quelques enseignements fondamentaux de René Guénon volontairement disposés de manière à nous dispenser de tout commentaire superflu.</div>
<br />
<div id="n1r" style="text-align: justify;">
La première partie concerne la métaphysique et le rôle de l’intuition intellectuelle, qui semble ne pas devoir être confondue avec la notion de <i>‘Aql</i> dans les doctrines du <i>taçawwuf</i>, où elle désigne la <i>buddhi</i>, en tant qu’Intellect premier ; mais aussi la « raison », du moins quand elle est opposée à la <i>sharia</i>, puisque celle-ci concerne le domaine de l’action dont il est également question ici. Bien que Guénon se serve du sanscrit <i>buddhi </i>pour désigner l’intuition intellectuelle, celle-ci ne nous paraît pas devoir être considérée comme la première production de <i>Prakriti</i>, car elle est au-delà de l’identité entre le sujet et l’objet qui peuvent symboliser l’Essence et la Substance. Celles-ci sont la première polarisation de l’Être en tant qu’il ne se manifeste pas ; et c’est dans ce non-manifesté que l’intuition est reliée, sous la forme du « rayon lumineux » (<i>sutrâtmâ</i>) à <i>Âtmâ</i>, c’est-à-dire l’Esprit universel (<i>Er-Rûh</i>). D’ailleurs, comme le précise Guénon, <span style="background-color: #fff2cc;">« non seulement <i>Buddhi</i>, en tant qu’elle est la première des productions de <i>Prakriti</i>, constitue le lien entre tous les états de manifestation, mais d’un autre côté, si l’on envisage les choses à partir de l’ordre principiel, elle apparaît comme le rayon lumineux directement émané du Soleil spirituel, qui est <i>Âtmâ </i>lui-même ; on peut donc dire qu’elle est aussi la première manifestation d’<i>Âtmâ</i>, quoiqu’il doive être bien entendu que, en soi, celui-ci ne pouvant être affecté ou modifié par aucune contingence demeure toujours non manifesté »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n1">(1)</a>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Selon la perspective adoptée, l’Esprit est à la fois « Cœur du Monde », Lumière, Souffle, Intellect et vibration ; et du point de vue « muhammadien », c’est dans la relation qui existe entre le cœur et l’âme qu’il faudrait envisager un complémentarisme en se référant à une <i>sunnah </i>elle aussi très proche des conceptions taoïstes : « Qui connaît son âme, connaît son Seigneur » ; car c’est le « domaine intermédiaire » qui est évoqué ici ; et bien que le terme <i>nafs </i>permette une transposition dans un ordre supérieur, c’est à ce domaine auquel l’initié est d’abord confronté par le « souffle vibratoire » de l’incantation qui le « transforme ».</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Ceci étant, nous ne comprenons vraiment pas pour quelle raison la <i>sunnah </i>: <i>Inna Allâh khalaqa Adama ‘alâ sûratihi</i> est le plus généralement traduite par « <i>Allâh </i>a créé Adam selon Sa forme » sans chercher à déterminer à quoi cette « forme » peut correspondre dans la terminologie guénonienne où elle a pourtant un sens très précis. S’il y a là l’intention de se distinguer de la tradition biblique suivant laquelle « Dieu a créé l’homme à son image », elle nous paraît vraiment inappropriée, car la notion d’« image », que l’on retrouve dans la racine dont dérive le terme <i>çûra</i>, implique tout un symbolisme commun aux doctrines akbariennes et guénoniennes, lié aux idées de « miroir », de « reflet », d’« inversion » , et même d’« union », qui semblent décidément poser un grand nombre de difficultés de conceptualisation.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Mais qu’on ne s’y trompe pas : tous les thèmes abordés ici ont une relation plus ou moins directe avec l’aspect « substantiel » des réalités, et nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre remarque de la note 17 ci-dessous, car on dirait bien qu’il y a là un résidu du dualisme cartésien qui persiste encore dans l’hérédité psychique de certains musulmans d’origine occidentale, lequel est la cause d’un grand nombre d’atrophies des facultés intellectuelles qui sont les seules à pouvoir « ordonner » le domaine intermédiaire, à condition de ne pas être affecté par la mentalité religieuse qui préfère le laisser « à la charge d’<i>Allâh</i> ».</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Les deuxième et troisième parties concernent les « sciences traditionnelles », et développent quelques applications d’ordre cyclique dont Guénon n’a donné que des indications sommaires, et qui semblent avoir été véhiculées par différentes organisations initiatiques occidentales sur lesquelles nous ferons quelques remarques dans la quatrième partie.</div>
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">I. De la métaphysique</span></div>
<br />
<div id="n2r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Dans toute doctrine qui est métaphysiquement complète, comme le sont les doctrines orientales, la théorie est toujours accompagnée ou suivie d’une réalisation effective, dont elle est seulement la base nécessaire : aucune réalisation ne peut être abordée sans une préparation théorique suffisante, mais la théorie tout entière est ordonnée en vue de la réalisation, comme le moyen en vue de la fin, et ce point de vue est supposé, au moins implicitement, jusque dans l’expression extérieure de la doctrine. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n2">(2)</a> <span style="background-color: #fff2cc;">« Seulement, il faut faire ici une distinction entre la métaphysique elle-même, en tant que conception intellectuelle pure, et son exposition formulée : tandis que la première échappe totalement aux limitations individuelles, donc à la raison, la seconde, dans la mesure où elle est possible, ne peut consister qu’en une sorte de traduction des vérités métaphysiques en mode discursif et rationnel, parce que la constitution même de tout langage humain ne permet pas qu’il en soit autrement. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n3">(3)</a></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« La métaphysique affirme l’identité foncière du connaître et de l’être, qui ne peut être mise en doute que par ceux qui ignorent ses principes les plus élémentaires ; et, comme cette identité est essentiellement inhérente à la nature même de l’intuition intellectuelle, elle ne l’affirme pas seulement, elle la réalise (…) »</span></div>
<br />
<div id="n4r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« La conséquence immédiate de ceci, c’est que connaître et être ne sont au fond qu’une seule et même chose ; ce sont, si l’on veut, deux aspects inséparables d’une réalité unique, aspects qui ne sauraient même plus être distingués vraiment là où tout est “sans dualité”. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n4">(4)</a></div>
<br />
<div id="n5r" style="text-align: justify;">
En effet, le « non-dualisme » ou la « doctrine de la non-dualité » (en sanscrit <i>adwaita-vâda</i>) <span style="background-color: #fff2cc;">« envisage l’un et l’autre aspect simultanément dans l’unité d’un principe commun, d’ordre plus universel, et dans lequel ils sont également contenus, non plus comme opposés à proprement parler, mais comme complémentaires, par une sorte de polarisation qui n’affecte en rien l’unité essentielle de ce principe commun »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n5">(5)</a>.</div>
<br />
<div id="n6r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« L’intuition intellectuelle est (…) plus immédiate encore que l’intuition sensible, car elle est au delà de la distinction du sujet et de l’objet que cette dernière laisse subsister ; elle est à la fois le moyen de la connaissance et la connaissance elle-même, et, en elle, le sujet et l’objet sont unifiés et identifiés. D’ailleurs, toute connaissance ne mérite vraiment ce nom que dans la mesure où elle a pour effet de produire une telle identification, mais qui, partout ailleurs, reste toujours incomplète et imparfaite ; en d’autres termes, il n’y a de connaissance vraie que celle qui participe plus ou moins à la nature de la connaissance intellectuelle pure, qui est la connaissance par excellence. Toute autre connaissance, étant plus ou moins indirecte, n’a en somme qu’une valeur surtout symbolique ou représentative ; il n’y a de connaissance véritable et effective que celle qui nous permet de pénétrer dans la nature même des choses, et, si une telle pénétration peut déjà avoir lieu jusqu’à un certain point dans les degrés inférieurs de la connaissance, ce n’est que dans la connaissance métaphysique qu’elle est pleinement et totalement réalisable. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n6">(6)</a></div>
<br />
<div id="n7r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« (…) Dès lors que le sujet connaît un objet, si partielle et si superficielle même que soit cette connaissance, quelque chose de l’objet est dans le sujet et est devenu partie de son être ; quel que soit l’aspect sous lequel nous envisageons les choses, ce sont bien toujours les choses mêmes que nous atteignons, au moins sous un certain rapport, qui forme en tout cas un de leurs attributs, c’est-à-dire un des éléments constitutifs de leur essence (…) l’acte de la connaissance présente deux faces inséparables ; s’il est identification du sujet à l’objet, il est aussi, et par là même, assimilation de l’objet par le sujet ; en atteignant les choses dans leur essence, nous les “réalisons” dans toute la force de ce mot, comme des états ou des modalités de notre être propre ; et, si l’idée, selon la mesure où elle est vraie et adéquate, participe de la nature de la chose, c’est que, inversement, la chose elle-même participe aussi de la nature de l’idée. Au fond, il n’y a pas deux mondes séparés et radicalement hétérogènes, tels que les suppose la philosophie moderne en les qualifiant de “subjectif” et d’“objectif”, ou même superposés à la façon du “monde intelligible” et du “monde sensible” de Platon ; mais, comme le disent les Arabes, “l’existence est unique”, et tout ce qu’elle contient n’est que la manifestation, sous des modes multiples, d’un seul et même principe, qui est l’Être universel. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n7">(7)</a></div>
<br />
<div id="n8r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« En tout cas, il faut toujours se souvenir que, de tous les moyens préliminaires, la connaissance théorique est le seul vraiment indispensable, et qu’ensuite, dans la réalisation même, c’est la concentration qui importe le plus et de la façon la plus immédiate, car elle est en relation directe avec la connaissance (…) l’action ne peut avoir pour effet de nous faire sortir du domaine de l’action, [or, c’est cela] qu’implique, dans son but véritable, une réalisation métaphysique »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n8">(8)</a>. En d’autres termes, <span style="background-color: #fff2cc;">« l’action ne peut avoir de conséquences que dans le domaine de l’action, et (…) son efficacité s’arrête précisément où cesse son influence ; l’action ne peut donc avoir pour effet de libérer de l’action et de faire obtenir la “délivrance” ; aussi une action, quelle qu’elle soit, ne pourra tout au plus conduire qu’à des réalisations partielles, correspondants à certains états supérieurs, mais encore déterminés et conditionnés. Shankarâchârya déclare expressément qu’“il n’y a point d’autre moyen d’obtenir la ‘délivrance’ complète et finale que la connaissance ; l’action, qui n’est pas opposée à l’ignorance, ne peut l’éloigner, tandis que la connaissance dissipe l’ignorance comme la lumière dissipe les ténèbres” ; et, l’ignorance étant la racine et la cause de toute limitation, lorsqu’elle a disparu, l’individualité qui se caractérise par ses limitations, disparaît par la même. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n9">(9)</a></div>
<br />
<div id="n10r" style="text-align: justify;">
D’autre part, <span style="background-color: #fff2cc;">« tandis que le point de vue religieux implique essentiellement l’intervention d’un élément d’ordre sentimental, le point de vue métaphysique est exclusivement intellectuel (…) [et] comprend tout ce qui est nécessaire pour qu’[il] soit vraiment [universel] »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n10">(10)</a>.</div>
<br />
<div id="n11r" style="text-align: justify;">
Le domaine de la métaphysique<span style="background-color: #fff2cc;"> « est essentiellement constitué par ce dont il n’y a aucune expérience possible : étant “au delà de la physique”, nous sommes aussi, et par la même, au delà de l’expérience. (…) Donc, quand il s’agit de la métaphysique, ce qui peut changer avec les temps et les lieux, ce sont seulement les modes d’exposition, c’est-à-dire les formes plus ou moins extérieures dont la métaphysique peut être revêtue, et qui sont susceptibles d’adaptations diverses, et c’est aussi, évidemment, l’état de connaissance ou d’ignorance des hommes, ou du moins de la généralité d’entre eux, à l’égard de la métaphysique véritable ; mais celle-ci reste toujours, au fond, parfaitement identique à elle-même, car son objet est essentiellement un, ou plus exactement “sans dualité”, comme le disent les Hindous, et cet objet, toujours par là même qu’il est “au delà de la nature”, est aussi au delà du changement : c’est ce que les Arabes expriment en disant que “la doctrine de l’Unité est unique”. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n11">(11)</a></div>
<br />
<div id="n12r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Il est vrai, d’autre part, que la compréhension, même théorique, et à partir de ses degrés les plus élémentaires, suppose un effort personnel indispensable, et est conditionnée par les aptitudes réceptives spéciales de celui à qui un enseignement est communiqué ; il est trop évident qu’un maître, si excellent soit-il, ne saurait comprendre pour son élève, et que c’est à celui-ci qu’il appartient exclusivement de s’assimiler ce qui est mis à sa portée. S’il en est ainsi, c’est que toute connaissance vraie et vraiment assimilée est déjà par elle-même, non une réalisation effective sans doute, mais du moins une réalisation virtuelle (…) ; autrement, on ne pourrait dire avec Aristote qu’un être “est tout ce qu’il connaît”. (…) <span style="background-color: white;">[C’est pourquoi,]</span> dans une doctrine qui est métaphysiquement complète, le point de vue de la réalisation réagit sur l’exposition même de la théorie, qui le suppose au moins implicitement et ne peut jamais en être indépendante, car la théorie, n’ayant en elle-même qu’une valeur de préparation, doit être subordonnée à la réalisation comme le moyen l’est à la fin en vue de laquelle il est institué. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n12">(12)</a></div>
<br />
<div id="n13r" style="text-align: justify;">
On peut encore dire que : <span style="background-color: #fff2cc;">« la métaphysique ne saurait être contraire à la raison, mais elle est au-dessus de la raison, qui ne peut intervenir là que d’une façon toute secondaire, pour la formulation et l’expression extérieure de ces vérités qui dépassent son domaine et sa portée (…) et cela parce que la raison est évidemment faillible par suite de son caractère discursif et médiat. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n13">(13)</a> Seulement, <span style="background-color: #fff2cc;">« le point de vue intellectuel est le seul qui soit immédiatement abordable, parce que l’universalité des principes les rend assimilables pour tout [individu], à quelque race qu’il appartienne, sous la seule condition d’une capacité de compréhension suffisante. (…) Tout ce qui peut être développé sans réserve, c’est-à-dire tout ce qu’il y a d’exprimable dans le côté purement théorique de la métaphysique, est encore plus que suffisant pour que, à ceux qui peuvent le comprendre, même s’ils ne vont pas au delà, les spéculations analytiques et fragmentaires de l’Occident moderne apparaissent telles qu’elles sont en réalité, c’est-à-dire comme une recherche vaine et illusoire, sans principe et sans but final, et dont les médiocres résultats ne valent ni le temps ni les efforts de quiconque a un horizon intellectuel assez étendu pour n’y point borner son activité. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n14">(14)</a></div>
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">II. Des sciences traditionnelles</span></div>
<br />
<div id="n15r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Une science quelconque, suivant la conception traditionnelle, a moins son intérêt en elle-même qu’en ce qu’elle est comme un prolongement ou une branche secondaire de la doctrine (…) »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n15">(15)</a> : [elle concerne] <span style="background-color: #fff2cc;">« les connaissances se rapportant au domaine du relatif, et qui (…) ne peuvent être envisagées que comme de simples dépendances (…) ou des reflets de la connaissance absolue et principielle. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n16">(16)</a> <span style="background-color: #fff2cc;">« C’est là aussi ce qui explique que les sciences traditionnelles secondaires, qui ne sont que des applications contingentes, ne soient pas, sous leur forme orientale, entièrement assimilables pour les Occidentaux ; quant à en constituer où à en restituer l’équivalent dans un mode qui convienne à la mentalité occidentale, c’est là une tâche dont la réalisation ne peut apparaître que comme une possibilité fort éloignée, et dont l’importance, d’ailleurs, bien que très grande encore, n’est en somme qu’accessoire. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n17">(17)</a></div>
<br />
