mardi 26 janvier 2016

L'alchimie humaine et les quatre éléments (Y. B.)


Les contributions de Y. B. ont été récemment évoquées ici :
https://lafindestempsmodernes.blogspot.fr

Nous profitons de l’occasion pour proposer dans sa version intégrale l’article ci-dessous, paru dans Vers la Tradition, no 116 (juin-juillet-août 2009), ainsi qu’un échange dans le courrier des lecteurs de la même revue, dans le no 118 (décembre 2009, janvier-février 2010).





L’alchimie humaine et les quatre éléments

Paru dans Vers la Tradition, no 116 (juin-juillet-août 2009).


Au chapitre VIII de l’Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon, C.-A. Gilis évoque une orientation plus islamique de Guénon, sous prétexte qu’il n’aurait pas achevé son étude sur « Les conditions de l’existence corporelle » :

« Il ne fait aucun doute que Guénon, à la suite du texte publié en janvier et février 1912, devait aborder l’étude de la “condition vitale”, en correspondance avec les données traditionnelles qui, dans l’Hindouisme, se rapportent à Têjas, le Feu. Rappelons que celui-ci apparaît comme “actif” par rapport à l’Eau (Ap), qui est l’élément “passif” complémentaire, l’un et l’autre étant produits par polarisation à partir de l’élément “neutre”, qui est l’Air. Or, selon la tradition islamique, la “vie” n’est pas liée à la réalité archétypale du Feu, mais bien à celle de l’Eau. Ainsi qu’il est dit dans le Coran : “Et Nous avons fait à partir de l’Eau toute chose vivante” (Cor., 21, 30). On constate donc, dans le symbolisme utilisé par ces deux traditions, une certaine “inversion des pôles” qui s’explique avant tout par des raisons d’ordre cyclique : parmi les formes traditionnelles qui subsistent encore, c’est en effet l’Hindouisme qui représente de la manière la plus directe la Tradition primordiale ainsi que le pôle essentiel et “actif” de notre état d’existence, alors que l’Islam, en tant que révélation finale du présent cycle humain, représente tout au contraire le pôle substantiel et “passif” » (1) .

Or, dans son ouvrage sur le Vêdânta (2), Guénon affirme que « L’eau est regardée par beaucoup de traditions comme le milieu originel des êtres », et ce n’est pas C.-A. Gilis qui peut remettre cette donnée en question, puisqu’il a lui-même cité ce passage, en se servant à nouveau du verset coranique mentionné, dans un autre ouvrage (3) ; sans en tirer pour autant les conclusions qui s’imposent : d’une part il ne s’agit pas d’une conception spécifiquement islamique, et d’autre part, le changement d’orientation de Guénon n’existe que dans l’esprit de M. Gilis.

« Par deux fois, explique l’auteur dans le premier livre cité, la réalisation [de la rédaction complète des « Conditions de l’existence corporelle »] est empêchée : en 1912 à la suite d’un événement apparemment fortuit, du fait que La Gnose cesse d’être publiée ; après 1932 parce que, cette fois de manière délibérée, Guénon renonce à son projet » dans La théorie hindoue des cinq éléments. Cela n’empêche que dans Le Symbolisme de la Croix, à propos du symbolisme de l’étoile à cinq branches, Guénon écrivait qu’elle représente le microcosme et « aussi l’homme individuel (lié aux cinq conditions de son état, auxquelles correspondent les cinq sens et les cinq éléments corporels) » (4), et qu’il est question des conditions de l’existence dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, bien que son auteur les envisage d’un autre point de vue que celui des éléments.

Du reste, si la question de l’élément Feu est à ce point controversée, on est en droit de se demander pourquoi Guénon écrivait en 1947 : « Le terme d’“ascèse”, tel que nous l’entendons ici, est celui qui, dans les langues occidentales, correspond le plus exactement au sanscrit tapas ; il est vrai que celui-ci contient une idée qui n’est pas directement exprimée par l’autre, mais cette idée n’en rentre pas moins strictement dans la notion qu’on peut se faire de l’ascèse. Le sens premier de tapas est en effet celui de “chaleur” ; dans le cas dont il s’agit, cette chaleur est évidemment celle d’un feu intérieur qui doit brûler ce que les Kabbalistes appelleraient les “écorces”, c’est-à-dire en somme détruire tout ce qui, dans l’être, fait obstacle à une réalisation spirituelle ; c’est donc bien là quelque chose qui caractérise, de la façon la plus générale, toute méthode préparatoire à cette réalisation, méthode qui, à ce point de vue peut être considérée comme constituant une “purification” préalable à l’obtention de tout état spirituel effectif » (5) ?



En réalité, Guénon dit que la « voie sèche » des alchimistes correspond à la voie purement intellectuelle où prédomine l’élément feu, et la « voie humide » à celle où intervient un élément affectif symbolisé, entre autre chose, par l’aspect féminin de la Shakti, représenté par l’élément eau (6), et il semblerait que M. Gilis a tendance à faire de sa conception de la voie initiatique une généralité. Mais de quelle voie parle-t-on au juste (7) ?

