Voici de plus amples informations sur le texte inédit de René Guénon auquel était consacré le précédent article :
- L'article du Giornale d'Italia était en fait de 1915 :
- Le journal auquel était destinée la lettre de Guénon était L’Écho de Paris, dont le numéro du 13 février 1915 peut être consulté en ligne :
L'article auquel réagit Guénon est celui-ci (en bas à droite de la page 4) :
Les relations anglo-italiennes dans l’Afrique du Nord
Pendant que l’Allemagne fomente des troubles dans la colonie italienne de Libye, l’Angleterre emploie son influence sur le principal chef arabe de cette contrée, le Grand Sénoussi, pour faire arrêter par lui un agitateur dont les Italiens avaient eu beaucoup à se plaindre : Suleïman el Barouni. Les journaux italiens, sans faire allusion cette fois aux manœuvres allemandes, font ressortir avec satisfaction le geste anglais.
Le Giornale d’Italia, organe gouvernemental, publie, en tête de son numéro du 11, un article de son envoyé spécial au Caire, qui donne des détails rétrospectifs bien curieux sur la politique musulmane de l’Italie.
Voici d’abord le portrait d’un personnage qui fut – sans grand succès, semble-t-il, – l’intermédiaire du gouvernement italien auprès du Sénoussi :
Mais peut-être ce résultat ne suffit-il pas au correspondant du journal gouvernemental. Il fait allusion à la délimitation de la frontière italo-égyptienne, et il demande s’il ne conviendrait pas de commencer immédiatement – avec l’Angleterre, sans doute – la discussion de ce problème, en même temps que du problème des Sénoussi.
Il est certain que, par une négociation de ce genre, l’Italie pourrait avoir l’espérance de s’assurer, en plus des avantages pratiques qu’elle enregistre aujourd’hui, des profits permanents. Il est certain aussi qu’après les révélations du Giornale d’Italia, M. Giolitti serait un peu embarrassé pour entamer des pourparlers avec l’Angleterre, s’il revenait au pouvoir.
Pendant que l’Allemagne fomente des troubles dans la colonie italienne de Libye, l’Angleterre emploie son influence sur le principal chef arabe de cette contrée, le Grand Sénoussi, pour faire arrêter par lui un agitateur dont les Italiens avaient eu beaucoup à se plaindre : Suleïman el Barouni. Les journaux italiens, sans faire allusion cette fois aux manœuvres allemandes, font ressortir avec satisfaction le geste anglais.
Le Giornale d’Italia, organe gouvernemental, publie, en tête de son numéro du 11, un article de son envoyé spécial au Caire, qui donne des détails rétrospectifs bien curieux sur la politique musulmane de l’Italie.
Voici d’abord le portrait d’un personnage qui fut – sans grand succès, semble-t-il, – l’intermédiaire du gouvernement italien auprès du Sénoussi :
L’Italie, en ce temps-là, ne se bornait pas à agir sur les Sénoussi. Elle entretenait, en Égypte même, des intelligences avec le Khédive, qui vivait en très mauvais termes avec lord Kitchener et les autres autorités anglaises. Le correspondant du Giornale d’Italia écrit, avec une louable franchise :Eloui bey vous recevait avec beaucoup de cordialité dans sa maison, toujours pleine d’uléma, de cheikhs, de grands cheikhs et de chorfa… Je crois qu’il était désintéressé et de bonne foi, mais c’était un mégalomane : il ne doutait pas un instant que sa mère ne descendît du Prophète et son père de Saladin ; il se jugeait marqué par le destin pour terminer la grande lutte historique de l’Occident et de l’Orient, des chrétiens et des musulmans.
Il était l’instrument de la politique sénoussiste de M. Giolitti et de M. Vigliani, directeur de la Sûreté générale. Car aux yeux de M. Giolitti l’affaire des Sénoussi rentrait dans la compétence de la Sûreté générale, et c’est par le directeur de ce service qu’il communiquait avec Eloui bey.
Aujourd’hui, tout a bien changé, remarque le correspondant du Giornale d’Italia : l’Angleterre surveille la frontière de Cyrénaïque, et l’un des grands fournisseurs d’armes des Sénoussi, Ahmed Basri, a été incarcéré. L’Italie est donc tranquille.L’Italie, de son côté, développait par des moyens politiques et financiers une politique favorable au Khédive. Avec ce souverain, qui au cours des dernières années était en lutte dissimulée contre lord Kitchener, nous avons filé une idylle : on ne voit pas pourquoi nous l’avons fait, mais c’était certainement dans une ignorance profonde des intentions de l’Angleterre en Égypte.
Parmi les témoignages, plus ou moins importants, de cette politique khédivophile, on peut citer :
Les rapports financiers du Khédive Albas avec un établissement italien du Caire ;
Le projet – irréalisé d’ailleurs – de racheter pour notre compte la voie ferrée du Mariout à la frontière de la Cyrénaïque, voie ferrée qui était la propriété privée du Khédive ;
Les fameuses réunions khédiviales, le voyage de Mohammed Ali, frère du Khédive, à Rome, la venue du duc des Abruzzes en Égypte…
Mais les missions khédiviales tombaient dans le vide. Le grand Sénoussi continuait à être alimenté de contrebande. Lord Kitchener, c’est-à-dire l’Angleterre, le voulait ainsi. C’était la riposte à notre politique khédiviale.
Mais peut-être ce résultat ne suffit-il pas au correspondant du journal gouvernemental. Il fait allusion à la délimitation de la frontière italo-égyptienne, et il demande s’il ne conviendrait pas de commencer immédiatement – avec l’Angleterre, sans doute – la discussion de ce problème, en même temps que du problème des Sénoussi.
Il est certain que, par une négociation de ce genre, l’Italie pourrait avoir l’espérance de s’assurer, en plus des avantages pratiques qu’elle enregistre aujourd’hui, des profits permanents. Il est certain aussi qu’après les révélations du Giornale d’Italia, M. Giolitti serait un peu embarrassé pour entamer des pourparlers avec l’Angleterre, s’il revenait au pouvoir.
L’Écho de Paris, 13 février 1915.
- Dernière question : le texte de René Guénon a-t-il été publié ou non ? Nous pensons que non, ayant parcouru quelques numéros suivants de L’Écho de Paris, sans en avoir trouvé trace. Mais il est tout à fait possible qu'il ait échappé à notre vigilance. Si donc quelqu'un le trouve et a l'obligeance de nous le signaler, ce sera avec joie que nous rectifierons ce point.