<div id="n18r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« <span style="background-color: white;">[Mais]</span> s’il en est qui veulent, dès maintenant l’entreprendre (non dans leur intégralité (…) mais dans certains éléments tout au moins), [cela] nous paraît une chose digne d’être approuvée, (…) à la double condition que cette étude soit faite avec des données suffisantes pour ne point s’y égarer, ce qui suppose déjà beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire, et qu’ elle ne fasse jamais perdre de vue l’essentiel. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n18">(18)</a></div>
<br />
<div id="n19r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Ce que nous avons fait nous-même, il n’y a pas de raisons, en somme, pour que d’autres ne le fassent pas aussi ; (…) ce ne seront sans doute que des exceptions, mais il suffit qu’il se rencontre de telles exceptions, même peu nombreuses, pour que (…) les possibilités que nous indiquons soient susceptibles de se réaliser tôt ou tard. D’ailleurs, tout ce que nous ferons et dirons aura pour effet de donner, à ceux qui viendront ensuite, des facilités que nous n’avons pas trouvées pour notre propre compte ; en cela comme en toute autre chose, le plus pénible est de commencer le travail, et l’effort à accomplir doit être d’autant plus grand que les conditions sont plus défavorables. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n19">(19)</a></div>
<br />
<div id="n20r" style="text-align: justify;">
Seulement, <span style="background-color: #fff2cc;">« ceux qui entreprendraient une œuvre comme celle dont nous parlons ne devraient pas s’attendre à obtenir immédiatement des résultats apparents ; mais leur travail n’en serait pas moins réel et efficace, bien au contraire, et, tout en n’ayant nul espoir d’en voir jamais l’épanouissement extérieur, ils n’en recueilleraient pas moins personnellement bien d’autres satisfactions et des bénéfices inappréciables. Il n’y a même aucune commune mesure entre les résultats d’un travail tout intérieur, et de l’ordre le plus élevé, et tout ce qui peut être obtenu dans le domaine des contingences (…) Mais, dira-t-on peut-être, s’il en est ainsi, et si ce travail intérieur par lequel il faut commencer est en somme le seul vraiment essentiel, pourquoi se préoccuper d’autre chose ? C’est que (…) dès lors que nous sommes dans le monde manifesté, nous ne pouvons nous en désintéresser entièrement ; et d’ailleurs, puisque tout doit dériver des principes, le reste peut être obtenu en quelque sorte “par surcroît”, et on aurait grand tort de s’interdire d’envisager cette possibilité. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n20">(20)</a></div>
<br />
<div id="n21r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Quand on a pour soi la puissance de la vérité, n’eût on rien d’autre pour vaincre les plus redoutables obstacles, on ne peut céder au découragement, car cette puissance est telle que rien ne saurait prévaloir finalement contre elle ; il n’y a, pour en douter, que ceux qui ne savent pas que tous les déséquilibres partiels et transitoires doivent nécessairement concourir au grand équilibre total de l’Univers. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n21">(21)</a></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Les sciences traditionnelles ont deux rôles complémentaires, <span style="background-color: #fff2cc;">« d’un côté, comme applications de la doctrine, elles permettent de relier entre eux tous les ordres de réalité, de les intégrer dans l’unité de la synthèse totale ; de l’autre, elles sont, pour certains tout au moins, et en conformité avec les aptitudes de ceux-ci, une préparation à une connaissance plus haute, une sorte d’acheminement vers cette dernière, et, dans leur répartition hiérarchique selon les degrés d’existence auxquels elles se rapportent, elles constituent alors comme autant d’échelons à l’aide desquels il est possible de s’élever jusqu’à l’intellectualité pure »</span>.</div>
<br />
<div id="n22r" style="text-align: justify;">
Il existe une certaine nécessité de convenance à procéder d’abord dans le sens « ascendant », et Guénon se sert de l’image de la « roue cosmique » pour illustrer ceci : <span style="background-color: #fff2cc;">« la circonférence n’existe (…) que par le centre ; mais les êtres qui sont sur la circonférence doivent forcément partir de celle-ci, ou plus exactement du point de celle-ci où ils sont placés, et suivre le rayon pour aboutir au centre. D’ailleurs, en vertu de la correspondance qui existe entre tous les ordres de réalité, les vérités d’un ordre inférieur peuvent être considérées comme un symbole de celles des ordres supérieurs, et, par suite, servir de “support” pour arriver analogiquement à la connaissance de ces dernières ; c’est là ce qui confère à toute science un sens supérieur ou “anagogique”, plus profond que celui qu’elle possède par elle-même, et ce qui peut lui donner le caractère d’une véritable “science sacrée”. »</span> Un des types les plus complets de science traditionnelle est l’alchimie qui se définit comme <span style="background-color: #fff2cc;">« une science d’ordre cosmologique (…) applicable aussi à l’ordre humain, en vertu de l’analogie du “macrocosme” et du “microcosme” ; (…) <span style="background-color: white;">[Elle est]</span> constituée expressément en vue de permettre une transposition dans le domaine purement spirituel, <span style="background-color: white;">[qui confère]</span> à ses enseignements une valeur symbolique et une signification supérieure »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n22">(22)</a>. <span style="background-color: #fff2cc;">« L’alchimie a bien en effet le caractère d’une application de la doctrine ; et les moyens de l’initiation, si on les envisage en se plaçant à un point de vue en quelque sorte “descendant”, sont évidemment une application de son principe même, tandis qu’inversement, au point de vue “ascendant”, ils sont le “support” qui permet d’accéder à celui-ci »</span>. C’est pourquoi, <span style="background-color: #fff2cc;">« il ne faut pas confondre les moyens d’une réalisation initiatique, quels qu’ils puissent être, avec son but, qui, en définitive, est toujours de connaissance pure »</span> … L’alchimie envisage la manifestation corporelle en tant qu’elle se rattache à la manifestation subtile comme à son principe immédiat : elle se rapporte au « monde intermédiaire » où se situent <span style="background-color: #fff2cc;">« les prolongements extra-corporels de l’individualité humaine, ou les possibilités mêmes dont le développement concerne proprement les “petits mystères”. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n23">(23)</a> Elle comporte essentiellement la connaissance de la nature pouvant être considérée comme le symbole de la manifestation toute entière <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n24">(24)</a>, et vise principalement les possibilités de l’« état primordial » : <span style="background-color: #fff2cc;">« puisque l’être qui y est parvenu est déjà virtuellement “délivré”… on peut dire qu’il est aussi virtuellement “transformé” par là même ; <span style="background-color: white;">[et]</span> il est bien entendu que sa “transformation” ne peut être effective, puisqu’il n’est pas encore sorti de l’état humain, dont il a seulement réalisé intégralement la perfection ; mais les possibilités qu’il a dès lors acquises reflètent et “préfigurent” en quelque sorte celles de l’être véritablement “transformé”, puisque c’est en effet au centre de l’état humain que se reflètent directement les états supérieurs. L’être qui est établi en ce point occupe une position réellement “centrale” par rapport à toutes les conditions de l’état humain, de sorte que, sans être passé au delà, il les domine pourtant d’une certaine façon, au lieu d’être au contraire dominé par elles comme l’est l’homme ordinaire ; et cela, est vrai notamment en ce qui concerne la condition temporelle aussi bien que la condition spatiale. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n25">(25)</a></div>
<br />
<div id="n26r" style="text-align: justify;">
On peut encore dire que <span style="background-color: #fff2cc;">« l’être doit avant tout identifier le centre de sa propre individualité (représenté par le cœur dans le symbolisme traditionnel) avec le centre cosmique de l’état d’existence auquel appartient cette individualité, et qu’il va prendre comme base pour s’élever aux états supérieurs. C’est en ce centre que réside l’équilibre parfait, image de l’immutabilité principielle dans le monde manifesté ; c’est là que se projette l’axe qui relie entre eux tous les états, le “rayon divin” qui, dans son sens ascendant, conduit directement à ces états supérieurs qu’il s’agit d’atteindre. Tout point possède virtuellement ces possibilités et est, si l’on peut dire, le centre en puissance ; mais il faut qu’il le devienne effectivement par une identification réelle, pour rendre actuellement possible l’épanouissement total de l’être »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n26">(26)</a> ; épanouissement qui peut ainsi être défini : <span style="background-color: #fff2cc;">« l’être qui a réalisé l’intégralité d’un état s’est fait lui-même le centre de cet état, et, comme tel, on peut dire qu’il remplit cet état tout entier de sa propre irradiation : il s’assimile tout ce qui y est contenu, de façon à en faire comme autant de modalités secondaires de lui-même, à peu près comparables à ce que sont les modalités qui se réalisent dans l’état de rêve. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n27">(27)</a></div>
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">III. De quelques applications cycliques</span></div>
<br />
<div id="n28r" style="text-align: justify;">
On sait que l’hermétisme désigne <span style="background-color: #fff2cc;">« une tradition d’origine égyptienne, revêtue par la suite d’une forme hellénisée, sans doute à l’époque alexandrine, et transmise sous cette forme, au moyen âge, à la fois au monde islamique et au monde chrétien, et, ajouterons-nous, au second en grande partie par l’intermédiaire du premier »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n28">(28)</a>… Seulement, Guénon précise que <span style="background-color: #fff2cc;">« quelles que soient les affinités qui existent entre <span style="background-color: white;">[l’hermétisme chrétien et la Maçonnerie proprement dite]</span> il n’est cependant pas possible de les considérer comme identiques, car, même lorsqu’ils font jusqu’à un certain point usage des mêmes symboles, ils n’en procèdent pas moins de “techniques” initiatiques notablement différentes à bien des égards »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n29">(29)</a>.</div>
<br />
<div id="n30r" style="text-align: justify;">
Or, en ce qui concerne l’expression de l’ésotérisme islamique <i>El Kebrîtul-ahmar</i> (Le Soufre Rouge), il parle d’une <span style="background-color: #fff2cc;">« désignation indiquant une assimilation (…) de la “science des lettres” avec l’alchimie. En effet, ces deux sciences, entendues dans leur sens profond, n’en sont qu’une en réalité ; et ce qu’elles expriment l’une et l’autre, sous des apparences très différentes, n’est rien d’autre que le processus même de l’initiation, qui reproduit d’ailleurs rigoureusement le processus cosmogonique, la réalisation totale des possibilités d’un être s’effectuant nécessairement en passant par les mêmes phases que celles de l’Existence universelle »</span> et il ajoute en note : <span style="background-color: #fff2cc;">« (…) le symbolisme maçonnique lui-même, dans lequel la “Parole perdue” et sa recherche jouent d’ailleurs un rôle important, caractérise les degrés initiatiques par des expressions manifestement empruntées à la “science des lettres” : épeler, lire, écrire. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n30">(30)</a></div>
<br />
<div id="n31r" style="text-align: justify;">
Seulement, il précise encore ailleurs que <span style="background-color: #fff2cc;">« dans la tradition islamique, Seyidna Idris est identifié à la fois à Hermès et à Hénoch ; cette double assimilation semble indiquer une continuité de tradition qui remonterait au delà du sacerdoce égyptien, celui-ci ayant dû seulement recueillir l’héritage de ce que représente Hénoch, qui se rapporte manifestement à une époque antérieure »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n31">(31)</a> ; c’est-à-dire l’époque atlantéenne, et non pas seulement alexandrine comme c’est le cas pour l’hermétisme gréco-égyptien.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
D’un point de vue abrahamique, la civilisation atlantéenne commence avec Adam et se termine avec Noé, en passant par Hénoch ; et d’un point de vue islamique, le culte d’Abraham s’appelait la <i>dînul-hanîffiyya</i>, terme dont la racine ne se distingue de la transcription hébraïque d’Hénoch (Hanouq) que par la substitution de la lettre <i>qâf </i>par la lettre <i>fâ’</i> qui se distinguent, en langue arabe, par deux points suscrits sur la première, et un seul sur la seconde, la forme de la lettre étant identique.</div>
<br />
<div id="n32r" style="text-align: justify;">
Guénon fait d’ailleurs remarquer que les deux langues arabes et hébraïques, <span style="background-color: #fff2cc;">« qui ont la plupart le leurs racines communes, peuvent très souvent s’éclairer l’une par l’autre »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n32">(32)</a> et il fait remonter ces deux langues <span style="background-color: #fff2cc;">« à une source “abrahamique”, qui se rattache vraisemblablement surtout elle-même (comme le suggèrent d’ailleurs les noms mêmes des Hébreux <span style="background-color: white;">[<i>abrani</i>]</span> et des Arabes <span style="background-color: white;">[<i>eber</i>]</span>) au courant traditionnel venu de l’“île perdue de l’Occident” »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n33">(33)</a>. Pour être complet sur cette question, nous rappellerons que la tradition abrahamique est d’origine chaldéeenne, elle-même résultant de la jonction entre le courant atlantéen (ouest) et un courant venu du nord, et la tradition égyptienne le produit entre ce même courant venu de l’ouest et un autre venu du sud <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n34">(34)</a>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
On pourrait donc envisager un courant alchimique remontant à Abraham par sa filiation arabe. Mais ce qui est peut être encore plus remarquable, c’est que dès qu’il est question de la science des lettres dans l’œuvre de Guénon, l’Atlantide y apparaît de manière plus ou moins directe : nous pensons au point central de la figure du Soleil formée par la réunion de la lettre occidentale <i>nûn </i>et de la lettre orientale <i>na</i>, qui symbolisent respectivement les traditions initiale et finale entre lesquelles le courant atlantéen occupe une position intermédiaire ; ainsi qu’à la figure de l’Androgyne formée par les noms d’Adam et Ève qui, inscrits en lettres arabes, font apparaître le vocable <i>Aum </i>qui témoigne aussi de cette jonction entre l’ouest et le nord.</div>
<br />
<div id="n35r" style="text-align: justify;">
Ceci étant, il résulte des données cycliques transmises par Guénon que la période atlantéenne correspond à une durée d’une « grande année » (12 960), et que sa disparition s’est produite 7 200 ans avant l’année 720 du <i>Kali-Yuga</i>, c’est-à-dire l’année 6 480 avant l’âge de fer. En d’autres termes, la civilisation atlantéenne chevauche 6 480 ans du <i>Trêtâ-Yuga</i>, ou âge d’argent, qui en compte le triple (19 440 ans), et 6 480 ans du <i>Dwâpara-Yuga</i>, ou âge d’airain, qui en compte le double (12 960 ans). Si on considère que les traditions issues du courant abrahamique représentent la jonction entre le courant atlantéen venu de l’ouest et un courant venu du nord <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n35">(35)</a>, le passage cyclique du <i>Trêtâ-Yuga</i> au <i>Dwâpara-Yuga</i> pourrait correspondre à la prédominance de l’Atlantide méridionale sur l’Atlantide septentrionale, et, du point de vue de la tradition abrahamique, à la « chute » d’Adam hors du Paradis terrestre <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n36">(36)</a>.</div>
<br />
<div id="n37r" style="text-align: justify;">
En outre, le <i>Kali-Yuga</i> ou âge de fer commence avec l’édification de la Tour de Babel et la confusion des langues <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n37">(37)</a>. Nous ne sommes pas parvenus à déterminer si cet événement se rapporte à l’année 720 de ce <i>Yuga</i>, mais si on additionne ce nombre à l’année 3 761 A. C. qui correspond au début connu de l’ère juive <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n38">(38)</a>, nous obtenons comme fin de l’âge de fer l’an 1 999 de notre ère (6 480 – (3 761 + 720)) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n39">(39)</a>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Maintenant, si on ajoute aux 4 481 ans (3 761 + 720) les 570 ans qui marquent la naissance du Prophète Muhammad, on peut considérer qu’il est né en l’an 5 051 de l’âge de fer, date à laquelle il nous faut retrancher les 78 000 ans pour connaître la période de son existenciation spirituelle (– 72 949). Le nombre des trois cycles antérieurs à l’âge de fer (25 920 + 19 440 + 12 960) totalisent 58 320 ans ; c’est-à-dire que cette existenciation (72 949 – 58 320) correspond à l’an – 14 629 du <i>Manvantara </i>précédent, et plus précisément encore à l’an 1 669 (14 629 – 6 480 de l’âge de fer, et – 6 480 ans de la moitié de l’âge d’airain), avant la période qui correspond dans notre <i>Manvantara</i> au déluge biblique, à la suite duquel se rejoignent les traditions boréenne et atlante.</div>
<br />
<div id="n40r" style="text-align: justify;">