Dans René Guénon et l’avènement du troisième Sceau, M. Gilis écrivait : « La tradition islamique est, à tous degrés, axée sur le Tawhîd, c’est-à-dire la doctrine de l’Unité principielle [ce qui, du reste, est le cas de toutes les traditions]. Or, celle-ci exclut, de par sa nature même, le recours au symbolisme qui implique nécessairement une dualité [il faudrait nous expliquer comment on peut remonter à l’unité sans passer par la dualité, ce qui constitue le ternaire dont il existe de nombreux exemples en islam] : celle du symbole et, d’autre part, des réalités principielles [pourquoi seulement “principielles” ?]. Ce recours ne peut se justifier qu’au niveau des moyens de grâce qu’Allâh utilise pour permettre à ceux qui en ont besoin – c’est-à-dire, aujourd’hui, la très grande majorité des hommes – de se rapprocher de lui » (8).

En fait de moyen de grâce, Guénon écrit dans les Aperçus sur l’Initiation : « … la simple communication avec les états supérieurs ne peut pas être regardée comme une fin, mais seulement comme un point de départ : si cette communication doit être établie tout d’abord par l’action d’une influence spirituelle, c’est pour permettre ensuite une prise de possession effective de ces états, et non pas simplement, comme dans l’ordre religieux, pour faire descendre sur l’être une “grâce” qui l’y relie d’une certaine façon, mais sans l’y faire pénétrer » (9).

Seulement, on est en droit de se demander si M. Gilis sait vraiment de quoi il parle, car lorsque Ibn Arabî envisage la Terre comme se trouvant au centre de la circonférence (10), il s’agit d’un symbolisme dont Guénon a donné une représentation (la figure 8 de La Grande Triade), et qui se rapporte autant à l’« Homme véritable », si on désigne par ce symbolisme un état d’existence, et à l’« Homme transcendant », si on désigne la manifestation universelle. D’autre part, lorsqu’il affirme que « les Cieux planétaires correspondent à la modalité subtile de l’état humain » (11), on retrouve la même incompréhension, car, toujours du point de vue de La Grande Triade, l’Homme représente le domaine intermédiaire par rapport au Ciel et à la Terre.

Il faut dire que nous avons toujours été surpris de constater que Guénon considérait les deux traditions extrême-orientale et islamique comme insistant plus particulièrement sur la réintégration dans l’état primordial, et de ne rien trouver de comparable chez les « spécialistes » de la doctrine akbarienne, auxquels on pourrait peut-être rappeler cette tradition prophétique : « Cherchez la science jusqu’en Chine ».



Ceci étant, il n’y a pas seulement la polarisation de l’air en feu et en eau à considérer, mais aussi celle du feu en chaleur par le sang et en lumière par les nerfs (12) ; et cela nous amène à une des raisons pour lesquelles Guénon n’a peut-être pas souhaité terminer son étude, bien qu’il semble avoir donné tous les éléments pour la rédiger.

Dans la maçonnerie, l’ordre de succession des épreuves par les éléments ne reproduit ni celui de leur production, ni celui de leur résorption ; mais il existe une conception platonicienne suivant laquelle le corps est l’enveloppe du souffle qui est l’enveloppe de l’âme qui est l’enveloppe de l’intellect.

Si on fait correspondre le corps à la terre, le souffle à l’air, l’âme à l’eau et l’intellect au feu (13), on retrouve l’exacte succession des épreuves initiatiques ; ce qui pose la question de l’usage du « souffle » (l’apprenti doit avoir « un bon souffle », selon le Dumfries), qui n’a jamais cessé d’interpeller Guénon puisque le texte intitulé « La prière et l’incantation » était initialement une planche maçonnique.

Cette incantation, qu’il appelle aussi « alchimie humaine » est « essentiellement une aspiration de l’être vers l’Universel, ayant pour but d’obtenir une illumination intérieure, quels que soient d’ailleurs les moyens extérieurs, gestes (mudrâs), paroles ou sons musicaux (mantras), figures symboliques (yantras) ou autres, qui peuvent être employés accessoirement comme supports de l’acte intérieur, et dont l’effet est de déterminer des vibrations rythmiques qui ont une répercussion à travers la série indéfinie des états de l’être » (14).

« … dans la tradition hindoue, il est dit que les Dêvas, dans leur lutte avec les Asuras, se protégèrent (achhan dayan) par la récitation des hymnes du Vêda, et que c’est pour cette raison que les hymnes reçurent le nom chhandas, mot qui désigne proprement le “rythme”. La même idée est d’ailleurs contenue dans le mot dhikr, qui, dans l’ésotérisme islamique, s’applique à des formules rythmées correspondant exactement aux mantras hindous, formules dont la répétition a pour but de produire une harmonisation des divers éléments de l’être, et de déterminer des vibrations susceptibles, par leur répercussion à travers la série des états, en hiérarchie indéfinie, d’ouvrir une communication avec les états supérieurs, ce qui est d’ailleurs, d’une façon générale, la raison d’être essentielle et primordiale de tous les rites » (15).

Il nous faudrait une autre occasion pour aborder l’absurde question de la « greffe » islamique, que certains n’hésitent pas à réduire à une « regrettable polémique », ce qui ne manque pas d’ironie, vu que c’est eux qui l’ont provoquée. Pour le moment, nous ferons seulement remarquer que Guénon n’a jamais parlé de la transmission d’un Nom islamique à des non-musulmans, car celle-ci est la caractéristique des chaînes initiatiques vivifiées par un Maître vivant, à l’aide de laquelle il guide ses disciples à travers les voiles de lumières qui enveloppent l’« Esprit muhammadien » (ou le « Centre du Monde » de la tradition islamique) ; et vers lequel la pratique de ce Nom aide ceux-ci à s’acheminer suivant des modalités incantatoires extérieures et surtout intérieures.

D’autre part, ce n’est pas parce que ce Nom est pratiqué par des chrétiens orientaux, qu’il faut pour autant faire la confusion entre celui-ci et l’influence spirituelle dont il est le véhicule, car celle-ci appartient à la forme islamique avec tout ce que cela implique.

Enfin, cette transmission est elle-même subordonnée au rattachement à une organisation initiatique ; si bien que, pour donner une équivalence analogue dans le domaine hiérarchique, recevoir cette transmission sans être rattaché à l’organisation correspondante, reviendrait, pour un profane, à recevoir la communication de hauts-grades maçonniques sans avoir été initié aux degrés antérieurs. Nous sommes quelque peu surpris de constater que notre prétendu « imâm es tassarruf » n’ait pas abordé ce genre de considération, mais nous pouvons assurer les non-musulmans, parmi les plus qualifiés, qui ont reçu la transmission de ce Nom, qu’ils risquent de subir une « réaction concordante » du « Centre » mentionné vis-à-vis duquel ils n’ont aucune appartenance traditionnelle. Cela leur donnera peut-être l’occasion de se rendre compte que ce dernier est bien vivant, mais à quel prix ?



Dans les Aperçus sur l’Initiation, on apprend que « les épreuves sont essentiellement des rites de purification ; et c’est là ce qui donne l’explication véritable de ce mot même d’“épreuves”, qui a ici un sens nettement “alchimique”(…) la purification s’opère par les “éléments”, au sens cosmologique de ce terme, et la raison peut en être exprimée très facilement en quelques mots : qui dit élément dit simple, et qui dit simple dit incorruptible. Donc, la purification rituelle aura toujours pour “support” matériel les corps qui symbolisent les éléments et qui en portent les désignations (car il doit être bien entendu que les éléments eux-mêmes ne sont nullement des corps prétendus “simples”, ce qui est d’ailleurs une contradiction, mais ce à partir de quoi sont formés tous les corps) ». D’un point de vue initiatique, « il s’agit de ramener l’être à un état de simplicité indifférenciée, comparable (…) à celui de la materia prima (entendue naturellement ici en un sens relatif), afin qu’il soit apte à recevoir la vibration du Fiat Lux initiatique (…) ce qui, si l’on veut bien y réfléchir un instant, montre assez clairement que le processus initiatique et le “Grand Œuvre” hermétique ne sont en réalité qu’une seule et même chose : la conquête de la Lumière divine qui est l’unique essence de toute spiritualité » (16).

Dans son étude intitulée Les dualités cosmiques (17), Guénon écrivait : « nous prendrons comme exemple la théorie des éléments telle que la concevaient les Grecs, Aristote en particulier, et telle qu’elle se transmit au moyen âge ; on y trouve deux quaternaires, comprenant chacun deux dualités : d’une part, celui des qualités, chaud et froid, sec et humide, et, d’autre part, celle des éléments, feu et eau, et air et terre. Or, les couples d’éléments opposés ne coïncident pas avec les couples de qualités opposées, car chaque élément procède de deux qualités combinées, appartenant à deux dualités différentes : le feu, du chaud et du sec ; l’eau, du froid et de l’humide ; l’air, du chaud et de l’humide ; la terre, du froid et du sec. Quant à l’éther, considéré comme cinquième élément, et que les alchimistes appelaient pour cette raison “quintessence” (quinta essentia), il contient toutes les qualités dans un état d’indifférenciation et d’équilibre parfait ; il représente l’homogénéité primordiale dont la rupture déterminera la production des autres éléments avec leurs oppositions. Cette théorie est résumée dans la figure, d’un symbolisme d’ailleurs purement hermétique, que Leibnitz a placée en tête de son De arte combinatoria.

« Maintenant, le chaud et le froid sont respectivement des principes d’expansion et de condensation, et correspondent ainsi rigoureusement aux forces antagonistes du dualisme mécanique ; mais pourrait-on en dire autant du sec et de l’humide ? Cela paraît bien difficile, et c’est seulement par leur participation du chaud et du froid qu’on peut rattacher les éléments, feu et air d’une part, eau et terre d’autre part, à ces deux tendances expansive et attractive (…) Et ce qui complique encore la question, c’est que, à des points de vue différents, des oppositions également différentes peuvent être établies entre les mêmes choses : c’est ce qui arrive, pour les éléments, suivant que l’on s’adresse à l’alchimie ou à l’astrologie, car, tandis que la première fait appel aux considérations précédentes, la seconde, en répartissant les éléments dans le zodiaque, oppose le feu à l’air et la terre à l’eau [voir, par exemple, la figure de l’archéomètre] ; ici, par conséquent, l’expansion et la condensation ne figurent même plus dans une opposition ou une corrélation quelconque (…).

« Signalons encore que les deux phases [« ascendante » et « descendante »] (…) se retrouvent (…) dans les théories hermétiques, où elles sont appelées “coagulation” et “solution” : en vertu des lois de l’analogie, le “grand œuvre” reproduit en abrégé l’ensemble du cycle cosmique [également caractérisé par ces deux phases]. Ce qui est assez significatif, au point de vue où nous venons de nous placer, c’est que les hermétistes, au lieu de séparer radicalement ces deux phases, les unissaient au contraire dans la figuration de leur androgyne symbolique Rebis (res bina, chose double), représentant la conjonction du soufre et du mercure, du fixe et du volatil, en une matière unique ». (Note de Guénon : « Voir l’Amphitheatrum Sapientiae Aeternae de Khunrath, les Clefs d’alchimie de Basile Valentin, etc. » [On pourra aussi se reporter aux Théories & Symboles des Alchimistes d’Albert Poisson, qui nous paraît être une excellente synthèse sur la question.])