Bien qu’il ne s’agisse que d’une correspondance analogique, la coïncidence nous paraît suffisamment significative pour souligner l’importance de l’Atlantide comme nouveau point de départ pour les formes traditionnelles issues de la jonction entre le nord et l’ouest <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n40">(40)</a>. Par ailleurs, dans <i>Les Sept Étendards du Califat</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n41">(41)</a>, M. Gilis signale que 78 est le nombre triangulaire de 12 (1 + 2 + 3 + 4 + … + 12), mais il est aussi un multiple de 13, ce qui semble indiquer qu’Ibn Arabî prend pour base la <span style="background-color: #fff2cc;">« “grande année” des Perses et des Grecs, évaluée souvent par approximation à 12 000 ou 13 000 ans »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n42">(42)</a>.</div>
<br />
<div id="n43r" style="text-align: justify;">
La totalité du cycle temporel (<i>dawrâtu-z-zamân</i>) comprend donc 6 « grandes années » correspondant aux directions de l’espace et aux jours de la semaine. Du reste, la base principale des périodes cycliques dans l’ordre cosmique <span style="background-color: #fff2cc;">« est la période de la précession des équinoxes, dont la durée est de 25 920 ans, de telle sorte que le déplacement des points équinoxiaux est d’un degré en 72 ans »</span> (360° multipliés par 72 donne 25 920 ans) <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n43">(43)</a>. Trois précessions des équinoxes totalisent 77 760 ans ou 72 ans multipliés par le nombre 1 080, autre nombre cyclique, c’est-à-dire 360°, formant le cercle zodiacal, multiplié par trois révolutions complètes [+ 240 ans (pour retrouver les 78 000 ans) divisés par 72, c’est-à-dire 3°333…].</div>
<br />
<div id="n44r" style="text-align: justify;">
Enfin, dans <i>L’Islam et le signe zodiacal de la balance</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n44">(44)</a>, Michel Rouge a traduit un extrait du <i>Kitâb’Uqlât al mustawfiz</i> où Ibn Arabî donne la procession des nombres correspondant à chaque signe en partant de l’axe équinoxial, dont la prédominance témoigne de la subordination à la tradition hyperboréenne <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n45">(45)</a>. Nous n’entrerons pas dans le détail de cette question, mais nous ferons remarquer que la procession des nombres, dont la somme vaut 78 000, est solaire, alors qu’Ibn Arabî en fait le décompte en mode polaire en prenant comme point de départ le signe de la Balance qui correspond à l’est « céleste » et à l’ouest « terrestre », ce qui témoigne, une fois de plus, de l’importance de l’« île perdue de l’Occident ».</div>
<br />
<div id="n46r" style="text-align: justify;">
D’autre part, les décimales « paires » correspondent à l’aspect diurne (<i>nahar</i>) du jour (<i>yawm</i>), c’est-à-dire « descendant », et aux éléments feu et air, tandis que les décimales « impaires » correspondent à l’aspect nocturne (<i>layla</i>) du jour, c’est-à-dire « ascendant », et aux éléments eau et terre. En effet, à propos d’Hermès, Guénon dit que ses <span style="background-color: #fff2cc;">« deux fonctions de messager des Dieux et de “psychopompe” pourraient, astrologiquement, être rapportées respectivement à un aspect diurne et à un aspect nocturne ; on peut aussi, d’autre part, y retrouver la correspondance des deux courants descendant et ascendant que symbolisent les deux serpents du caducée »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n46">(46)</a>.</div>
<br />
<div id="n47r" style="text-align: justify;">
La difficulté des sciences traditionnelles réside dans les développements indéfinis qu’elles peuvent connaître, impliquant une progression graduelle qui peut facilement dévier si toutes les étapes intermédiaires ne sont pas franchies. Nous nous arrêterons donc ici, non sans rappeler que, selon les « anciens devoirs », Adam et Ève étaient les Surveillants de la première Loge <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n47">(47)</a> ; et que Guénon rapprochait le terme <i>Cable-tow</i> de l’arabe <i>qabeltu </i>qui signifie « j’ai accepté » <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n48">(48)</a>. Il se trouve que ce verbe est de la même racine de ceux qui dérivent de Q B L <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n49">(49)</a> qui sert aussi à désigner Caïn (<i>Qâbil</i>), car comme le signale Guénon, <span style="background-color: #fff2cc;">« la <i>Thorah </i>hébraïque se rattache proprement au type de la loi des peuples nomades : de là la façon dont est présentée l’histoire de Caïn et d’Abel qui, au point de vue des peuples sédentaires, apparaîtrait sous un autre jour et serait susceptible d’une autre interprétation »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n50">(50)</a>. Il semblerait bien que l’intégration de l’héritage atlantéen au sein du courant abrahamique concerne aussi la Maçonnerie, car cette interprétation pourrait se rapporter à la correspondance que Guénon établit entre le sacrifice végétal de Caïn et l’ordre de Melchissédec <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n51">(51)</a>.</div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-kYqfmN3cI4g/VrPWXBfp_rI/AAAAAAAAA5o/jnZQWrcImwY/s1600/Manvantara%2B1.png" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="640" src="https://3.bp.blogspot.com/-kYqfmN3cI4g/VrPWXBfp_rI/AAAAAAAAA5o/jnZQWrcImwY/s640/Manvantara%2B1.png" width="394" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"></td></tr>
</tbody></table>
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">IV. Sur la nature de l’O. T. R. et de la « constitution d’une élite en dehors de tout milieu défini »</span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Pour conclure, nous ferons quelques remarques sur l’Ordre du Temple Rénové, car il nous paraît vraiment contestable de penser que cette organisation procède d’une initiation en dehors de tout milieu défini. En effet, le contenu des conférences de l’O. T. R. se rapporte à des considérations d’ordre symbolique sur l’Archéomètre, la science des lettres et des nombres, les données cycliques et la maçonnerie qui concernent plusieurs courants bien définis, mais dont seule la réunion pose ici difficulté.</div>
<br />
<div id="n52r" style="text-align: justify;">
En fait, Guénon envisage non seulement la possibilité de la constitution d’une élite en dehors de tout milieu défini, ce qui pourrait se rapporter à autre chose <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n52">(52)</a> ; mais aussi celle d’une <span style="background-color: #fff2cc;">« initiation obtenue en dehors des moyens ordinaires et normaux »</span>, comme l’illustre l’exemple de Jacob Boehme qui était initié au compagnonnage <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n53">(53)</a> ; mais cette initiation ne concerne manifestement pas une collectivité, et comme toute initiation implique une chaîne initiatique, il y a bien « milieu défini », même si celui-ci n’est pas perceptible par les sens extérieurs <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n54">(54)</a>.</div>
<br />
<div id="n55r" style="text-align: justify;">
Voici ce qu’il est rapporté sur son initiation : <span style="background-color: #d0e0e3;">« un étranger vêtu très simplement, mais ayant une belle figure et un aspect vénérable »</span> dit <span style="background-color: #d0e0e3;">« d’une voix haute et ferme : “Jacob, Jacob viens ici”. Boehme fut d’abord surpris et effrayé d’entendre cet étranger qui lui était tout à fait inconnu, l’appeler ainsi par son nom de baptême ; mais s’étant remis, il alla à lui. L’étranger, d’un air sérieux et amical, porta les yeux sur les siens, les fixa avec un regard étincelant de feu, le prit par la main droite, et lui dit : “Jacob, tu es peu de chose, mais tu seras grand, et tu deviendras un autre homme, tellement que tu seras pour le monde un sujet d’étonnement. C’est pourquoi sois pieux, crains Dieu, et révère sa parole ; surtout lit soigneusement les Écritures Saintes, dans lesquelles tu trouveras des consolations et des instructions, car tu auras beaucoup à souffrir ; tu auras à supporter la pauvreté, la misère et des persécutions ; mais sois courageux et persévérant, car Dieu t’aime et t’est propice”. Sur cela, l’étranger lui serra la main, le fixa encore avec des yeux perçants, et s’en alla, sans qu’il y ait d’indices qu’ils se soient jamais revus. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n55">(55)</a></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
En dehors de quelques recommandations générales, qui devaient nécessairement « parler » à l’« être » de Boehme, on peut remarquer que cette initiation n’est pas véhiculée par la transmission d’un <i>mantra </i>et qu’elle est de nature « silencieuse », c’est-à-dire qu’elle ne peut-être accomplie que par une certaine catégorie d’être réalisé, comme le Maharshi, par exemple, qui semble l’avoir donnée à certains de ses disciples qui devaient participer, d’une manière ou d’une autre, à la même « nature » que lui. Étant donné que Guénon est resté « silencieux » sur la « chaîne initiatique » qui le relie à ses Maîtres hindous, nous avons de nombreuses raisons de penser que c’est cette initiation qu’il a reçue par l’un de ses Maîtres Orientaux, et probablement aussi Saint-Yves d’Alveydre. Celle-ci n’est actuellement connue qu’en Orient, et pour notre part, nous savons qu’elle est aussi transmise au sein de la tradition islamique, puisque nous connaissons au moins deux musulmans qui ont assisté à ce genre d’initiation par un être réalisé qui leur a demandé d’en être les témoins ; mais il va sans dire qu’elle n’a rien à voir avec la filiation « akbarienne » de Guénon, car il recommande à ceux qui pourraient recevoir une <span style="background-color: #fff2cc;">« initiation en dehors des moyens ordinaires et normaux »</span> de <span style="background-color: #fff2cc;">« régulariser »</span> leur rattachement au sein d’une lignée conventionnelle et de s’intégrer dans un courant intellectuel préexistant. Quoi qu’il en soit, ceux qui s’intéressent aux sources de Guénon avec une curiosité profane peuvent toujours étaler leurs spéculations sur plusieurs centaines de pages : ils perdent leur temps, car il s’agit d’une initiation universelle et antérieure à toutes les formes traditionnelles particulières.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Pour comprendre la « mise en sommeil » de l’O. T. R., il faudrait prendre en considération une succession d’événements qui remontent au XVIII<sup>e</sup> siècle, dans la simultanéité des antagonismes qu’ils ont engendrés.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Dans sa jeunesse, Guénon s’est intéressé de près à la constitution de l’Ordre des Élus Cohen et de la Stricte Observance Templière, dont la doctrine et les rituels ont inspiré la réforme willermozienne appelée Régime Écossais Rectifié qui a été réveillé en France à la même époque.
Ce contexte est d’ailleurs évoqué indirectement par les références aux Convents des Gaules et de Wilhelmsbad dans la revue <i>Hiram</i>, sous la signature de Téder, représentant temporaire d’une filiation contre-initiatique qui semble avoir accordé un intérêt tout particulier à cette résurgence de la réforme willermozienne, non seulement parce que celle-ci nie la filiation templière de la Maçonnerie, mais aussi parce qu’elle présente une apparence plus « christique » que les branches marginales de Memphis-Misraïm.</div>
<br />
<div id="n56r" style="text-align: justify;">
Du reste, c’est à partir de la manifestation de l’O. T. R. que cette filiation s’acharnera à discréditer l’autorité de Guénon ; et son origine sabbataïste ou frankiste, qui remonte probablement, elle aussi, à l’Allemagne du XVIII<sup>e</sup> siècle, semble être la même que celle du courant qui propagea les mystifications taxiliennes ; amenant Clarin de la Rive, qui s’en était d’abord fait le porte-parole, à s’allier avec Guénon afin de combattre des « influences » apparemment contradictoires, mais qui partageaient un intérêt commun d’infiltration au sein des institutions maçonniques et catholiques <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n56">(56)</a>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Pour compléter le tableau, il faudrait aussi envisager le rôle plus ou moins direct joué par la Hermetic Brotherhood of Louxor dans l’apparition du spiritisme et de l’occultisme. Seulement, cette confrérie semble aussi avoir constitué, au sein des « cercles » implantés dans différents pays, un lieu de rencontre d’une part, entre des Maçons opératifs et des Maçons spéculatifs, et d’autre part entre des Orientaux et des Occidentaux, parmi ceux qui pouvaient représenter autre chose que leur propre individualité.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
À cette caractéristique, s’ajoute un certain nombre de conceptions tournant autour de la figure de l’Archéomètre, que l’on retrouve également dans les procès verbaux des séances de l’O. T. R., qui insistent, à plusieurs reprises, sur l’importance prioritaire que les « entités » accordaient à Charles Barlet, responsable officiel de la H. B. of L. pour la France, ainsi que sur leur défiance à l’égard de Max Théon et de son « mouvement cosmique » qualifié de « manichéisme ».</div>
<br />
<div id="n57r" style="text-align: justify;">
Or, il est possible que certaines origines de la H. B. of L. remontent à l’Allemagne du début du XIXe siècle, et bien que rien ne l’atteste actuellement, il se pourrait qu’il faille les chercher dans un des systèmes de hauts grades qui gravitaient autour de la Stricte Observance Templière (S. O. T.), comme le fit Guénon suite à la publication du livre sur le Marquis de Chefdebien, dans <i>La France Antimaçonnique</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n57">(57)</a>.</div>
<br />
<div id="n58r" style="text-align: justify;">
Du reste, cet Ordre présente une autre similitude avec la H. B. of L. et certains systèmes de hauts grades de la S. O. T. : il s’agit des rites magiques d’apparence spirite. Dès lors on peut comprendre que l’« entité » appelée Jacques de Molay ait déclaré : <span style="background-color: #f4cccc;">« J’ai encore un mot à vous dire ce soir. Celui qui doute le plus parmi vous est, au contraire, celui qui devrait avoir le plus de confiance en nous, pour des raisons que je ne puis vous donner encore, mais que je vous ferai savoir dans quelques temps ; vous comprendrez alors pourquoi sa présence à la table est nécessaire… et pourquoi nous ne pouvons nous adresser qu’à vous »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n58">(58)</a>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Aujourd’hui, il est facile de reprocher à Guénon d’être sorti indemne d’une entreprise qui laissa des traces sur les autres affiliés de l’Ordre (ou d’abandonner des projets avec des collaborateurs qui n’étaient pas initiés à la Maçonnerie) ; seulement, il n’a jamais contraint personne à participer à ces rites, et comme ceux qui sont exécutés traditionnellement contiennent leur propre protection, il est fort probable que l’origine de ces traces doit être rapportée aux attaques de la contre-initiation qui persistent encore aujourd’hui à l’encontre de l’œuvre de Guénon.</div>
<br />
<div id="n59r" style="text-align: justify;">
Par ailleurs, dans certaines conférences, on retrouve les thèmes qui seront intégrés dans l’œuvre de Guénon, mais cela ne signifie rien quant à la nature de l’O. T. R., car c’est bien son auteur qui en restituera le sens métaphysique en l’attribuant d’ailleurs à ses Maîtres Orientaux. Du reste, à propos des influences psychiques appelées improprement « égrégores », il parle d’un « élargissement » de l’individualité auquel pourraient être appliquées les données cycliques qui se rapportent à la « nature adamique », car la magie elle-même peut être considérée d’un tout autre point de vue de celui qui caractérise son aspect « inférieur », comme il le précisera d’ailleurs en 1937 : <span style="background-color: #fff2cc;">« … la magie, d’ordre si inférieur qu’elle soit en elle-même, est cependant une science traditionnelle authentique ; comme telle, elle peut légitimement avoir une place parmi les applications d’une doctrine orthodoxe, pourvu que ce ne soit que la place subordonnée et très secondaire qui convient à son caractère essentiellement contingent. D’autre part, étant donné que le développement effectif des sciences traditionnelles particulières est déterminé en fait par les conditions propres à telle ou telle époque, il est naturel et en quelque sorte normal que les plus contingentes d’entre elles se développent surtout dans la période où l’humanité est la plus éloignée de l’intellectualité pure, c’est-à-dire dans le <i>Kali-Yuga</i>, et qu’ainsi elles y prennent, tout en restant dans les limites qui leurs sont assignées par leur nature même, une importance qu’elles n’avaient jamais pu avoir dans les périodes antérieures. Les sciences traditionnelles, quelles qu’elles soient, peuvent toujours servir de “supports” pour s’élever à une connaissance d’ordre supérieur, et c’est cela qui, plus que ce qu’elles sont en elles-mêmes, leur confère une valeur proprement doctrinale ; mais, comme nous le disons d’autre part, de tels “supports”, d’une façon générale, doivent devenir de plus en plus contingents à mesure que s’accomplit la “descente” cyclique, afin de demeurer adaptés aux possibilités humaines de chaque époque. Le développement des sciences traditionnelles inférieures n’est donc en somme qu’un cas particulier de cette “matérialisation” nécessaire des “supports” dont nous avons parlé ; mais, en même temps, il va de soi que les dangers de déviation deviennent d’autant plus grands qu’on va plus loin dans ce sens, et c’est pourquoi une science telle que la magie est manifestement parmi celles qui donnent lieu le plus facilement à toute sorte de déformations et d’usages illégitimes ; la déviation, dans tous les cas, n’est d’ailleurs imputable, en définitive, qu’aux conditions mêmes de cette période d’“obscuration” qu’est le <i>Kali-Yuga</i>. »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n59">(59)</a> </div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Cet extrait nous paraît expliquer l’intérêt porté par Guénon à certaines organisations, y compris celle du groupe des Polaires ; et correspondre également à l’ambivalence du « double sens de la solidification » évoquée ailleurs. Nous admettrons volontiers qu’il faut une mentalité spéciale pour appliquer ce genre de science traditionnelle allant à rebours des méthodes qui visent la contemplation puisqu’elle cherche à susciter la réaction d’un objectif particulier ; mais dans le cas présent, il s’agit principalement de considérations d’ordre cyclique et symbolique ; et ce n’est pas parce que certains veulent désormais réduire la tradition à son application religieuse qu’il faut pour autant occulter certains aspects particuliers de notre situation cyclique, au nom d’une morale surtout soucieuse de trouver des justifications d’orthodoxie à l’enseignement de Guénon.</div>