« Mais revenons à l’opposition du chaud et du froid (…) : l’abaissement de la température traduit une tendance à la différenciation, dont la solidification marque le dernier degré, le retour à l’indifférenciation devra, dans le même ordre d’existence, s’effectuer corrélativement, et en sens inverse, par une élévation de température (…) si la chaleur paraît représenter la tendance qui mène vers l’indifférenciation, il n’en est pas moins vrai que, dans cette indifférenciation même, la chaleur et le froid doivent être également contenus de façon à s’équilibrer parfaitement ; l’homogénéité véritable ne se réalise pas dans un des termes de la dualité, mais seulement là où la dualité a cessé d’être. D’autre part, si l’on considère le milieu du cycle cosmique en regardant les deux tendances comme agissant simultanément, on s’aperçoit que, loin de marquer la victoire complète, au moins momentanément, de l’une sur l’autre, il est l’instant où la prépondérance commence à passer de l’une à l’autre : c’est donc le point où ces deux tendances sont dans un équilibre qui, pour être instable, n’en est pas moins comme une image ou un reflet de cet équilibre parfait qui ne se réalise que dans l’indifférenciation ; et alors ce point, au lieu d’être le plus bas, doit être véritablement moyen sous tous les rapports (…). D’ailleurs, pour toute individualité, il y a en quelque sorte un point d’arrêt dans la limitation, à partir duquel cette individualité même peut servir de base à une expansion en sens inverse [au processus d’individualisation ou d’involution] ; nous pourrions citer à ce propos telle doctrine arabe suivant laquelle “l’extrême universalité se réalise dans l’extrême différenciation” parce que l’individualité disparaît, en tant qu’individualité, par là même qu’elle a réalisé la plénitude de ses possibilités » (18).

On pourrait encore exprimer les choses autrement en disant que « le Ciel, en tant que pôle “positif” de la manifestation, représente d’une façon directe le Principe par rapport à celle-ci, tandis que la Terre, en tant que pôle “négatif”, ne peut en présenter qu’une image inversée. La “perspective” de la manifestation rapportera donc assez naturellement au Principe même ce qui appartient réellement au Ciel, et c’est ainsi que le “mouvement” du Ciel (mouvement au sens purement symbolique, bien entendu, puisqu’il n’y a là rien de spatial) sera attribué d’une certaine façon au Principe, bien que celui-ci soit nécessairement immuable. Ce qui est plus exact au fond, c’est de parler (…) des attractions respectives du Ciel et de la Terre, s’exerçant en sens inverse l’une de l’autre : toute attraction produit un mouvement centripète, donc une “condensation”, à laquelle correspondra, au pôle opposé, une “dissipation” déterminée par un mouvement centrifuge, de façon à rétablir ou plutôt à maintenir l’équilibre total. Il résulte de là que ce qui est “condensation” sous le rapport de la substance est au contraire une “dissipation” sous le rapport de l’essence, et que, inversement, ce qui est “dissipation” sous le rapport de la substance est une “condensation” sous le rapport de l’essence ; par suite, toute “transmutation”, au sens hermétique de ce terme [c’est-à-dire en ce qui concerne les modalités et états de l’individualité], consistera proprement à “dissoudre” ce qui était “coagulé” et, simultanément, à “coaguler” ce qui était “dissous”, ces deux opérations apparemment inverses n’étant en réalité que les deux aspects complémentaires d’une seule et même opération.

« C’est pourquoi les alchimistes disent fréquemment que “la dissolution du corps est la fixation de l’esprit” et inversement, esprit et corps n’étant en somme pas autre chose que l’aspect “essentiel” et l’aspect “substantiel” de l’être ; ceci peut s’entendre de l’alternance des “vies” et des “morts”, au sens le plus général de ces mots, puisque c’est là ce qui correspond proprement aux “condensations” et aux “dissipations” de la tradition taoïste, de sorte que, pourrait-on dire, l’état qui est vie pour le corps est mort pour l’esprit et inversement (19) ; et c’est pourquoi “volatiliser (ou dissoudre) le fixe et fixer (ou coaguler) le volatil” ou “spiritualiser le corps et corporifier l’esprit”, est dit encore “tirer le vif du mort et le mort du vif”, ce qui est aussi, par ailleurs, une expression qorânique » (20).

D’autre part « les alchimistes “entendent par les eaux, les rayons et la lueur de leur feu”, et (…) ils donnent le nom d’“ablution”, non pas à l’“action de laver quelque chose avec de l’eau ou autre liqueur”, mais à une purification qui s’opère par le feu, de sorte que “les anciens ont caché cette ablution sous l’énigme de la salamandre, qu’ils disent se nourrir dans le feu, et du lin incombustible, qui s’y purifie et s’y blanchit sans s’y consumer” [les citations viennent de Pernéty]. On peut comprendre par là qu’il soit fait de fréquentes allusions, dans le symbolisme hermétique, à un “feu qui ne brûle pas” et à une “eau qui ne mouille pas les mains”, et aussi que le Mercure “animé”, c’est-à-dire vivifié par l’action du Soufre, soit décrit comme une “eau ignée”, et parfois même comme un “feu liquide” » (21).

En note, Guénon signale aussi que « la pluie doit en effet, pour représenter les influences spirituelles, être regardée comme une eau “céleste”, et l’on sait que les Cieux correspondent aux états informels ; l’évaporation des eaux terrestres par la chaleur solaire est d’ailleurs l’image d’une “transformation”, de sorte qu’il y a là comme un passage alternatif des “eaux inférieures” aux “eaux supérieures” et inversement » ; ce qui nous amène assez naturellement à aborder un dernier aspect du symbolisme des éléments.



En 1929, Guénon écrivait : « Il est intéressant de remarquer que les foudres de Jupiter sont forgées par Vulcain, ce qui établit un certain rapport entre le “feu céleste” et le “feu souterrain”, … [ce dernier], en effet, était en relation directe avec le symbolisme métallurgique, spécialement dans les mystères kabiriques » (22) ; et il précisait, dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps (ch. XXII) : « Pour comprendre ceci, il faut avant tout se souvenir que les métaux, en raison de leurs correspondances astrales, sont en quelque sorte les “planètes du monde inférieur” ; ils doivent donc naturellement avoir, comme les planètes elles-mêmes dont ils reçoivent et condensent pour ainsi dire les influences dans le milieu terrestre, un aspect “bénéfique” et un aspect “maléfique”. De plus, puisqu’il s’agit en somme d’un reflet inférieur, ce que représente nettement la situation même des mines métalliques à l’intérieur de la terre, le côté “maléfique” doit facilement devenir prédominant ; il ne faut pas oublier que, au point de vue traditionnel, les métaux et la métallurgie sont en relation directe avec le “feu souterrain”, dont l’idée s’associe sous bien des rapports à celle du “monde infernal” (…) En ce qui concerne cette relation avec le “feu souterrain”, la ressemblance manifeste du nom de Vulcain avec celui du Tubalcaïn biblique est particulièrement significative ; tous deux sont d’ailleurs représentés également comme des forgerons ; et, précisément au sujet des forgerons, nous ajouterons que cette association avec le “monde infernal” explique suffisamment (…) le côté “sinistre” de leur métier. – Les Kabires, d’autre part, tout en étant aussi des forgerons, avaient un double aspect terrestre et céleste, les mettant en rapport à la fois avec les métaux et avec les planètes correspondantes ».

D’un point de vue initiatique, il faut se rappeler, en considérant le symbolisme de la montagne et de la caverne, que dans notre situation cyclique : « le centre, pourrait-on dire, n’abandonna pas la montagne, mais se retira seulement de son sommet à son intérieur ; d’autre part, ce même changement est en quelque sorte un “renversement” par lequel, (…) le “monde céleste” (auquel se réfère l’élévation de la montagne au-dessus de la surface terrestre) est devenu en un certain sens le “monde souterrain” (bien qu’en réalité ce ne soit pas lui qui ait changé, mais les conditions du monde extérieur, et par conséquent son rapport avec celui-ci) ; et ce “renversement” se trouve figuré par les schémas respectifs de la montagne et de la caverne, qui expriment en même temps leur complémentarisme » (23).

Il faut bien comprendre que le sens inférieur des ténèbres « représente proprement le “chaos”, c’est-à-dire l’état d’indifférenciation ou d’indistinction qui est au point de départ de la manifestation, soit dans sa totalité, soit relativement à chacun de ses états ; et ici nous voyons immédiatement apparaître l’application de l’analogie en sens inverse, car cette indifférenciation, qu’on pourrait appeler “matérielle” en langage occidental, est comme le reflet de l’indifférenciation principielle du non-manifesté, ce qui est au point le plus haut se réfléchissant au point le plus bas, comme les sommets des deux triangles opposés dans le symbole du “sceau de Salomon” (…) cette indistinction, quand elle s’applique à la totalité de la manifestation universelle, n’est autre que celle même de Prakriti, en tant que celle-ci s’identifie à la hylè primordiale ou à la materia prima des anciennes doctrines cosmologiques occidentales ; en d’autres termes, c’est l’état de potentialité pure, qui n’est en quelque sorte qu’une image réfléchie, et par là même inversée, de l’état principiel des possibilités non-manifestées » (24)… On pourrait voir dans ces indications « polaires », comme une justification métaphysique de la « descente aux enfers » qui se déroule au début du processus initiatique, et Guénon précise encore que « le “noir plus noir que le noir” (nigrum nigro nigrius), suivant l’expression des hermétistes, est assurément, quand on le prend dans son sens le plus immédiat et en quelque sorte le plus littéral, l’obscurité du chaos ou les “ténèbres inférieures” ; mais il est aussi et par là même (…) un symbole naturel des “ténèbres supérieures”. De même que le “non-agir” est véritablement la plénitude de l’activité, ou que le “silence” contient en lui-même tous les sons dans leur modalité parâ ou non-manifestée, ces “ténèbres supérieures” sont en réalité la Lumière qui surpasse toute lumière, c’est-à-dire, au-delà de toute manifestation et de toute contingence, l’aspect principiel de la lumière elle-même ; et c’est là, et là seulement, que s’opère en définitive la véritable jonction des extrêmes » (25). Ainsi, « le centre est, en raison de son caractère principiel, ce qu’on pourrait appeler le “lieu” de la non-manifestation ; comme tel, la couleur noire, entendue dans son sens supérieur, lui convient donc réellement. Il faut d’ailleurs remarquer que, par contre, la couleur blanche convient aussi au centre sous un autre rapport, nous voulons dire en tant qu’il est le point de départ d’une “irradiation” assimilée à celle de la lumière ; on pourrait donc dire que le centre est “blanc” extérieurement et par rapport à la manifestation qui procède de lui, tandis qu’il est “noir” intérieurement et en lui-même ; et ce dernier point de vue est naturellement celui des êtres qui (…) se situent symboliquement dans le centre même » (26).