<br />
<div id="n60r" style="text-align: justify;">
Quant à la « mise en sommeil » de l’O. T. R., on pourrait l’expliquer en ces termes : <span style="background-color: #fff2cc;">« par un phénomène assez étrange, on voit parfois reparaître, d’une façon plus ou moins fragmentaire, mais néanmoins très reconnaissable, quelque chose de ces traditions diminuées et déviées qui furent, en des circonstances fort diverses de temps et de lieux, le produit de la révolte des Kshatriyas, et dont le caractère “naturaliste” constitue toujours la marque principale </span>[en note : <span style="background-color: #fff2cc;">« … de nos jours encore, elles sont fort loin d’avoir cessé bien qu’elles aient généralement un caractère très caché … »</span>]<span style="background-color: #fff2cc;">. Sans y insister davantage, nous signalerons seulement la prépondérance accordée fréquemment, en pareil cas, à un certain point de vue “magique” (<i>et il ne faut d’ailleurs pas entendre exclusivement par là la recherche d’effets extérieurs plus ou moins extraordinaires, comme il en est lorsqu’il ne s’agit que de pseudo-initiation</i> </span>[souligné par nous]<span style="background-color: #fff2cc;">), résultat de l’altération des sciences traditionnelles séparées de leur principe métaphysique. »</span>. [en note : <span style="background-color: #fff2cc;">« Il faut ajouter que ces initiations inférieures et déviées sont naturellement celles qui donnent le plus facilement prise à l’action d’influences émanant de la contre-initiation… »</span>] <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n60">(60)</a>. S’il n’y avait pas eu cette « mise en sommeil », l’O. T. R. aurait pu devenir comparable au « Grand Lunaire » auquel ce passage s’applique également, bien que Guénon lui attribue un point de vue « dualiste » qu’on ne trouve pas dans les conférences. Cette remarque n’est nullement hors de propos ici, puisque c’est précisément au sein de cette « initiation luciférienne » que le courant contre-initiatique prendra finalement refuge afin de s’attaquer à Guénon <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n61">(61)</a>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
À propos de cette période, Denys Roman a évoqué l’idée d’une « descente aux enfers » qui pourrait même être envisagée d’un point de vue purement symbolique, car Guénon s’est volontairement placé au centre des antagonismes qui, quelle que soit leur contingence, peuvent servir de symboles aux dualités cosmiques ; et, en raison de son « envergure », il est normal que cette élimination de certaines possibilités inférieures ait eu des répercussions publiques qui sont les seules à pouvoir être exploitées par ses adversaires au nom d’une prétendue « erreur » spirite . D’ailleurs, dans ce domaine, on pourrait dire que Guénon a assumé une véritable fonction de Kshatriya, et même de « gardien de la Terre sainte », sous l’angle de laquelle son passage dans l’occultisme, qui était son <i>kshatra</i>, mériterait d’être revisité car, comme tous les véritables initiés, il s’est placé au « centre » des réalités sans se prendre pour le centre des choses ; et il y a dans cette distinction toute la différence qui existe entre l’« identification » et l’« association ». En d’autres termes, ce n’est pas le comportement de Guénon qui est ambigu, mais l’« ambiance cosmique » dans laquelle il a été manifesté.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
C’est par la H. B. of L., qui relie Guénon à Barlet et à Guaïta, qu’on peut trouver des éclaircissements sur son passage au sein de l’occultisme. Cette filiation semble aussi avoir eu des incidences sur sa relation avec Oswald Wirth, qui était le secrétaire du second, et sur son initiation à la Maçonnerie du R. E. A. A. ; mais ce qu’il importe de retenir ici, c’est une cause unique aux multiples effets ; et plus précisément encore, un dépôt relevant de l’hermétisme, et même de l’alchimie orientale, qui est lié à la figure de l’Archéomètre et à celle de l’Androgyne, et qui est développé dans la série d’études sur le symbolisme de la Montagne et de la caverne, qui se succèdent entre la fin de l’année 1937 et le début de l’année 1939, et dans laquelle figure l’article intitulé <i>Les mystères de la lettre nûn</i>, tel un joyau sur une couronne.</div>
<br />
<div id="n62r" style="text-align: justify;">
Désormais, l’Archéomètre de Saint-Yves d’Alveydre et celui de <i>La Gnose</i> apparaissent comme les « écorces » desséchées de l’Arbre du Monde rendu intelligible par l’œuvre de Guénon, qui commente sa figure sans vraiment la mentionner puisqu’elle est composée d’éléments qui sont aussi des symboles universels. Si elle a failli être récupérée, détournée, voire déviée, c’est parce qu’elle présente la particularité de provenir d’une région où les Rose-Croix auraient établi leur dernière retraite ; et il y a là l’indice irréfutable de ce <span style="background-color: #fff2cc;">« mouvement qui demeure encore imprécis, mais qui peut et doit même normalement aboutir à la reconstitution d’une élite intellectuelle »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n62">(62)</a>. Derrière ce mouvement, il y a un « Ordre » qui ne dépend pas des individualités humaines et par rapport auquel l’œuvre de Guénon a un rôle précurseur (<i>sâbiq</i>), comme l’indique d’ailleurs son identité musulmane (<i>Yahya</i>) qui lui est subordonnée au même titre que sa signification chrétienne et maçonnique.</div>
<br />
<div style="text-align: right;">
Y. B. </div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Notes :</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n1" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n1r">(1)</a> <i>Esprit et Intellect</i>, dans le recueil <i>Mélanges</i>.</div>
<br />
<div id="n2" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n2r">(2)</a> <i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, p. 146.</div>
<br />
<div id="n3" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n2r">(3)</a> <i>Ibid</i>., p. 120.</div>
<br />
<div id="n4" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n4r">(4)</a> <i>Ibid</i>., pp. 144-145.</div>
<br />
<div id="n5" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n5r">(5)</a> <i>Ibid</i>., p. 129.</div>
<br />
<div id="n6" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n6r">(6)</a> <i>Ibid</i>., p. 143 (<span style="background-color: #fff2cc;">« ce qui constitue l’objet propre d’une spéculation, ce ne sont pas précisément les choses mêmes qu’elle étudie, mais c’est le point de vue sous lequel elle étudie les choses. La logique (…) concerne les conditions de l’entendement humain ; ce qui peut être envisagé logiquement, c’est donc tout ce qui est objet de l’entendement humain, en tant qu’on le considère effectivement sous ce rapport (…) la logique hindoue envisage, non pas seulement la façon dont nous concevons les choses, mais bien les choses en tant qu’elles sont conçues par nous, notre conception étant véritablement inséparable de son objet, sans quoi, elle ne serait rien de réel ; et, à cet égard, la définition scolastique de la vérité comme <i>adæquatio rei et intellectus</i>, à tous les degrés de la connaissance est, en Occident, ce qui se rapproche le plus de la position des doctrines traditionnelles de l’Orient, parce qu’elle est ce qu’il y a de plus conforme aux données de la métaphysique pure. »</span> (<i>ibid</i>., pp. 214, 217, 218).</div>
<br />
<div id="n7" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n7r">(7)</a> <i>Ibid</i>., p. 218.</div>
<br />
<div id="n8" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n8r">(8)</a> <i>Ibid</i>., p. 237.</div>
<br />
<div id="n9" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n8r">(9)</a> <i>Ibid</i>., pp. 254-255.</div>
<br />
<div id="n10" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n10r">(10)</a> <i>Ibid</i>., pp. 87-89.</div>
<br />
<div id="n11" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n11r">(11)</a> <i>Ibid</i>., pp. 90-91.</div>
<br />
<div id="n12" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n12r">(12)</a> <i>Ibid</i>., pp. 250-252. Puisque Guénon a fait allusion au maître, précisons encore que <span style="background-color: #fff2cc;">« la fonction de l’instructeur est véritablement (…) une “paternité spirituelle”, et c’est pourquoi l’acte rituel et symbolique par lequel elle débute est une “seconde naissance” pour celui qui est admis à recevoir l’enseignement par une transmission régulière. C’est cette idée de “paternité spirituelle” qu’exprime très exactement le mot <i>guru </i>qui désigne l’instructeur chez les Hindous, et qui a aussi le sens d’“ancêtre” ; c’est à cette même idée que fait allusion, chez les Arabes, le mot <i>sheikh</i>, qui, avec le sens propre de “vieillard”, a un emploi identique »</span> (<i>ibid</i>., pp. 261-262).</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Pour la Maçonnerie, on pourrait faire un rapprochement avec la tradition extrême-orientale, où l’instructeur est un <span style="background-color: #fff2cc;">« “frère aîné”, guide et soutien naturel de ceux qui le suivent dans la voie traditionnelle, et qui ne deviendra un “ancêtre” qu’après sa mort »</span> ; mais sans l’enseignement oral et direct, <span style="background-color: #fff2cc;">« le rattachement d’une “filiation spirituelle” régulière et continue ferait inévitablement défaut »</span> (<i>ibid</i>., p. 262).</div>
<br />
<div id="n13" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n13r">(13)</a> <i>Ibid</i>., pp. 94-95.</div>
<br />
<div id="n14" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n13r">(14)</a> <i>Ibid</i>., pp. 314-315-317.</div>
<br />
<div id="n15" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n15r">(15)</a> <i>La Crise du Monde moderne</i>, p. 62.</div>
<br />
<div id="n16" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n15r">(16)</a> <i>Ibid</i>., p. 53.</div>
<br />
<div id="n17" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n15r">(17)</a> <i>Introduction générale</i>, p. 314. Cette remarque ne semble d’ailleurs pas totalement s’appliquer à la doctrine d’Ibn Arabî qui se sert de la cosmologie occidentale afin d’exposer certains enseignements. Par un curieux retour des choses, la « condescendance » ressenties par certains auteurs à l’égard de cette cosmologie retombe donc sur leur exposé des doctrines akbariennes.</div>
<br />
<div id="n18" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n18r">(18)</a> <i>Orient et Occident</i>, p. 167.</div>
<br />
<div id="n19" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n19r">(19)</a> <i>Ibid</i>., p. 224.</div>
<br />
<div id="n20" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n20r">(20)</a> <i>Ibid</i>., pp. 159-160.</div>
<br />
<div id="n21" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n21r">(21)</a> <i>Ibid</i>., p. 228.</div>
<br />
<div id="n22" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n22r">(22)</a> <i>La Crise du Monde moderne</i>, respectivement pp. 63, 65, 61.</div>
<br />
<div id="n23" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n22r">(23)</a> <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, respectivement pp. 263, 261.</div>
<br />
<div id="n24" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n22r">(24)</a> <i>Ibid</i>., p. 250.</div>
<br />
<div id="n25" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n22r">(25)</a> <i>Ibid</i>., pp. 270-271.</div>
<br />
<div id="n26" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n26r">(26)</a> <i>L’Ésotérisme de Dante</i>, ch. VIII, p. 65.</div>
<br />
<div id="n27" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n26r">(27)</a> <i>Les États Multiples de l’être</i>, ch. XIV, p. 84.</div>
<br />
<div id="n28" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n28r">(28)</a> <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. XLI, p. 259.</div>
<br />
<div id="n29" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n28r">(29)</a> <i>Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage</i>, tome II, art. <i>Parole perdue et mots substitués</i>, pp. 43-44.</div>
<br />
<div id="n30" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n30r">(30)</a> <i>Symboles de la Science sacrée</i>, ch. VI : <i>La science des lettres (</i>ilmul-hurûf<i>)</i>.</div>
<br />
<div id="n31" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n31r">(31)</a> <i>Formes traditionnelles et cycles cosmiques</i>, art. <i>Hermès</i>, p. 133.</div>
<br />
<div id="n32" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n32r">(32)</a> <i>Ibid</i>., art. <i>Qabbalah</i>, p. 62, n. 1.</div>
<br />
<div id="n33" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n32r">(33)</a> <i>Ibid</i>., art. <i>Kabbale et science des nombres</i>, p. 80.</div>
<br />
<div id="n34" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n32r">(34)</a> <i>Ibid</i>., p. 153 (<i>Études Traditionnelles</i>, novembre 1937, comptes rendus de livres, Enel – <i>A Message from the Sphinx</i>) avec <span style="background-color: #fff2cc;">« une antériorité de la tradition chaldéenne par rapport à la tradition égyptienne »</span> (art. <i>Le tombeau d’Hermès</i>, p. 147, note) ; si bien que lorsqu’on se trouve en présence de termes communs aux deux traditions abrahamique et égyptienne (<i>tebt </i>et <i>Amon </i>pour l’Égypte, <i>tabût </i>pour l’arabe, <i>tebah </i>pour l’hébreu ; et A M N pour les langues sémitiques), on peut en déduire qu’elles ont une origine atlantéenne, et non pas égyptienne comme le suggère Michel Vâlsan qui a été induit en erreur par une note tirée de l’étude de la revue <i>La Gnose</i> intitulée <i>L’Archéomètre</i>. Du reste, à propos d’<i>Amon</i>, Guénon emploie des guillemets pour parler de la connexion « égyptienne » de la Maçonnerie.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
On notera également que dans les rapprochements entre des termes appartenant à des langues différentes, seules les consonnes importent réellement (Anubis, l’Hermès « psychopompe » se dit <i>Anoupou </i>dans l’ancienne langue égyptienne, terme également très proche de celui de <i>hanîf </i>; la lettre p n’existant pas dans les langues sémitiques).</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
D’autre part, Guénon indique, en note, une identification entre Idris et Budha, l’« équivalent hindou d’Hermès » (<i>ibid</i>., art. <i>Hermès</i>, pp. 132-133), sans guère plus de précision, alors que certains aspects de ses écrits concernent précisément cette adaptation orientale de la doctrine hermétique.</div>
<br />
<div id="n35" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n35r">(35)</a> <i>Ibid</i>., pp. 50 (art. <i>Place de la tradition atlantéenne dans le </i>Manvantara) et 153 (compte rendu du livre de Enel indiqué plus haut).</div>
<br />
<div id="n36" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n35r">(36)</a> <i>Ibid</i>., art. <i>Atlantide et Hyperborée,</i> p. 37. Michel Vâlsan lui-même rapporte une tradition musulmane rattachant Adam à la race rouge ; cf. <i>L’Islam et la fonction de René Guénon</i> (1982) p. 87.</div>
<br />
<div id="n37" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n37r">(37)</a> <i>Le Roi du Monde</i>, p. 68, n. 1.</div>
<br />
<div id="n38" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n37r">(38)</a> <i>Le Théosophisme</i>, p. 410 : <i>Études Traditionnelles</i>, décembre 1937, comptes rendus de livres, Paul Le Cour – <i>L’Ère du Verseau (L’Avènement de Ganimède)</i>.</div>
<br />
<div id="n39" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n37r">(39)</a> À une décennie près, cette date correspond à ce que dit Guénon sur la fin du bolchévisme : <span style="background-color: #fff2cc;">« …si les éléments sociaux les plus inférieurs accèdent au pouvoir d’une façon ou d’une autre, leur règne sera vraisemblablement le plus bref de tous <span style="background-color: white;">[72 ans, ce qui correspond à un nombre cyclique]</span>, et il marquera la dernière phase d’un certain cycle historique <span style="background-color: white;">[correspondant probablement à la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde]</span>, puisqu’il n’est pas possible de descendre plus bas ; si même un tel événement n’a pas une portée plus générale, il est donc à supposer qu’il sera tout au moins, pour l’Occident, la fin de la période moderne. »</span> (<i>Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel</i>, ch. VII). On pourrait donc considérer que l’année 1989 marque le début du « changement de direction » auxquelles sont subordonnées les trois hypothèses qui conditionnent l’Occident. Étant donné que celles-ci peuvent se dérouler simultanément et que celui-là peut durer plusieurs décennies, nous nous garderons bien de spéculer sur les possibilités qu’il comprend et qui doivent inclure <span style="background-color: #fff2cc;">« la préparation sans doute à longue échéance, mais néanmoins effective, d’un rapprochement intellectuel entre l’Orient et l’Occident »</span> (<i>Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues</i>, p. 303).</div>