Pour conclure, nous voudrions donner un exemple de la manière dont M. Gilis se sert des citations de Guénon, car elle nous paraît illustrer, par reflet, l’usage qu’il fait de la doctrine akbarienne afin d’imposer sa manière d’envisager les choses : « À cette première limitation [la « spéculative » sur laquelle nous allons revenir] s’en ajoute une autre, inhérente à la nature de l’initiation maçonnique qui est une initiation de métier. En effet, comme René Guénon l’a rappelé à maintes reprises (en se référant typologiquement à ce que représente la caste des Vaishyas dans l’hindouisme), une initiation de ce type ne peut transmettre que “les connaissances qui lui conviennent spécialement” ; et celles-ci ne représentent, en principe tout au moins, qu’une portion restreinte des “petits mystères” tels que nous venons de les définir » (27). C’est assez habile de se servir de cette citation que Guénon poursuit en disant : « mais nous n’avons pas à insister sur ce point, puisque le sujet de la présente étude [Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. II, Fonctions du Sacerdoce et de la Royauté] ne comporte proprement que la considération des rapports des deux premières castes ». En fait, dans Mélanges, Guénon écrit : « Si maintenant nous voulons définir plus rigoureusement le domaine de ce qu’on peut appeler les initiations de métier, nous dirons qu’elles appartiennent à l’ordre des “petits mystères”, se rapportant au développement des possibilités qui relèvent proprement de l’état humain, ce qui n’est pas le but dernier de l’initiation, mais en constitue du moins obligatoirement la première phase » (p. 76 : L’Initiation et les Métiers). Et dans les Aperçus sur l’Initiation : « Pour les Vaishyas à plus forte raison encore que pour les Kshatriyas, le domaine initiatique qui leur convient proprement est celui des “petits mystères” ; cette communauté de domaine, si l’on peut dire, a d’ailleurs amené fréquemment des contacts entre les formes d’initiation destinées aux uns et aux autres [comme la maçonnerie et la chevalerie], et par suite, des relations assez étroites entre les organisations par lesquelles ces formes sont pratiquées respectivement » (28). Poursuivons la citation de C.-A. Gilis : « Cette définition doit également être rappelée, car la confusion est grande sur ce point essentiel. Il s’agit, d’un côté, d’une “connaissance de la nature” primordiale, ou encore de l’ordre “physique” ou “cosmologique” opposée à l’ordre métaphysique ; de l’autre, des mystères qui “concernent seulement les possibilités de l’état humain” par opposition à ceux qui se rapportent à ce qui est au delà, c’est-à-dire la réalisation des états supra-individuels et surtout la réalisation métaphysique, qui seule importe véritablement. [En réalité, M. Gilis nous fait ici l’aveu d’un modernisme bien profane en voyant des « oppositions » là où il n’y a que différents aspects complémentaires de la doctrine et de la réalisation ; et, en fait de « confusion essentielle », il n’est pas difficile de se rendre compte que c’est lui qui la commet entre la Lumière du Prophète, et sa perception, somme toute, très sommaire. Du reste, suivant une dernière parole prophétique qui va nous ramener au début de notre étude, le Prophète a dit : « J’ai été conçu avant qu’Adam soit entre l’eau et l’argile ». Or, si on met en relation l’eau et l’argile avec les éléments qui leurs correspondent, on peut dire que l’Esprit muhammadien est créé d’air et de feu.] Cette seconde limitation est plus essentielle que la première, car elle tient, non pas à un état passager de dégénérescence auquel il serait possible de remédier, tout au moins en principe, mais bien à la constitution même de la Maçonnerie. Lorsque, dans le même chapitre, René Guénon écrit : “Nous devons insister sur le fait qu’une telle dégénérescence d’une organisation initiatique ne change pourtant rien à sa nature essentielle, et que même la continuité de la transmission suffit pour que, si des circonstances plus favorables se présentaient, une restauration soit toujours possible, cette restauration devant alors nécessairement être conçue comme un retour à l’état ‘opératif’” (29) on ne voit pas ce que ce retour pourrait signifier d’autre, en l’occurrence, que l’exercice traditionnel du métier de maçon ; ni par quel miracle l’initiation maçonnique pourrait ouvrir aux “grands mystères”, même au cas où cette hypothèse, qui apparaît à la fois comme la plus favorable et la plus improbable, était effectivement réalisée ».

Dans les faits, « le mot “opératif” ne doit pas être considéré exactement comme un équivalent de “pratique”, en tant que ce dernier terme se rapporte toujours à l’“action” (…) de sorte qu’il ne saurait être employé ici sans équivoque ni impropriété ; en réalité, il s’agit de cet “accomplissement” de l’être qu’est la “réalisation” initiatique, avec tout l’ensemble des moyens de divers ordres qui peuvent être employés en vue de cette fin ; et il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’un mot de même origine, celui d’“œuvre”, est aussi usité précisément en ce sens dans la terminologie alchimique » (30).

Dans le même ouvrage, Guénon précise d’ailleurs que l’hermétisme peut « fournir tout un symbolisme qui, par une transposition convenable, a pu même y servir parfois de véhicule à des vérités d’un ordre plus élevé (…) une telle transposition est en effet toujours possible, dès lors que le lien avec un principe supérieur et véritablement transcendant n’est pas rompu, et nous avons dit que le “Grand Œuvre” hermétique lui-même peut être regardé comme une représentation du processus initiatique dans son ensemble… » (ch. XLI, p. 261). Ce n’est pas parce que Michel Vâlsan n’avait pas vu cela que nous devons nous limiter à sa lecture contestable de l’œuvre de Guénon, car cette transposition constitue, en réalité, une des raisons profondes de toute une partie de celle-ci, comme l’aperçu que nous avons donné dans cette étude le montre clairement.

Quant à la limitation « spéculative », on peut encore dire qu’« en dehors de toute déviation, on peut toujours, d’une façon très exacte, appliquer les termes “opératif” et “spéculatif”, à l’égard d’une forme initiatique quelle qu’elle soit, et même si elle ne prend pas un métier comme “support”, en les faisant correspondre respectivement à l’initiation effective et à l’initiation virtuelle » (31).

Les citations tronquées dont M. Gilis donne l’exemple dans la partie d’un livre intitulée Les Maîtres akbariens, et dont le sous titre est René Guénon, montrent la légèreté avec laquelle il se sert de différentes autorités pour mieux asseoir la sienne ; et du point de vue de l’initiation, il ne fait aucun doute que la dégénérescence de la Maçonnerie n’a rien à envier à celle des « semi-profanes » qui font une identification toute « spéculative » entre la shariyah et la haqîqah.

Y. B.       


Notes :

(1) 1986, p. 68.

(2) Ch. XX, p. 163, n. 1.

(3) Marie en Islam, 1990, ch. V, p. 53.

(4) Ch. XXVIII, p. 188, n. 1. Dans la maçonnerie, ces considérations se rapportent au grade de compagnon. On peut noter que les éléments sont aussi en relation avec les cinq « grandes années » de 12 960 ans qui composent le Manvantara de 64 800 ans. On sait, par ailleurs, que le nombre 7 est en rapport avec les « cieux » et les « terres » qui « permutent », selon l’expression coranique (14, 48 : yubaddalu), autour de la montagne « sacrée » ; et on pourrait considérer que le « renversement des pôles » présente une certaine analogie avec le « retournement » initiatique, puisque dans l’ordre cyclique, la « Jérusalem céleste » correspondra au « Paradis terrestre » du cycle futur, et que dans l’ordre initiatique, le Ciel et la Terre servent aussi à désigner la tête et les pieds de l’« Homme véritable ».

(5) Initiation et Réalisation spirituelle, ch. XIX : Ascèse et ascétisme, pp. 159-160.

(6) Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, ch. IV : Le langage secret de Dante et des « Fidèles d’Amour » (I), p. 64.

(7) Dans Les Sept Étendards du Califat (1993), M. Gilis affirme que « nous sommes obligés de “croire” en Allâh » (p. 35), comme si il ignorait tout de l’intuition intellectuelle, et il parle aussi de « réalisation suprême » (p. 139, n. 8) pour désigner la servitude, confondant ainsi le moyen avec la fin. Dès lors, on peut comprendre qu’il refuse la distinction entre exotérisme et ésotérisme, sans tenir compte, d’une part, qu’il y a plus d’exotéristes que d’ésotéristes parmi les musulmans, et d’autre part, que les rites appartenant aux deux domaines ne sont pas du tout effectués de la même manière dans l’usage pratique.

(8) (1991) pp. 33-34.

(9) Ch. III, p. 27.

(10) Les Sept Étendards du Califat, p. 127.

(11) Les Sept Étendards du Califat, pp. 15, 64 et 308 ; signalons que le mot « vicaire » pour désigner le khalîfah est de Guénon (Symboles de la Science Sacrée, ch. XLV : El-Arkân, p. 282) et non pas de Vâlsan (ibid., p. 129, n. 3) ; cf. aussi Marie en Islam, ch. VII, p. 69.

(12) Là aussi l’incompréhension de C.-A. Gilis est flagrante, car il semble considérer cette polarisation comme une spécificité de certaines formes traditionnelles, sans autre précision (Les Sept Étendards, p. 129, n. 23), alors qu’elle concerne le domaine physiologique et que, de surcroît, elle est perceptible dans les phases préliminaires de l’initiation effective.

(13) Corpus Hermeticum, Tome I, p. 121. En considérant la réalisation comme une remontée des cycles, on pourrait faire un rapprochement entre le corps et l’âge de fer, le souffle et l’âge d’airain, l’âme et l’âge d’argent et l’intellect et l’âge d’or. D’après ces indications et celles figurant à la note (4), on peut aisément déduire que les 3 degrés de la maçonnerie bleue réalisent respectivement la « mesure » du Manvantara, suivant des modalités différentes. En outre, nous nous situons au milieu du Kalpa qui se compose de 7 Manvantaras descendants et de 7 Manvantaras ascendants ; et comme Guénon envisage « un double sens à la solidification », dont la descente de la « Jérusalem céleste » représente un aspect bénéfique, on peut se demander s’il n’y a pas dans notre localisation cyclique une réalité spirituelle d’une autre portée.

(14) L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XX, p. 164.

(15) Symboles de la Science sacrée, ch. VII : La Langue des Oiseaux.

(16) Ch. XXV.

(17) Études Traditionnelles, nos 428-429-430-431.

(18) Toutes ces citations sont tirées du no 430.

(19) On pourrait rappeler ici une autre tradition prophétique de l’islam suivant laquelle : « Les gens dorment et quand ils meurent [par la “troisième naissance”], ils se réveillent ».

(20) La Grande Triade, ch. VI.