<br />
<div id="n40" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n40r">(40)</a> C’est aussi l’année 4 811 de l’âge d’airain du cycle précédent, mais le nombre 1 669 nous paraît plus parlant : c’est le nombre d’<i>Allâh</i> (66) entre l’unité, correspondant à l’intérieur du Prophète, et la multiplicité correspondant à son extérieur. En outre, l’addition de ces 4 nombres donne 22, c’est-à-dire le nombre des lettres communes à l’arabe et à l’hébreu et qui correspondent à l’alphabet wattan.</div>
<br />
<div id="n41" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n40r">(41)</a> Ch. XXXIII.</div>
<br />
<div id="n42" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n40r">(42)</a> <i>Formes traditionnelles et cycles cosmiques</i>, art. <i>Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques</i>, p. 23.</div>
<br />
<div id="n43" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n43r">(43)</a> <i>Ibid</i>., p. 22.</div>
<br />
<div id="n44" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n44r">(44)</a> <i>Vers La Tradition</i>, n<sup>o</sup> 81.</div>
<br />
<div id="n45" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n44r">(45)</a> <i>Formes traditionnelles et cycles cosmiques</i>, art. <i>Place de la tradition atlantéenne dans le </i>Manvantara, p. 47.</div>
<br />
<div id="n46" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n46r">(46)</a> <i>Ibid</i>., art. <i>Hermès</i>, p. 131, n. 1.</div>
<br />
<div id="n47" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n47r">(47)</a> Denys Roman, <i>Réflexions d’un Chrétien sur la Franc-Maçonnerie</i>, p. 90, n. 2.</div>
<br />
<div id="n48" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n47r">(48)</a> <i>La Grande Triade</i>, ch. II, p. 28.</div>
<br />
<div id="n49" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n47r">(49)</a> <i>Formes traditionnelles et cycles cosmiques</i>, art. <i>Qabbalah</i>, pp. 65-66 : <i>qabbalah</i>, mais aussi <i>qiblah</i>, et par interversion des deux dernières lettres <i>qalb </i>(cœur).</div>
<br />
<div id="n50" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n47r">(50)</a> <i>Le Règne de la Quantité et les Signes du Temps</i>, ch. XXI. Voir aussi <i>Réflexions d’un Chrétien sur la Franc-Maçonnerie</i>, p. 114, n. 22. On pourrait aussi rappeler le rôle de Nemrod dans les « Anciens devoirs », et celui de la Tour de Babel dans la transmission du « Mot de Maître ».</div>
<br />
<div id="n51" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n47r">(51)</a> <i>Articles et Comptes Rendus tome I</i>, p. 236 : <i>Études Traditionnelles</i>, novembre 1938, comptes rendus de revues.</div>
<br />
<div id="n52" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n52r">(52)</a> On peut se demander si, par <span style="background-color: #fff2cc;">« élite (…) en dehors de tout milieu défini »</span> (cf.<i> La Crise du Monde moderne</i>, ch. IX), Guénon ne visait pas un courant intellectuel du genre de celui qui relie Fabre d’Olivet à Guaïta, et par l’intermédiaire duquel Saint-Yves d’Alveydre allait entrer en relation avec des Hindous.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
À l’exception de Guaïta qui était initié à la H. B. of L. et qui rencontra un des Hindous chez d’Alveydre, rien n’indique que ce dernier et Fabre d’Olivet ont reçu une initiation occidentale et, malgré quelques réserves, qui pourraient d’ailleurs s’appliquer en partie au jeune Guénon lui-même, celui-ci reconnaît à l’œuvre de l’occultiste <span style="background-color: #fff2cc;">« une “tenue” qui n’admet aucune comparaison avec d’autres productions de la même école »</span>.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Dans <i>Le Problème du Mal</i>, <span style="background-color: #fff2cc;">« le point de vue de Guaïta est (…), comme celui de Fabre d’Olivet lui-même, essentiellement cosmologique, et l’on peut même dire métaphysique dans une certaine mesure, car la cosmologie, envisagée traditionnellement, ne saurait jamais être séparée des principes métaphysiques, dont elle constitue même une des applications les plus directes »</span> (René Guénon, <i>Comptes Rendus</i>, p. 111 : <i>Études Traditionnelles</i>, janvier-février 1950, comptes rendus de livres). On peut y trouver une figuration de la « dyade androgynique », avec des lettres hébraïques, qui semble être tirée de l’<i>Amphithéâtre de l’Éternelle Sapience</i> de Kunrath, dont la traduction par Grillot de Givry est postérieure aux reproductions publiées par Guaïta dans son premier livre intitulé <i>Au Seuil du Mystère</i>. En outre, le premier article connu de Guénon, <i>Le Démiurge</i>, traite d’un thème similaire à celui du livre dont il fait le compte rendu et à propos duquel il écrit : <span style="background-color: #fff2cc;">« il y a fort longtemps, à peu près un quart de siècle <span style="background-color: white;">[en 1950]</span>, que nous avions eu connaissance de ces commentaires »</span>. Seulement, dans la « dyade androgynique » où n’apparaît pas le vocable <i>Aum</i>, la disposition des noms hébraïques d’Adam et Ève ne permet pas des développements aussi riches que ceux de leur transposition en langue arabe, telle qu’elle fut transmise par Guénon à Vâlsan, en 1945.</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Quoiqu’il en soit, on peut s’étonner que ce dernier ait consacré près de 7 pages à la possibilité d’une élite en dehors de tout milieu défini (<i>La fonction de René Guénon et le sort de l’Occident</i>, in <i>Études Traditionnelles</i> (1951), pp. 233-234, 244, 246, 248-249, 250), qui occupe seulement 11 lignes dans <i>La Crise du Monde moderne</i>, p. 130) sans la relier à ce courant intellectuel que Guénon n’a jamais remis en question, en dépit des imperfections liées aux individualités qui l’ont incarné, contrairement à ce qu’il en est pour l’O. T. R.</div>
<br />
<div id="n53" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n52r">(53)</a> <i>Initiation et réalisation spirituelle</i>, ch. V : <i>À propos du rattachement initiatique</i>, pp. 55 à 58.</div>
<br />
<div id="n54" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n52r">(54)</a> Une étude récente et très documentée évoque désormais la notion d’« agrégat intellectuel » qui se serait cristallisé autour le la lettre <b><i>T.</i></b>, signataire de l’étude sur l’Archéomètre dans <i>La Gnose</i>, afin de cautionner la thèse d’une initiation en dehors de tout milieu défini ; seulement cette notion d’agrégat se rapporte à une « fonction intellectuelle » qui se perpétue à travers les générations, voire les siècles, comme cela existe chez les <i>uwayssî </i>de l’ésotérisme islamique, et non pas à un « groupe d’études » formé par différents individus vivants à la même époque. En outre, l’étude en question s’appuie partiellement, et même partialement, sur le témoignage de P. Genty qui était affilié à l’Ordre, car elle ne mentionne pas l’opinion de Guénon sur l’importance exagérée que l’occultiste accordait à cette affaire.</div>
<br />
<div id="n55" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n55r">(55)</a> <i>Le Voile d’Isis</i>, numéro spécial sur Jacob Boehme, pp. 230-231.</div>
<br />
<div id="n56" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n56r">(56)</a> Actuellement, ces deux courants connaissent encore des prolongements qui se sont adaptés à certains aspects de la terminologie guénonienne pour en faire un usage à rebours en jouant sur l’ambivalence des symboles.</div>
<br />
<div id="n57" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n57r">(57)</a> Dans <i>L’Erreur spirite</i> (p. 27), Guénon fait allusion à la haute maçonnerie allemande avant de donner des indications sur les origines présumées de la H. B. of L.</div>
<br />
<div id="n58" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n58r">(58)</a> Ainsi donc, Guénon aurait fait preuve de scepticisme à l’égard de <span style="background-color: #d9d2e9;">« l’ancien centre retiré de la tradition occidentale »</span> ? Il serait peut-être plus opportun de s’interroger sur l’intérêt que peut présenter l’hypothétique cessation d’une telle possibilité pour certains « intermédiaires ».</div>
<br />
<div id="n59" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n59r">(59)</a> <i>Études sur l’Hindouisme</i>, art. <i>Tantrisme et magie</i>, pp. 83-84. Autrefois, nous avons fréquenté un initié, au sein du <i>taçawwuf</i>, qui entretenait des relations désintéressées avec les <i>jinn </i>afin de soigner les âmes des individus que ceux-ci lui signalaient. Il s’agit là d’une fonction psychique un peu particulière, car elle se transmet à travers les générations, lorsque décède le membre de la famille qui la détient. Mais, de son propre aveu, elle comportait plus d’inconvénients que d’avantages, car il l’accomplissait de manière anonyme, sans réclamer de rétribution et en manipulant des forces qu’il n’était pas toujours aisé de contrôler, surtout pour les individus victimes d’un envoûtement. Certains de ces musulmans possèdent une perception grâce à laquelle ils peuvent répondre à certaines questions de Maîtres, en reproduisant la voix du <i>jinn </i>auquel elle s’adresse, et dont, pour leur part, ils ne conservent aucun souvenir. Il y a beaucoup de choses de cet ordre dans une tradition complète où elles ne dépassent pas le cadre inférieur qui leur est réservé, sauf dans les voies qui sont déviées ; mais il y a tellement de légendes populaires sur cette question, que certains Maîtres se sentent parfois contraints de déclarer à un aspirant, qu’auprès de lui il ne trouvera pas de guérison de cette nature. Il faut d’ailleurs dire que, en dépit de l’envahissement de la mentalité moderne qui est généralement superficiel dans le monde oriental, la séparation entre le domaine corporel et le domaine subtil n’y est pas aussi tranchée que dans le monde occidental. Seulement, comme la majorité des voyageurs attirent à eux des mentalités qui leur correspondent et qu’ils ont des échanges en rapport avec la leur, ils ne sont peut-être pas les mieux placés pour s’en rendre compte. Du reste, il n’est pas nécessaire d’assimiler l’idéologie moderne pour adopter les « progrès » des sciences modernes, qui sont très relatifs puisqu’ils ont tous un impact sur l’organisme humain ; et rien ne permet d’affirmer que les tentatives d’« uniformisation » actuelles se fassent à l’avantage du monde occidental.</div>
<br />
<div id="n60" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n60r">(60)</a> <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, p. 257.</div>
<br />
<div id="n61" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n60r">(61)</a> Sur le « Grand Lunaire », voir <i>Comptes Rendus</i>, p. 46 (<i>Études Traditionnelles</i>, mars-avril 1946, comptes rendus de livres), où Guénon y fait allusion en parlant du contenu du livre intitulé : <i>Dans l’ombre des Cathédrales</i>, de Robert Ambelain qui en faisait partie.</div>
<br />
<div id="n62" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/02/metaphysique-et-sciences.html#n62r">(62)</a> <i>La Crise du Monde moderne</i>, p. 131. Cette citation fait d’ailleurs suite à celle qui est relative à <span style="background-color: #fff2cc;">« la constitution d’une élite en dehors de tout milieu défini »</span>.</div>
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-901211128799756235.post-14280707413730759272016-01-26T07:22:00.000+01:002016-12-12T23:03:24.758+01:00L'alchimie humaine et les quatre éléments (Y. B.)<br />
<div style="text-align: justify;">
<blockquote class="tr_bq">
Les contributions de Y. B. ont été récemment évoquées ici :<br />
<a href="https://lafindestempsmodernes.blogspot.fr/">https://lafindestempsmodernes.blogspot.fr</a><br />
<br />
Nous profitons de l’occasion pour proposer dans sa version intégrale l’article ci-dessous, paru dans <i>Vers la Tradition</i>, n<sup>o</sup> 116 (juin-juillet-août 2009), ainsi qu’un échange dans le courrier des lecteurs de la même revue, dans le n<sup>o</sup> 118 (décembre 2009, janvier-février 2010).</blockquote>
</div>
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<span style="font-size: x-large; font-variant: small-caps;">L’alchimie humaine et les quatre éléments</span></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
Paru dans <i>Vers la Tradition</i>, n<sup>o</sup> 116 (juin-juillet-août 2009). </div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Au chapitre VIII de l’<i>Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon</i>, C.-A. Gilis évoque une orientation plus islamique de Guénon, sous prétexte qu’il n’aurait pas achevé son étude sur « Les conditions de l’existence corporelle » :</div>
<br />
<div id="n1r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #d9ead3;">« Il ne fait aucun doute que Guénon, à la suite du texte publié en janvier et février 1912, devait aborder l’étude de la “condition vitale”, en correspondance avec les données traditionnelles qui, dans l’Hindouisme, se rapportent à <i>Têjas</i>, le Feu. Rappelons que celui-ci apparaît comme “actif” par rapport à l’Eau (<i>Ap</i>), qui est l’élément “passif” complémentaire, l’un et l’autre étant produits par polarisation à partir de l’élément “neutre”, qui est l’Air. Or, selon la tradition islamique, la “vie” n’est pas liée à la réalité archétypale du Feu, mais bien à celle de l’Eau. Ainsi qu’il est dit dans le Coran : “Et Nous avons fait à partir de l’Eau toute chose vivante” (Cor., 21, 30). On constate donc, dans le symbolisme utilisé par ces deux traditions, une certaine “inversion des pôles” qui s’explique avant tout par des raisons d’ordre cyclique : parmi les formes traditionnelles qui subsistent encore, c’est en effet l’Hindouisme qui représente de la manière la plus directe la Tradition primordiale ainsi que le pôle essentiel et “actif” de notre état d’existence, alors que l’Islam, en tant que révélation finale du présent cycle humain, représente tout au contraire le pôle substantiel et “passif” »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n1">(1)</a>
.</div>
<br />
<div id="n2r" style="text-align: justify;">
Or, dans son ouvrage sur le Vêdânta <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n2">(2)</a>, Guénon affirme que <span style="background-color: #fff2cc;">« L’eau est regardée par beaucoup de traditions comme le milieu originel des êtres »</span>, et ce n’est pas C.-A. Gilis qui peut remettre cette donnée en question, puisqu’il a lui-même cité ce passage, en se servant à nouveau du verset coranique mentionné, dans un autre ouvrage <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n3">(3)</a> ; sans en tirer pour autant les conclusions qui s’imposent : d’une part il ne s’agit pas d’une conception spécifiquement islamique, et d’autre part, le changement d’orientation de Guénon n’existe que dans l’esprit de M. Gilis.</div>
<br />
<div id="n4r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #d9ead3;">« Par deux fois, explique l’auteur dans le premier livre cité, la réalisation <span style="background-color: white;">[de la rédaction complète des « Conditions de l’existence corporelle »]</span> est empêchée : en 1912 à la suite d’un événement apparemment fortuit, du fait que La Gnose cesse d’être publiée ; après 1932 parce que, cette fois de manière délibérée, Guénon renonce à son projet »</span> dans <i>La théorie hindoue des cinq éléments</i>. Cela n’empêche que dans <i>Le Symbolisme de la Croix</i>, à propos du symbolisme de l’étoile à cinq branches, Guénon écrivait qu’elle représente le microcosme et <span style="background-color: #fff2cc;">« aussi l’homme individuel (lié aux cinq conditions de son état, auxquelles correspondent les cinq sens et les cinq éléments corporels) »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n4">(4)</a>, et qu’il est question des conditions de l’existence dans <i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i>, bien que son auteur les envisage d’un autre point de vue que celui des éléments.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n5r" style="text-align: justify;">
Du reste, si la question de l’élément Feu est à ce point controversée, on est en droit de se demander pourquoi Guénon écrivait en 1947 : <span style="background-color: #fff2cc;">« Le terme d’“ascèse”, tel que nous l’entendons ici, est celui qui, dans les langues occidentales, correspond le plus exactement au sanscrit <i>tapas </i>; il est vrai que celui-ci contient une idée qui n’est pas directement exprimée par l’autre, mais cette idée n’en rentre pas moins strictement dans la notion qu’on peut se faire de l’ascèse. Le sens premier de <i>tapas </i>est en effet celui de “chaleur” ; dans le cas dont il s’agit, cette chaleur est évidemment celle d’un feu intérieur qui doit brûler ce que les Kabbalistes appelleraient les “écorces”, c’est-à-dire en somme détruire tout ce qui, dans l’être, fait obstacle à une réalisation spirituelle ; c’est donc bien là quelque chose qui caractérise, de la façon la plus générale, toute méthode préparatoire à cette réalisation, méthode qui, à ce point de vue peut être considérée comme constituant une “purification” préalable à l’obtention de tout état spirituel effectif »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n5">(5)</a> ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div id="n6r" style="text-align: justify;">
En réalité, Guénon dit que la « voie sèche » des alchimistes correspond à la voie purement intellectuelle où prédomine l’élément feu, et la « voie humide » à celle où intervient un élément affectif symbolisé, entre autre chose, par l’aspect féminin de la <i>Shakti</i>, représenté par l’élément eau <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n6">(6)</a>, et il semblerait que M. Gilis a tendance à faire de sa conception de la voie initiatique une généralité. Mais de quelle voie parle-t-on au juste <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n7">(7)</a> ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n8r" style="text-align: justify;">