(21) Symboles de la Science sacrée, ch. LX : La lumière et la pluie. Pour un enseignement similaire, voir aussi La Grande Triade, ch. XII, où Guénon fait un rapprochement entre la « pierre brute » et l’individualité, la « pierre cubique » et le Sel, et la « pierre cubique à pointe » et la « pierre philosophale ».

(22) Symboles de la Science sacrée, ch. XXV : Les pierres de foudre.

(23) Ibid., ch. XXXI : La montagne et la caverne.

(24) Initiation et Réalisation spirituelle, ch. XXXI : Les deux nuits, pp. 240-241.

(25) Ibid., p. 228 : La jonction des extrêmes.

(26) Symboles de la Science sacrée, ch. XVI : Les « têtes noires ».

(27) Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. II, cité dans Ordo ab chao, La Franc-Maçonnerie dans la Lumière du Prophète, pp. 44-45.

(28) Aperçus sur l’Initiation, ch. XXXIX, p. 251.

(29) Ibid., ch. XXIX, p. 196.

(30) Ibid., p. 195.

(31) Ibid., p. 197.







Courrier des lecteurs

Paru dans Vers la Tradition, no 118 (décembre 2009, janvier-février 2010).


Nous avons reçu de la part d’un lecteur la remarque suivante :

« (…) Le texte « L’alchimie et les quatre éléments »… attribue à Michel Vâlsan une position qu’il n’a pas. On y expose, en effet, page 64, un passage de René Guénon dans lequel il évoque la possibilité de transposer les données de l’hermétisme dans un ordre plus élevé – donc, dépassant le domaine des petits mystères – , et à cela on oppose une lecture contestable de l’œuvre de René Guénon par Michel Vâlsan qui n’aurait pas vu cette possibilité. Le problème est que cette affirmation est totalement fausse. Afin de prouver ce que j’avance, je vous donne ci-dessous les références qui conviennent…

Dans son article inachevé Les derniers hauts grades de l’Écossisme et la réalisation descendante, M. Vâlsan écrivait : « de même qu’il y a des initiations de caractère spécifiquement cosmologique, il peut y avoir des formes traditionnelles réduites, sinon par leur définition première, du moins, à certaines époques, par l’effet des vicissitudes cycliques, à un point de vue cosmologique, et dont le domaine normal est alors celui des “petits mystères” ». Il ajoutait en note, ce qui suit : « Un cas de ce genre est celui de l’hermétisme, en tant que réadaptation des traditions grecque et égyptienne, à l’époque alexandrine, dont le caractère cosmologique et d’initiation de l’ordre des “petits mystères” ne fait pas de doute (cf. René Guénon, Aperçus sur l’Initiation, ch. XLI), bien qu’une tradition de cet ordre devait se rattacher elle-même originellement et par ses principes à une doctrine réellement métaphysique, et que de ce fait une ouverture restait, malgré tout, possible, quoique de façon moins directe, pour ceux qui avaient les qualifications nécessaires, vers une réalisation de l’ordre des “grands mystères” » (Études Traditionnelles, 1953, p. 224).

Ainsi, dans la partie finale de sa note, M. Vâlsan envisageait-il une telle transposition. Plus exactement, et cela me semble particulièrement important à souligner, il parlait même, pour l’aspect doctrinal, d’un “rattachement” à la métaphysique, et, pour l’aspect initiatique, d’« une réalisation de l’ordre des “grands mystères” ». M. Vâlsan avait donc bien compris Guénon sur ce point précis, et il en tirait aussi des “applications” dans le domaine de la réalisation initiatique ».


Réponse de Y. B.

Nous nous sommes effectivement mal exprimé sur ce que Michel Vâlsan n’aurait pas vu, mais il envisage l’hermétisme gréco-égyptien comme un courant « mineur », comparable à l’aristotélisme, le néo-platonisme et la Kabbale ; et il nous semble que cette définition devrait plutôt correspondre à la « Kabbale chrétienne » ; tandis que Guénon parle principalement de l’hermétisme chrétien, qui a été véhiculé par différents courants initiatiques, lesquels occupent, au sein de l’ésotérisme, une position vraiment « centrale » puisqu’ils étaient en relation avec le Centre suprême, le symbolisme du « Temple de Salomon » et le « pouvoir des clés ».

Dès lors que les transpositions doctrinales qu’il opère peuvent être considérées comme un prolongement de ces courants, il n’y aurait eu aucun inconvénient à ce que Michel Vâlsan n’y fasse pas allusion, s’il ne s’était exprimé sur des questions relatives à l’Occident.

Seulement, nous devons dire que cet aspect de la doctrine concerne aussi le rôle des intermédiaires, tant sur le plan initiatique que sur celui de l’exposé des doctrines orientales, car c’est le premier qui ordonne le second ; et ce dernier pourrait même avoir un effet positif, bien que plus contingent, sur l’utilisation à rebours qui est faite de l’hermétisme, depuis l’apparition de l’occultisme dont l’inspiration n’est pas seulement pseudo-initiatique. Or, c’est dans le « domaine intermédiaire », qui est le sujet de notre précédent texte, que nous pouvons envisager une action sur la « minorité dirigeante » qui véhicule une idéologie dissolvante afin de nous entraîner insensiblement dans un « trou noir ». Nous ne savons pas ce que représente la prétendue « fonction » de René Guénon, mais sa conception unitive engage tous les ordres de réalité, sans en exclure aucun, parce qu’elle est initiatique et universelle et, comme ce domaine concerne aussi le passage dans le cycle à venir, tout cela ne peut décemment pas être qualifié de mineur.