Dans <i>René Guénon et l’avènement du troisième Sceau</i>, M. Gilis écrivait : <span style="background-color: #d9ead3;">« La tradition islamique est, à tous degrés, axée sur le <i>Tawhîd</i>, c’est-à-dire la doctrine de l’Unité principielle <span style="background-color: white;">[ce qui, du reste, est le cas de toutes les traditions]</span>. Or, celle-ci exclut, de par sa nature même, le recours au symbolisme qui implique nécessairement une dualité <span style="background-color: white;">[il faudrait nous expliquer comment on peut remonter à l’unité sans passer par la dualité, ce qui constitue le ternaire dont il existe de nombreux exemples en islam]</span> : celle du symbole et, d’autre part, des réalités principielles <span style="background-color: white;">[pourquoi seulement “principielles” ?]</span>. Ce recours ne peut se justifier qu’au niveau des moyens de grâce qu’Allâh utilise pour permettre à ceux qui en ont besoin – c’est-à-dire, aujourd’hui, la très grande majorité des hommes – de se rapprocher de lui »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n8">(8)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n9r" style="text-align: justify;">
En fait de moyen de grâce, Guénon écrit dans les <i>Aperçus sur l’Initiation</i> : <span style="background-color: #fff2cc;">« … la simple communication avec les états supérieurs ne peut pas être regardée comme une fin, mais seulement comme un point de départ : si cette communication doit être établie tout d’abord par l’action d’une influence spirituelle, c’est pour permettre ensuite une prise de possession effective de ces états, et non pas simplement, comme dans l’ordre religieux, pour faire descendre sur l’être une “grâce” qui l’y relie d’une certaine façon, mais sans l’y faire pénétrer »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n9">(9)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n10r" style="text-align: justify;">
Seulement, on est en droit de se demander si M. Gilis sait vraiment de quoi il parle, car lorsque Ibn Arabî envisage la Terre comme se trouvant au centre de la circonférence <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n10">(10)</a>, il s’agit d’un symbolisme dont Guénon a donné une représentation (la figure 8 de <i>La Grande Triade</i>), et qui se rapporte autant à l’« Homme véritable », si on désigne par ce symbolisme un état d’existence, et à l’« Homme transcendant », si on désigne la manifestation universelle. D’autre part, lorsqu’il affirme que <span style="background-color: #d9ead3;">« les Cieux planétaires correspondent à la modalité subtile de l’état humain »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n11">(11)</a>, on retrouve la même incompréhension, car, toujours du point de vue de <i>La Grande Triade</i>, l’Homme représente le domaine intermédiaire par rapport au Ciel et à la Terre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il faut dire que nous avons toujours été surpris de constater que Guénon considérait les deux traditions extrême-orientale et islamique comme insistant plus particulièrement sur la réintégration dans l’état primordial, et de ne rien trouver de comparable chez les « spécialistes » de la doctrine akbarienne, auxquels on pourrait peut-être rappeler cette tradition prophétique : « Cherchez la science jusqu’en Chine ».</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n12r" style="text-align: justify;">
Ceci étant, il n’y a pas seulement la polarisation de l’air en feu et en eau à considérer, mais aussi celle du feu en chaleur par le sang et en lumière par les nerfs <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n12">(12)</a> ; et cela nous amène à une des raisons pour lesquelles Guénon n’a peut-être pas souhaité terminer son étude, bien qu’il semble avoir donné tous les éléments pour la rédiger.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dans la maçonnerie, l’ordre de succession des épreuves par les éléments ne reproduit ni celui de leur production, ni celui de leur résorption ; mais il existe une conception platonicienne suivant laquelle le corps est l’enveloppe du souffle qui est l’enveloppe de l’âme qui est l’enveloppe de l’intellect.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n13r" style="text-align: justify;">
Si on fait correspondre le corps à la terre, le souffle à l’air, l’âme à l’eau et l’intellect au feu <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n13">(13)</a>, on retrouve l’exacte succession des épreuves initiatiques ; ce qui pose la question de l’usage du « souffle » (l’apprenti doit avoir « un bon souffle », selon le <i>Dumfries</i>), qui n’a jamais cessé d’interpeller Guénon puisque le texte intitulé « La prière et l’incantation » était initialement une planche maçonnique.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n14r" style="text-align: justify;">
Cette incantation, qu’il appelle aussi « alchimie humaine » est <span style="background-color: #fff2cc;">« essentiellement une aspiration de l’être vers l’Universel, ayant pour but d’obtenir une illumination intérieure, quels que soient d’ailleurs les moyens extérieurs, gestes (<i>mudrâs</i>), paroles ou sons musicaux (<i>mantras</i>), figures symboliques (<i>yantras</i>) ou autres, qui peuvent être employés accessoirement comme supports de l’acte intérieur, et dont l’effet est de déterminer des vibrations rythmiques qui ont une répercussion à travers la série indéfinie des états de l’être »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n14">(14)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n15r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« … dans la tradition hindoue, il est dit que les <i>Dêvas</i>, dans leur lutte avec les <i>Asuras</i>, se protégèrent (<i>achhan dayan</i>) par la récitation des hymnes du <i>Vêda</i>, et que c’est pour cette raison que les hymnes reçurent le nom <i>chhandas</i>, mot qui désigne proprement le “rythme”. La même idée est d’ailleurs contenue dans le mot <i>dhikr</i>, qui, dans l’ésotérisme islamique, s’applique à des formules rythmées correspondant exactement aux <i>mantras </i>hindous, formules dont la répétition a pour but de produire une harmonisation des divers éléments de l’être, et de déterminer des vibrations susceptibles, par leur répercussion à travers la série des états, en hiérarchie indéfinie, d’ouvrir une communication avec les états supérieurs, ce qui est d’ailleurs, d’une façon générale, la raison d’être essentielle et primordiale de tous les rites »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n15">(15)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il nous faudrait une autre occasion pour aborder l’absurde question de la « greffe » islamique, que certains n’hésitent pas à réduire à une « regrettable polémique », ce qui ne manque pas d’ironie, vu que c’est eux qui l’ont provoquée. Pour le moment, nous ferons seulement remarquer que Guénon n’a jamais parlé de la transmission d’un Nom islamique à des non-musulmans, car celle-ci est la caractéristique des chaînes initiatiques vivifiées par un Maître vivant, à l’aide de laquelle il guide ses disciples à travers les voiles de lumières qui enveloppent l’« Esprit muhammadien » (ou le « Centre du Monde » de la tradition islamique) ; et vers lequel la pratique de ce Nom aide ceux-ci à s’acheminer suivant des modalités incantatoires extérieures et surtout intérieures.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
D’autre part, ce n’est pas parce que ce Nom est pratiqué par des chrétiens orientaux, qu’il faut pour autant faire la confusion entre celui-ci et l’influence spirituelle dont il est le véhicule, car celle-ci appartient à la forme islamique avec tout ce que cela implique.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Enfin, cette transmission est elle-même subordonnée au rattachement à une organisation initiatique ; si bien que, pour donner une équivalence analogue dans le domaine hiérarchique, recevoir cette transmission sans être rattaché à l’organisation correspondante, reviendrait, pour un profane, à recevoir la communication de hauts-grades maçonniques sans avoir été initié aux degrés antérieurs. Nous sommes quelque peu surpris de constater que notre prétendu « imâm es tassarruf » n’ait pas abordé ce genre de considération, mais nous pouvons assurer les non-musulmans, parmi les plus qualifiés, qui ont reçu la transmission de ce Nom, qu’ils risquent de subir une « réaction concordante » du « Centre » mentionné vis-à-vis duquel ils n’ont aucune appartenance traditionnelle. Cela leur donnera peut-être l’occasion de se rendre compte que ce dernier est bien vivant, mais à quel prix ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n16r" style="text-align: justify;">
Dans les <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, on apprend que <span style="background-color: #fff2cc;">« les épreuves sont essentiellement des rites de purification ; et c’est là ce qui donne l’explication véritable de ce mot même d’“épreuves”, qui a ici un sens nettement “alchimique”(…) la purification s’opère par les “éléments”, au sens cosmologique de ce terme, et la raison peut en être exprimée très facilement en quelques mots : qui dit élément dit simple, et qui dit simple dit incorruptible. Donc, la purification rituelle aura toujours pour “support” matériel les corps qui symbolisent les éléments et qui en portent les désignations (car il doit être bien entendu que les éléments eux-mêmes ne sont nullement des corps prétendus “simples”, ce qui est d’ailleurs une contradiction, mais ce à partir de quoi sont formés tous les corps) »</span>. D’un point de vue initiatique, <span style="background-color: #fff2cc;">« il s’agit de ramener l’être à un état de simplicité indifférenciée, comparable (…) à celui de la <i>materia prima</i> (entendue naturellement ici en un sens relatif), afin qu’il soit apte à recevoir la vibration du <i>Fiat Lux</i> initiatique (…) ce qui, si l’on veut bien y réfléchir un instant, montre assez clairement que le processus initiatique et le “Grand Œuvre” hermétique ne sont en réalité qu’une seule et même chose : la conquête de la Lumière divine qui est l’unique essence de toute spiritualité »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n16">(16)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n17r" style="text-align: justify;">
Dans son étude intitulée <i>Les dualités cosmiques</i> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n17">(17)</a>, Guénon écrivait : <span style="background-color: #fff2cc;">« nous prendrons comme exemple la théorie des éléments telle que la concevaient les Grecs, Aristote en particulier, et telle qu’elle se transmit au moyen âge ; on y trouve deux quaternaires, comprenant chacun deux dualités : d’une part, celui des qualités, chaud et froid, sec et humide, et, d’autre part, celle des éléments, feu et eau, et air et terre. Or, les couples d’éléments opposés ne coïncident pas avec les couples de qualités opposées, car chaque élément procède de deux qualités combinées, appartenant à deux dualités différentes : le feu, du chaud et du sec ; l’eau, du froid et de l’humide ; l’air, du chaud et de l’humide ; la terre, du froid et du sec. Quant à l’éther, considéré comme cinquième élément, et que les alchimistes appelaient pour cette raison “quintessence” (<i>quinta essentia</i>), il contient toutes les qualités dans un état d’indifférenciation et d’équilibre parfait ; il représente l’homogénéité primordiale dont la rupture déterminera la production des autres éléments avec leurs oppositions. Cette théorie est résumée dans la figure, d’un symbolisme d’ailleurs purement hermétique, que Leibnitz a placée en tête de son <i>De arte combinatoria</i>.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Maintenant, le chaud et le froid sont respectivement des principes d’expansion et de condensation, et correspondent ainsi rigoureusement aux forces antagonistes du dualisme mécanique ; mais pourrait-on en dire autant du sec et de l’humide ? Cela paraît bien difficile, et c’est seulement par leur participation du chaud et du froid qu’on peut rattacher les éléments, feu et air d’une part, eau et terre d’autre part, à ces deux tendances expansive et attractive (…) Et ce qui complique encore la question, c’est que, à des points de vue différents, des oppositions également différentes peuvent être établies entre les mêmes choses : c’est ce qui arrive, pour les éléments, suivant que l’on s’adresse à l’alchimie ou à l’astrologie, car, tandis que la première fait appel aux considérations précédentes, la seconde, en répartissant les éléments dans le zodiaque, oppose le feu à l’air et la terre à l’eau <span style="background-color: white;">[voir, par exemple, la figure de l’archéomètre]</span> ; ici, par conséquent, l’expansion et la condensation ne figurent même plus dans une opposition ou une corrélation quelconque (…).</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Signalons encore que les deux phases [« ascendante » et « descendante »] (…) se retrouvent (…) dans les théories hermétiques, où elles sont appelées “coagulation” et “solution” : en vertu des lois de l’analogie, le “grand œuvre” reproduit en abrégé l’ensemble du cycle cosmique [également caractérisé par ces deux phases]. Ce qui est assez significatif, au point de vue où nous venons de nous placer, c’est que les hermétistes, au lieu de séparer radicalement ces deux phases, les unissaient au contraire dans la figuration de leur androgyne symbolique <i>Rebis </i>(<i>res bina</i>, chose double), représentant la conjonction du soufre et du mercure, du fixe et du volatil, en une matière unique »</span>. (Note de Guénon : <span style="background-color: #fff2cc;">« Voir l’<i>Amphitheatrum Sapientiae Aeternae</i> de Khunrath, les <i>Clefs d’alchimie</i> de Basile Valentin, etc. »</span> [On pourra aussi se reporter aux <i>Théories & Symboles des Alchimistes</i> d’Albert Poisson, qui nous paraît être une excellente synthèse sur la question.])</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n18r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« Mais revenons à l’opposition du chaud et du froid (…) : l’abaissement de la température traduit une tendance à la différenciation, dont la solidification marque le dernier degré, le retour à l’indifférenciation devra, dans le même ordre d’existence, s’effectuer corrélativement, et en sens inverse, par une élévation de température (…) si la chaleur paraît représenter la tendance qui mène vers l’indifférenciation, il n’en est pas moins vrai que, dans cette indifférenciation même, la chaleur et le froid doivent être également contenus de façon à s’équilibrer parfaitement ; l’homogénéité véritable ne se réalise pas dans un des termes de la dualité, mais seulement là où la dualité a cessé d’être. D’autre part, si l’on considère le milieu du cycle cosmique en regardant les deux tendances comme agissant simultanément, on s’aperçoit que, loin de marquer la victoire complète, au moins momentanément, de l’une sur l’autre, il est l’instant où la prépondérance commence à passer de l’une à l’autre : c’est donc le point où ces deux tendances sont dans un équilibre qui, pour être instable, n’en est pas moins comme une image ou un reflet de cet équilibre parfait qui ne se réalise que dans l’indifférenciation ; et alors ce point, au lieu d’être le plus bas, doit être véritablement moyen sous tous les rapports (…). D’ailleurs, pour toute individualité, il y a en quelque sorte un point d’arrêt dans la limitation, à partir duquel cette individualité même peut servir de base à une expansion en sens inverse <span style="background-color: white;">[au processus d’individualisation ou d’involution]</span> ; nous pourrions citer à ce propos telle doctrine arabe suivant laquelle “l’extrême universalité se réalise dans l’extrême différenciation” parce que l’individualité disparaît, en tant qu’individualité, par là même qu’elle a réalisé la plénitude de ses possibilités »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n18">(18)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
On pourrait encore exprimer les choses autrement en disant que <span style="background-color: #fff2cc;">« le Ciel, en tant que pôle “positif” de la manifestation, représente d’une façon directe le Principe par rapport à celle-ci, tandis que la Terre, en tant que pôle “négatif”, ne peut en présenter qu’une image inversée. La “perspective” de la manifestation rapportera donc assez naturellement au Principe même ce qui appartient réellement au Ciel, et c’est ainsi que le “mouvement” du Ciel (mouvement au sens purement symbolique, bien entendu, puisqu’il n’y a là rien de spatial) sera attribué d’une certaine façon au Principe, bien que celui-ci soit nécessairement immuable. Ce qui est plus exact au fond, c’est de parler (…) des attractions respectives du Ciel et de la Terre, s’exerçant en sens inverse l’une de l’autre : toute attraction produit un mouvement centripète, donc une “condensation”, à laquelle correspondra, au pôle opposé, une “dissipation” déterminée par un mouvement centrifuge, de façon à rétablir ou plutôt à maintenir l’équilibre total. Il résulte de là que ce qui est “condensation” sous le rapport de la substance est au contraire une “dissipation” sous le rapport de l’essence, et que, inversement, ce qui est “dissipation” sous le rapport de la substance est une “condensation” sous le rapport de l’essence ; par suite, toute “transmutation”, au sens hermétique de ce terme <span style="background-color: white;">[c’est-à-dire en ce qui concerne les modalités et états de l’individualité]</span>, consistera proprement à “dissoudre” ce qui était “coagulé” et, simultanément, à “coaguler” ce qui était “dissous”, ces deux opérations apparemment inverses n’étant en réalité que les deux aspects complémentaires d’une seule et même opération.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n19r" style="text-align: justify;">
<span style="background-color: #fff2cc;">« C’est pourquoi les alchimistes disent fréquemment que “la dissolution du corps est la fixation de l’esprit” et inversement, esprit et corps n’étant en somme pas autre chose que l’aspect “essentiel” et l’aspect “substantiel” de l’être ; ceci peut s’entendre de l’alternance des “vies” et des “morts”, au sens le plus général de ces mots, puisque c’est là ce qui correspond proprement aux “condensations” et aux “dissipations” de la tradition taoïste, de sorte que, pourrait-on dire, l’état qui est vie pour le corps est mort pour l’esprit et inversement <span style="background-color: white;"><a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n19">(19)</a></span> ; et c’est pourquoi “volatiliser (ou dissoudre) le fixe et fixer (ou coaguler) le volatil” ou “spiritualiser le corps et corporifier l’esprit”, est dit encore “tirer le vif du mort et le mort du vif”, ce qui est aussi, par ailleurs, une expression qorânique »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n20">(20)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n21r" style="text-align: justify;">
D’autre part <span style="background-color: #fff2cc;">« les alchimistes “entendent par les eaux, les rayons et la lueur de leur feu”, et (…) ils donnent le nom d’“ablution”, non pas à l’“action de laver quelque chose avec de l’eau ou autre liqueur”, mais à une purification qui s’opère par le feu, de sorte que “les anciens ont caché cette ablution sous l’énigme de la salamandre, qu’ils disent se nourrir dans le feu, et du lin incombustible, qui s’y purifie et s’y blanchit sans s’y consumer” <span style="background-color: white;">[les citations viennent de Pernéty]</span>. On peut comprendre par là qu’il soit fait de fréquentes allusions, dans le symbolisme hermétique, à un “feu qui ne brûle pas” et à une “eau qui ne mouille pas les mains”, et aussi que le Mercure “animé”, c’est-à-dire vivifié par l’action du Soufre, soit décrit comme une “eau ignée”, et parfois même comme un “feu liquide” »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n21">(21)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
En note, Guénon signale aussi que <span style="background-color: #fff2cc;">« la pluie doit en effet, pour représenter les influences spirituelles, être regardée comme une eau “céleste”, et l’on sait que les Cieux correspondent aux états informels ; l’évaporation des eaux terrestres par la chaleur solaire est d’ailleurs l’image d’une “transformation”, de sorte qu’il y a là comme un passage alternatif des “eaux inférieures” aux “eaux supérieures” et inversement »</span> ; ce qui nous amène assez naturellement à aborder un dernier aspect du symbolisme des éléments.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div id="n22r" style="text-align: justify;">
En 1929, Guénon écrivait : <span style="background-color: #fff2cc;">« Il est intéressant de remarquer que les foudres de Jupiter sont forgées par Vulcain, ce qui établit un certain rapport entre le “feu céleste” et le “feu souterrain”, … <span style="background-color: white;">[ce dernier]</span>, en effet, était en relation directe avec le symbolisme métallurgique, spécialement dans les mystères kabiriques »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n22">(22)</a> ; et il précisait, dans <i>Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps</i> (ch. XXII) : <span style="background-color: #fff2cc;">« Pour comprendre ceci, il faut avant tout se souvenir que les métaux, en raison de leurs correspondances astrales, sont en quelque sorte les “planètes du monde inférieur” ; ils doivent donc naturellement avoir, comme les planètes elles-mêmes dont ils reçoivent et condensent pour ainsi dire les influences dans le milieu terrestre, un aspect “bénéfique” et un aspect “maléfique”. De plus, puisqu’il s’agit en somme d’un reflet inférieur, ce que représente nettement la situation même des mines métalliques à l’intérieur de la terre, le côté “maléfique” doit facilement devenir prédominant ; il ne faut pas oublier que, au point de vue traditionnel, les métaux et la métallurgie sont en relation directe avec le “feu souterrain”, dont l’idée s’associe sous bien des rapports à celle du “monde infernal” (…) En ce qui concerne cette relation avec le “feu souterrain”, la ressemblance manifeste du nom de Vulcain avec celui du Tubalcaïn biblique est particulièrement significative ; tous deux sont d’ailleurs représentés également comme des forgerons ; et, précisément au sujet des forgerons, nous ajouterons que cette association avec le “monde infernal” explique suffisamment (…) le côté “sinistre” de leur métier. – Les Kabires, d’autre part, tout en étant aussi des forgerons, avaient un double aspect terrestre et céleste, les mettant en rapport à la fois avec les métaux et avec les planètes correspondantes »</span>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n23r" style="text-align: justify;">
D’un point de vue initiatique, il faut se rappeler, en considérant le symbolisme de la montagne et de la caverne, que dans notre situation cyclique : <span style="background-color: #fff2cc;">« le centre, pourrait-on dire, n’abandonna pas la montagne, mais se retira seulement de son sommet à son intérieur ; d’autre part, ce même changement est en quelque sorte un “renversement” par lequel, (…) le “monde céleste” (auquel se réfère l’élévation de la montagne au-dessus de la surface terrestre) est devenu en un certain sens le “monde souterrain” (bien qu’en réalité ce ne soit pas lui qui ait changé, mais les conditions du monde extérieur, et par conséquent son rapport avec celui-ci) ; et ce “renversement” se trouve figuré par les schémas respectifs de la montagne et de la caverne, qui expriment en même temps leur complémentarisme »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n23">(23)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n24r" style="text-align: justify;">
Il faut bien comprendre que le sens inférieur des ténèbres <span style="background-color: #fff2cc;">« représente proprement le “chaos”, c’est-à-dire l’état d’indifférenciation ou d’indistinction qui est au point de départ de la manifestation, soit dans sa totalité, soit relativement à chacun de ses états ; et ici nous voyons immédiatement apparaître l’application de l’analogie en sens inverse, car cette indifférenciation, qu’on pourrait appeler “matérielle” en langage occidental, est comme le reflet de l’indifférenciation principielle du non-manifesté, ce qui est au point le plus haut se réfléchissant au point le plus bas, comme les sommets des deux triangles opposés dans le symbole du “sceau de Salomon” (…) cette indistinction, quand elle s’applique à la totalité de la manifestation universelle, n’est autre que celle même de <i>Prakriti</i>, en tant que celle-ci s’identifie à la <i>hylè </i>primordiale ou à la <i>materia prima</i> des anciennes doctrines cosmologiques occidentales ; en d’autres termes, c’est l’état de potentialité pure, qui n’est en quelque sorte qu’une image réfléchie, et par là même inversée, de l’état principiel des possibilités non-manifestées »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n24">(24)</a>… On pourrait voir dans ces indications « polaires », comme une justification métaphysique de la « descente aux enfers » qui se déroule au début du processus initiatique, et Guénon précise encore que <span style="background-color: #fff2cc;">« le “noir plus noir que le noir” (<i>nigrum nigro nigrius</i>), suivant l’expression des hermétistes, est assurément, quand on le prend dans son sens le plus immédiat et en quelque sorte le plus littéral, l’obscurité du chaos ou les “ténèbres inférieures” ; mais il est aussi et par là même (…) un symbole naturel des “ténèbres supérieures”. De même que le “non-agir” est véritablement la plénitude de l’activité, ou que le “silence” contient en lui-même tous les sons dans leur modalité <i>parâ </i>ou non-manifestée, ces “ténèbres supérieures” sont en réalité la Lumière qui surpasse toute lumière, c’est-à-dire, au-delà de toute manifestation et de toute contingence, l’aspect principiel de la lumière elle-même ; et c’est là, et là seulement, que s’opère en définitive la véritable jonction des extrêmes »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n25">(25)</a>. Ainsi, <span style="background-color: #fff2cc;">« le centre est, en raison de son caractère principiel, ce qu’on pourrait appeler le “lieu” de la non-manifestation ; comme tel, la couleur noire, entendue dans son sens supérieur, lui convient donc réellement. Il faut d’ailleurs remarquer que, par contre, la couleur blanche convient aussi au centre sous un autre rapport, nous voulons dire en tant qu’il est le point de départ d’une “irradiation” assimilée à celle de la lumière ; on pourrait donc dire que le centre est “blanc” extérieurement et par rapport à la manifestation qui procède de lui, tandis qu’il est “noir” intérieurement et en lui-même ; et ce dernier point de vue est naturellement celui des êtres qui (…) se situent symboliquement dans le centre même »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n26">(26)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n27r" style="text-align: justify;">
Pour conclure, nous voudrions donner un exemple de la manière dont M. Gilis se sert des citations de Guénon, car elle nous paraît illustrer, par reflet, l’usage qu’il fait de la doctrine akbarienne afin d’imposer sa manière d’envisager les choses : <span style="background-color: #d9ead3;">« À cette première limitation <span style="background-color: white;">[la « spéculative » sur laquelle nous allons revenir]</span> s’en ajoute une autre, inhérente à la nature de l’initiation maçonnique qui est une initiation de métier. En effet, comme René Guénon l’a rappelé à maintes reprises (en se référant typologiquement à ce que représente la caste des Vaishyas dans l’hindouisme), une initiation de ce type ne peut transmettre que “les connaissances qui lui conviennent spécialement” ; et celles-ci ne représentent, en principe tout au moins, qu’une portion restreinte des “petits mystères” tels que nous venons de les définir »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n27">(27)</a>. C’est assez habile de se servir de cette citation que Guénon poursuit en disant : <span style="background-color: #fff2cc;">« mais nous n’avons pas à insister sur ce point, puisque le sujet de la présente étude <span style="background-color: white;">[<i>Autorité spirituelle et pouvoir temporel</i>, ch. II, <i>Fonctions du Sacerdoce et de la Royauté</i>]</span> ne comporte proprement que la considération des rapports des deux premières castes »</span>. En fait, dans <i>Mélanges</i>, Guénon écrit : <span style="background-color: #fff2cc;">« Si maintenant nous voulons définir plus rigoureusement le domaine de ce qu’on peut appeler les initiations de métier, nous dirons qu’elles appartiennent à l’ordre des “petits mystères”, se rapportant au développement des possibilités qui relèvent proprement de l’état humain, ce qui n’est pas le but dernier de l’initiation, mais en constitue du moins obligatoirement la première phase »</span> (p. 76 : <i>L’Initiation et les Métiers</i>). Et dans les <i>Aperçus sur l’Initiation</i> : <span style="background-color: #fff2cc;">« Pour les Vaishyas à plus forte raison encore que pour les Kshatriyas, le domaine initiatique qui leur convient proprement est celui des “petits mystères” ; cette communauté de domaine, si l’on peut dire, a d’ailleurs amené fréquemment des contacts entre les formes d’initiation destinées aux uns et aux autres <span style="background-color: white;">[comme la maçonnerie et la chevalerie]</span>, et par suite, des relations assez étroites entre les organisations par lesquelles ces formes sont pratiquées respectivement »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n28">(28)</a>. Poursuivons la citation de C.-A. Gilis : <span style="background-color: #d9ead3;">« Cette définition doit également être rappelée, car la confusion est grande sur ce point essentiel. Il s’agit, d’un côté, d’une “connaissance de la nature” primordiale, ou encore de l’ordre “physique” ou “cosmologique” opposée à l’ordre métaphysique ; de l’autre, des mystères qui “concernent seulement les possibilités de l’état humain” par opposition à ceux qui se rapportent à ce qui est au delà, c’est-à-dire la réalisation des états supra-individuels et surtout la réalisation métaphysique, qui seule importe véritablement. <span style="background-color: white;">[En réalité, M. Gilis nous fait ici l’aveu d’un modernisme bien profane en voyant des « oppositions » là où il n’y a que différents aspects complémentaires de la doctrine et de la réalisation ; et, en fait de « confusion essentielle », il n’est pas difficile de se rendre compte que c’est lui qui la commet entre la Lumière du Prophète, et sa perception, somme toute, très sommaire. Du reste, suivant une dernière parole prophétique qui va nous ramener au début de notre étude, le Prophète a dit : « J’ai été conçu avant qu’Adam soit entre l’eau et l’argile ». Or, si on met en relation l’eau et l’argile avec les éléments qui leurs correspondent, on peut dire que l’Esprit muhammadien est créé d’air et de feu.]</span> Cette seconde limitation est plus essentielle que la première, car elle tient, non pas à un état passager de dégénérescence auquel il serait possible de remédier, tout au moins en principe, mais bien à la constitution même de la Maçonnerie. Lorsque, dans le même chapitre, René Guénon écrit : </span><span style="background-color: #fff2cc;">“Nous devons insister sur le fait qu’une telle dégénérescence d’une organisation initiatique ne change pourtant rien à sa nature essentielle, et que même la continuité de la transmission suffit pour que, si des circonstances plus favorables se présentaient, une restauration soit toujours possible, cette restauration devant alors nécessairement être conçue comme un retour à l’état ‘opératif’”</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n29">(29)</a><span style="background-color: #d9ead3;"> on ne voit pas ce que ce retour pourrait signifier d’autre, en l’occurrence, que l’exercice traditionnel du métier de maçon ; ni par quel miracle l’initiation maçonnique pourrait ouvrir aux “grands mystères”, même au cas où cette hypothèse, qui apparaît à la fois comme la plus favorable et la plus improbable, était effectivement réalisée »</span>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n30r" style="text-align: justify;">
Dans les faits, <span style="background-color: #d9ead3;">« le mot “opératif” ne doit pas être considéré exactement comme un équivalent de “pratique”, en tant que ce dernier terme se rapporte toujours à l’“action” (…) de sorte qu’il ne saurait être employé ici sans équivoque ni impropriété ; en réalité, il s’agit de cet “accomplissement” de l’être qu’est la “réalisation” initiatique, avec tout l’ensemble des moyens de divers ordres qui peuvent être employés en vue de cette fin ; et il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’un mot de même origine, celui d’“œuvre”, est aussi usité précisément en ce sens dans la terminologie alchimique »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n30">(30)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dans le même ouvrage, Guénon précise d’ailleurs que l’hermétisme peut <span style="background-color: #fff2cc;">« fournir tout un symbolisme qui, par une transposition convenable, a pu même y servir parfois de véhicule à des vérités d’un ordre plus élevé (…) une telle transposition est en effet toujours possible, dès lors que le lien avec un principe supérieur et véritablement transcendant n’est pas rompu, et nous avons dit que le “Grand Œuvre” hermétique lui-même peut être regardé comme une représentation du processus initiatique dans son ensemble… »</span> (ch. XLI, p. 261). Ce n’est pas parce que Michel Vâlsan n’avait pas vu cela que nous devons nous limiter à sa lecture contestable de l’œuvre de Guénon, car cette transposition constitue, en réalité, une des raisons profondes de toute une partie de celle-ci, comme l’aperçu que nous avons donné dans cette étude le montre clairement.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div id="n31r" style="text-align: justify;">
Quant à la limitation « spéculative », on peut encore dire qu’<span style="background-color: #fff2cc;">« en dehors de toute déviation, on peut toujours, d’une façon très exacte, appliquer les termes “opératif” et “spéculatif”, à l’égard d’une forme initiatique quelle qu’elle soit, et même si elle ne prend pas un métier comme “support”, en les faisant correspondre respectivement à l’initiation effective et à l’initiation virtuelle »</span> <a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n31">(31)</a>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les citations tronquées dont M. Gilis donne l’exemple dans la partie d’un livre intitulée <i>Les Maîtres akbariens</i>, et dont le sous titre est René Guénon, montrent la légèreté avec laquelle il se sert de différentes autorités pour mieux asseoir la sienne ; et du point de vue de l’initiation, il ne fait aucun doute que la dégénérescence de la Maçonnerie n’a rien à envier à celle des « semi-profanes » qui font une identification toute « spéculative » entre la <i>shariyah </i>et la <i>haqîqah</i>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
Y. B. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Notes :</span></div>
<br />
<div id="n1" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n1r">(1)</a> 1986, p. 68.
</div>
<br />
<div id="n2" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n2r">(2)</a> Ch. XX, p. 163, n. 1.
</div>
<br />
<div id="n3" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n2r">(3)</a> <i>Marie en Islam</i>, 1990, ch. V, p. 53.
</div>
<br />
<div id="n4" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n4r">(4)</a> Ch. XXVIII, p. 188, n. 1. Dans la maçonnerie, ces considérations se rapportent au grade de compagnon. On peut noter que les éléments sont aussi en relation avec les cinq « grandes années » de 12 960 ans qui composent le <i>Manvantara </i>de 64 800 ans. On sait, par ailleurs, que le nombre 7 est en rapport avec les « cieux » et les « terres » qui « permutent », selon l’expression coranique (14, 48 : <i>yubaddalu</i>), autour de la montagne « sacrée » ; et on pourrait considérer que le « renversement des pôles » présente une certaine analogie avec le « retournement » initiatique, puisque dans l’ordre cyclique, la « Jérusalem céleste » correspondra au « Paradis terrestre » du cycle futur, et que dans l’ordre initiatique, le Ciel et la Terre servent aussi à désigner la tête et les pieds de l’« Homme véritable ».
</div>
<br />
<div id="n5" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n5r">(5)</a> <i>Initiation et Réalisation spirituelle</i>, ch. XIX : <i>Ascèse et ascétisme</i>, pp. 159-160.
</div>
<br />
<div id="n6" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n6r">(6)</a> <i>Aperçus sur l’ésotérisme chrétien</i>, ch. IV : <i>Le langage secret de Dante et des « Fidèles d’Amour » (I)</i>, p. 64.
</div>
<br />
<div id="n7" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n6r">(7)</a> Dans <i>Les Sept Étendards du Califat</i> (1993), M. Gilis affirme que <span style="background-color: #d9ead3;">« nous sommes obligés de “croire” en Allâh »</span> (p. 35), comme si il ignorait tout de l’intuition intellectuelle, et il parle aussi de <span style="background-color: #d9ead3;">« réalisation suprême »</span> (p. 139, n. 8) pour désigner la servitude, confondant ainsi le moyen avec la fin. Dès lors, on peut comprendre qu’il refuse la distinction entre exotérisme et ésotérisme, sans tenir compte, d’une part, qu’il y a plus d’exotéristes que d’ésotéristes parmi les musulmans, et d’autre part, que les rites appartenant aux deux domaines ne sont pas du tout effectués de la même manière dans l’usage pratique.</div>
<br />
<div id="n8" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n8r">(8)</a> (1991) pp. 33-34.</div>
<br />
<div id="n9" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n9r">(9)</a> Ch. III, p. 27.</div>
<br />
<div id="n10" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n10r">(10)</a> <i>Les Sept Étendards du Califat</i>, p. 127.</div>
<br />
<div id="n11" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n10r">(11)</a> <i>Les Sept Étendards du Califat</i>, pp. 15, 64 et 308 ; signalons que le mot « vicaire » pour désigner le <i>khalîfah </i>est de Guénon (<i>Symboles de la Science Sacrée</i>, ch. XLV : <i>El-Arkân</i>, p. 282) et non pas de Vâlsan (<i>ibid</i>., p. 129, n. 3) ; cf. aussi <i>Marie en Islam</i>, ch. VII, p. 69.</div>
<br />
<div id="n12" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n12r">(12)</a> Là aussi l’incompréhension de C.-A. Gilis est flagrante, car il semble considérer cette polarisation comme une spécificité de certaines formes traditionnelles, sans autre précision (<i>Les Sept Étendards</i>, p. 129, n. 23), alors qu’elle concerne le domaine physiologique et que, de surcroît, elle est perceptible dans les phases préliminaires de l’initiation effective.</div>
<br />
<div id="n13" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n13r">(13)</a> <i>Corpus Hermeticum</i>, <i>Tome I</i>, p. 121. En considérant la réalisation comme une remontée des cycles, on pourrait faire un rapprochement entre le corps et l’âge de fer, le souffle et l’âge d’airain, l’âme et l’âge d’argent et l’intellect et l’âge d’or. D’après ces indications et celles figurant à la note (4), on peut aisément déduire que les 3 degrés de la maçonnerie bleue réalisent respectivement la « mesure » du <i>Manvantara</i>, suivant des modalités différentes. En outre, nous nous situons au milieu du <i>Kalpa </i>qui se compose de 7 <i>Manvantaras </i>descendants et de 7 <i>Manvantaras </i>ascendants ; et comme Guénon envisage « un double sens à la solidification », dont la descente de la « Jérusalem céleste » représente un aspect bénéfique, on peut se demander s’il n’y a pas dans notre localisation cyclique une réalité spirituelle d’une autre portée.</div>
<br />
<div id="n14" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n14r">(14)</a> <i>L’Homme et son devenir selon le Vêdânta</i>, ch. XX, p. 164.</div>
<br />
<div id="n15" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n15r">(15)</a> <i>Symboles de la Science sacrée</i>, ch. VII : <i>La Langue des Oiseaux</i>.</div>
<br />
<div id="n16" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n16r">(16)</a> Ch. XXV.</div>
<br />
<div id="n17" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n17r">(17)</a> <i>Études Traditionnelles</i>, n<sup>os</sup> 428-429-430-431.</div>
<br />
<div id="n18" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n18r">(18)</a> Toutes ces citations sont tirées du n<sup>o</sup> 430.</div>
<br />
<div id="n19" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n19r">(19)</a> On pourrait rappeler ici une autre tradition prophétique de l’islam suivant laquelle : « Les gens dorment et quand ils meurent [par la “troisième naissance”], ils se réveillent ».</div>
<br />
<div id="n20" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n19r">(20)</a> <i>La Grande Triade</i>, ch. VI.</div>
<br />
<div id="n21" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n21r">(21)</a> <i>Symboles de la Science sacrée</i>, ch. LX : <i>La lumière et la pluie</i>. Pour un enseignement similaire, voir aussi <i>La Grande Triade</i>, ch. XII, où Guénon fait un rapprochement entre la « pierre brute » et l’individualité, la « pierre cubique » et le Sel, et la « pierre cubique à pointe » et la « pierre philosophale ».</div>
<br />
<div id="n22" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n22r">(22)</a> <i>Symboles de la Science sacrée</i>, ch. XXV : <i>Les pierres de foudre</i>.</div>
<br />
<div id="n23" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n23r">(23)</a> <i>Ibid</i>., ch. XXXI : <i>La montagne et la caverne</i>.</div>
<br />
<div id="n24" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n24r">(24)</a> <i>Initiation et Réalisation spirituelle</i>, ch. XXXI : <i>Les deux nuits</i>, pp. 240-241.</div>
<br />
<div id="n25" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n24r">(25)</a> <i>Ibid</i>., p. 228 : <i>La jonction des extrêmes</i>.</div>
<br />
<div id="n26" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n24r">(26)</a> <i>Symboles de la Science sacrée</i>, ch. XVI : Les « têtes noires ».</div>
<br />
<div id="n27" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n27r">(27)</a> <i>Autorité spirituelle et pouvoir temporel</i>, ch. II, cité dans <i>Ordo ab chao, La Franc-Maçonnerie dans la Lumière du Prophète</i>, pp. 44-45.</div>
<br />
<div id="n28" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n27r">(28)</a> <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. XXXIX, p. 251.</div>
<br />
<div id="n29" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n27r">(29)</a> <i>Ibid</i>., ch. XXIX, p. 196.</div>
<br />
<div id="n30" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n30r">(30)</a> <i>Ibid</i>., p. 195.</div>
<br />
<div id="n31" style="text-align: justify;">
<a href="https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2016/01/lalchimie-humaine-et-les-quatre.html#n31r">(31)</a> <i>Ibid</i>., p. 197.</div>
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<span style="font-size: x-large; font-variant: small-caps;">Courrier des lecteurs</span></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
Paru dans <i>Vers la Tradition</i>, n<sup>o</sup> 118 (décembre 2009, janvier-février 2010).</div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Nous avons reçu de la part d’un lecteur la remarque suivante :</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
« (…) Le texte « <i>L’alchimie et les quatre éléments</i> »… attribue à Michel Vâlsan une position qu’il n’a pas. On y expose, en effet, page 64, un passage de René Guénon dans lequel il évoque la possibilité de transposer les données de l’hermétisme dans un ordre plus élevé – donc, dépassant le domaine des petits mystères – , et à cela on oppose une<i> lecture contestable de l’œuvre de René Guénon</i> par Michel Vâlsan qui n’aurait pas vu cette possibilité. Le problème est que cette affirmation est totalement fausse. Afin de prouver ce que j’avance, je vous donne ci-dessous les références qui conviennent…</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dans son article inachevé <i>Les derniers hauts grades de l’Écossisme et la réalisation descendante</i>, M. Vâlsan écrivait : <span style="background-color: #ead1dc;">« de même qu’il y a des initiations de caractère spécifiquement cosmologique, il peut y avoir des formes traditionnelles réduites, sinon par leur définition première, du moins, à certaines époques, par l’effet des vicissitudes cycliques, à un point de vue cosmologique, et dont le domaine normal est alors celui des “petits mystères” »</span>. Il ajoutait en note, ce qui suit : <span style="background-color: #ead1dc;">« Un cas de ce genre est celui de l’hermétisme, en tant que réadaptation des traditions grecque et égyptienne, à l’époque alexandrine, dont le caractère cosmologique et d’initiation de l’ordre des “petits mystères” ne fait pas de doute (cf. René Guénon, <i>Aperçus sur l’Initiation</i>, ch. XLI), bien qu’une tradition de cet ordre devait se rattacher elle-même originellement et par ses principes à une doctrine réellement métaphysique, et que de ce fait une ouverture restait, malgré tout, possible, quoique de façon moins directe, pour ceux qui avaient les qualifications nécessaires, vers une réalisation de l’ordre des “grands mystères” »</span> (<i>Études Traditionnelles</i>, 1953, p. 224).</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ainsi, dans la partie finale de sa note, M. Vâlsan envisageait-il une telle transposition. Plus exactement, et cela me semble particulièrement important à souligner, il parlait même, pour l’aspect doctrinal, d’un “rattachement” à la métaphysique, et, pour l’aspect initiatique, d’<span style="background-color: #ead1dc;">« une réalisation de l’ordre des “grands mystères” »</span>. M. Vâlsan avait donc bien compris Guénon sur ce point précis, et il en tirait aussi des “applications” dans le domaine de la réalisation initiatique ».</div>
<br />
<br />
<span style="font-size: large;">Réponse de Y. B.</span><br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
Nous nous sommes effectivement mal exprimé sur ce que Michel Vâlsan n’aurait pas vu, mais il envisage l’hermétisme gréco-égyptien comme un courant « mineur », comparable à l’aristotélisme, le néo-platonisme et la Kabbale ; et il nous semble que cette définition devrait plutôt correspondre à la « Kabbale chrétienne » ; tandis que Guénon parle principalement de l’hermétisme chrétien, qui a été véhiculé par différents courants initiatiques, lesquels occupent, au sein de l’ésotérisme, une position vraiment « centrale » puisqu’ils étaient en relation avec le Centre suprême, le symbolisme du « Temple de Salomon » et le « pouvoir des clés ».</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dès lors que les transpositions doctrinales qu’il opère peuvent être considérées comme un prolongement de ces courants, il n’y aurait eu aucun inconvénient à ce que Michel Vâlsan n’y fasse pas allusion, s’il ne s’était exprimé sur des questions relatives à l’Occident.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Seulement, nous devons dire que cet aspect de la doctrine concerne aussi le rôle des intermédiaires, tant sur le plan initiatique que sur celui de l’exposé des doctrines orientales, car c’est le premier qui ordonne le second ; et ce dernier pourrait même avoir un effet positif, bien que plus contingent, sur l’utilisation à rebours qui est faite de l’hermétisme, depuis l’apparition de l’occultisme dont l’inspiration n’est pas seulement pseudo-initiatique. Or, c’est dans le « domaine intermédiaire », qui est le sujet de notre précédent texte, que nous pouvons envisager une action sur la « minorité dirigeante » qui véhicule une idéologie dissolvante afin de nous entraîner insensiblement dans un « trou noir ». Nous ne savons pas ce que représente la prétendue « fonction » de René Guénon, mais sa conception unitive engage tous les ordres de réalité, sans en exclure aucun, parce qu’elle est initiatique et universelle et, comme ce domaine concerne aussi le passage dans le cycle à venir, tout cela ne peut décemment pas être qualifié de mineur.
</div>
<br />
<br />tagadahttp://www.blogger.com/profile/05266564349348140673noreply@blogger.com0